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Décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011 - Décision de renvoi Cass.

Mme Ekaterina B., épouse D., et autres [Secret défense]
Non conformité partielle - effet différé

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 31 août 2011
N° de pourvoi : 11-90065
Publié au bulletin

M. Louvel (président), président
Me Foussard, Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 11-90.065 F-P+B+I

N° 4683

CI
31 AOÛT 2011

QPC SEULE - RENVOI AU CC

M. LOUVEL président,

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un août deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRIN, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON, les avocats ayant eu la parole en dernier ;

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date 19 mai 2011 dans une information suivie contre personne non dénommée des chefs d'assassinats, tentatives d'assassinats et complicité de tentatives d'assassinats, reçu le 31 mai 2011 à la Cour de cassation ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité transmise est la suivante :

« Les dispositions des articles 413-9 à 413-12 du code pénal, L. 2311-1 à L. 2312-8 du code de la défense et 56-4 du code de procédure pénale méconnaissent-elles le droit à valeur constitutionnelle à un procès équitable par un tribunal de pleine juridiction et le principe de la séparation des pouvoirs figurant à l'article16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » ;

Attendu que les articles visés qui fixent de manière indivisible le régime du secret de la défense nationale sont applicables à la procédure et n'ont pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de l'une des décisions rendues par cette instance ;

Attendu que, selon les requérants, les dispositions visées violent les principes invoqués en ce qu'elles limitent l'accès du juge aux éléments présentant un caractère de secret de la défense nationale et encadrent son intervention dans certains lieux classifiés ou contenant des secrets de la défense nationale ;

Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée présente un caractère sérieux en qu'elle porte sur la compatibilité des modalités prévues par les textes visés pour protéger les secrets de la défense nationale avec les principes du droit à un procès équitable et de la séparation des pouvoirs ainsi qu'avec l'objectif constitutionnel de recherche des auteurs d'infractions ;

Attendu qu'en effet, selon les textes visés, l'autorité judiciaire n'est pas qualifiée pour accéder à des informations classifiées au titre du secret de la défense nationale, alors même qu'elle estime que leur connaissance serait nécessaire à la manifestation de la vérité ; que ladite autorité ne peut avoir connaissance de telles informations que sur décision ministérielle après avis consultatif d'une autorité administrative indépendante ; que l'autorité judiciaire ne peut pénétrer dans certains lieux classifiés qu'après leur déclassification ; qu'elle ne peut enfin procéder à des perquisitions dans ces lieux et dans ceux abritant des éléments classifiés qu'en présence du président de la commission consultative du secret de la défense nationale, sans pouvoir prendre connaissance de ces éléments ;

D'où il suit qu'il y a lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Guérin conseiller rapporteur, M. Blondet, Mmes Koering-Joulin, Guirimand, MM. Beauvais, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Divialle, M. Maziau conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mathon ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;