Contenu associé

Décision n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011 - Saisine par 60 députés

Loi de finances pour 2012
Non conformité partielle

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Conseillers,

Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi de finances pour 2012.

1.- Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2012 :

Les députés auteurs de la présente saisine soutiennent en particulier que la loi déférée ne respecte pas le principe de sincérité.

Votre Conseil a indiqué à de multiples reprises que ce principe se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or le Gouvernement a précisément méconnu ce principe en retenant délibérément des prévisions économiques exagérément optimiste.

La loi de finances a été Initialement construite sur une prévision de croissance de 1,75 %.

Cette prévision de croissance a été partiellement révisée en cours d'examen de la loi de finance, à 1 %, conduisant à l'adoption d'une « mise à jour du Rapport économique social et financier » annexé au projet de loi de finances.

Or même ramenée à ce niveau, celle-ci demeure manifestement trop élevée au regard des éléments disponibles au moment du vote de la loi de finances.

La Commission européenne prévoit ainsi une croissance limitée à 0,6 %.

L'OCDE prévoit quand à elle une croissance limitée à 0,3 %.

Au-delà même de ces prévisions internationales, la note de conjoncture de l'Institut national de la statistique et des études économiques, achevée le 8 décembre, soit près de 2 semaines avant la lecture définitive la loi déférée et une semaine avant la nouvelle lecture à l'Assemblée, prouve l'optimiste exagéré des prévisions économiques du Gouvernement.

A titre d'exemple, l'acquis de croissance de la demande mondiale adressée à la France à l'issue du second semestre 2012 serait de 0,6 % selon l'INSE, la prévision gouvernementale pour 2012 s'établissant à 4 % dans la mise à jour du RESF.

S'agissant de l'investissement des entreprises, l'INSEE prévoit un acquis de croissance négatif (-1,1 %) à l'issue du premier semestre tandis que le Gouvernement table sur une croissance de 2,2 % pour l'ensemble de l'année.

Surtout, l'acquis de croissance du PIB devrait être nul à la mi-année selon l'INSEE. Dans ces conditions, persister à retenir une croissance de 1 % sur l'ensemble de l'année revient à espérer une hausse très forte de l'ensemble de l'activité, hausse dont rien ne vient soutenir l'hypothèse.

Les prévisions de croissance du Gouvernement sont donc caractérisées par leur caractère démesurément optimiste, alors même qu'elles ont un impact direct et important sur la prévision de recettes et donc sur l'équilibre de la loi déférée.

Comme l'a récemment indiqué Madame la Ministre du budget (lors de son audition du 9 novembre 20 Il), « un point de croissance en moins représente un peu moins de 1 0 milliards d'euros de perte de recettes. »

En conséquence, il est évident que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement conduit à fausser de plusieurs milliards l'équilibre de la loi déférée.

Un tel écart est très important, particulièrement au regard de votre décision DC 2011-642 lors de laquelle vous avez décidé que le respect du principe de sincérité justifiait l'introduction de dispositions méconnaissant la règle dite « de l'entonnoir », afin de contribuer, à hauteur de 59M€, à rétablir un équilibre qui aurait sans elles été dégradé d'environ 1,1 milliard d'euros.

Le respect du principe de sincérité n'étant pas optionnel, le Gouvernement aurait dû, comme pour la loi de financement de la Sécurité sociale, modifier avant la fin de la discussion de la loi déférée sa prévision de croissance et en conséquence prendre les mesures correctives nécessaires.

Si votre Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement, ne pas reconnaître l'insincérité de cette prévision et donc de la loi de finances reviendrait à reconnaître au Gouvernement le droit d'améliorer facticement l'équilibre de la loi de finances au moyen de prévisions délibérément optimistes.

Il appartient donc à votre Conseil de reconnaître le caractère insincère de cette loi de finances pour 2012.

