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Décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 - Observations du gouvernement

Loi de modernisation sociale
Non conformité partielle

La loi de modernisation sociale, adoptée le 19 décembre 2001, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de 60 sénateurs et par plus de 60 députés. Leurs recours invoquent de nombreux moyens qui, pour la plupart, mettent en cause, à divers titres, l'exercice de sa compétence par le législateur.
Tantôt il lui est reproché d'être allé au-delà : c'est le cas des critiques adressées à l'article 40 de la loi, à propos desquelles on se bornera à observer que l'organisation d'une simple concertation avec les organisations syndicales, portant sur l'élection des représentants des salariés dans les conseils d'administration des caisses de sécurité sociale, ne constitue nullement une injonction qui serait adressée par le législateur au Gouvernement en méconnaissance des prérogatives que la Constitution attribue à ce dernier.
Mais, pour l'essentiel, les parlementaires requérants font grief au législateur d'être demeuré en-deçà de sa compétence, que ce soit au regard des dispositions de l'article 34 de la Constitution, ou plus généralement, de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, énoncé par la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, et auquel les auteurs des recours voudraient donner la portée la plus extensive.
Cette argumentation, adressée à la plupart des dispositions soumises au Conseil constitutionnel, conduit le Gouvernement à observer, à titre liminaire, que, dans la matière du droit du travail dont relèvent, pour l'essentiel, les articles critiqués, la compétence du législateur se limite à la détermination des seuls « principes fondamentaux ». La Constitution n'impose donc pas que le législateur fixe lui-même les règles dont il pose les principes.
De même faut-il rappeler que, contrairement à ce que peuvent connaître des systèmes juridiques différents du nôtre, il n'est pas d'usage, en droit français, que le législateur fasse suivre chacun des termes qu'il emploie d'une définition précise : il appartient à tous ceux à qui la loi s'impose - et en dernière analyse aux juridictions, comme le leur prescrit le principe énoncé à l'article 4 du code civil - d'en faire application, conformément aux règles bien établies qui gouvernent l'interprétation des textes législatifs. Contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants, ces principes traditionnels ne sont pas remis en cause par la jurisprudence qui a consacré le caractère constitutionnel de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
En réalité, il n'y a effectivement lieu à censure au titre de la méconnaissance, par le Parlement, de la compétence que lui assigne la Constitution - outre les cas où il renverrait au décret le soin d'édicter des normes ne relevant que de la loi - qu'en présence d'un texte qui serait entaché d'obscurité ou de contradiction au point que, toute interprétation raisonnable s'avérant impossible, le législateur ne pourrait alors être regardé comme ayant effectivement posé une règle.
Tel n'est pas le cas du texte déféré, qui n'encourt pas davantage les autres critiques formulées par les auteurs des recours, ainsi qu'il sera démontré ci-après en examinant successivement les articles relatifs aux droits des salariés, puis les autres dispositions contestées.

I - Sur les articles 96 et 112
A) Les articles 96 et 112 de la loi de modernisation sociale apportent plusieurs modifications à l'article L 321-4-1 du code du travail.
L'article 96 y insère des dispositions prévoyant que, avant l'établissement du plan social - désormais dénommé plan de sauvegarde de l'emploi - et sa communication aux représentants du personnel, l'employeur doit en principe avoir conclu un accord sur la réduction du temps de travail ou, à défaut, avoir engagé des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord dans des conditions, que la loi détaille, garantissant le caractère sérieux et loyal de ces négociations. Le texte précise aussi les conséquences de la méconnaissance de ces obligations.
De son côté, l'article 112 de la loi déférée précise les mesures que peut contenir le plan.
Les parlementaires requérants reprochent à l'article 96 de méconnaître le principe d'intelligibilité de la loi en n'indiquant pas expressément si la méconnaissance de l'obligation de mise en place des 35 heures est une condition de validité du plan social et si son inobservation rend nulles et de nul effet les procédures de licenciements subséquentes. Les sénateurs voient aussi dans ce dispositif une rupture de l'égalité des entreprises devant la loi, selon qu'elles disposent ou non de délégués syndicaux susceptibles de négocier un accord sur la réduction de la durée du travail.
S'agissant de l'article 112, les sénateurs lui font grief de méconnaître le principe de clarté et d'intelligibilité de la loi en ne précisant pas les conditions de la nullité qui résulte de l'actuel second alinéa de l'article L 321-4-1 du code du travail.
B) Ces moyens ne sont pas fondés.

  1. Le législateur, qui a tenu compte des objections formulées à l'encontre du dispositif initialement introduit dans la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, n'avait pas à traiter précisément le cas d'un éventuel recours d'un salarié, invoquant, en l'absence d'action du comité d'entreprise, la nullité de la procédure de licenciement résultant de l'absence d'accord ou de tentative d'accord pour mettre en place les 35 heures dans l'entreprise.
    En effet, s'agissant d'une sanction à caractère civil concernant le non respect d'une procédure de licenciement collectif, il est logique que la faculté de saisir le juge ait été confiée au comité d'entreprise. Celui-ci a en effet vocation, selon les articles L 432-1 et L 321-4 du code du travail, à être consulté, d'une part, sur l'organisation, la gestion, la marche générale de l'entreprise et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume et la structure des effectifs, d'autre part sur le contenu des plans sociaux. Il faut en outre souligner que la négociation prévue par les nouvelles dispositions de l'article L 321-4-1 constitue un préalable au plan de sauvegarde de l'emploi. L'obligation dont la méconnaissance peut être portée devant le juge prend ainsi place en amont de la procédure.
    La loi a entendu définir en cette matière un régime contentieux autonome conférant au juge, statuant en la forme des référés, le pouvoir de suspendre la procédure dans un premier temps puis, dans un second temps, d'en prononcer la nullité en cas de maintien de l'irrégularité. Le but est ainsi de pouvoir purger la procédure de son éventuelle irrégularité, en amont, c'est-à-dire au moment le plus adéquat. C'est dans cette seule hypothèse qu'il y aura nullité, celle-ci intervenant ainsi à un stade où, en principe, la procédure n'aura pas encore pu déboucher sur des licenciements.
    Pour le surplus, le législateur n'avait pas à rappeler explicitement la faculté pour un salarié de se prévaloir ensuite, devant le juge du contrat de travail, de la violation de l'obligation ainsi prévue par la loi. Cette possibilité existe naturellement mais, faute de disposition expresse en ce sens, cette violation ne sera pas sanctionnée a posteriori par la nullité de la procédure et l'obligation de réintégration qui en découlerait et dont le champ est désormais clairement circonscrit par la nouvelle rédaction donnée au premier alinéa de l'article L. 122-14-4 par l'article 111 de la loi. Cette violation se traduira seulement, le cas échéant, par l'octroi d'indemnités pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, dans les conditions du droit commun.
    De même la loi n'avait-elle pas à préciser qui peut saisir le juge pour qu'il ordonne la reprise d'une procédure de licenciement suspendue : dans la majorité des cas, le juge, qui doit préciser le délai de la suspension fixera la date de l'audience permettant de vérifier si l'entreprise s'est acquittée de son obligation ; s'il ne l'a pas fait, toute personne y ayant un intérêt pourra agir en ce sens, conformément au droit commun,.
    C'est par ailleurs à tort que les parlementaires requérants soutiennent que la loi devrait préciser la durée des suspensions de procédure qui peuvent être ordonnées par le juge. Il apparaît au contraire plus pertinent de laisser à ce dernier le soin de déterminer les délais nécessaires pour établir la réalité de l'engagement de démarches en vue de tenter d'obtenir un accord sur la réduction du temps de travail. L'absence de délai préfix permet au juge d'adapter ce délai à la situation de chaque entreprise, ce qui présente pour l'employeur une garantie supplémentaire de réunir toutes les conditions nécessaires au respect de ces obligations.
  2. L'article 96 ne crée aucune rupture de l'égalité entre les entreprises, selon qu'elles disposent ou non de délégués syndicaux aptes à négocier un accord.
    Comme le relève le recours des sénateurs, seules les entreprises d'au moins 50 salariés sont tenues d'accepter la désignation de délégués syndicaux en application des dispositions de l'article L 412-11 du code du travail. Ce seuil d'effectif est aussi celui à partir duquel l'établissement d'un plan est obligatoire en cas de licenciement d'au moins 10 salariés en 30 jours, en application des dispositions des articles L 321-2 tel que modifié par la loi déférée et L 321-4-1.
    Mais il est clair que la méconnaissance des obligations qui résultent, pour l'employeur, des dispositions introduites par l'article 96 ne pourra être utilement invoquée que pour autant que cette carence lui sera imputable. L'absence d'accord ou d'engagement de négociations ne saurait faire obstacle à ce que l'employeur poursuive la procédure et établisse le plan de sauvegarde de l'emploi, s'il se trouve en présence d'une formalité impossible, c'est-à-dire si cette absence ne provient que de l'absence de désignation de délégués syndicaux par les organisations syndicales représentatives.
  3. Enfin il est clair que, contrairement à ce que soutient le recours des sénateurs, la modification apportée par l'article 112 au contenu du plan n'avait pas à s'accompagner d'un rappel des conséquences qui résultent du défaut des mesures prévues par l'article L 321-4-1.
    En effet, ce défaut est d'ores et déjà sanctionné par la nullité énoncée jusqu'ici au deuxième alinéa de cet article, devenu le cinquième par l'effet de l'article 96 qui introduit trois alinéas nouveaux après le premier. La nullité ainsi prévue ne concerne, d'après les termes mêmes de cet alinéa, que le défaut de « plan visant au reclassement des salariés s'intégrant au plan social », devenu plan de sauvegarde de l'emploi. La loi n'apporte à cet égard aucun changement.

