Décision

Décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018

Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
Non conformité partielle

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, sous le n° 2018-771 DC, le 5 octobre 2018, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Serge BABARY, Philippe BAS, Jérôme BASCHER, Arnaud BAZIN, Mmes Martine BERTHET, Anne-Marie BERTRAND, Christine BONFANTI-DOSSAT, MM. François BONHOMME, Bernard BONNE, Mme Pascale BORIES, MM. Gilbert BOUCHET, Yves BOULOUX, Max BRISSON, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, M. Jean-Noël CARDOUX, Mme Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Mme Marie-Christine CHAUVIN, M. Guillaume CHEVROLLIER, Mme Marta de CIDRAC, MM. Pierre CUYPERS, Philippe DALLIER, Mme Laure DARCOS, M. Marc-Philippe DAUBRESSE, Mme Annie DELMONT-KOROPOULIS, M. Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Philippe DOMINATI, Alain DUFAUT, Mme Catherine DUMAS, MM. Laurent DUPLOMB, Jean-Paul ÉMORINE, Mmes Dominique ESTROSI-SASSONE, Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, MM. Michel FORISSIER, Jacques GENEST, Mme Frédérique GERBAUD, MM. Bruno GILLES, Jordi GINESTA, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Alain HOUPERT, Jean-Raymond HUGONET, Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Mmes Corinne IMBERT, Muriel JOURDA, MM. Roger KAROUTCHI, Guy-Dominique KENNEL, Mmes Élisabeth LAMURE, Christine LANFRANCHI-DORGAL, Florence LASSARADE, MM. Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Ronan LE GLEUT, Jean-Pierre LELEUX, Henri LEROY, Mmes Brigitte LHERBIER, Viviane MALET, M. Didier MANDELLI, Mme Marie MERCIER, M. Sébastien MEURANT, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Louis-Jean de NICOLAY, Mme Sylviane NOËL, MM. Olivier PACCAUD, Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Cédric PERRIN, Stéphane PIEDNOIR, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Michel RAISON, Jean-François RAPIN, Damien REGNARD, Mme Évelyne RENAUD-GARABEDIAN, MM. Charles REVET, Hugues SAURY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Alain SCHMITZ, Vincent SEGOUIN, Bruno SIDO, Jean SOL, Mmes Claudine THOMAS, Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Jean-Pierre VIAL, Jean-Pierre VOGEL, Mme Annick BILLON, MM. Jean-Marie BOCKEL, Vincent CAPO-CANELLAS, Alain CAZABONNE, Olivier CIGOLOTTI, Vincent DELAHAYE, Yves DÉTRAIGNE, Mme Élisabeth DOINEAU, M. Daniel DUBOIS, Mmes Françoise FÉRAT, Catherine FOURNIET, Françoise GATEL, Jocelyne GUIDEZ, MM. Olivier HENNO, Loïc HERVÉ, Jean-Marie JANSSENS, Mme Sophie JOISSAINS, MM. Claude KERN, Laurent LAFON, Michel LAUGIER, Nuihau LAUREY, Jacques LE NAY, Mmes Valérie LÉTARD, Anne-Catherine LOISIER, MM. Jean-François LONGEOT, Pierre LOUAULT, Jean-Claude LUCHE, Hervé MARSEILLE, Hervé MAUREY, Pierre MÉDEVIELLE, Jean-Marie MIZZON, Jean-Pierre MOGA, Mme Évelyne PERROT, M. Jean-Paul PRINCE, Mmes Sonia de la PROVÔTÉ, Nadia SOLLOGOUB, Dominique VÉRIEN, Sylvie VERMEILLET et Michèle VULLIEN, sénateurs.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code de commerce ;
  • le code de l'environnement ;

Au vu des observations du Gouvernement, enregistrées le 18 octobre 2018 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Ils critiquent la procédure d'adoption de son article 1er, certaines dispositions de ses articles 8 et 28, son article 82 et la procédure d'adoption de certaines dispositions de son article 83.

- Sur la procédure d'adoption de l'article 1er :

2. Les sénateurs requérants font valoir que cet article aurait été adopté, en nouvelle lecture, en violation de l'article 45 de la Constitution, dans la mesure où les dispositions du quatorzième alinéa de cet article, pourtant adoptées en termes identiques, en première lecture, par les deux chambres, auraient ensuite fait l'objet d'amendements.

3. Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution, notamment de la première phrase de son premier alinéa aux termes de laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c'est-à-dire qui n'a pas été adoptée dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.

