Décision

Décision n° 95-88 PDR du 11 octobre 1995

Décision du Conseil constitutionnel relative au compte de campagne de Monsieur Jacques Cheminade, candidat à l'élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 1995
Rejet du compte

Le Conseil constitutionnel,

Vu le compte de campagne déposé au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 7 juillet 1995 par M. Jacques Cheminade et publié au Journal officiel du 19 juillet 1995 ;

Vu les pièces jointes à ce compte ;

Vu le questionnaire du 27 juillet 1995 adressé par les rapporteurs à M. Cheminade ;

Vu la réponse de M. Cheminade enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 18 août 1995 ;

Vu la lettre du 15 septembre 1995 adressée par les rapporteurs à M. Cheminade ;

Vu la réponse de M. Cheminade enregistrée comme ci-dessus le 25 septembre 1995 ;

Vu les pièces jointes au dossier ;

Vu l'article 58 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962, modifiée notamment par les lois organiques no 95-62 du 19 janvier 1995 et no 95-72 du 20 janvier 1995, relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;

Vu le code électoral ;

Vu le décret no 64-231 du 14 mars 1964 modifié pris pour l'application de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 susvisée ;

Vu la déclaration des résultats du premier tour de scrutin en date du 26 avril 1995 et la proclamation des résultats de l'élection du Président de la République en date du 12 mai 1995 ;

Les rapporteurs ayant été entendus ;

1. Considérant que le compte de campagne du candidat a été déposé conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, dans un délai de deux mois suivant le tour du scrutin où l'élection a été acquise ;

2. Considérant que le compte de campagne du candidat est présenté avec un montant total de recettes de 4 718 040 F, en léger excédent sur le total des dépenses qui s'élève à 4 718 008 F ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral : « Pendant l'année précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où l'élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut avoir recueilli des fonds en vue du financement de sa campagne que par l'intermédiaire d'un mandataire nommément désigné par lui... » qu'il est spécifié au troisième alinéa de l'article L. 52-5 du même code qu'une association de financement électorale « ne peut recueillir de fonds que pendant la période prévue à l'article L. 52-4 » que les mêmes prescriptions s'imposent à un mandataire financier en vertu du troisième alinéa de l'article L. 52-6 ; qu'enfin l'article L. 52-8 dispose dans son premier alinéa que « les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 30 000 F »

4. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 précités, rendus applicables à l'élection du Président de la République par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 susvisée, que les candidats à l'élection présidentielle qui s'est déroulée les 23 avril et 7 mai 1995 ne pouvaient recueillir de fonds en vue du financement de leur campagne électorale que jusqu'au 7 mai 1995, date du tour de scrutin où l'élection a été acquise ; que si les dispositions des articles précités, en raison de la finalité qu'elles poursuivent, ne font pas obstacle à ce que figurent dans le compte de campagne des recettes correspondant à des versements postérieurs à l'élection, c'est à la condition que ces versements aient fait l'objet d'engagements souscrits antérieurement à l'élection ;

5. Considérant, d'autre part, que l'article L. 52-17 du code électoral applicable lorsque le Conseil constitutionnel, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'alinéa 3 de l'article 3-II de la loi du 6 novembre 1962 modifiée, inscrit d'office dans un compte de campagne une somme représentative d'une insuffisance de prix, d'un avantage direct ou indirect, d'une prestation de services ou d'un don en nature dont a bénéficié le candidat, prévoit que « la somme ainsi inscrite est réputée constituer un don, au sens de l'article L. 52-8, effectué par la ou les personnes physiques concernées » qu'en assimilant à des dons les sommes réintégrées dans le compte, le législateur a entendu soumettre celles-ci aux règles concernant les dons aux candidats, qui sont édictées en vue de sauvegarder l'égalité entre les candidats et d'assurer la transparence financière de la vie politique ; que notamment leur sont applicables les limitations prévues par les articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 du code électoral ;

