Conseil Constitutionnel

DÉCISION N° 2019-781 DC / 16 mai 2019 / Loi relative à la croissance et la transformation des entreprises Non-conformité partielle

Croissance et transformation des entreprises

Saisi de certaines dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, le Conseil constitutionnel a écarté les critiques de fond adressées à plusieurs d’entre elles.

Le Conseil constitutionnel a en particulier rejeté, au regard notamment du principe d’égalité, des critiques dirigées contre l’article 11 modifiant les règles de décompte de l’effectif salarié d’une entreprise pour l’application de plusieurs obligations en matière sociale et contre l’article 20, réduisant le champ de l’obligation de désignation d’un commissaire aux comptes à certaines sociétés dépassant des seuils de bilan, de chiffre d’affaires ou d’effectifs.

S’agissant des critiques adressées aux articles 130 à 136 redéfinissant le cadre juridique applicable à la société Groupe ADP, dans la perspective de sa privatisation, le Conseil constitutionnel a tout d’abord écarté des griefs tirés de la méconnaissance du neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui interdit de privatiser une entreprise ayant le caractère d’un monopole de fait ou d’un service public national.

Le Conseil constitutionnel a jugé que l’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget ne constituent pas un service public national dont la nécessité découlerait de principes ou de règles de valeur constitutionnelle

Pour écarter la qualification de monopole de fait, le Conseil constitutionnel a relevé que, si la société Groupe ADP est chargée, à titre exclusif, d’exploiter plusieurs aérodromes civils situés en Île-de-France, il existe sur le territoire français d’autres aérodromes d’intérêt national ou international. En outre, si elle domine largement le secteur aéroportuaire français, la société Groupe ADP est en situation de concurrence croissante avec les principaux aéroports régionaux, y compris en matière de dessertes internationales, ainsi d’ailleurs qu’avec les grandes plateformes européennes de correspondance aéroportuaire. Enfin, le marché du transport sur lequel s’exerce l’activité du Groupe ADP inclut des liaisons pour lesquelles plusieurs modes de transport sont substituables. Le Groupe ADP se trouve ainsi, sur certains trajets, en concurrence avec le transport par la route et le transport ferroviaire, en particulier pour ce dernier du fait du développement des lignes à grande vitesse.

Quant à l’existence d’un service public national, le Conseil constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle, si la nécessité de certains services publics nationaux découle de principes ou de règles de valeur constitutionnelle, en revanche la détermination des autres activités qui doivent être érigées en service public national est laissée à l’appréciation du législateur ou de l’autorité réglementaire selon les cas, en fixant leur organisation au niveau national. Comme il l’avait fait par sa décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019, il a jugé que l’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget ne constituent pas un service public national dont la nécessité découlerait de principes ou de règles de valeur constitutionnelle.

En l’état de la législation, il relève par ailleurs que non seulement aucune disposition en vigueur ne qualifie le Groupe ADP de service public national mais que, comme le prévoit le code des transports, l’État est compétent pour créer, aménager et exploiter les « aérodromes d’intérêt national ou international », dont la liste, fixée par décret en Conseil d’État, comporte plusieurs aéroports situés dans différentes régions. Ainsi, le législateur n’a pas jusqu’à présent entendu confier à la seule société Groupe ADP l’exploitation d’un service public aéroportuaire à caractère national.

S’agissant de l’article 137 autorisant le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société La Française des jeux, le Conseil constitutionnel a jugé que, si les dispositions contestées confèrent à cette société des droits exclusifs pour les jeux de loterie commercialisés en réseau physique et en ligne ainsi que pour les jeux de paris sportifs proposés en réseau physique, ces droits exclusifs ne confèrent pas à La Française des jeux un monopole de fait au sein du secteur des jeux d’argent et de hasard qui comprend également les paris hippiques, les jeux de casino et les paris sportifs en ligne. En outre, si La Française des jeux propose, en concurrence avec d’autres opérateurs, des paris sportifs et des jeux de poker en ligne, ces activités, ajoutées à celles de ses droits exclusifs, ne lui confèrent pas non plus une place prépondérante de nature à constituer un monopole de fait au sein du secteur des jeux d’argent et de hasard.

Le Conseil constitutionnel a en revanche censuré comme irrégulièrement adoptées neuf dispositions dont le défaut de lien direct ou indirect avec le projet de loi initial avait été explicitement contesté par les parlementaires requérants

Le Conseil constitutionnel a en revanche censuré comme irrégulièrement adoptées neuf dispositions dont le défaut de lien direct ou indirect avec le projet de loi initial avait été explicitement contesté par les parlementaires requérants. Faute de satisfaire, pour ce motif, aux exigences de l’article 45 de la Constitution, ont notamment été censurés l’article 17 modifiant les règles relatives à l’interdiction de mise à disposition de certains ustensiles en plastique à usage unique, l’article 18 modifiant les règles relatives à l’interdiction de production de certains produits pesticides, fongicides ou herbicides et les articles 213, 214 et 215 mettant fin aux tarifs règlementés de vente de gaz et d’électricité.


OCTOBRE 2019
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