4. À l'issue de la première lecture, l'article 1er, dont l'ensemble des dispositions est relatif à l'encadrement des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation, n'avait pas été adopté dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées. La totalité de ses dispositions restait donc en discussion, même celles adoptées, le cas échéant, en termes identiques. Des adjonctions ou des modifications pouvaient donc y être apportées en nouvelle lecture, dans la mesure où elles présentaient un lien direct avec au moins l'une des dispositions de cet article. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

- Sur certaines dispositions de l'article 8 :

5. Le 1 ° du paragraphe I de l'article 8 introduit un article L. 123-5-2 dans le code de commerce. Sa première phrase prévoit que, lorsque les dirigeants d'une société commerciale transformant des produits agricoles, commercialisant des produits alimentaires, exploitant des magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail ne procèdent pas au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du même code, le président du tribunal de commerce peut adresser à cette société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.

6. Selon les requérants, cette nouvelle procédure d'injonction ne viserait que le secteur agroalimentaire, alors pourtant que les obligations de publicité des comptes incombent à toutes les sociétés commerciales. Il en résulterait une violation du principe d'égalité devant la loi.

7. Selon l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

8. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, compte tenu du déséquilibre des relations commerciales entre les acteurs appartenant aux secteurs agroalimentaire et de la distribution, favoriser la transparence de ces relations. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.

9. La différence de traitement qui en résulte étant en rapport direct avec l'objet de la loi, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

10. La première phrase de l'article L. 123-5-2 du code de commerce, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.

- Sur certaines dispositions de l'article 28 :

11. Le 1 ° du paragraphe I de l'article 28 modifie le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement pour étendre la liste des ustensiles en matière plastique dont la mise à disposition est interdite à compter du 1er janvier 2020.

12. Les requérants reprochent à ces dispositions de porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre des personnes produisant et commercialisant les ustensiles visés par cette interdiction dans la mesure où celle-ci entre en vigueur à bref délai et s'applique à des ustensiles réutilisables alors même que le législateur aurait seulement entendu lutter contre « le plastique jetable ».

13. Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

14. Le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que, à compter du 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. La mise à disposition ainsi visée s'entend de la mise à disposition gratuite ou onéreuse, y compris la mise sur le marché, de ces ustensiles en France.

15. Les dispositions contestées étendent cette interdiction, dans les mêmes conditions, aux « pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons ».

16. En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que le législateur a entendu limiter l'interdiction qu'il édictait aux seuls ustensiles en plastique à usage unique. Dès lors, ne sont visés par les dispositions contestées que des ustensiles jetables.

17. En second lieu, d'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu favoriser la réduction des déchets plastiques, dans un but de protection de l'environnement et de la santé publique. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances, l'appréciation par le législateur des conséquences susceptibles de résulter pour l'environnement et pour la santé publique de l'utilisation de ces produits.

18. D'autre part, le législateur a exclu du champ de l'interdiction les ustensiles réutilisables ainsi que les ustensiles jetables qui sont « compostables en compostage domestique » et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. En déterminant ainsi la portée de l'interdiction de mise à disposition qu'il édictait, le législateur a apporté à la liberté d'entreprendre une restriction en lien avec l'objectif qu'il poursuivait.

19. Si cette interdiction s'applique dès le 1er janvier 2020, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par le législateur n'est pas, compte tenu du champ de cette interdiction, manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement et de la santé publique. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté.

20. Par conséquent, les mots « pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons » figurant au premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.

- Sur l'article 82 :

21. L'article 82 prévoit une expérimentation de l'utilisation des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne en matière agricole. Par dérogation aux dispositions interdisant l'épandage aérien, cette utilisation est permise pour les produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d'une exploitation faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale, sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure à 30 %, pour une période maximale de trois ans.

22. Les requérants soutiennent que cet article méconnaîtrait le principe d'égalité devant la loi dès lors qu'il réserve aux seuls agriculteurs utilisant des produits autorisés dans l'agriculture biologique ou travaillant dans des exploitations à haute valeur environnementale le recours à des drones pour l'épandage. Or, selon eux, dès lors que cette expérimentation se justifierait par le caractère dangereux de l'épandage manuel ou mécanique sur des surfaces agricoles pentues, elle devrait être ouverte à tous les agriculteurs, quels que soient les produits qu'ils utilisent ou les caractéristiques de l'exploitation dans laquelle ils travaillent.