Il.- Sur les articles 26 et 27 relatifs à la taxation des boissons sucrées et contenant des édulcorants de synthèse :

1. A l'origine, le projet de loi de finances pour 2012 comportait un article 46 qui tendait à instituer une contribution nouvelle touchant les boissons contenant des sucres ajoutés. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, cette disposition a été déplacée (1) de la seconde partie du projet vers la première, devenant l'article 5 octies et définitivement l'article 26. Il en résulte un doublement du taux de la taxe et il a été ajouté une autre disposition qui frappe, elle, les boissons contenant des édulcorants de synthèse, qui figure désormais à l'article 5 nonies, devenu article 27.

Le produit de la première de ces deux taxes (article 26) est affecté pour moitié à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, tandis que celui de la seconde, faute de précision contraire, abondera le budget général.

Ces dispositions ont ceci en commun qu'elles sont l'une et l'autre contraires à la Constitution telle que l'interprète le Conseil constitutionnel.

2. Premièrement, celui-ci prend soin de souligner, chaque fois que pertinent, « qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette et le taux, sous réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle »(2), rappelant ainsi l'étendue, très large, de la compétence législative.

Deuxièmement, il admet sans difficulté que des impositions puissent poursuivre d'autres finalités que celles de leur seul rendement. Ainsi a-t-il considéré que « le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs »(3).

De même accepte-t-il qu'une imposition puisse rechercher à la fois un objectif de rendement et un objectif de comportement puisqu'il a eu l'occasion de relever, sans y voir matière à objection, « qu'il ressort des travaux préparatoires que la taxe critiquée a pour objet non seulement de contribuer au financement de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, mais également de rééquilibrer les conditions de concurrence entre circuits de distribution des médicaments, au motif que les grossistes répartiteurs de médicaments sont soumis à des obligations de service public qui ne s'imposent pas aux laboratoires pharmaceutiques » (4).

Enfin, d'une manière plus générale, il juge que « conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables » (5).

3. Mais, en tout état de cause et de quelque liberté que jouisse le Parlement, le Conseil rappelle constamment que « en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ».

C'est en décembre 1989 (6) que cette exigence s'est trouvée formulée pour la première fois et on la retrouve dans de très nombreuses décisions. Le juge, de plus, a enrichi ce qu'il avait déjà considéré à partir de 1989, en prolongeant la proposition pour préciser que c'est « en fonction des buts qu'il se propose » (7) que l'appréciation du législateur doit être fondée sur des critères objectifs et rationnels.

C'est donc à cette lumière que doivent s'analyser les dispositions ici en cause.

A cette aune, il ne fait aucun doute que les articles 26 et 27 de la loi de finances pour 2012 méconnaissent les principes ainsi définis.

4. Il résulte de ces derniers, tout d'abord, que le législateur, lorsqu'il use du large pouvoir qui est le sien, ne peut instituer de prélèvements sélectifs que dans le « respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle », donc à condition de pouvoir justifier le périmètre de la mesure, sauf à porter atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques.

Aussi bien, en l'occurrence, gouvernement et Parlement ont-ils invoqué le principe de protection de la santé publique, désormais mobilisé pour les finalités les plus variées, et la lutte contre l'obésité.

Ainsi ces taxes, et surtout la première d'entre elles, ont-elles été continument présentées au cours des débats comme ne poursuivant pas un objectif de rendement mais une finalité de comportement : en accroissant la fiscalité sur les produits en cause, on cherche « à dissuader le consommateur et à l'orienter vers d'autres types de boissons » (8).

Les intervenants ont été d'autant plus insistants sur cet aspect qu'ils avaient conscience de ce que, faute d'une telle motivation, la taxation serait arbitraire et censurée comme telle. Ainsi, le gouvernement a lui-même évoqué à plusieurs reprises le risque d'inconstitutionnalité pendant la discussion parlementaire à l'Assemblée nationale.

Or, le premier problème est qu'il ne s'agit là que d'un simple prétexte qui dissimule, mal, la volonté de lever des recettes nouvelles, volonté qui peut être louable en elle-même mais ne saurait aller jusqu'à autoriser des impositions discriminatoires.

5. Le fait qu'il ne s'agisse que d'un prétexte est établi par le projet lui-même et les débats auxquels il a donné lieu.

En effet, comme l'indique l'évaluation préalable de l'article 46 initial du projet de loi de finances pour 2012, présentée conformément au 8 ° de l'article 51 de la LOLF, le rendement a été« estimé sur la base d'une assiette reconstituée à partir de données de consommation de 2010 » (9).

