Conseil Constitutionnel

DÉCISION N° 2018-777 DC / 28 décembre 2018 / Loi de finances pour 2019 Non-conformité partielle

Loi de finances

Discutée et votée chaque
année, la loi de finances a
pour but de présenter les
recettes et les dépenses
de l’État.

Discutée et votée chaque année, la loi de finances a pour but de présenter les recettes et les dépenses de l’État.
© Jean-Sébastien Evrard / AFP Photo

Plusieurs dispositions de la loi de finances pour 2019 ont été contestées devant le Conseil constitutionnel avant qu’elle n’entre en vigueur.

Examinant les critiques adressées par les députés requérants au regard du principe d’égalité devant les charges publiques à certaines dispositions de l’article 40 de la loi visant à assouplir certaines conditions auxquelles est subordonnée l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit en cas de transmission des parts ou actions de sociétés faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation (dispositif dit du « Pacte Dutreil »), le Conseil constitutionnel a notamment relevé qu’aux termes de ces dispositions, d’une part, le maintien du bénéfice de l’exonération en cas de cession ou de donation pendant la période d’engagement collectif de conservation ne s’applique que dans le cas où la transmission est opérée au profit d’un autre associé de cet engagement. D’autre part, les titres cédés ou donnés n’en bénéficient pas.

Le Conseil a jugé que ces dispositions ne sont pas […] de nature à entraîner une rupture caractérisée devant les charges publiques

La cession de titres à des associés soumis à l’engagement collectif ne remettant pas en cause la stabilité de l’actionnariat et la pérennité de l’entreprise, il a jugé que ces dispositions ne sont pas, au regard de l’objectif poursuivi par le législateur qui est précisément de favoriser la transmission d’entreprise dans des conditions permettant d’assurer tant cette stabilité de l’actionnariat que la pérennité de l’entreprise, de nature à entraîner une rupture caractérisée devant les charges publiques.

En revanche, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré l’article 81 de la loi en ce qu’il exigeait, pour les étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui résident en Guyane, des délais spécifiques de détention d’un titre de séjour pour bénéficier du revenu de solidarité active.

Aux termes de ces dispositions, un étranger ressortissant des États précités devait, pour bénéficier du revenu de solidarité active en Guyane, être titulaire depuis quinze ans d’un titre de séjour l’autorisant à travailler. Lorsque cet étranger était une personne isolée assumant la charge d’enfants ou une femme isolée en état de grossesse, ces mêmes dispositions réduisaient ce délai à cinq ans. Sur les autres parties du territoire de la République, à l’exception de Mayotte, le premier de ces délais est de cinq ans, tandis qu’il n’en est pas exigé dans le second cas. Le Conseil constitutionnel a relevé que ces dispositions instituaient une différence de traitement, pour l’obtention du revenu de solidarité active, entre les étrangers résidant en Guyane et ceux résidant sur d’autres parties du territoire de la République, à l’exception de Mayotte.

Il a jugé que si la population de la Guyane comporte, par rapport à l’ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière et si ces circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des « caractéristiques et contraintes particulières » de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l’immigration irrégulière en Guyane, d’y adapter, dans une certaine mesure, les lois applicables sur l’ensemble du territoire national, le législateur a, en imposant un délai de détention plus long en Guyane que sur le reste du territoire national aux seules fins de lutte contre l’immigration irrégulière, introduit une condition spécifique pour l’obtention du revenu de solidarité active sans lien avec l’objet de celui-ci. En outre, les dispositions contestées s’appliquent, en Guyane, à l’ensemble des étrangers en situation régulière, y compris à ceux légalement entrés sur son territoire et s’y étant régulièrement maintenus de manière continue. Elles s’appliquent également à des étrangers résidant en Guyane ayant régulièrement résidé précédemment sur une autre partie du territoire national en ayant un titre de séjour les autorisant à travailler.

Le Conseil constitutionnel en a déduit que, s’il appartient au législateur de définir les mesures propres à permettre de lutter contre l’immigration irrégulière, la différence de traitement instituée en matière d’accès au revenu de solidarité active ne saurait être regardée comme justifiée au regard de l’objet de la loi. En outre, elle dépassait la mesure des adaptations susceptibles d’être justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières de la collectivité de Guyane.


OCTOBRE 2019
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