Conseil Constitutionnel

DÉCISION N° 2019-762 QPC / 8 février 2019 / M. Berket S. [Régime de l’audition libre des mineurs] Non-conformité totale – effet différé

Audition libre des mineurs

Le Conseil constitutionnel
a laissé près d’un an au
législateur pour revoir le
régime de l’audition libre
des mineurs.

Le Conseil constitutionnel a laissé près d’un an au législateur pour revoir le régime de l’audition libre des mineurs.
© Istock

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une QPC portant sur le régime de l’audition libre des mineurs, tel qu’organisé par l’article 61-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue d’une loi du 27 mai 2014.

Selon les dispositions contestées, la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction pouvait, au cours de l’enquête pénale, être entendue librement sur ces faits. Cette « audition libre » ne pouvait avoir lieu que si la personne y consentait et si elle n’avait pas été conduite, sous contrainte, devant l’officier de police judiciaire. En outre, la personne ne pouvait être entendue qu’après avoir été informée de la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction, du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue, du droit d’être assistée par un interprète, du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions ou de se taire, de la possibilité de bénéficier de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit et, si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assistée au cours de son audition par un avocat. Elle pouvait accepter expressément de poursuivre l’audition hors la présence de son avocat.

Le requérant soutenait que ces dispositions étaient contraires au principe d’égalité devant la procédure pénale garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 faute de prévoir, lorsqu’un mineur soupçonné d’avoir commis une infraction est entendu librement au cours d’une enquête pénale, des garanties équivalentes à celles qui sont prévues lorsqu’il est entendu dans le cadre d’une garde à vue.

Les garanties prévues par le législateur ne suffisaient pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l’audition libre, ni à éviter qu’il opère des choix contraires à ses intérêts

De la même manière, en ne prévoyant pas, notamment, qu’un mineur entendu librement bénéficie de l’assistance obligatoire d’un avocat et d’un examen médical et que ses représentants légaux sont informés de la mesure, ces dispositions contrevenaient, selon le requérant, au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Le Conseil constitutionnel, après avoir rappelé le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs, a relevé que, selon les dispositions contestées, l’audition libre se déroulait selon des modalités identiques lorsque la personne entendue est mineure et ce, quel que soit son âge. Or, les garanties prévues par le législateur ne suffisaient pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l’audition libre, ni à éviter qu’il opère des choix contraires à ses intérêts. Dès lors, le Conseil constitutionnel a jugé qu’en ne prévoyant pas de procédures appropriées de nature à garantir l’effectivité de l’exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d’une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

Constatant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait eu pour effet de supprimer les garanties légales encadrant l’audition libre des personnes soupçonnées, majeures ou mineures, entraînant ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er janvier 2020 la date de leur abrogation.


OCTOBRE 2019
Conseil constitutionnel
2, rue de Montpensier 75001 Paris

DIRECTEUR DE PUBLICATION :
Laurent Fabius
COORDINATION ÉDITORIALE :
Sylvie Vormus, Florence Badin
CONCEPTION ET RÉALISATION :
Agence Cito

Les opinions exprimées dans les points de vue et les contributions extérieures n’engagent que leurs auteurs.
Retrouvez toute l’actualité du Conseil constitutionnel sur Twitter et Facebook.