Conseil Constitutionnel

Décision n° 2021-814 DC / 1er avril 2021 / Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale en ce qui concerne l’organisation des travaux parlementaires en période de crise

Décision n° 2021-820 DC / 1er juillet 2021 / Résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité

Règlements des assemblées parlementaires

Règlements des assemblées parlementaires

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Le Conseil constitutionnel a été saisi par les deux assemblées parlementaires au premier semestre 2021 de modifications de leurs règlements.

Par sa décision n° 2021-814 DC du 1er avril 2021, le Conseil constitutionnel a jugé que, si les assemblées parlementaires peuvent adapter leur règlement pour assurer la continuité de leurs travaux dans des situations de crise, c’est à la condition que ces adaptations soient suffisamment précises pour lui permettre de contrôler leur constitutionnalité.

Il avait été saisi par le Président de l’Assemblée nationale d’une résolution dont l’article unique prévoyait que, en cas de « circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération ou de vote », la Conférence des présidents peut adapter temporairement les modalités de participation, de délibération et de vote des députés lors des réunions de commission et en séance publique, le cas échéant par le recours à des outils de travail à distance, en tenant compte de la configuration politique de l’assemblée. La Conférence des présidents devait se prononcer tous les quinze jours sur l’opportunité du maintien ou de la modification des décisions ainsi adoptées.

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il lui incombe de se prononcer sur la conformité à la Constitution des règlements des assemblées avant leur mise en application.

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il lui incombe, en application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, de se prononcer sur la conformité à la Constitution des règlements des assemblées avant leur mise en application.

Sur ce fondement, il a jugé que, afin d’assurer l’indispensable continuité de leurs travaux, il est loisible aux assemblées de définir dans leur règlement des dispositions dérogatoires susceptibles d’être temporairement mises en œuvre sur décision de leurs autorités, lorsque ces dernières constatent que des circonstances exceptionnelles perturbent, de manière significative, les conditions de participation des parlementaires aux réunions des commissions et en séance publique, de délibération et de vote. Ces dispositions dérogatoires doivent, comme celles s’appliquant en temps normal, être contrôlées, avant leur mise en application, par le Conseil constitutionnel afin qu’il s’assure de leur conformité à la Constitution.

Or, la résolution soumise à l’examen du Conseil constitutionnel permettait à la Conférence des présidents, en cas de circonstances exceptionnelles, de prendre toute règle ayant pour effet de déroger temporairement aux dispositions du règlement, pour adapter les modalités de participation, de délibération et de vote des députés lors des réunions de commission et en séance publique. À l’exception de la mention selon laquelle, le cas échéant, elles peuvent consister en un recours à des outils de travail à distance, ces adaptations n’étaient ni limitées ni précisées par la résolution, qui se bornait à prévoir qu’elles devaient respecter le principe du vote personnel et les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, lesquels s’imposent en tout état de cause.

Le Conseil constitutionnel a jugé dès lors ne pouvoir mesurer la portée des adaptations permises par cette résolution pour exercer le contrôle de constitutionnalité des règles de fonctionnement de l’Assemblée nationale que lui impose le premier alinéa de l’article 61 de la Constitution. Il a déclaré en conséquence cette résolution contraire à la Constitution.

Puis, par sa décision n° 2021-820 DC du 1er juillet 2021, le Conseil constitutionnel a validé une résolution modifiant le règlement du Sénat tout en assortissant d’une interprétation neutralisante l’un de ses articles et de réserves d’interprétation plusieurs autres articles.

Au nombre des dispositions de cette résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, son article 2 prévoyait qu’au début de chaque session ordinaire, puis au plus tard le 1er mars suivant, ou après la formation du Gouvernement, ce dernier informe la Conférence des présidents « des projets de loi de ratification d’ordonnances publiées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution dont il prévoit de demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat au cours de la session ».

Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions ne font pas obstacle aux prérogatives que le Gouvernement tient du premier alinéa de l’article 48 de la Constitution. En particulier, les informations susceptibles d’être ainsi données par le Gouvernement, qui n’ont qu’un caractère indicatif, ne le lient pas dans l’exercice de ces prérogatives.

Le Conseil constitutionnel a validé une résolution modifiant le règlement du Sénat tout en assortissant d’une interprétation neutralisante l’un de ses articles et de réserves d’interprétation plusieurs autres articles.

S’agissant des dispositions de ce même article prévoyant que le Gouve­rnement informe la Conférence des présidents des ordonnances qu’il envisage de publier au cours du semestre, le Conseil constitutionnel a relevé que cette information vise à faciliter le suivi par le Sénat des habilitations que le Parlement a consenties en application de l’article 38 de la Constitution et de l’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de ratification des ordonnances. Dès lors, cette information participe à la mise en œuvre du premier alinéa de l’article 24 de la Constitution aux termes duquel « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Par la voie d’une interprétation neutralisante, le Conseil constitutionnel a toutefois jugé que les informations susceptibles d’être ainsi données par le Gouvernement sur le calendrier prévisionnel de publication de ces ordonnances, qui n’ont qu’un caractère indicatif, ne lient pas celui-ci dans l’exercice de la compétence qu’il tient de l’article 38 de la Constitution.

S’agissant de différentes dispositions visant à limiter le temps de parole en séance publique, le Conseil constitutionnel a rappelé, par la voie de réserves d’interprétation, qu’il appartient au président de séance d’appliquer ces différentes limitations du temps de parole et à la Conférence des présidents d’organiser, le cas échéant, les interventions des sénateurs en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

S’agissant de l’article 12 de la résolution créant une motion tendant à ne pas examiner une proposition de loi déposée en application du troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution (dans le cadre de la procédure dite du « référendum d’initiative partagée »), le Conseil a jugé que ces dispositions ont uniquement pour objet de garantir l’effectivité du droit reconnu à chaque assemblée d’obtenir l’organisation d’un référendum en refusant d’examiner une telle proposition de loi. Elles n’empêchent pas que, à la suite de l’adoption d’une telle motion, la proposition de loi soit de nouveau inscrite à l’ordre du jour du Sénat et que, à cette occasion, elle puisse faire l’objet de cette motion.


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