II - Sur les articles 97 et 98
A) Les articles 97 et 98 introduisent, dans les dispositions du code de commerce relatives aux sociétés, deux articles prévoyant que les décisions les plus importantes, susceptibles d'entraîner un nombre élevé de licenciements, devront être éclairées par une étude d'impact social et territorial visant précisément l'analyse de leurs effets. Il s'agit de permettre aux instances dirigeantes des entreprises de prendre en compte, au niveau d'un territoire, les coûts directs et indirects qui s'attachent à des fermetures d'établissement, de cessation d'une activité déterminée, ou aux projets stratégiques de développement de l'entreprise.
Selon les requérants, les notions « d'établissement » et « d'entité économique autonome » employées à l'article 97, et celle de « développement stratégique », figurant à l'article 98, sont imprécises.
B) Ces griefs sont dépourvus de fondement.

  1. S'agissant de l'article 97, et comme les requérants le relèvent eux-mêmes, les notions qu'il utilise ont fait l'objet de précisions apportées par la jurisprudence.
    Celle-ci est, en particulier, venue préciser la portée du terme « établissement », fréquemment employé dans la législation sociale, sans qu'il ait jamais été nécessaire de l'accompagner d'une définition explicite et sans que la concision de la loi ait été source d'insécurité.
    S'il est exact que les critères retenus par la jurisprudence pour définir cette notion peuvent varier, c'est afin de tenir compte de l'objet des dispositions que le juge a à interpréter. Ainsi, pour l'élection des délégués du personnel et la désignation des délégués syndicaux, la Cour de cassation recherche le cadre le plus approprié à l'exercice de leur mission, ce qui conduit à relativiser le critère de l'étendue du pouvoir de décision du responsable de l'entreprise présent sur place.
    Mais de manière générale, et notamment pour l'application des textes sur les comités d'entreprise, la jurisprudence considère comme établissement distinct toute entité dotée de suffisamment d'autonomie pour que le comité puisse exercer ses attributions, ce qui conduit à mettre en oeuvre trois critères : une implantation géographique distincte ; un caractère de stabilité ; le degré d'autonomie dont dispose le responsable de l'établissement dans la gestion de celui-ci et, plus particulièrement, dans la gestion du personnel.
    En l'espèce, au regard de l'objet du texte qui concerne, tout comme les dispositions relatives aux comités d'entreprise, les questions relatives à l'emploi, c'est à cette dernière notion, définie par cet ensemble de critères, que le législateur a entendu se référer.
    De son côté, l'expression « entité économique autonome » est également dépourvue d'ambiguïté : elle renvoie ainsi à la notion utilisée par la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, et se traduit par « un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ».
  2. Quant à l'étude d'impact prévue par l'article 98, on voit mal quels termes la loi aurait dû employer pour définir plus précisément son champ d'application.
    La mise en oeuvre de ce texte dépendra des modalités propres à chaque opération, notamment de ses conséquences sur le personnel déjà en poste, qui peuvent varier considérablement selon que des modifications sont proposées ou imposées au personnel et selon qu'elles portent ou non sur des avantages acquis par les salariés.
    S'agissant plus particulièrement de « l'importance du projet », on observera que l'article L 432-2 du code du travail prévoit, d'ores et déjà, que le comité d'entreprise doit être consulté sur tout « projet important d'introduction de nouvelles technologies », sans que l'emploi de ce même terme par le législateur ait suscité des difficultés d'application. La Cour de cassation a jugé que l'obligation prescrite par cet article s'appréciait nécessairement en fonction des modifications que le projet comporte et des conséquences qu'il peut avoir sur les conditions d'emploi du personnel.

III - Sur l'article 100
A) Cet article insère dans le code du travail un nouvel article L 431-5-1 venant compléter les dispositions relatives à l'information des membres du comité d'entreprise.
Actuellement, les principes relatifs à l'information et à la consultation des représentants du personnel en matière d'organisation, de gestion et de marche générale des entreprises sont définis par les articles L 431-5 et L 432-1. Ces deux articles posent le principe d'une consultation du comité d'entreprise préalablement à toute décision du chef d'entreprise dans ces domaines.
En l'état actuel du droit, aucune obligation n'est faite au chef d'entreprise d'informer le comité d'entreprise en cas d'annonce publique, dès lors que cette annonce ne peut être assimilée à une décision. L'article 100 de la loi de modernisation sociale a pour objet de compléter ces dispositions en définissant les principes de l'information des représentants du personnel en cas d'annonce publique du chef d'entreprise. Le texte distingue deux cas :
- si l'annonce porte exclusivement sur la stratégie de l'entreprise et si ses mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, le comité d'entreprise peut se réunir de plein droit à sa demande dans les quarante-huit heures suivant l'annonce ;
- si l'annonce porte sur un projet dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, le comité d'entreprise doit être informé préalablement à l'annonce.
Le nouvel article L 431-5-1 prévoit également, dans certains cas, l'information des membres du comité de groupe et du comité d'entreprise européen.
Les saisines des députés et des sénateurs jugent cette disposition imprécise, ce qui se heurterait au principe de clarté et d'intelligibilité de la loi et, s'agissant de dispositions pénalement sanctionnées, méconnaîtrait l'obligation qui pèse sur le législateur de définir de façon précise et complète les éléments constitutifs de l'infraction.
B) Ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

  1. En premier lieu, le texte n'a rien d'ambigu.
    La rédaction traduit la volonté du Parlement de retenir un critère clair de détermination de l'obligation d'information du comité d'entreprise : soit l'annonce porte exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et ses mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, et dans ces conditions l'information du comité d'entreprise est postérieure à l'annonce ; soit l'annonce porte sur un projet dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés, et l'information du comité d'entreprise doit précéder l'annonce.
    Le critère déterminant est donc celui des conséquences plus ou moins importantes du projet pour les conditions de travail ou d'emploi des salariés de l'entreprise. Comme il a été dit à propos de l'article 98, le code du travail contient déjà, en matière de consultation du comité d'entreprise, des dispositions rédigées de façon semblable, sans que leur interprétation ait suscité des difficultés particulières.
    En l'espèce, la loi pouvait difficilement être plus précise, dans la mesure où l'importance des conséquences varie en fonction de l'entreprise. Cette expression est en outre à rapprocher de celle figurant à l'article L 439-15, qui vise des circonstances exceptionnelles qui « affectent considérablement les intérêts des salariés ».
    Quant aux termes « le cas échéant », ils sont également dépourvus d'ambiguïté : le nouvel article L 431-5-1 ne pouvant être appliqué qu'en coordination avec les dispositions relatives au comité d'entreprise européen, il entend seulement viser par là le cas où ce comité existe et où il est compétent, au regard des règles issues de la directive CE 94/45 du 22 septembre 1994, transposée par la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996.
    Aucun chef d'entreprise ne peut méconnaître l'impact probable d'une annonce sur ses salariés et leurs conditions de travail et d'emploi ni, par conséquent, ignorer s'il se situe dans l'une ou l'autre des hypothèses visées par le nouvel article L 431-5-1. L'employeur ne peut non plus ignorer le champ de compétence du comité européen éventuellement institué au sein de son entreprise. C'est donc en vain qu'il est reproché à la loi de ne pas permettre aux chefs d'entreprises de déterminer précisément leurs obligations d'information.
    S'agissant des modalités de cette information, la loi institue clairement une procédure spécifique pour chacune des hypothèses visées à l'article L.431-5-1. Il s'agit donc d'une loi spéciale qui déroge aux règles générales posées par le livre IV du code du travail, en ce qui concerne notamment les délais de convocation ou l'établissement de l'ordre du jour.
    S'agissant enfin du comité compétent en cas d'entreprise à établissements multiples, le code du travail précise déjà, à l'article L 435-3, que les attributions économiques relatives à la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les compétences d'un chef d'établissement sont exercées par le comité central d'entreprise. Il n'existe donc pas d'incertitude à cet égard.
  2. En deuxième lieu, et dès lors que les obligations de l'employeur sont clairement énoncées, le principe de légalité des délits et des peines n'est pas méconnu.
    A cet égard, la nouvelle obligation d'information posée par la loi n'est pas, par rapport aux éléments constitutifs du délit d'entrave tel qu'il résulte du droit positif actuel, différente de l'ensemble de celles qui pèsent d'ores et déjà sur l'employeur, et dont la méconnaissance est susceptible d'être pénalement sanctionnée en application de l'article L 483-1 du code du travail. De ce point de vue, il n'est pas indifférent de mentionner la jurisprudence qui considère que cet article offre des garanties suffisantes quant à l'exigence de prévisibilité énoncée à l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (Cass.crim. 22 juin 1999).
    En l'espèce, le dernier alinéa de l'article L 431-5-1 précise que c'est l'absence d'information du comité d'entreprise qui est constitutive de l'élément matériel de l'infraction pénale. Quant à l'élément moral, il restera défini, comme le prévoit déjà la jurisprudence relative au délit d'entrave, par un élément intentionnel, lequel se déduit du caractère volontaire des agissements constatés (Cass Ass plén, 28 janvier 1983).
    Les dispositions répressives du code du travail s'appliqueront donc en l'espèce, conformément au droit commun, dès lors que l'élément matériel de l'infraction résultera d'un comportement dont le caractère volontaire aura pu être établi.
  3. S'agissant, en troisième lieu, de l'articulation entre cette disposition et les dispositions du droit économique, on observera d'abord que cette question ne concerne que les entreprises cotées sur un marché réglementé.
    Cela étant, il convient de rappeler que les membres du comité d'entreprise sont soumis, en application de l'article L 432-7, à une obligation de discrétion concernant les informations confidentielles données comme telles par le chef d'entreprise. Un manquement à cette obligation de confidentialité constituerait une faute disciplinaire justifiant une sanction de la part de l'employeur.
    Enfin, dans la mesure où le chef d'entreprise est tenu d'informer les représentants du personnel en application d'une disposition législative, le respect de son obligation ne peut lui valoir une incrimination au titre du délit d'initié. Seuls les membres du comité d'entreprise qui utiliseraient cette information ou qui la divulgueraient pourraient être poursuivis à ce titre.