Par la suite, dans l'ensemble des travaux préparatoires, ont été évoqués des chiffres, relatifs au rendement attendu des mesures, assis sur une consommation strictement identique à ce qu'elle est aujourd'hui. Le législateur lui-même postule ainsi l'impuissance des mesures qu'il vote à réaliser, fût-ce en partie seulement, la finalité prétendument poursuivie.

Le niveau du produit attendu n'est pas tel qu'une évaluation erronée puisse retentir sur l'équilibre général de la loi de finances, mais son mode de calcul oblige à constater que l'on est, en réalité, en présence d'une taxation de rendement, étrangère à toute préoccupation réelle de la santé publique, et ne pouvant donc utilement exciper de celle-ci.

Ainsi, avant même de démontrer que cette taxation n'est ni objective ni rationnelle au regard du but qu'elle prétend se donner, il ressort des travaux préparatoires, objectivement, rationnellement et même arithmétiquement, que ce but lui-même n'est qu'un simple prétexte et qu'il doit être appréhendé comme tel.

Dans ces conditions, les dispositions en cause devraient être censurées comme instituant une taxation purement et simplement arbitraire parce que frappant sélectivement des boissons pour lesquelles aucune finalité légitime et identifiée ne justifierait ce sort funeste,

6. Mais il y a plus, toujours à propos du but affiché.

Celui-ci tend, on l'a rappelé, à orienter le consommateur « vers d'autres types de boissons » que celles qui contiennent des sucres ajoutés.

Mais ces dernières, que caractérise justement le fait qu'elles sont « light » ou « sugar free », utilisent des édulcorants de synthèse. Logiquement soustraites à la disposition du projet initial, les voici rattrapées par le nouvel article 27 qui leur étend la même contribution, au même taux.

Qu'aucune justification de santé publique ne soit ici présente est, en soi, un aspect qui mérite d'être souligné. Surtout, gouvernement et Parlement adoptent ainsi une attitude qui confine à l'absurde.

D'un côté, ils décident de taxer les boissons sucrées pour, sous prétexte de santé publique, en dissuader la consommation. D'un autre côté et dans le même temps, ils taxent également, et au même niveau les boissons qui sont leurs substituts.

En d'autres termes, l'article 46 initial avait une apparence de raison. La coexistence des articles 26 et 27 est, elle, tout à fait contradictoire et achève de convaincre de l'inanité du motif d'intérêt général faussement avancé.

7. L'absence de réelle justification d'intérêt général, manifeste en ce qui concerne les boissons incorporant des édulcorants de synthèse, démontrée en ce qui concerne celles qui comportent des sucres ajoutés, ne laisse donc subsister que le caractère arbitraire des deux taxations instituées.

Ce n'est pas non plus du côté de leur destination que pourrait apparaître un fondement acceptable.

Premièrement, le fait qu'une contribution en réalité étrangère à la santé publique voie la moitié de son produit affectée à la CNAM ne saurait naturellement suffire à la faire relever du 11ème alinéa du préambule de 1946. Deuxièmement, la volonté du législateur d'utiliser une partie de ces ressources afin d'alléger le coût salarial du travail agricole est sans aucun rapport avec les consommations sur lesquelles les taxes seraient assises non plus qu'avec le souci de la santé publique.

Dans ces conditions, c'est le principe même de ces taxes qui est contraire à la Constitution, avant même d'examiner leurs modalités, faute qu'existe la moindre justification tangible à ces impositions sélectives et, de ce fait, arbitraires.

8. S'agissant ensuite des critères sur lesquels ces impositions sont fondées, on sait qu'il leur faut être à la fois objectifs et rationnels. On constatera aisément qu'ils ne sont ici ni l'un ni l'autre.

Sur le caractère objectif du critère retenu, dès lors qu'il s'agit de dissuader la consommation de sucres ajoutés, c'est la quantité de ces derniers qui, en bonne logique, devrait constituer l'assiette de la taxation. Il en va d'autant plus ainsi que, parmi les boissons visées par l'article 26, existent des différences très substantielles.