23. L'expérimentation contestée a pour objet, selon l'article 82, de déterminer les bénéfices liés à l'utilisation de drones « pour limiter les risques d'accidents du travail et pour l'application de produits autorisés en agriculture biologique » ou utilisés dans le cadre d'une exploitation « faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale ».

24. D'une part, tous les agriculteurs exploitant des terrains présentant une pente importante peuvent utiliser des drones pour épandre des produits phytopharmaceutiques, dès lors que ceux-ci sont autorisés en agriculture biologique. D'autre part, en prévoyant que seuls ces produits et ceux utilisés par les exploitations faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale peuvent être ainsi épandus, le législateur a souhaité limiter les risques d'accidents du travail sur les terrains en forte pente tout en restreignant les risques pour l'environnement liés à une pulvérisation aérienne par drones. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a traité différemment des situations différentes et instauré une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi. L'article 82 ne méconnaît donc pas, en tout état de cause, le principe d'égalité devant la loi.

25. L'article 82, qui ne contrevient à aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.

- Sur la procédure d'adoption de certaines dispositions de l'article 83 :

26. Les sénateurs requérants soutiennent que le 2 ° du paragraphe I et le paragraphe II de l'article 83 ont été introduits en nouvelle lecture, en violation de l'article 45 de la Constitution.

27. Le 2 ° du paragraphe I et le paragraphe II de l'article 83 sont relatifs à l'encadrement de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes à des habitations, ainsi qu'à l'interdiction d'autres produits de ce type.

28. Introduites en nouvelle lecture, ces adjonctions étaient, à ce stade de la procédure, en relation directe avec les dispositions de l'article 83 restant en discussion, relatives à l'interdiction d'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 45 de la Constitution doit donc être écarté.

- Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :

29. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

30. Les articles 12, 22, 33, 58 et 60 prévoient la remise au Parlement de rapports du Gouvernement, respectivement, sur l'opportunité de mettre en place une prestation pour services environnementaux, sur l'agriculture de montagne, sur la durée de vie des produits alimentaires, sur les aides du premier pilier de la politique agricole commune et sur l'évaluation du dispositif de projet alimentaire territorial.

31. L'article 21 définit la notion d'agriculture de groupe, pour la mise en commun de connaissances et de ressources humaines ou matérielles, ainsi que les modalités de fonctionnement et les missions des collectifs d'agriculteurs qui en relèvent.

32. L'article 31 interdit l'utilisation de dénominations associées aux produits d'origine animale dans la promotion de produits d'origine végétale.

33. Les articles 32, 35, 36, 40 et 43 instaurent une obligation d'information du consommateur sur les lieux d'élevage des huîtres et d'affinage des fromages fermiers ou sur la provenance du vin et du miel.

34. L'article 34 instaure une obligation d'information lors de la vente en ligne de produits alimentaires.

35. L'article 37 ajoute à la liste des objectifs assignés à la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits alimentaires, la promotion de ceux n'ayant pas contribué à la déforestation.

36. L'article 39 abroge la loi protégeant l'appellation « Clairette de Die ».

37. L'article 41 soumet les personnes récoltant des raisins de cuve à une déclaration obligatoire de récolte.

38. L'article 42 est relatif à la protection de l'utilisation de la dénomination « équitable ».

39. L'article 49 prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur la déforestation importée et assigne à l'État l'objectif de ne pas acheter de produits ayant contribué à la déforestation.

40. L'article 56 prévoit que des représentants d'associations de protection de l'environnement siègent aux comités nationaux de l'institut national de l'origine et de la qualité.

41. L'article 59 étend au champ agroalimentaire les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale.

42. L'article 78 est relatif à la cession à titre onéreux de variétés de semences relevant du domaine public destinées aux utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale.

43. L'article 86 précise que l'enseignement agricole doit contribuer à l'éducation à la préservation de la biodiversité et des sols.

44. L'article 87 vise à autoriser la publicité pour des vaccins vétérinaires à destination des éleveurs.

45. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 12, 21, 22, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 49, 56, 58, 59, 60, 78, 86 et 87 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

- Sur les autres dispositions :

46. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Les articles 12, 21, 22, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 49, 56, 58, 59, 60, 78, 86 et 87 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous sont contraires à la Constitution.