IV - Sur les articles 101 et 106
A) Le premier de ces articles modifie l'article L 432-1 du code du travail, qui fixe les attribution du comité d'entreprise dans l'ordre économique, afin d'améliorer l'information et la consultation du comité d'entreprise sur les projets de restructuration et de compression des effectifs.
En l'état actuel du droit, la consultation du comité d'entreprise au titre du livre IV, c'est-à-dire sur le projet de compression des effectifs, et sa consultation sur les licenciements envisagés et les mesures d'accompagnement, faite en application du livre III, peuvent être menées concomitamment, sous réserve du respect des délais les plus favorables. Mais les modalités de ces consultations ne sont pas précisées par le code et dépendent de l'importance du projet.
L'article 101 de la loi prévoit que le comité d'entreprise sera désormais informé et consulté sur tout projet de restructuration et de compression des effectifs. Il apporte également d'utiles précisions concernant les modalités de consultation du comité d'entreprise, non seulement quant aux délais et au nombre de réunions, mais surtout en instituant, à son profit, un droit d'opposition pouvant conduire à la suspension de la procédure de consultation et à la saisine d'un médiateur.
Quant à l'article 106, il institue un dispositif de médiation dans le cadre de la consultation du comité d'entreprise faite au titre du livre IV du code du travail. Le médiateur peut être saisi par l'une ou l'autre des parties. Il a pour rôle de chercher à rapprocher les points de vue du chef d'entreprise et des représentants du personnel lorsque d'importantes divergences subsistent entre leurs différentes propositions.
Pour contester ces dispositions, les auteurs des saisines font valoir que l'article 101 ne comporte pas de précisions suffisantes quant à la notion de projet de restructuration et quant à l'articulation entre le droit d'opposition et l'intervention du médiateur.
L'imprécision reprochée à l'article 106 porterait sur son champ d'application, sur les pouvoirs du médiateur et sur la nature de l'accord résultant de l'adhésion des parties à la recommandation du médiateur.
B) Ces griefs ne peuvent être accueillis.

  1. En premier lieu, il convient de souligner qu'en application des articles L 432-1 et suivants du code du travail, le comité d'entreprise doit déjà être informé et consulté sur tout projet de compression des effectifs ainsi que sur toute modification dans l'organisation économique et financière de l'entreprise. De même, les modifications des structures de production sont déjà soumises à consultation du comité d'entreprise.
    L'introduction explicite de la notion de restructuration à L 432-1 répond essentiellement à un souci de clarification : elle résume l'ensemble de ces consultations. Elle traduit une réalité qui est que toute réduction d'effectifs s'accompagne d'une modification de l'organisation de l'entreprise et de sa production.
  2. En second lieu, l'article 101, tel qu'il a été en définitive adopté, n'introduit aucune ambiguïté quant à l'articulation entre l'usage du droit d'opposition et les modalités d'intervention du médiateur prévu à l'article 106.
    L'incertitude qui pouvait exister dans un état antérieur du texte a en effet été levée par l'adoption d'un amendement se référant à l'article L 432-1-3, issu de l'article 106 de la loi. Le troisième alinéa nouveau de l'article L 432-1 renvoie à l'ensemble des dispositions de l'article L 432-1-3, y compris donc à son champ d'application, qui vise seulement la cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois.
    Il est ainsi clair que tous les projets de restructuration et de compression des effectifs ne seront pas soumis au droit d'opposition. Le comité d'entreprise ne pourra user de son droit d'opposition que lorsque le projet qui lui est soumis répondra aux conditions définies à l'article L 432-1-3.
  3. S'agissant de l'article 106, les situations éventuellement soumises à médiation sont clairement définies au premier alinéa du nouvel article L 432-1-3 : un médiateur pourra être saisi par l'une ou l'autre des parties dès lors qu'il subsiste d'importantes divergences entre les propositions du comité d'entreprise et de l'employeur sur un projet qui, comme on vient de le souligner, ne concerne que les cas de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d'au moins cent emplois.
  4. C'est également à tort que les requérants s'interrogent sur l'étendue des pouvoirs du médiateur. Il convient à cet égard de souligner que l'expression « les plus larges pouvoirs » est déjà présente dans le code du travail. Elle est en particulier utilisée, en matière de médiation lors de conflits sociaux, à l'article L 524-2, dont l'application ne soulève aucune difficulté quant au sens de cette expression.
    Pour pouvoir rapprocher les points de vue et élaborer une recommandation, le médiateur doit être libre dans l'organisation de sa mission et doit pouvoir disposer de tous les éléments qu'il considère comme nécessaires à l'exercice de sa mission. Cette expression a ainsi surtout pour conséquence de rappeler aux parties que leur collaboration totale est nécessaire à l'élaboration d'une recommandation acceptable par tous.
  5. Enfin, les interrogations des requérants sur l'accord résultant de l'adhésion des parties à la recommandation du médiateur sont tout aussi vaines.
    En ce qui concerne la valeur de l'accord résultant de l'acceptation de la recommandation du médiateur par les deux parties, le texte définitif précise qu'il s'agit d'un accord collectif de travail conforme aux dispositions des articles L 132-1 et suivants du code du travail. Dans ces conditions, il n'existe aucune ambiguïté quant à la nature de l'accord : il obéit au régime des accords d'entreprise, y compris, le cas échéant, pour sa révision et sa dénonciation.

V - Sur les articles 107 et 108
A) L'article 107 de la loi déférée modifie l'article L 321-1 du code du travail, afin de donner une définition plus précise du licenciement économique. Par ailleurs l'article 108 ajoute au même article L 321-1 un nouvel alinéa subordonnant l'intervention du licenciement pour motif économique à la réalisation d'efforts de formation et d'adaptation.
Les auteurs des recours font grief à l'article 107 de méconnaître le principe de clarté et d'intelligibilité de la loi en utilisant des termes insuffisamment précis ou sans portée normative, de nature à susciter le doute chez les destinataires de la règle de droit et à attribuer des pouvoirs exorbitants aux autorités en charge de sa sanction. Les sénateurs y voient aussi une atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe d'égalité.
Quant à l'article 108, le recours des sénateurs s'interroge sur les conséquences de l'inobservation de ses prescriptions.
B) Ces critiques ne sont pas fondées.

