Décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 23 novembre 1982, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution : Par MM Adolphe Chauvin, Philippe de Bourgoing, Charles Pasqua, Louis Virapoullé, Georges Repiquet, Roger Lise, Edmond Valcin, Alphonse Arzel, René Ballayer, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Jean-Marie Bouloux, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Charles Ferrant, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Henri Goetschy, Jean Gravier, Daniel Hoeffel, Rémi Herment, René Jager, Louis Jung, Bernard Laurent, Jean Lecanuet, Bernard Lemarié, Jean Madelain, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique Pado, Paul Pillet, Roger Poudonson, Maurice Prévoteau, André Rabineau, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Jean Sauvage, Pierre Schiélé, Paul Séramy, René Tinant, Raoul Vadepied, Pierre Vallon, Joseph Yvon, Charles Zwickert, Marcel Daunay, Alfred Gérin, Henri Le Breton, Yves le Cozannet, Marcel Lemaire, Georges Treille, Roland du Luart, Richard Pouille, Jean-Pierre Fourcade, Pierre-Christian Taittinger, Guy Petit, Roland Ruet, Guy de La Verpillière, Jean Puech, Jean-François Pintat, Jules Roujon, Michel Crucis, Jacques Ménard, Bernard Barbier, Jean Bénard Mousseaux, Paul Guillard. Michel Miroudot, Albert Voilquin, Jacques Larché, Louis Boyer, Louis Martin, Serge Mathieu, Hubert Martin, Pierre Croze, Jean Chérioux, Paul d'Ornano, Adrien Gouteyron, Jacques Chaumont, Marc Bécam, Jean Amelin, Michel Maurice-Bokanowski, Paul Malassagne, Jacques Delong, Henri Belcour, Jean-François Legrand, Jacques Braconnier, Bernard-Charles Hugo, Louis Souvet, Michel Alloncle, Christian Poncelet, Amédée Bouquerel, Marc Jacquet, Michel Chauty, Henri Portier, Marcel Fortier, Jacques Moutet, Etienne Dailly, Mme Brigitte Gros, MM Pierre Jeambrun, Raymond Soucaret, Jacques Pelletier, Jean-Pierre Cantegrit, sénateurs.
Par MM Michel Debré, Camille Petit, Claude Labbé, Mme Florence d'Harcourt, MM Michel Cointat, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Tutaha Salmon, Roger Corrèze, Bruno Bourg-Broc, François Fillon, Henri de Gastines, Georges Tranchant, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Serge Charles, Jean de Lipkowski, Jean-Louis Masson, René La Combe, Maurice Couve de Murville, Jacques Marette, Gabriel Kaspereit, Roland Vuillaume, Jean Falala, Jacques Chirac, Edouard Frédéric-Dupont, Mme Hélène Missoffe, MM Georges Gorse, Pierre-Bernard Cousté, Jacques Godfrain, Jacques Toubon, Pierre-Charles Krieg, Michel Péricard, Bernard Pons, Alain Peyrefitte, Etienne Pinte, Marc Lauriol, Jean-Louis Goasduff, Yves Lancien, Pierre Mauger, Jean-Paul de Rocca Serra, Roland Nungesser, Philippe Séguin, Jean de Préaumont, Jean Foyer, Georges Delatre, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer, Pierre Weisenhorn, Michel Noir, Pierre Bas, Jean-Paul Charié, Jean-Charles Cavaillé, Jean Tiberi, Robert Galley, Antoine Gissinger, Jean Valleix, Germain Sprauer, Emile Bizet, Jacques Baumel, Olivier Guichard, Jean Narquin, Lucien Richard, Emmanuel Aubert, Robert-André Vivien, Michel Barnier, Hyacinthe Santoni, Michel Inchauspé, Daniel Goulet, Christian Bergelin, Jean-Claude Gaudin, Jacques Fouchier, Maurice Ligot, Claude Birraux, Albert Brochard, Jacques Dominati, Gilbert Gantier, Paul Pernin, Marcel Bigeard, Germain Gengenwin, Francisque Perrut, Mme Louise Moreau, MM Pascal Clément, Jacques Blanc, Jacques Barrot, Edmond Alphandéry, Charles Million, Alain Madelin, Philippe Mestre, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, Jean Briane, André Rossinot, René Haby, Claude Wolff, Jean Proriol, Roger Lestas, Pierre Micaux, François d'Harcourt, Yves Sautier, Jean Rigaud, Jean Seitlinger, Marcel Esdras, Victor Sablé, Raymond Barre, Jean-Pierre Soisson, Bernard Stasi, députés, et par M Alain Poher, président du Sénat, de demandes d'examen de la conformité à la Constitution du texte de la loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de cette ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que, pour contester la conformité à la Constitution de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, les parlementaires auteurs des saisines soutiennent notamment, d'une part, qu'en substituant au conseil général et au conseil régional une assemblée unique élue à la représentation proportionnelle dans une circonscription unique, et en créant une nouvelle collectivité territoriale qui supprime le département, la loi viole le principe de l'assimilation des départements d'outre-mer aux départements de la métropole consacré par l'article 72 de la Constitution, d'autre part, que les dispositions de la loi comportent des innovations qui vont au-delà des mesures d'adaptation prévues à l'article 73 de la Constitution ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la Constitution « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. Ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi » ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la Constitution « Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière » ;
4. Considérant qu'il résulte de ces articles que le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre nécessaires la situation particulière de ces départements d'outre-mer ; que ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une « organisation particulière », prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer ;
5. Considérant qu'en confiant la gestion des départements d'outre-mer à une assemblée qui, contrairement au conseil général des départements métropolitains en l'état actuel de la législation, n'assure pas la représentation des composantes territoriales du département, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel confère à cette assemblée une nature différente de celle des conseils généraux ; qu'ainsi, ces dispositions vont au-delà des mesures d'adaptation que l'article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l'organisation des départements d'outre-mer ;
6. Considérant qu'en donnant à cet article une portée qu'il n'a pas, le législateur a méconnu la règle de droit qui définit sa compétence et que, dès lors, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel doit être déclarée non conforme à la Constitution,
Décide :
Article premier :
La loi portant adaptation de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion est déclarée non conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 4 décembre 1982, page 3666
Recueil, p. 70
ECLI : FR : CC : 1982 : 82.147.DC
Les abstracts
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.4. RECEVABILITÉ DES SAISINES (article 61 de la Constitution)
- 11.4.3. Conditions tenant à la forme de la saisine
11.4.3.1. Motivation
Recevabilité d'une saisine ne comportant l'énoncé d'aucun grief particulier. Article 61 de la Constitution.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.4. Caractère séparable ou non des dispositions déclarées inconstitutionnelles
- 11.8.4.3. Inséparabilité des dispositions non conformes à la Constitution et de tout ou partie du reste de la loi
11.8.4.3.1. Inséparabilité des dispositions déclarées contraires à la Constitution de l'ensemble de la loi
Les dispositions concernant l'institution d'un conseil général et régional dans quatre départements d'outre-mer allant au-delà des mesures d'adaptation autorisées par l'article 73 de la Constitution, le Conseil constitutionnel déclare non conforme à la Constitution l'ensemble de la loi portant adaptation de la loi du 2 mars 1982 à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion.
- 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
- 14.4. ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
- 14.4.5. Départements et régions d'outre-mer (article 73)
14.4.5.2. Départements d'outre-mer
Il résulte des articles 72 et 73 de la Constitution que le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains, sous la seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre nécessaire la situation particulière de ces départements d'outre-mer. Ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de leur conférer une " organisation particulière " prévue par l'article 74 pour les seuls territoires d'outre-mer. En confiant la gestion des départements d'outre-mer à une assemblée qui, contrairement au conseil général des départements métropolitains, n'assure pas la représentation des composantes territoriales du département, la loi confère à cette assemblée une nature différente de celle des conseils généraux. Ces dispositions vont au-delà des mesures d'adaptation que l'article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l'organisation des départements d'outre-mer. En donnant à cet article une portée qu'il n'a pas, le législateur a méconnu la règle de droit qui définit sa compétence.