Décision n° 2020-871 QPC du 15 janvier 2021 - Décision de renvoi Cass.
Cour de cassation - Chambre civile 1
N° de pourvoi : 20-14.584
ECLI : FR : CCASS : 2020 : C100742
Publié au bulletin
Solution : Qpc incidente - renvoi au cc
Audience publique du jeudi 15 octobre 2020
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 14 mai 2019
Président
Mme Batut (président)
Avocat(s)
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Zribi et Texier
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
COUR DE CASSATION
MY1
___________________
QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________
Audience publique du 15 octobre 2020
RENVOI
Mme BATUT, président
Arrêt n° 742 FS-P
Pourvoi n° R 20-14.584
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 OCTOBRE 2020
Par mémoire spécial présenté le 16 juillet 2020, Mme N... R..., domiciliée [...] , a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° R 20-14.584 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 2), dans une instance l'opposant à M. L... Q..., domicilié [...] .
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme R..., de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. Q..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Un jugement du 23 décembre 1999 a prononcé le divorce de M. Q... et de Mme R... et accordé à cette dernière une prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère indexée.
2. Par arrêt du 14 mai 2019, la cour d'appel de Paris a, sur le fondement des articles 33-VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et 276-3 du code civil, dans sa rédaction issue de ce texte, accueilli la demande de M. Q... de suppression de cette rente à compter du 26 novembre 2015.
Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité
3. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la cour d'appel de Paris, Mme R... a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :
« 1 °/ L'article 33-VI de la loi du n° 2004-439 de la loi du 26 mai 2004 méconnaît-il l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il prévoit la possibilité pour le juge de supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère et fixée, judiciairement ou par convention, avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, tandis qu'une telle faculté de suppression n'était pas ouverte au jour où la prestation a été fixée ? »
« 2 °/ L'article 33-VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce méconnaît-il l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'il prévoit que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 pourront être révisées, suspendues ou supprimées en cas de changement important intervenu dans les besoins ou les ressources de l'une ou l'autre des parties ou en cas d'avantage manifestement excessif procuré au créancier par le maintien de la prestation compensatoire alors que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 ne peuvent être révisées, suspendues ou supprimées qu'en cas de changement important intervenu dans les besoins ou les ressources de l'une ou l'autre des parties ? »
Examen des questions prioritaires de constitutionnalité
4. Aux termes de l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015, applicable au litige, les rentes viagères fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce peuvent être révisées, suspendues ou supprimées à la demande du débiteur ou de ses héritiers lorsque leur maintien en l'état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil . A ce titre, il est tenu compte de la durée du versement de la rente et du montant déjà versé.
5. Cette disposition, contestée par les deux questions prioritaires de constitutionnalité, est applicable au litige.
6. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.
7. Les questions posées présentent un caractère sérieux en ce qu'en prévoyant que les prestations compensatoires fixées sous forme de rente viagère avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 peuvent être révisées, suspendues ou supprimées non seulement en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties mais aussi lorsque la situation où le maintien de la prestation procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil, tandis, d'une part, qu'une telle faculté de suppression n'était pas ouverte au jour où la prestation a été fixée, d'autre part, que celles fixées après l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000 ne peuvent l'être qu'en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, l'article 33-VI de la loi du 26 mai 2004 pourrait être de nature à méconnaître les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
8. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze octobre deux mille vingt.ECLI : FR : CCASS : 2020 : C100742