  1. En premier lieu, l'article 107 entend préciser la définition du licenciement économique et lever les incertitudes qui pouvaient résulter de la loi précédente, sans pour autant bouleverser l'état antérieur du droit.
    On rappellera que la définition issue des lois du 2 août 1989 et du 29 juillet 1992 caractérisait le motif économique de licenciement comme un motif non inhérent à la personne du salarié et énonçait que ce motif pouvait résulter, notamment, d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutive notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. A partir de cette définition non exhaustive, s'est développée une jurisprudence abondante de la Cour de cassation.
    En adoptant l'article 107, le législateur a cherché à préciser la définition du licenciement économique, en vue de parvenir au meilleur équilibre entre d'une part, la garantie des droits des salariés, dont le droit au travail proclamé par le cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, et d'autre part, les contraintes des entreprises qui gardent la responsabilité de la gestion de leurs effectifs.
    Cette nouvelle définition, qui reprend, pour l'essentiel, celles qu'a consacrées la Cour de cassation, n'entend nullement faire obstacle au principe de non-ingérence du juge dans les choix de gestion de l'employeur, réaffirmé par son arrêt d'Assemblée plénière du 8 décembre 2000. Mais il s'agit de faire en sorte que la décision de licenciement économique réponde à une véritable nécessité et qu'elle n'ait pas pour objet de résoudre des difficultés qui peuvent l'être autrement.
    C'est dans cet esprit que la loi énonce les trois éléments de définition suivants.
    a) La nouvelle rédaction de l'article L.321-1 prévoit d'abord que la suppression, la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail peuvent être consécutives à des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen.
    Ce faisant, le législateur s'inspire directement de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, d'une part, exclut qu'une entreprise qui réalise des profits invoque comme motif de licenciement le fait qu'un salarié lui coûte trop cher, alors que sa situation financière lui permet d'en assumer la charge, d'autre part considère que l'employeur, tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, a, à ce titre, le devoir d'assurer l'adaptation des salariés à l'évolution des emplois.
    Même si l'entreprise est confrontée à des difficultés économiques sérieuses, elle peut rechercher des moyens de limiter les suppressions de postes. L'entreprise ou, le cas échéant, le groupe, doit, sous le contrôle du juge, effectuer toutes les recherches nécessaires pour proposer des solutions de reclassement aux salariés dont le poste est menacé de suppression.
    Ces exigences, résultant de la jurisprudence établie depuis une dizaine d'années par la Cour de cassation, ne sont pas nouvelles pour les entreprises. Leur traduction explicite dans la loi les rend plus claires et plus sûres sur le plan du droit, et donc plus intelligibles, alors que l'accès à la jurisprudence et sa compréhension sont réservés aux juristes et praticiens avertis.
    L'affirmation des sénateurs selon laquelle, par la mention « des difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen », le juge se verrait offrir la possibilité de substituer son choix à celui de l'employeur, repose donc sur une méconnaissance des principes de la jurisprudence de la Cour de cassation que la loi a entendu ici reprendre à son compte : ces principes n'ont jamais interdit au juge de contrôler que l'employeur avait mis en oeuvre d'autres moyens pour surmonter des difficultés économiques dont il appartient au juge d'apprécier le caractère sérieux, ainsi qu'il le fait pour tout motif de licenciement depuis la loi du 13 juillet 1973.
    b) La loi prévoit ensuite que la suppression, la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail peuvent être consécutives à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise.
    En permettant aux entreprises de tenir compte des mutations technologiques et d'adapter leur appareil productif à la concurrence, le législateur se borne, là encore, à affirmer, à la suite de la Cour de cassation, qu'un tel motif de licenciement doit être compatible avec l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail qui implique l'adaptation du salarié aux évolutions des emplois.
    Dès lors que les mutations technologiques de l'entreprise sont, dans la plupart des cas, prévisibles, elles impliquent que l'entreprise, en même temps qu'elle prépare et prend ses décisions d'investissement, les accompagne par des décisions d'adaptation des emplois et des formations qui seront rendues nécessaires par ces mutations.
    S'agissant de ce motif, la formulation choisie par le législateur est claire et dénuée d'ambiguïté. Toute modification technologique ne constitue pas, à elle seule, un motif justifiant la suppression d'un emploi : encore faut-il qu'il s'agisse des modifications qui, faute d'être apportées, seraient de nature à mettre en péril l'avenir de l'entreprise. Le législateur entend ainsi rendre le plus effectif possible le droit au travail résultant du cinquième alinéa du Préambule, et faire en sorte que, particulièrement dans le cas de la mutation technologique, le devoir d'adaptation de l'employeur profite pleinement aux salariés qui ne doivent pas être exclus du travail du fait du progrès technique.
    c) La loi précise enfin que la suppression ou la transformation d'emploi ou la modification du contrat de travail peuvent être consécutives à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise.
    Là encore la loi se situe dans la ligne de la jurisprudence, tout en apportant aux règles qu'elle a dégagées - comme il est loisible au législateur de le faire - une nuance permettant de préciser les critères.
    Le juge contrôle en effet déjà les objectifs d'une réorganisation invoquée par le chef d'entreprise, quand celui-ci entend fonder des suppressions d'emploi sur un tel motif ; en particulier, il exclut que soit invoqué un motif réel et sérieux dans le cas du licenciement économique motivé par la volonté de l'employeur de privilégier le niveau de rentabilité de l'entreprise au détriment de la stabilité de l'emploi, la réorganisation n'ayant été décidée que pour supprimer des emplois permanents de l'entreprise et non pour en sauvegarder la compétitivité.
    Il est cependant apparu qu'à la notion de compétitivité retenue par la jurisprudence devait être substituée celle de sauvegarde de l'activité de l'entreprise. Ces deux notions ne sont pas antinomiques. Il va de soi que l'activité de l'entreprise ne peut être maintenue que dans des conditions compatibles avec sa compétitivité. Dans cet esprit, la réorganisation de l'entreprise peut être décidée, comme l'ont montré les débats parlementaires, dans le but de sauvegarder l'activité présente et à venir de l'entreprise. Le chef d'entreprise peut donc anticiper les évolutions prévisibles du marché et de la concurrence pour adapter son entreprise de façon à sauvegarder son activité dans le futur.
    Mais le législateur a considéré qu'il fallait mettre l'accent sur l'intérêt social qui s'attache au maintien de l'activité, alors qu'en retenant la seule compétitivité, la loi aurait laissé entendre que son amélioration pouvait être atteinte par le seul recours à des licenciements.
    La rédaction de cet article est claire et intelligible et l'employeur qui serait en situation d'invoquer ce motif devra apporter toutes justifications utiles, comme pour tout autre motif de licenciement.
  2. En deuxième lieu, il convient de souligner qu'en retenant ces nouvelles définitions, la loi ne porte aucune atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
    On rappellera, à cet égard, que cette liberté doit se concilier avec d'autres exigences constitutionnelles, et en particulier celle qui résulte de la proclamation du droit au travail par le cinquième alinéa du Préambule de 1946. Par ailleurs, la reconnaissance de la liberté d'entreprendre par le droit positif n'a jamais eu pour conséquence d'interdire au juge de contrôler les conditions de fond et de forme d'un licenciement pour motif économique.
    En l'espèce, les dispositions nouvelles n'encourent pas la censure : en effet, de la conciliation qu'il appartient au législateur d'opérer entre droit au travail et liberté d'entreprendre, il ne résulte aucune dénaturation de cette dernière. En particulier, la loi n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher les licenciements.
    Il s'agit non de modifier le champ du licenciement et le principe général selon lequel la résiliation du contrat de travail doit avoir une cause réelle et sérieuse, mais seulement de préciser le champ des licenciements qualifiés par la loi d'économiques et d'offrir aux salariés qui se verront privés de leur droit à l'emploi par la décision de l'employeur de bénéficier de garanties renforcées, sans que l'atteinte aux intérêts de l'employeur et notamment à sa liberté d'entreprendre n'aille au-delà de ce qu'exige l'intérêt général.
    Il résultera de la nouvelle définition du licenciement pour motif économique une plus forte exigence pesant sur les chefs d'entreprise de tout faire pour prévenir et pour éviter ces licenciement.
    Les obligations ou incitations déjà contenues dans le code du travail ou prévues par la présente loi, en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de devoir de formation et d'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi de droit au reclassement, de renchérissement du coût du licenciement économique, concourent à cet objectif de la loi, qui est de contraindre l'employeur à examiner toutes les solutions possibles pour éviter les licenciements pour motif économique.
    Il n'est dès lors pas douteux qu'une partie non négligeable des licenciements non inhérents à la personne du salarié, qualifiés aujourd'hui d'économiques, sera évitée.
    En second lieu, la nouvelle définition du licenciement pour motif économique, ainsi que cela vient d'être démontré, se situe très largement dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation.
    Ainsi l'exemple mis en avant par les sénateurs au soutien de leur argumentation n'est guère pertinent : l'entrepreneur qui veut cesser de travailler sera naturellement conduit à vendre son entreprise, ne serait-ce que pour préserver son patrimoine. Cette cession entraînera l'application des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail, qui prescrit la poursuite des contrats de travail, sans pour autant exclure une réorganisation si celle-ci est indispensable à la sauvegarde des intérêts de l'entreprise et donc les licenciements pour motif économique dans le champ défini par la loi.
    Sans doute peut-il arriver, dans une hypothèse extrême, que le chef d'entreprise se heurte à une contrainte qui l'empêche de poursuivre son exploitation. Tel est le cas de l'affaire Morvant c/SNC Le Royal Printemps, jugée par la Cour de cassation le 16 janvier 2001, dont font état les sénateurs requérants. Mais une telle circonstance peut s'analyser, dans le cadre de la nouvelle rédaction de l'article L 321-1, comme provoquant « une difficulté économique sérieuse ne pouvant être surmontée par un autre moyen ». Une cessation d'activité intervenant dans ces conditions pourrait donc recevoir la qualification de licenciement économique au sens de la nouvelle définition.
    En résumé, la nouvelle définition du licenciement économique conduit certes le chef d'entreprise à faire plus d'efforts pour préserver l'emploi. Elle restreint donc le champ d'application du licenciement économique, qui paraissait susceptible d'une acception trop large par l'emploi de l'adverbe « notamment ». Mais elle n'a nullement pour effet d'exclure la possibilité de recourir au licenciement économique pour les chefs d'entreprise qui y sont véritablement contraints.
  3. En troisième lieu, le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité n'est pas davantage fondé.
    En effet, il s'appuie sur une appréciation erronée en droit des conséquences d'un licenciement qui serait prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et qui n'entrerait pas dans le champ d'application de la loi sur les licenciements pour motif économique. Un tel licenciement sera regardé par le juge comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il donnera alors droit, au profit du salarié, aux sanctions civiles prévues par l'article L 122-14-4 du code du travail, c'est-à-dire, à défaut de réintégration par l'employeur, à une indemnité d'au moins six mois de salaire en plus de l'indemnité de licenciement de droit commun.
    C'est ce que montre bien la rédaction de l'article 113 qui, ne traitant que des licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse, n'envisage que les motifs mentionnés à l'article L. 321-1 et ceux inhérents à la personne du salarié.
  4. S'agissant enfin des compléments apportés aux conditions du licenciement pour motif économique par l'article 108, il convient d'observer qu'il s'agit surtout de codifier la jurisprudence de la Cour de cassation, déjà mentionnée, qui fait découler le devoir pour l'employeur d'assurer l'adaptation des salariés à leur emploi de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.
    Il résulte d'ores et déjà de cette jurisprudence que la recherche des possibilités de reclassement, y compris par offre de poste requérant des qualifications inférieures, s'impose même si un plan social a été établi (Cass soc 22 janvier 1992 ; 6 juillet 1999) et que cette obligation doit être remplie avant tout licenciement économique (Cass soc 30 mars 1999).
    En introduisant explicitement cet état du droit dans le code du travail, le législateur n'a pas entendu le modifier : le licenciement intervenu en méconnaissance de cette obligation restera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

