Conseil Constitutionnel

Décision n° 2020-810 DC / 21 décembre 2020 / Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur

Recherche et enseignement supérieur

Recherche et enseignement supérieur

©Damien Meyer / AFP

Par sa décision n° 2020-810 DC du 21 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Il a jugé conformes à la Constitution plusieurs dispositions de cette loi, tout en assortissant l’une d’elles d’une réserve d’interprétation et en en censurant deux comme « cavaliers législatifs ».

Le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égal accès aux emplois publics.

Était notamment contesté par les députés et sénateurs requérants l’article 4 de la loi qui organise une nouvelle voie de recrutement des professeurs d’université. Cette disposition permet au ministre chargé de l’enseignement supérieur d’autoriser un établissement public de recherche ou d’enseignement supérieur à recruter en qualité d’agent contractuel de droit public une personne en vue de sa titularisation dans le corps des professeurs de l’enseignement supérieur, lorsqu’un tel recrutement répond à un besoin spécifique lié à la stratégie scientifique de ce dernier ou à son attractivité internationale, dans des domaines de recherche pour lesquels il justifie de cette nécessité.

Le Conseil constitutionnel a rappelé le principe d’égal accès des citoyens aux emplois publics résultant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe fondamental reconnu par les lois de la République d’indépendance des enseignants-chercheurs.

Il a jugé à cette occasion que, si la règle selon laquelle les mérites des candidats à un poste de professeur ou de maître de conférences doivent être évalués par une instance nationale constitue une garantie légale du principe d’indépendance des enseignants-chercheurs, elle ne peut en elle-même être regardée comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Sur le fond, il a relevé, en premier lieu, que le recrutement prévu par les dispositions contestées est précédé d’un appel public à candidatures. Afin de garantir la qualité du recrutement, seules les personnes titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme équivalent sont autorisées à faire acte de candidature.

En deuxième lieu, les trois phases de la procédure de recrutement et de titularisation instituée par les dispositions contestées garantissent une évaluation objective des mérites des candidatures à un poste de professeur, à laquelle les pairs sont associés.

À l’issue de cette procédure d’évaluation, l’intéressé est titularisé par décret du Président de la République, sur proposition du chef d’établissement. Par une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge toutefois que le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs s’oppose à ce que le chef d’établissement puisse refuser, pour des motifs étrangers à l’administration de l’université et, en particulier, pour des motifs liés à la qualification scientifique de l’intéressé, de proposer à la titularisation un candidat ayant reçu un avis favorable de la commission de titularisation. Le chef d’établissement ne saurait, non plus, quel qu’en soit le motif, proposer à la titularisation un candidat ayant fait l’objet d’un avis défavorable de cette commission.

Par l’ensemble de ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe d’égal accès aux emplois publics ni, sous cette réserve d’interprétation, le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs fait droit à la critique dirigée par les requérants contre l’article 38 de la loi instituant un délit réprimant l’intrusion dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur, selon laquelle il avait été adopté selon une procédure irrégulière.

Il a en effet relevé que, introduites en première lecture par voie d’amendement, ces dispositions ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Dès lors, sans préjuger de la conformité du contenu de cet article aux autres exigences constitutionnelles, il l’a censuré comme adopté en méconnaissance de l’article 45 de la Constitution, c’est-à-dire comme « cavalier législatif ».


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OCTOBRE 2021
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