Article 2. - Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • la première phrase de l'article L. 123-5-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la même loi ;
  • les mots « pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons » figurant au premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement, dans la même rédaction ;
  • l'article 82 de la même loi.

Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 octobre 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 25 octobre 2018.

JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.771.DC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
  • 4.21.2. Liberté d'entreprendre
  • 4.21.2.5. Conciliation du principe
  • 4.21.2.5.2. Avec l'intérêt général

Le 1° du paragraphe I de l'article 28 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous modifie le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement pour étendre la liste des ustensiles en matière plastique dont la mise à disposition est interdite à compter du 1er janvier 2020. Le premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 541-10-5, dans sa rédaction en vigueur, prévoit que, à compter du 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. La mise à disposition ainsi visée s'entend de la mise à disposition gratuite ou onéreuse, y compris la mise sur le marché, de ces ustensiles en France. Les dispositions contestées étendent cette interdiction, dans les mêmes conditions, aux « pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons ».
En premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que le législateur a entendu limiter l'interdiction qu'il édictait aux seuls ustensiles en plastique à usage unique. Dès lors, ne sont visés par les dispositions contestées que des ustensiles jetables. En second lieu, d'une part, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu favoriser la réduction des déchets plastiques, dans un but de protection de l'environnement et de la santé publique. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances, l'appréciation par le législateur des conséquences susceptibles de résulter pour l'environnement et pour la santé publique de l'utilisation de ces produits. D'autre part, le législateur a exclu du champ de l'interdiction les ustensiles réutilisables ainsi que les ustensiles jetables qui sont « compostables en compostage domestique » et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. En déterminant ainsi la portée de l'interdiction de mise à disposition qu'il édictait, le législateur a apporté à la liberté d'entreprendre une restriction en lien avec l'objectif qu'il poursuivait. Si cette interdiction s'applique dès le 1er janvier 2020, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par le législateur n'est pas, compte tenu du champ de cette interdiction, manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement et de la santé publique. Le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre est écarté.

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.9. Droit rural

Les dispositions contestées prévoient une expérimentation de l'utilisation des aéronefs télépilotés pour la pulvérisation aérienne en matière agricole. Par dérogation aux dispositions interdisant l'épandage aérien, cette utilisation est permise pour les produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d'une exploitation faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale, sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure à 30 %, pour une période maximale de trois ans.
L'expérimentation contestée a pour objet de déterminer les bénéfices liés à l'utilisation de drones « pour limiter les risques d'accidents du travail et pour l'application de produits autorisés en agriculture biologique » ou utilisés dans le cadre d'une exploitation « faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale » D'une part, tous les agriculteurs exploitant des terrains présentant une pente importante peuvent utiliser des drones pour épandre des produits phytopharmaceutiques, dès lors que ceux-ci sont autorisés en agriculture biologique. D'autre part, en prévoyant que seuls ces produits et ceux utilisés par les exploitations faisant l'objet d'une certification du plus haut niveau d'exigence environnementale peuvent être ainsi épandus, le législateur a souhaité limiter les risques d'accidents du travail sur les terrains en forte pente tout en restreignant les risques pour l'environnement liés à une pulvérisation aérienne par drones. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a traité différemment des situations différentes et instauré une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi.

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 21, 23, 24, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.5. Considérations d'intérêt général justifiant une différence de traitement
  • 5.1.5.6. Droit économique
  • 5.1.5.6.6. Droit des sociétés

Les dispositions contestées introduisent un article L. 123-5-2 dans le code de commerce dont la première phrase prévoit que, lorsque les dirigeants d'une société commerciale transformant des produits agricoles, commercialisant des produits alimentaires, exploitant des magasins de commerce de détail de produits de grande consommation ou intervenant dans le secteur de la distribution comme centrale de référencement ou d'achat d'entreprises de commerce de détail ne procèdent pas au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du même code, le président du tribunal de commerce peut adresser à cette société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu, compte tenu du déséquilibre des relations commerciales entre les acteurs appartenant aux secteurs agroalimentaire et de la distribution, favoriser la transparence de ces relations. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. La différence de traitement qui en résulte étant en rapport direct avec l'objet de la loi, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la Déclaration de 1789 est écarté.