VI - Sur l'article 113
A) L'article 113 de la loi déférée modifie l'article L 122-9 du code du travail relatif aux indemnités de licenciement afin de prévoir des montants différents, suivant que le licenciement repose sur un motif économique ou est inhérent à la personne du salarié.
Selon les requérants, cet article introduit une rupture d'égalité entre salariés selon le motif de leur licenciement. Ils soutiennent en particulier que le critère du motif inhérent ou non à la personne du salarié n'est pas un critère pertinent.
B) Le Conseil constitutionnel ne saurait faire sienne cette argumentation.
Il est en effet légitime de différencier le montant des indemnités légales selon les motifs de licenciement. C'est ce que fait déjà le code du travail, par exemple l'article L 122-32-6 qui prévoit, pour le salarié victime d'un licenciement consécutif à l'impossibilité de le reclasser ou de maintenir son contrat à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, une indemnité doublée par rapport à celle prévue par l'article L.122-9 de ce code.
Le principe d'égalité ne fait en effet pas obstacle à ce que des personnes placées dans une situation différente soient traitées différemment. Il n'interdit donc pas de traiter plus favorablement certains salariés licenciés à la suite d'un risque d'entreprise par rapport à ceux qui sont licenciés pour un autre motif. De surcroît, des préoccupations d'ordre social justifient la mise en place d'une politique de prévention, consistant à renchérir le coût du licenciement économique, afin d'inciter les chefs d'entreprise à trouver d'autres solutions.

VII - Sur l'article 118
A) Le I de l'article 118 prévoit que lorsqu'une entreprise occupant entre 50 et 1000 salariés procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré, le préfet peut réunir l'entreprise et l'ensemble des acteurs locaux concernés afin d'examiner les moyens que l'entreprise pourrait mettre en oeuvre au bénéfice du bassin d'emploi, mesures proportionnées, le cas échéant, au volume d'emplois supprimés et aux capacités de l'entreprise.
Cette disposition met en place une procédure de bonne administration. Elle vise en effet à inciter à la mise en oeuvre, à l'initiative du préfet, d'une dynamique locale de concertation à laquelle l'entreprise est invitée à participer, sans que cette participation implique de sa part une quelconque obligation de financement des mesures qui auraient, le cas échéant, été débattues.
Les députés et les sénateurs invoquent à l'encontre de cette disposition un défaut de clarté et de précision attribuant au représentant de l'Etat une latitude d'action exorbitante de nature à porter atteinte à divers règles et principes à valeur constitutionnelle, tels que la liberté d'entreprendre.
Par ailleurs, le II de l'article 118 impose aux grandes entreprises procédant à des fermetures partielle ou totale de site de mettre en oeuvre par elle-même ou par l'intermédiaire d'un prestataire externe des mesures de réactivation du bassin d'emploi. Ces mesures et leurs conditions de mise en oeuvre font l'objet d'une convention signée avec le préfet. Dans le cadre de la convention, le préfet arrête le montant financier correspondant à ces mesures, dans une fourchette comprise entre 2 et 4 fois le SMIC, en fonction du nombre d'emplois supprimés, des capacités financières de l'entreprise et de la situation du bassin d'emploi. Lorsque l'entreprise ne signe pas de convention, elle doit verser au Trésor public la somme maximale susceptible d'être mise à sa charge par la convention. Seule cette dernière constitue une imposition de toute nature au sens de l'article 34 de la Constitution.
S'agissant du II, les députés et les sénateurs mettent en avant trois motifs d'inconstitutionnalité : la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution qui définit la compétence du législateur en matière fiscale en laissant au préfet « une marge d'appréciation importante quant au taux de la contribution demandée » (les sénateurs invoquent « un pouvoir exorbitant ») ; la fixation d'une contribution disproportionnée aux capacités contributives d'une entreprise qui a des difficultés économiques ; la non affectation des sommes dues au Trésor public par l'entreprise en l'absence de signature d'une convention ou en cas d'inexécution des obligations prévues par celle-ci.
B) Les moyens ne peuvent qu'être écartés.

  1. Sur le I de l'article 118, la loi fixe clairement le critère de « licenciements susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi » qu'il appartiendra au préfet d'apprécier, ce que celui-ci, étant proche des réalités économiques locales, est le mieux placé pour faire.
    On ne voit donc pas en quoi un tel dispositif, qui ne vise qu'à susciter un débat sur la réactivation du bassin d'emploi, serait de nature à porter atteinte à un principe à valeur constitutionnelle tel que la liberté d'entreprendre.
  2. Quant aux critiques adressées au II, elles ne sont pas davantage fondées.
    a) L'article 34 de la Constitution n'implique pas « que le législateur doive fixer lui-même le taux de chaque impôt (...) il lui appartient seulement de déterminer les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition » (décision n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000).
    Dans le cas d'espèce, la loi fixe le montant de la contribution due par l'entreprise qui refuse de prendre un quelconque engagement sur une base conventionnelle à quatre fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. Le montant de cette contribution est donc fixé avec précision.
    Par ailleurs, le texte énonce également les règles de recouvrement, qui seront celles que les comptables du Trésor mettent en oeuvre pour le recouvrement des créances fiscales.
    b) S'agissant de l'appréciation des facultés contributives, il appartient au législateur, compte tenu notamment des caractéristiques de chaque impôt, de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels, n'entraînant pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques (n° 2000-442 DC du 28 décembre 2000).
    Dans le cas d'espèce, la contribution exigée des grandes entreprises en matière de réactivation des bassins d'emploi n'est entachée d'aucune disproportion par rapport aux capacités contributives des entreprises concernées : la contribution n'est due que par les grandes entreprises (entreprises de plus de mille salariés, entreprises appartenant à un groupe dont le siège est situé en France et qui emploie plus de 1000 salariés, entreprises soumises à l'obligation de constitution d'un comité d'entreprise européen), qui disposent de moyens humains et financiers plus importants pour mettre en oeuvre des actions de réindustrialisation ou pouvant faire jouer une solidarité de moyens.
    c) S'agissant enfin de l'absence d'affectation, elle est conforme à l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui prévoit la non affectation des recettes de l'Etat aux dépenses, sauf dérogations prévues en loi de finances.

VIII - Sur l'article 119
A) L'article 119 insère un nouvel article L 321-4-2 dans le code du travail, afin de prévoir la possibilité d'un congé de reclassement, dont pourra bénéficier le salarié licencié pendant la période de préavis.
Selon les requérants, la dernière phrase de cette article, qui prévoit la suspension du préavis, serait difficilement compréhensible.
B) Cette critique ne peut être retenue.
La phrase incriminée signifie que les parties sont déliées de leurs obligations pendant la période de suspension. En l'espèce, la suspension a pour effet de retarder l'entrée en vigueur de la rupture du contrat de travail, afin de permettre au salarié de bénéficier du congé de reclassement pendant une période suffisante pour lui permettre l'acquisition de connaissances ou d'une formation. Il s'agit aussi d'éviter, en même temps, que l'intéressé se trouve dans la situation d'un demandeur d'emploi, et que l'employeur ne supporte la charge de l'ensemble des obligations nées de ce contrat alors que le travailleur ne travaille plus.
Dans la mesure où la critique adressée à cette disposition reviendrait à contester la notion même de suspension appliquée au préavis, on relèvera que, si en droit du travail le délai de préavis est normalement un délai préfix (Cf Précis Dalloz droit du travail 19ème édition
472), ce principe n'a rien d'absolu. La Cour de cassation a en particulier admis le principe de la suspension d'un préavis lorsqu'une période de congés payés avait été fixée avant la date de notification du licenciement qui fait débuter le préavis (Cass soc 22 juin 1994). Le préavis peut aussi être suspendu par accord entre les parties. En toute hypothèse, le législateur peut prévoir la suspension du préavis sans porter atteinte à un principe constitutionnel.