Pourtant, la taxe frapperait indistinctement toutes les consommations supérieures au seuil fixé. On sait que, partout où des seuils sont pertinents, leur institution produit néanmoins des effets qui peuvent être discutables et que c'est là une conséquence inévitable qui, en elle-même, n'est pas inconstitutionnelle.

Toutefois, au cas présent, c'est bien du sucre ajouté qu'il s'agit, et de lui seul, de sorte que la fixation paresseuse d'un seuil au-delà duquel tous les produits sont traités de la même manière n'est nullement objective : au regard de leur teneur en sucre, toutes les boissons visées ne se valent pas et il s'en faut de beaucoup.

Autant, dans le domaine social, peuvent s'appliquer par exemple des seuils de salariés par lesquels on tente, avec plus ou moins de réussite, de distinguer petites, moyennes et grandes entreprises, autant il est aussi possible, dans le même esprit, de retenir des seuils de chiffres d'affaires, autant, en revanche, on ne saurait décider, en matière de fiscalité du revenu par exemple, qu'un seuil bas autorise ensuite à imposer de la même manière tous ceux qui le franchissent.

9. A cela, le gouvernement croit avoir répondu par avance lorsque, dans son évaluation de la disposition, il estime que « le principe d'une taxation au poids ou pourcentage de sucres ajoutés contenus dans le produit n'a pu être retenu dès lors qu'il n'existe aucune obligation au plan communautaire (non plus qu'au plan national) pour les opérateurs d'indiquer sur leurs produits le poids ou la part de sucres ajoutés » (10).

Rien n'interdisait au Parlement d'imposer aux assujettis de déclarer le poids ou la part de sucres ajoutés et de les taxer en fonction de cela. Non seulement il le pouvait mais il le devait puisque c'était la condition de la conformité à la Constitution.

D'une manière générale, lorsque l'assiette d'une contribution est une quantité, soit celle-ci est connue, soit obligation est faite à ceux qui y sont assujettis de la déclarer. L'on ne peut à la fois constater l'absence, facilement remédiable, d'une telle déclaration pour, ensuite, l'invoquer afin de justifier un dispositif sans objectivité. C'est pourtant ce qu'a fait le Parlement, ce qui a autorisé à parler ici de la fixation paresseuse d'un seuil, et l'on pourrait dire, paraphrasant Rousseau : le respect de la Constitution ou le repos, il faut choisir.

10. Outre qu'elle n'est pas objective, la taxe instituée par l'article 26 n'est pas non plus rationnelle.

Toujours en acceptant, pour les seuls besoins de la discussion, de prendre au sérieux le prétexte invoqué, celui-ci prétend traquer le sucre, vecteur supposé de nutrition déséquilibrée et d'obésité.

Premièrement, il n'est pas indifférent de rappeler que le sucre n'est pas que cela. Il est d'abord un élément nutritionnel et calorique indispensable à la santé. Comme tous les autres éléments de même type, c'est l'excès qui doit en être combattu, mais pas la consommation elle-même. De ce fait, ceux qu'une taxation voulue comme dissuasive aura découragés de consommer les boissons en cause devront trouver ailleurs le sucre dont ils ont besoin sans, de ce fait, que diminue la quantité d'absorption de ce dernier.

Deuxièmement surtout, sont laissés à l'écart de cette taxation toutes sortes de produits dans lesquels des sucres ajoutés sont substantiellement plus présents. Qu'il s'agisse de certains jus de fruits mais aussi de boissons lactées, notamment chocolatées, de très large consommation, ces produits ne sont pas touchés par la disposition.

Aujourd'hui, les boissons concernées par le dispositif ne représentent en apports caloriques, pour les enfants de 6 à Il ans ou pour les adolescents, que 2 % et 3,40 % respectivement contre 7,70 % et 4,70 % pour les boissons lactées.

Et encore ne sont évoquées ici que les seules boissons mais si l'on se tourne vers les produits solides, la liste est très longue de ceux qui peuvent jouer un rôle beaucoup plus déterminant en matière d'obésité et qui, pourtant, ne font l'objet d'aucune taxation particulière.