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 5, 6, 7, 8, 9, 10, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
  • 10.3.5.2.5.4. Absence de lien indirect

Les articles 12, 22, 33, 58 et 60 de la loi déférée prévoient la remise au Parlement de rapports du Gouvernement, respectivement, sur l'opportunité de mettre en place une prestation pour services environnementaux, sur l'agriculture de montagne, sur la durée de vie des produits alimentaires,  sur les aides du premier pilier de la politique agricole commune et sur l'évaluation du dispositif de projet alimentaire territorial. L'article 21 définit la notion d'agriculture de groupe, pour la mise en commun de connaissances et de ressources humaines ou matérielles, ainsi que les modalités de fonctionnement et les missions des collectifs d'agriculteurs qui en relèvent. L'article 31 interdit l'utilisation de dénominations associées aux produits d'origine animale dans la promotion de produits d'origine végétale. Les articles 32, 35, 36, 40 et 43 instaurent une obligation d'information du consommateur sur les lieux d'élevage des huîtres et d'affinage des fromages fermiers ou sur la provenance du vin et du miel. L'article 34 instaure une obligation d'information lors de la vente en ligne de produits alimentaires. L'article 37 ajoute à la liste des objectifs assignés à la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits alimentaires, la promotion de ceux n'ayant pas contribué à la déforestation. L'article 39 abroge la loi protégeant l'appellation « Clairette de Die ». L'article 41 soumet les personnes récoltant des raisins de cuve à une déclaration obligatoire de récolte.38. L'article 42 est relatif à la protection de l'utilisation de la dénomination « équitable ». L'article 49 prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur la déforestation importée et assigne à l'État l'objectif de ne pas acheter de produits ayant contribué à la déforestation. L'article 56 prévoit que des représentants d'associations de protection de l'environnement siègent aux comités nationaux de l'institut national de l'origine et de la qualité. L'article 59 étend au champ agroalimentaire les objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale. L'article 78 est relatif à la cession à titre onéreux de variétés de semences relevant du domaine public destinées aux utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale. L'article 86 précise que l'enseignement agricole doit contribuer à l'éducation à la préservation de la biodiversité et des sols. L'article 87 vise à autoriser la publicité pour des vaccins vétérinaires à destination des éleveurs. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 12, 21, 22, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 49, 56, 58, 59, 60, 78, 86 et 87 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.6. Recevabilité après la première lecture
  • 10.3.5.2.6.1. Existence d'un lien direct avec le texte en discussion

Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c'est-à-dire qui n'a pas été adoptée dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées.
À l'issue de la première lecture, l'article 1er, dont l'ensemble des dispositions est relatif à l'encadrement des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation, n'avait pas été adopté dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées. La totalité de ses dispositions restait donc en discussion, même celles adoptées, le cas échéant, en termes identiques. Des adjonctions ou des modifications pouvaient donc y être apportées en nouvelle lecture, dans la mesure où elles présentaient un lien direct avec au moins l'une des dispositions de cet article. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 45 de la Constitution est écarté. 

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 3, 4, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )

Le 2° du paragraphe I et le paragraphe II de l'article 83 sont relatifs à l'encadrement de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes à des habitations, ainsi qu'à l'interdiction d'autres produits de ce type. Introduites en nouvelle lecture, ces adjonctions étaient, à ce stade de la procédure, en relation directe avec les dispositions de l'article 83 restant en discussion, relatives à l'interdiction d'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 45 de la Constitution est écarté.

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 27, 28, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.6. Recevabilité après la première lecture
  • 10.3.5.2.6.5. Notion de disposition restant en discussion

Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c'est-à-dire qui n'a pas été adoptée dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées.
À l'issue de la première lecture, l'article 1er, dont l'ensemble des dispositions est relatif à l'encadrement des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation, n'avait pas été adopté dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblées. La totalité de ses dispositions restait donc en discussion, même celles adoptées, le cas échéant, en termes identiques. Des adjonctions ou des modifications pouvaient donc y être apportées en nouvelle lecture, dans la mesure où elles présentaient un lien direct avec au moins l'une des dispositions de cet article. 

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 3, 4, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.4. RECEVABILITÉ DES SAISINES (article 61 de la Constitution)
  • 11.4.4. Effets de la saisine
  • 11.4.4.2. Applications

Censure d'office de cavaliers législatifs (exemples).

(2018-771 DC, 25 octobre 2018, cons. 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, JORF n°0253 du 1 novembre 2018, texte n° 2 )
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Saisine par 60 sénateurs, Liste des contributions extérieures, Observations du Gouvernement, Dossier législatif AN, Dossier législatif Sénat, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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