IX - Sur l'article 128
A) Cet article complète l'article L 432-4-1 du code du travail pour ouvrir au comité d'établissement la possibilité de saisir l'inspecteur du travail, en cas de recours abusif aux contrats de travail temporaire et aux contrats de travail à durée déterminée.
Les parlementaires requérants jugent imprécise la notion de recours abusif aux contrats de travail temporaire et aux contrats de travail à durée déterminée.
B) Mais c'est à dessein que le législateur a voulu retenir une notion plus large que celle d'infraction ou de recours illégal ou illicite. En effet, il ne s'agit pas, pour le comité d'entreprise, de caractériser une infraction, mais seulement de disposer d'une procédure d'alerte de l'inspecteur du travail. C'est à ce dernier qu'il revient d'analyser le recours de l'entreprise à ces formes de contrat au regard des textes applicables et, s'il y a lieu, de saisir le juge pénal.
Alors que la loi fait obligation à l'employeur d'informer régulièrement le comité d'entreprise des conditions dans lesquelles il recourt au travail temporaire et aux contrats de travail à durée déterminée, la notion employée par le législateur permet au comité d'exercer cette prérogative, sans qu'il ait à établir que des infractions sont constituées.

X - Sur l'ensemble des dispositions relatives au droit du licenciement
A) Les députés et sénateurs requérants font valoir que l'ensemble des dispositions relatives au droit du licenciement figurant au titre II de la loi porte atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, au motif qu'elles conduiraient à allonger les procédures de 106 à 474 jours.
En outre, les députés soutiennent que ces dispositions auraient, pour la plupart, été introduites en méconnaissance des règles régissant l'exercice du droit d'amendement.
B) Ces moyens ne sauraient être accueillis.
Le second est inopérant, la jurisprudence sur laquelle il se fonde ayant été abandonnée depuis les décisions n° 2001-445 DC du 19 juin 2001 et n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001.
Quant au premier, s'il est vrai que la loi de modernisation sociale modifie le calendrier relatif aux procédures de consultation du comité d'entreprise, l'allongement des délais qui en résulte - et dans lesquels on ne saurait inclure, comme le font les requérants, les neuf mois de congé de reclassement - ne porte aucune atteinte excessive à la liberté d'entreprendre.

  1. S'agissant d'abord de la procédure de consultation au titre du livre IV du code du travail, la loi prévoit qu'elle ne peut plus être menée concomitamment à la procédure de consultation sur le projet de licenciement et que le comité d'entreprise a la possibilité de recourir à l'assistance d'un expert-comptable rémunéré par l'employeur.
    Néanmoins, dans un souci d'encadrement des délais, la loi fixe le délai séparant les deux réunions du comité d'entreprise au titre du livre IV, alors qu'auparavant aucun délai n'était prévu par le code du travail et que le juge exigeait un délai suffisant apprécié en fonction de la complexité et de l'importance du projet de restructuration soumis aux représentants du personnel. Le nouveau texte permet donc aux employeurs de connaître plus précisément la durée de la consultation au titre du livre IV du code du travail. Il leur garantit également une plus grande sécurité juridique en limitant le recours au juge sur des questions de délai de consultation ou de nombre de réunions du comité d'entreprise.
    Par ailleurs, la loi prévoit un délai maximal pour l'organisation de la seconde réunion du comité d'entreprise. Ainsi, lorsqu'il désignera un expert, la seconde réunion se tiendra au plus tôt 15 jours et au plus tard 21 jours après la première, quelle que soit l'importance du projet qui lui est soumis.
    Le recours au médiateur, qui est ouvert aux représentants du personnel mais aussi à l'employeur, ne pourra être systématique. Ce recours n'existe que lorsque subsiste une divergence importante entre l'employeur et les représentants du personnel sur un projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression de 100 emplois. Les représentants du personnel et l'employeur disposent d'un délai maximal de 8 jours à compter de la dernière réunion au titre du livre IV pour décider de recourir à un médiateur. Rien n'interdit de procéder à cette désignation dès la dernière réunion du comité d'entreprise. Il s'agit donc là encore d'un délai maximal.
    De même, le recours au juge pour désigner le médiateur ne sera pas systématique et pourra être évité par le développement d'un dialogue social équilibré au sein de l'entreprise.
    La loi assigne à la mission du médiateur une durée maximale d'un mois. Cette durée ne sera applicable qu'en l'absence d'accord entre les parties qui sont donc libres de prévoir un délai moindre. Là encore la priorité est donnée à la concertation au sein de l'entreprise.
    De même, le délai de réponse à la recommandation du médiateur est un délai maximal.
  2. S'agissant de la procédure de consultation sur le projet de réduction des effectifs en application du livre III du code, la loi n'en modifie pas les délais. Le seul aménagement apporté concerne la possibilité pour l'administration de relever, dans les huit jours suivant sa notification, la carence du plan de sauvegarde de l'emploi définitif. En cas de carence, une nouvelle réunion d'examen du plan pourra être organisée si les représentants du personnel le demandent dans les deux jours ouvrables suivant la notification du constat.

XI - Sur les articles 169 et 170
A) L'article 169 introduit dans le code du travail les articles L 122-49 à L 122-53 qui définissent et interdisent le harcèlement moral. L'article 170 crée, dans le code pénal, une nouvelle incrimination permettant de réprimer les faits de harcèlement moral.
Selon les sénateurs requérants, ces dispositions méconnaissent le principe d'intelligibilité et de clarté de la loi, le principe d'égalité ainsi que ce celui de la présomption d'innocence.
B) Ces moyens ne sont pas fondés.

  1. S'agissant de la mention, à l'article 169, de l'atteinte aux « droits », elle est dépourvue d'ambiguïté. Eu égard à l'objet du texte, qui entend protéger spécialement les salariés contre une forme particulière de harcèlement dans le cadre de leur travail, il est clair que la référence aux droits doit se comprendre comme renvoyant aux dispositions de l'article L 120-2 du code du travail. Issu de la loi du 31 décembre 1992, ce texte pose le principe selon lequel : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
    Il s'agit donc de permettre que ce principe du droit du travail reçoive pleinement application, en s'opposant aux agissements de harcèlement moral dans l'entreprise.
  2. Sur la double incrimination, s'il est exact que la coexistence, résultant de la loi, entre le IV de l'article 169 et l'article 170 n'est pas satisfaisante, aucun principe constitutionnel ne s'en trouve pour autant méconnu.
    Le I de l'article 169 insère dans le code du travail un nouvel article L 122-49 qui comporte trois alinéas : le premier définit, pour l'interdire, le harcèlement moral au travail ; le deuxième alinéa interdit à l'employeur de sanctionner, licencier ou de prendre une mesure discriminatoire à l'encontre du salarié qui a subi, refusé de subir ou relaté des faits de harcèlement ; quant au dernier alinéa, sans incidence en droit pénal, il se borne à permettre au juge civil de prononcer la nullité d'une mesure prise en conséquence d'un harcèlement ou de son refus.
    Le schéma adopté par le législateur a entendu s'inspirer de celui retenu lors de la mise en place de la répression pénale du harcèlement sexuel par la loi du 2 novembre 1992. La loi avait alors opéré une distinction entre, d'une part le harcèlement lui-même - délit prévu et réprimé par l'article 222-33 du code pénal (un an d'emprisonnement / 15 000 euros d'amende) - et, d'autre part, le dispositif anti-discrimination figurant à l'article L 123-1 du code du travail, interdisant la prise en compte du harcèlement, de son refus ou de sa relation par témoin, sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail.
    Ce dispositif fait en outre l'objet d'une incrimination, figurant à l'article L 152-1-1, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende la violation des interdictions figurant à l'article L 123-1.
    Le législateur a entendu modifier l'article L 152-1-1, pour y introduire la référence à l'article L 122-46, également issu de la loi du 2 novembre 1992, et interdisant de sanctionner ou de licencier un salarié qui s'est opposé à des faits de harcèlement sexuel. Mais s'agissant du harcèlement moral, et au lieu d'introduire une référence au seul deuxième alinéa de L 122-49, la modification a visé, à la suite d'une erreur, l'article L 122-49 dans son ensemble, c'est-à-dire aussi son premier alinéa qui interdit le harcèlement moral en lui-même.
    Compte tenu de la référence faite, dans cet article pénal, à l'article L 122-49, son premier alinéa se trouve par là même définir une incrimination du harcèlement moral au travail concurrente de celle de l'article 170 qui prend place dans le code pénal. Or l'article 222-33-2 ainsi introduit dans le code pénal, qui s'inspire logiquement de l'article 222-33 réprimant le harcèlement sexuel, retient un montant maximum de 15 000 euros d'amende.
    On a donc, pour la même infraction, deux textes d'incrimination assortis de pénalités différentes.
    Pour regrettable qu'elle soit, cette situation ne méconnaît aucune règle constitutionnelle. Conformément aux principes bien établis en matière de « concours idéal d'infractions », le prévenu n'encourra pas simultanément les deux peines, mais seulement la plus élevée des deux (cf, par exemple, Cass.crim. 21 avril 1976, Bull.crim. n° 122). Et il appartiendra à la juridiction répressive de se déterminer en fonction des circonstances pour fixer la peine, conformément aux dispositions de l'article 132-20 du code pénal, dans la limite de ce plafond.
  3. Le moyen tiré de ce que les dispositions du I de l'article 169 procédant à un aménagement de la charge de la preuve en la matière seraient contraires au principe de présomption d'innocence est inopérant.
    Il résulte en effet clairement de l'emploi du mot « litige » au nouvel article L 122-52 que se trouve ainsi exclue la procédure pénale.
    On relèvera d'ailleurs que, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, la rédaction retenue n'a pas pour objet de renverser mais simplement d'aménager la charge de la preuve. Face aux éléments de fait apportés par le plaignant, le défendeur doit justifier qu'il a agi pour des motifs étrangers à toute discrimination, le juge gardant toute compétence pour ordonner toute mesure d'instruction qu'il estime utile.
    En l'espèce, il faut souligner que ce principe d'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination et de harcèlement résulte des obligations internationales de la France, notamment, en ce qui concerne la discrimination fondée sur le sexe, de l'article 4 de la directive 97/80 du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve en cas de discrimination fondée sur le sexe suivie des directives 2000/48 et 2000/73 concernant d'autres cas de discrimination. Le harcèlement moral est défini par ces directives comme un cas de discrimination et relève des mêmes garanties procédurales que la discrimination. Il résulte des considérants de ces directives que les Etats membres ont estimé que cette garantie procédurale était nécessaire à l'application du principe d'égalité de traitement, sauf à interdire toute possibilité, pour les victimes de discrimination, de se voir garantir l'application du principe d'égalité.
    On peut noter que, avant même que la loi ne le prévoie expressément, la Cour de cassation avait fait application de ce principe d'aménagement de la charge de la preuve dans des affaires de discrimination fondées sur le sexe (Cass soc 23 novembre, 1999 Seiller c/CEA) puis dans une affaire de discrimination syndicale (28 mars 2000, Fluchère c/ SNCF).

