Conseil Constitutionnel

Décision n° 2021-822 DC / 30 juillet 2021 / Loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement

Lutte contre le terrorisme

Par sa décision n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, dont il avait été saisi par deux recours émanant, chacun, de plus de soixante sénateurs. Il a validé la création d’une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion mais a censuré certaines dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

L’une des dispositions contestées était l’article 4 modifiant des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

Une première critique était dirigée contre l’introduction, par le paragraphe I de cet article 4, d’un nouvel alinéa au sein de l’article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure afin de permettre au ministre de l’intérieur, pour prévenir la commission d’actes de terrorisme, d’interdire à une personne de paraître dans certains lieux, en sus de la possibilité que, dans sa rédaction en vigueur, cet article L. 228-2 lui permet d’interdire à cette personne de se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune, lorsque son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics en lien avec le risque de commission d’un acte de terrorisme.

Le Conseil constitutionnel a notamment jugé que, compte tenu de son objet, cette interdiction de paraître, qui ne peut concerner qu’un lieu dans lequel se déroule un tel événement, ne peut comprendre le domicile de l’intéressé, et écarte par ce motif le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée.

Une autre critique était dirigée contre les dispositions du paragraphe I de cet article 4 insérant un nouvel alinéa au sein des articles L. 228-2, L. 228-4 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure afin de permettre l’allongement à vingt-quatre mois de la durée maximale des différentes MICAS lorsqu’elles sont prononcées à l’encontre de personnes ayant été condamnées à une peine privative de liberté non assortie du sursis pour des faits de terrorisme. Il était notamment reproché à ces dispositions, par les deux recours, de porter atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale.

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif à valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale qui résulte du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. À cette aune, il a jugé que, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de lutte contre le terrorisme, qui participe de l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public.

Examinant la nature des obligations et interdictions susceptibles d’être prononcées en application des articles L. 228-2, L. 224-4 et L. 228-5, le Conseil constitutionnel a jugé que, compte tenu de leur rigueur, et ainsi qu’il l’avait jugé pour les mesures prévues aux articles L. 228-2 et L. 228-5 par ses décisions n° 2017-691 QPC du 16 février 2018 et n°2017-695 QPC du 29 mars 2018, ces mesures ne sauraient, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, excéder, de manière continue ou non, une durée totale cumulée de douze mois. Dès lors, en prévoyant que la durée totale cumulée des obligations et interdictions prévues aux articles L. 228-2, L. 228-4 et L. 228-5 peut atteindre vingt-quatre mois, le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale.

Une autre disposition contestée était l’article 6 de la loi déférée instituant une mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion applicable aux auteurs d’infractions terroristes, décidée à l’issue de leur peine en considération de leur particulière dangerosité, afin de les soumettre à certaines obligations, en vue de prévenir la récidive et d’assurer leur réinsertion.

Le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance.

Il était reproché à ces dispositions par l’un des deux recours de ne pas définir précisément les conditions dans lesquelles la dangerosité de la personne soumise à cette mesure sera appréciée et de n’avoir ainsi pas accompagné de « garanties légales suffisantes » sa mise en œuvre, en portant ainsi une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. Le Conseil constitutionnel a jugé que, bien que dépourvue de caractère punitif, cette mesure doit respecter le principe, résultant des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789, selon lequel la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. Il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et, d’autre part, l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis. Au nombre de ceux-ci figurent la liberté d’aller et de venir, le droit au respect de la vie privée et le droit de mener une vie familiale normale. Les atteintes portées à l’exercice de ces droits et libertés doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif de prévention poursuivi.

Analysant la nature des obligations ou interdictions susceptibles d’être prononcées au titre de cette mesure, y compris de manière cumulative, le Conseil constitutionnel a jugé qu’elles portent atteinte à la liberté d’aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé que, en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de lutte contre le terrorisme. Examinant l’ensemble du régime juridique de cette mesure judiciaire, quant à son champ d’application, aux conditions de son prononcé et à sa durée notamment, il en a déduit que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas la liberté d’aller et venir, le droit au respect de la vie privée ou le droit de mener une vie familiale normale.


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OCTOBRE 2021
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