La même remarque vaut également pour l'article 27 dans la mesure où l'on cherche en vain la rationalité qui s'attacherait à ce que la présence d'édulcorants de synthèse, au demeurant considérés comme bénéfiques en termes de santé publique, déclenche l'application d'une taxation spécifique.

11. En réalité, sous couvert de santé publique, comme souvent, c'est d'abord le souci du rendement qui motive les auteurs de la mesure, comme en atteste, au demeurant, la prolifération des taxes en tous genres, sur les assiettes les plus variées, dont les lois de finances et de financement de la sécurité pour 2012 offrent un impressionnant catalogue.

Cette caractéristique s'illustre particulièrement dans la manière dont ces taxes sont défendues. D'un côté, en effet, leurs auteurs clament leur volonté dissuasive, sur un ton presque martial, cependant que, d'un autre côté, ils insistent également sur la modicité des montants, paraissant ne pas avoir conscience de ce que ceci a de contraire à cela.

Or, l'impact économique de la mesure mérite d'être mentionné. Le gouvernement se flatte de ce que l'impact serait seulement de 10 centimes sur une bouteille d' 1,5 litre, lesquels ne seront certes pas négligeables pour les ménages à bas revenus, qui sont également ceux qui consomment généralement le plus d'aliments et de boissons à haute teneur énergétique.

12. En dernier lieu, on doit observer que, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, un amendement a été adopté à l'article 26 (5 octies) qui exclut de la contribution « les denrées destinées à des fins médicales spéciales ainsi que les aliments hyper protéinés destinés aux personnes dénutries ». Ceci n'a rien que de très justifié.

Mais, il se trouve que, dans le même temps, a été rejeté un autre amendement, à l'article 27 (5 nonies), qui proposait d'exclure de la même manière «les préparations pour nourrissons et préparations de suite, les aliments lactés destinés aux enfants en bas âge, les préparations à base de céréales et aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas-âge, les aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales et les aliments hyper protéinés destinés aux personnes dénutries.

De ce fait, on aboutit à cette situation étrange dans laquelle les personnes atteintes de diabète pourront bénéficier de produits non assujettis à la contribution cependant que les personnes atteintes d'anémie devront payer plus chers les produits qu'elles consomment. Il s'agit là d'une nouvelle discrimination, de nouveau contraire au principe d'égalité.

13. Ainsi, sous quelque angle qu'on les aborde, les deux dispositions en cause sont gravement attentatoires au principe d'égalité devant les charges publiques.

Celle sur les boissons comportant des sucres ajoutés prétend se justifier par une préoccupation de santé publique en réalité absente ou, au mieux, inconsistante. Elle est fondée sur ces critères qui ne sont ni objectifs ni rationnels et produirait des conséquences économiques graves, tant pour les producteurs que pour les consommateurs les plus démunis.

Celle sur les boissons comportant des édulcorants de synthèse ne revendique aucun but d'intérêt général autre que celui de produire un rendement en frappant des boissons que rien ne singularise au regard de l'objet de la mesure.

L'une et l'autre sont de plus contradictoires. Ni l'une ni l'autre, en conséquence, ne saurait échapper à la censure.

(1) A vrai dire, il s'agit d'un second déplacement, le premier s'étant produit lorsque le masure à été insérée dans le projet de loi de finances après qu'elle avait été annoncée comme devant figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(2) Par exemple, décision 2002-464 De du 27 décembre 2002, considérant n° 19.

(3) Décision 2009-599 De du 29 décembre 2009, considérant n° 80.

(4) Décision 97-393 De du 18 décembre 1997, considérant n° 15.

(5)Par exemple, décision 2000-441 De du 28 décembre 2000, considérant n° 34.

(6) Décision 89-270 De du 29 décembre 1989, considérant n° 4.

(7) Par exemple, décision 95-369 De du 28 décembre 1995, considérant n° 9.

(8) Exposé des motifs de l'article 46 initial du projet de loi de finances pour 2012.

(9) Evaluation. . . , p. 207.

(10) Evaluation. . . , p. 206.