XII - Sur l'article 217
A) Depuis la loi n° 94-640 du 25 juillet 1994, la représentation des salariés, actionnaires ou non, n'a de caractère obligatoire que dans les sociétés privatisées. La représentation facultative des salariés actionnaires au conseil d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes dont le personnel détient au minimum 5 % du capital est prévue par la même loi, dont les articles 5 et 6 ont été codifiés sous les articles L 225-23 et L 225-71 du code de commerce
La loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale a réduit de 5 à 3 % le seuil de détention des actions par le personnel, et de 5 à 3 ans le délai dans lequel la modification des statuts doit être soumise à nouveau à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, dans le cas où cette modification aurait été refusée précédemment.
L'article 217 de la loi de modernisation sociale modifie les articles L 225-23 et L 225-71 afin de rendre obligatoire la présence d'un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance représentant les salariés actionnaires, dès lors que les actions détenues par le personnel dépassent le seuil de 3 % du capital de la société.
Pour contester cet article, les requérants font valoir qu'il porte atteinte aux principes d'intelligibilité de la loi et d'égalité devant la loi. Ils soutiennent en outre que l'amendement qui l'a introduit était étranger à l'objet de la loi.
B) Ces griefs ne peuvent être retenus.

  1. En premier lieu, l'instabilité dont se plaignent les requérants n'a pu avoir d'incidence sur l'accessibilité et l'intelligibilité de la règle applicable.
    En tout état de cause, la loi de modernisation sociale intervient avant même que les modifications apportées par la loi sur l'épargne salariale aux articles L 225-23 et L 225-71 du code de commerce aient pu recevoir application, puisque l'assemblée générale extraordinaire doit se réunir dans un délai de dix-huit mois à compter de la présentation du rapport rendant compte de l'état de la participation des salariés au capital social au dernier jour de l'exercice.
  2. En deuxième lieu, l'article 217 ne porte aucune atteinte au principe d'égalité.
    S'agissant des actionnaires, la distinction résultant de la loi correspond logiquement à la différence qui existe entre eux, selon qu'ils sont salariés ou non salariés. Il est normal de prévoir une représentation spécifique des premiers, non seulement pour encourager cette forme d'actionnariat mais aussi, en tout état de cause, parce que les salariés actionnaires sont dans une situation spécifique : en cas de difficultés rencontrées par l'entreprise, ils risquent de subir, outre une diminution de leur patrimoine, la perte de leur contrat de travail.
    Entre sociétés commerciales, le seuil retenu n'a rien d'arbitraire : c'est celui qui est apparu comme suffisamment significatif de l'importance de l'actionnariat salarié par rapport à l'ensemble des autres actionnaires. Au regard de ce critère, la cotation en bourse ou le degré de concentration du capital ne constituent pas des caractéristiques particulières différenciant objectivement les sociétés entre elles. Le législateur a donc pu, sans porter atteinte au principe d'égalité, décider que le seuil de 3 % s'appliquerait à toutes les sociétés anonymes.
    D'autre part, en ne précisant pas que la représentation des salariés actionnaires devrait être maintenue dans le cas où la part du capital social détenue par le personnel retomberait sous le seuil fixé, le législateur a nécessairement entendu laisser le choix à l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires de décider, si cette situation se présente, de supprimer cette représentation en votant la modification en ce sens des statuts, ainsi que le lui permet la compétence générale qui lui a été reconnue par les dispositions de l'article L 225-96 du code de commerce non modifiées par la loi de modernisation sociale.
    Il convient, par ailleurs, de rappeler que les actions prises en compte pour calculer la part du capital social détenue par le personnel (à savoir, en vertu des dispositions de l'article L 225-102 du code de commerce, les actions détenues dans le cadre du plan d'épargne d'entreprise, du fonds commun de placement ou des émissions d'actions réservées aux salariés) sont frappées d'incessibilité pour une durée de 5 ans, ce qui limite le risque de fluctuation invoqué.
  3. En troisième lieu, loin de méconnaître le huitième alinéa du Préambule de 1946, l'article 217 ne fait que le mettre en oeuvre en décidant que des salariés actionnaires seront obligatoirement présents dans les conseils d'administration ou de surveillance des sociétés dont plus de 3 % du capital est détenu par les personnels.
  4. Enfin cet article n'a pas été introduit en méconnaissance des règles régissant l'exercice du droit d'amendement, dès lors que la loi déposée contenait, aux articles 30 à 38, de nombreuses dispositions de droit du travail et en particulier des dispositions concernant, comme l'article 217, les droits des salariés.

XIII - Sur l'article 48
A) L'article 48 est relatif à l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite et des dispositions du code général des impôts qui s'y rapportent.
Selon le recours des sénateurs, cette abrogation est contraire à la Constitution, en introduisant une inégalité entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé et entre les citoyens devant la loi fiscale.
B) L e Conseil constitutionnel ne pourra qu'écarter cette argumentation.
De manière générale, il est toujours loisible au législateur de modifier ou d'abroger une loi, dès lors que, ce faisant, il ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles. En l'espèce, aucune garantie de cette sorte n'est en cause, s'agissant au surplus de dispositions qui n'avaient jamais reçu les textes d'application permettant de les mettre en oeuvre.
Ce retour au droit positif antérieur au 25 mars 1997, qui de fait est resté en vigueur jusqu'à aujourd'hui, ne méconnaît pas plus que le texte abrogé le principe d'égalité. Au regard de la protection sociale en matière de retraite, les agents publics, les salariés du secteur privé et les travailleurs non salariés sont fondamentalement dans une situation différente, qu'il s'agisse de l'assiette des cotisations, de leur taux ou des prestations. Le législateur ne saurait donc être tenu de leur appliquer des règles identiques.

