QPC et Parlement (décembre 2010)

20/12/2022

Note bene : la présente fiche est présentée ici dans l’état de sa publication initiale, sans prise en compte des développements de jurisprudence postérieurs à sa publication.

Question prioritaire de constitutionnalité et Parlement (décembre 2010)

La procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), entrée en vigueur le 1er mars 2010, a étendu la mission du Conseil constitutionnel de contrôle de la conformité de la loi à la Constitution à des cas s'insérant dans une procédure en cours devant les juridictions administratives ou judiciaires. Le Conseil constitutionnel n'intervient donc plus seulement à la suite immédiate du travail parlementaire. Néanmoins, loin d'être étrangère à ce dernier, la QPC est en lien très étroit avec le Parlement.

Ce dernier, faut-il le rappeler, est d'abord, comme constituant puis comme législateur organique, à l'origine de cette nouvelle procédure.

En outre, aux termes de l'article 23-8 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, l'Assemblée nationale et le Sénat, par l'entremise de leur président respectif, sont, au même titre que le Président de la République et le Premier ministre, destinataires des décisions de renvoi de QPC rendues par le Conseil d'État et la Cour de cassation. Ils peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la QPC qui leur est ainsi soumise. Ils sont également, aux termes de l'article 1er du règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les QPC, destinataires de toutes les productions des parties au cours de la procédure contradictoire. Le Parlement, bien entendu, est également destinataire des décisions du Conseil constitutionnel.

Il l'est à un double titre.

Il l'est d'abord, formellement, de manière systématique, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 23-11 de l'ordonnance organique précitée : « Le Conseil constitutionnel communique également sa décision au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l'Assemblée nationale. »

Il peut l'être ensuite, sur le fond, lorsque le Conseil constitutionnel, respectueux des prérogatives du Parlement qui, seul, a le pouvoir de voter la loi, abroge une disposition sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution et décide, sur le fondement de son article 62, de reporter cette abrogation dans le temps, de telle sorte que le législateur puisse, dans l'intervalle, remédier à l'inconstitutionnalité censurée. Ainsi, peuvent être conciliés la séparation des pouvoirs et la sécurité juridique, soit autant de garanties d'un État de droit que la procédure de QPC est venue renforcer.

Comme il a déjà été souligné ici , certaines décisions de non-conformité à la Constitution se suffisent à elles-mêmes sans que le Parlement n'ait à reprendre la main.

Par exemple, la décision n° 2010-6/7 QPC a abrogé l'article L. 7 du code électoral et, avec lui, la peine automatique d'interdiction d'inscription sur les listes électorales. Ce fut le cas également de la décision n° 2010-10 QPC qui a abrogé l'article 90 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande relatif aux tribunaux maritimes commerciaux.

À l'inverse, d'autres décisions de non-conformité, comme la décision n° 2010-1 QPC sur la « décristallisation » des pensions des anciens combattants, la décision n° 2010-14/22 QPC sur la garde à vue, la décision n° 2010-32 QPC sur la retenue douanière ou encore la décision n° 2010-45 QPC sur l'attribution des noms de domaine sur internet, nécessitent une nouvelle intervention du législateur. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, il appartient en effet, à chaque fois, au Parlement de faire des choix. Par exemple, de décider du niveau de « décristallisation » dans le respect du principe d'égalité. Ou de fixer de nouvelles règles de la garde à vue dans le respect des exigences constitutionnelles.

Par ailleurs, comme il a eu l'occasion de le souligner à maintes reprises dans le cadre du contrôle a priori qu'il effectue sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, dans le cadre de la procédure a posteriori de la QPC, a rappelé que « l'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement », et ce dans de nombreux domaines : droit pénal et procédure pénale (décisions nos2010-14/22 QPC2010-25 QPC et 2010-32 QPC), droit fiscal (décision n° 2010-28 QPC), droit civil et commercial (décisions nos2010-2 QPC2010-39 QPC et 2010-45 QPC)...