Conseil Constitutionnel

Décision n° 2020-809 DC / 10 décembre 2020 / Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières

Protection de l’environnement

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©Nathan Laine / Hans Lucas via AFP

Par sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dont il avait été saisi par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution, compte tenu de l’ensemble des garanties dont elle est assortie et en particulier de son application limitée exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023, la possibilité de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes.

Les deux recours contestaient notamment la conformité à plusieurs articles de la Charte de l’environnement des dispositions de l’article 1er de cette loi, qui introduit une dérogation à l’interdiction d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, précisées par décret, et de semences traitées avec ces produits.

Le législateur doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement.

En des termes inédits, le Conseil constitutionnel a jugé, au regard des articles 1er, 2 et 6 de la Charte de l’environnement, que, s’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement.

Les limitations portées par le législateur à l’exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi.

Au regard du cadre constitutionnel ainsi précisé, le Conseil constitutionnel a relevé que ces produits ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux, ont des conséquences sur la qualité de l’eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine.

Le législateur ayant prévu de permettre, par exception, certains usages de ces produits, le Conseil constitutionnel relève qu’il a toutefois, en premier lieu cantonné l’application de ces dispositions au traitement des betteraves sucrières.

Il résulte des travaux préparatoires que le législateur a, ainsi, entendu faire face aux graves dangers qui menacent la culture de ces plantes, en raison d’infestations massives de pucerons vecteurs de maladies virales, et préserver en conséquence les entreprises agricoles et industrielles de ce secteur et leurs capacités de production. Il a, ce faisant, poursuivi un motif d’intérêt général.

En deuxième lieu, les dispositions contestées ne permettent de déroger à l’interdiction d’utilisation des produits en cause qu’à titre transitoire, le temps que puissent être mises au point des solutions alternatives. Cette possibilité est ouverte exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023.

En troisième lieu, cette dérogation ne peut être mise en œuvre que par arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’environnement, pris après avis d’un conseil de surveillance spécialement créé, et dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, applicable aux situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire. Cet article 53 ne permet qu’un « usage limité et contrôlé » des produits en cause, dans le cadre d’une autorisation délivrée pour une période n’excédant pas cent-vingt jours, à condition que cet usage soit justifié par « des circonstances particulières » et qu’il s’impose « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ».

En dernier lieu, d’une part, en visant « l’emploi de semences traitées avec des produits » contenant les substances en cause, les dispositions contestées n’autorisent que les traitements directement appliqués sur les semences, à l’exclusion de toute pulvérisation, ce qui est de nature à limiter les risques de dispersion de ces substances. D’autre part, lorsqu’un tel traitement est appliqué, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits, afin de réduire l’exposition de ces insectes aux résidus de produits employés.

De l’ensemble des garanties dont elles sont assorties et compte tenu en particulier de ce qu’elles sont applicables exclusivement jusqu’au 1er juillet 2023, le Conseil constitutionnel a jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution.


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OCTOBRE 2021
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