XIV - Sur l'article 49
A) L'article 49 est relatif à la prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) des cotisations de retraite complémentaire ARRCO/AGIRC dues au titre de la perception de prestations dites de « chômage solidarité ». Il s'agit de mettre fin à un litige existant depuis 1984 entre l'Etat et les régimes de retraite complémentaire.
Ce litige a pour origine l'engagement pris par l'Etat en 1984, lors de la création du régime de solidarité, et jamais honoré, de prendre en charge la validation des périodes de préretraites et allocation de solidarité spécifique dans les régimes complémentaires. Depuis le 1er juillet 1996, les régimes complémentaires ont cessé de valider les périodes de retraite correspondant à ces périodes de chômage, pour les contrats de travail interrompus à compter de cette date. L'article 49 tire les conséquences d'un accord signé le 23 mars 2000 afin de clore ce contentieux, et permet que les personnes ayant été affectées par la perte d'un emploi pendant leur carrière professionnelle ne voient pas leur retraite complémentaire amputée. Se trouve ainsi assuré, pour tous les retraités, le bénéfice de leurs droits à retraite complémentaire.
Pour contester cette mesure, la saisine des sénateurs fait valoir que le financement par le FSV d'une dépense nouvelle, hors champ de la loi de financement de la sécurité sociale, par les recettes dont dispose le FSV en tant qu'organisme créé pour concourir au financement des régimes de base, est contraire à l'article L O 111-3 du code de la sécurité sociale. Ils invoquent également l'insincérité dont serait entachée l'annexe F de la loi de financement pour 2002, où sont inscrits des montants de 441 millions d'euros et de 448 millions d'euros dans les comptes des exercices 2001 et 2002 du FSV, dans la mesure où l'application du principe des droits constatés imposerait l'inscription d'une charge de 15 milliards de francs sur ces deux exercices.
B) Ces griefs ne sauraient être accueillis.
En effet, aucun principe constitutionnel ne s'oppose à ce que le législateur mette à la charge d'un établissement public, le FSV, de nouvelles missions. A cet égard, le fait que cet établissement soit au nombre de ceux dont les recettes sont prévues par la loi de financement de la sécurité sociale, en vertu des dispositions du 2 ° de l'article L O 111-3 du code de la sécurité sociale issues de la loi organique du 22 juillet 1996, n'a pas pour effet de transférer au législateur organique la compétence du législateur ordinaire pour définir et pour modifier la spécialité de l'établissement.
En particulier, il ne ressort pas de la décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, censurant l'insertion de cette disposition à l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que le législateur ne pourrait élargir les missions du FSV. Il apparaît seulement qu'une telle mesure, qui concerne les régimes de retraite complémentaire, n'affecte pas l'équilibre financier des régimes de base de la sécurité sociale.
Les recettes du FSV peuvent être également affectées au financement de dépenses autres que celles des régimes de base. Le législateur peut d'autant plus prévoir le financement d'une dépense nouvelle que les ressources du FSV sont suffisantes pour concourir, par ailleurs, aux dépenses de ces régimes.
Sur la prétendue insincérité de l'annexe F, la critique, qui semble dirigée contre une rédaction antérieure de la disposition attaquée, est infondée.
L'article 49 de la loi de modernisation sociale prévoit en effet que le FSV « verse chaque année aux organismes visés à l'article L 921-4 du code de la sécurité sociale les sommes dues en application d'une convention conclue entre l'Etat et ces organismes [...] ». Cette rédaction ne transfère pas la charge de la dette au FSV. Elle définit simplement les modalités selon lesquelles le FSV rembourse, pour le compte de l'Etat, la dette que celui-ci a reconnue par la conclusion de la convention mentionnée à l'article 49.
Dès lors, les arguments invoqués par les requérants et s'appuyant sur une lettre du directeur du FSV sont sans objet. En effet, la rédaction actuelle de la loi n'impose plus l'enregistrement comptable de l'intégralité de la dette sur les exercices 2000 et 2001. Elle impose simplement au FSV un versement de 889 millions d'euros en 2002 et des versements ultérieurs à hauteur des montants prévus dans la convention passée entre l'Etat et l'ARRCO et l'AGIRC. L'obligation juridique de rembourser la dette incombe uniquement à l'Etat, en tant que signataire de cette convention.
En tout état de cause, l'insincérité prétendue ne saurait, en elle-même, affecter la constitutionnalité de la disposition contestée, dont il faut rappeler qu'elle est sans effet sur l'équilibre des régimes de base, comme l'a considéré le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000.

XV - Sur l'article 158
A) L'article 158 de la loi déférée prohibe toute discrimination dans l'accès à un logement, quel que soit le bailleur, privé comme public. Il complète les dispositions déjà applicables dans le parc social, issues de l'article 56 de la loi du 29 juillet 1998, codifié à l'article L 441-2-2 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoient expressément que tout refus de logement doit être motivé par écrit au demandeur.
Afin de faciliter l'action judiciaire que la victime d'une discrimination souhaiterait engager, l'article 158 prévoit qu'elle pourra se borner à apporter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, le juge formant ensuite sa conviction en fonction des éléments fournis pas le défendeur.
Selon les sénateurs requérants, cette disposition méconnaît le principe de présomption d'innocence consacré par l'article 9 de la Déclaration de 1789.
B) Ce moyen est inopérant, dans la mesure où la disposition contestée est dépourvue de toute incidence en matière pénale, seul domaine dans lequel le principe invoqué trouve à s'appliquer.
Pour le surplus, on se bornera à relever qu'il s'agit d'un simple aménagement de la charge de la preuve, comme il est loisible au législateur d'en prévoir en matière civile, de même nature que celui qui a été évoqué plus haut à propos de l'article 169.

XVI - Sur l'article 159
A) L'article 159 de la loi déférée modifie le dispositif existant actuellement dans le code de la construction et de l'habitation sur la location et la sous location meublée dans le parc locatif social, afin de prévoir la fixation du prix de location des meubles par arrêté ministériel.
Pour contester cette disposition, le recours des sénateurs fait valoir qu'elle méconnaît la liberté et le droit de propriété des bailleurs sociaux visés par le texte.
B) Cette argumentation ne saurait être accueillie.
Le législateur a entendu tenir compte de ce que la liberté actuellement reconnue au bailleur, dans les locations et sous-locations meublées, de fixer le prix de la location des meubles conduit, dans bien des cas, à renchérir de manière parfois très importante la charge de logement. En effet, les sommes à acquitter par les locataires et sous-locataires au titre de la location des meubles atteignent souvent des montants égaux au prix du loyer. De ce fait la charge de logement devient incompatible avec la vocation sociale des logements et avec les ressources des populations concernées, d'autant que le prix des meubles n'entre pas dans le calcul de l'aide personnalisée au logement.
Compte tenu du développement de la sous-location en meublé, qui répond aux besoins en logement temporaire de certaines catégories de population à faibles revenus ou en situation précaire, il est apparu nécessaire au législateur d'encadrer de manière plus précise le prix de location des meubles.
La loi délimite le champ de l'arrêté auquel elle renvoie en précisant que le prix de location des meubles tient compte du prix des meubles et de la durée de leur amortissement. Par ailleurs, il est clair que le prix qui sera ainsi fixé ne sera qu'un prix maximum.
Le champ d'application de la mesure est clairement limité au parc locatif social et ne concerne pas les logements à loyers libres. En effet, l'article L. 442-8-3-1 nouveau du code de la construction et de l'habitation se situe dans le titre IV « rapports des organismes d'habitation à loyer modéré et des bénéficiaires » du livre IV « habitations à loyer modéré » du code. Quant à l'extension du dispositif prévue à l'article L. 353-20 du même code, elle vise les logements locatifs « conventionnés à l'aide personnalisée au logement » : ces logements sont très majoritairement gérés par les organismes d'HLM, ils peuvent aussi l'être par d'autres personnes publiques (sociétés d'économie mixte, collectivités territoriales...) ou certaines personnes privées (associations, particuliers), mais qui s'engagent, par convention avec l'Etat, en échange d'avantages fiscaux ou financiers (subvention de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat), à louer à un loyer plafonné à des personnes défavorisées. Dans tous les cas, les bailleurs de ces logements ont clairement accepté une limitation de leur droit de propriété par le plafonnement de loyer lui-même, et la limitation apportée au prix des meubles par la loi n'est qu'un moyen d'éviter un détournement de cette limitation inhérente à la vocation sociale du logement.
Compte tenu de l'intérêt général qui s'attache au logement des populations défavorisées la loi ne porte aucune atteinte disproportionnée à la liberté et au droit de propriété des bailleurs sociaux.

XVII - Sur l'article 162
A) L'article 162 de la loi déférée introduit dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs un article fixant une liste de documents qui ne peuvent être réclamés par un bailleur lors de la mise en location d'un logement préalablement à tout engagement et sans que le candidat locataire soit assuré d'obtenir le logement visé.
S'il apparaît, en effet, légitime qu'un bailleur s'entoure de garanties lui permettant d'évaluer la capacité du candidat à la location à exécuter ses engagements futurs, le législateur a souhaité que cette évaluation s'appuie sur la production des documents strictement nécessaires pour apprécier la solvabilité du candidat locataire et que soit proscrite toute demande de pièce pouvant être utilisée à d'autres fins, notamment discriminatoires. La disposition introduite contribue également à préserver le respect de la vie privée des demandeurs de logement sans porter atteinte à la liberté de contracter.
Selon les sénateurs requérants, cet article restreint une liberté sans que cette restriction soit précisément définie et délimitée, compte tenu de l'emploi du terme « copie » pour le relevé de compte, et non pour la carte d'assuré social.
B) Cette critique n'est pas fondée.
Si la loi a employé l'expression « copie de relevé de compte bancaire ou postal », c'est simplement pour viser ce qui correspond à la pratique usuelle, qui permet aux demandeurs de ne pas se dessaisir de documents personnels. Eu égard à l'objet de la loi, il est clair que le législateur a entendu a fortiori exclure que l'original d'un relevé de compte puisse être exigé. En sens inverse, il est tout aussi clair que la loi ne saurait être comprise comme permettant qu'une copie de la carte d'assuré social soit exigée.

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En définitive, le Gouvernement considère qu'aucun des nombreux moyens soulevés par les auteurs des recours n'est de nature à justifier la censure des dispositions déférées au Conseil constitutionnel.