6. Considérant qu'il ressort de l'examen du compte de campagne déposé par le candidat que celui-ci a bénéficié de sommes d'un montant total de 2 340 990 F, déclarées comme étant des prêts consentis à titre gratuit par des personnes physiques ; qu'il résulte de l'instruction que cette source de financement, à concurrence de 1 711 450 F, soit plus du tiers de l'ensemble des recettes déclarées, provient de vingt et un contrats conclus postérieurement au 7 mai 1995 ; que, compte tenu de l'importance de ces ressources dans le financement de la campagne, l'absence de stipulation d'intérêts a, en l'espèce, constitué au profit du candidat un avantage qui doit être assimilé à un don en vertu de l'article L. 52-17 du code électoral ; qu'eu égard à la date des conventions dont il s'agit, à l'importance et au caractère systématique des avantages ainsi consentis, le compte de campagne doit être regardé comme ayant été établi en méconnaissance des articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 du code électoral et doit par suite être rejeté,

Décide :

Article premier :
Le compte de campagne déposé le 7 juillet 1995 par M. Jacques Cheminade est rejeté.

Article 2 :
La présente décision sera notifiée à M. Cheminade, au ministre de l'intérieur et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 28 et 29 septembre 1995, 3, 5 et 11 octobre 1995 où siégeaient MM. Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Roland DUMAS

Journal officiel du 12 octobre 1995, page 14844
Recueil, p. 118
ECLI : FR : CC : 1995 : 95.88.PDR

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.4. Financement
  • 8.2.4.3. Contenu du compte de campagne
  • 8.2.4.3.3. Recettes
  • 8.2.4.3.3.2. Période durant laquelle peuvent être recueillis les fonds

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 du code électoral, rendus applicables à l'élection du Président de la République par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, que les candidats à l'élection présidentielle qui s'est déroulée les 23 avril et 7 mai 1995 ne pouvaient recueillir de fonds en vue du financement de leur campagne électorale que jusqu'au 7 mai 1995, date du tour de scrutin où l'élection a été acquise. Si les dispositions des articles précités, en raison de la finalité qu'elles poursuivent, ne font pas obstacle à ce que figurent dans le compte de campagne des recettes correspondant à des versements postérieurs à l'élection, c'est à la condition que ces versements aient fait l'objet d'engagements souscrits antérieurement à l'élection.

(95-88 PDR, 11 octobre 1995, cons. 4, Journal officiel du 12 octobre 1995, page 14844)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
  • 8.2.4. Financement
  • 8.2.4.3. Contenu du compte de campagne
  • 8.2.4.3.3. Recettes
  • 8.2.4.3.3.3. Dons

Lorsque le Conseil constitutionnel, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le troisième alinéa du II de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 modifiée, inscrit d'office dans un compte de campagne une somme représentative d'une insuffisance de prix, d'un avantage direct ou indirect, d'une prestation de service ou d'un don en nature dont a bénéficié le candidat, l'article L. 52-17 du code électoral prévoit que " la somme ainsi inscrite est réputée constituer un don, au sens de l'article L. 52-8, effectué par la ou les personnes physiques concernées ". En assimilant à des dons les sommes réintégrées dans le compte, le législateur a entendu soumettre celles-ci aux règles concernant les dons aux candidats. Leur sont notamment applicables les limitations prévues par les articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 du code électoral. Il ressort de l'examen du compte de campagne déposé par le candidat que celui-ci a bénéficié de sommes d'un montant total de 2 340 990 F, déclarées comme étant des prêts consentis à titre gratuit par des personnes physiques. Il résulte de l'instruction que cette source de financement, à concurrence de 1 711 450 F, soit plus du tiers de l'ensemble des recettes déclarées, provient de 21 contrats conclus postérieurement au 7 mai 1995. Compte tenu de l'importance de ces ressources dans le financement de la campagne, l'absence de stipulation d'intérêts a, en l'espèce, constitué au profit du candidat un avantage qui doit être assimilé à un don en vertu de l'article L. 52-17 du code électoral. Eu égard à la date des conventions dont il s'agit, à l'importance et au caractère systématique des avantages ainsi consentis, le compte de campagne doit être regardé comme ayant été établi en méconnaissance des articles L. 52-4, L. 52-5, L. 52-6 et L. 52-8 du code électoral et doit par suite être rejeté.

(95-88 PDR, 11 octobre 1995, cons. 5, 6, Journal officiel du 12 octobre 1995, page 14844)
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