Titre VII

N° 8 - avril 2022

Y a-t-il encore place pour la découverte de nouveaux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ?

Résumé

Plus de cinquante ans après son apparition en contentieux constitutionnel, la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) a de prime abord un avenir incertain. Réduits au nombre de huit par une jurisprudence constitutionnelle qui, de surcroît, n'en a pas « découvert » depuis plus de dix ans, les PFRLR sont-ils en voie de disparition ? Nous ne le pensons pas. D'abord, rien, tant du point de vue théorique que jurisprudentiel, ne permet d'exclure la reconnaissance de nouveaux principes par le Conseil constitutionnel. Ensuite, la stratégie des parties aux procès constitutionnels montre que cette catégorie de normes constitutionnelles conserve, encore aujourd'hui, une certaine attractivité.

L'histoire des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR), en tant que normes de référence du contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil constitutionnel, a débuté il y a un peu plus d'un demi-siècle. Le premier d'entre eux, celui de la liberté d'association, a été dégagé dans l'illustre décision du 16 juillet 1971 inaugurant la fonction de gardien des droits et libertés de l'institution dont on a célébré l'an passé les cinquante ans(1). Les anniversaires, surtout lorsqu'ils marquent le franchissement d'un cap significatif, sont souvent l'occasion d'une réflexion rétrospective ou prospective. Aussi, nous avons été invités à répondre à la question de savoir s'il y a encore place pour la découverte de nouveaux PFRLR.

La question soumise à notre analyse implique deux mises au point préalables qui permettront de lever tout malentendu sur le sens de notre réponse.

D'une part, telle qu'elle est formulée, cette interrogation semble suggérer que les PFRLR seraient préexistants à la décision du Conseil constitutionnel, ou d'un autre juge constitutionnel(2), qui ne ferait que révéler leur existence : chaque PFRLR serait découvert et non inventé ou créé par le juge. On ne peut souscrire à une telle thèse qui est battue en brèche par les enseignements de la théorie réaliste du droit : les normes constitutionnelles ne sont pas découvertes par le juge constitutionnel, elles sont créées par lui en fonction de ses opinions, de ses objectifs et des contraintes qui pèsent sur son activité. Nous aurons l'occasion d'y revenir(3). Seules les lois de la République à l'origine d'un PFRLR préexistent à la décision du Conseil constitutionnel en consacrant l'existence. La constitutionnalisation de ces principes est en revanche l'œuvre du juge constitutionnel qui, par voie de conséquence, doit être considéré comme leur auteur.

D'autre part, la question posée pourrait être comprise comme une invitation à se demander si la consécration de nouveaux PFRLR est opportune ou bien, ce qui ne revient pas exactement au même, à proposer la « découverte » de nouveaux principes. La première interrogation pourrait ainsi conduire à se demander si ce type de normes constitutionnelles n'est pas devenu désuet ou inadapté et, partant, s'il devrait être circonscrit, voire délaissé au profit d'autres normes constitutionnelles. La seconde interrogation serait l'occasion d'inviter à reconnaître un ou plusieurs nouveaux PFRLR. Ces deux démarches, qui relèveraient davantage de la politique ou de la dogmatique juridique, ne seront pas ici entreprises. Notre analyse se fondera sur l'observation scientifique du droit positif et de la pratique des acteurs juridiques concernés.

Ainsi entendue, la question posée appelle, de notre point de vue, une réponse positive. Bien que le nombre de PFRLR ait diminué ces dernières années, le Conseil constitutionnel ayant préféré requalifier certains d'entre eux en exigences constitutionnelles fondées sur des textes constitutionnels(4), et que la dernière « découverte » d'un principe remonte à plus de dix ans(5), l'histoire de cette catégorie normative n'est probablement pas achevée. D'abord, rien, juridiquement, ne permet d'exclure la « découverte » de nouveaux PFRLR. Leur apparition est donc toujours possible (A). Ensuite, la pratique des acteurs juridiques suggère que cette catégorie de normes constitutionnelles conserve, encore aujourd'hui, une certaine attractivité. En effet, la demande de reconnaissance de nouveaux PFRLR est toujours présente en contentieux constitutionnel où les parties aspirent à la « découverte » de principes inédits (B).

A. L'apparition possible de nouveaux PFRLR

Les PFRLR sont des normes constitutionnelles à part entière : ce qui vaut pour elles vaut donc pour eux. Or, la théorie réaliste du droit nous enseigne que le juge constitutionnel dispose d'une liberté juridique de créer de nouvelles normes constitutionnelles (1). En outre, du point de vue non plus théorique, mais jurisprudentiel, les PFRLR se présentent comme des normes constitutionnelles à part : le Conseil constitutionnel a identifié des critères permettant de guider la « découverte » de ces principes constitutionnels. Or, aucun de ces critères ne fait obstacle à ce qu'il consacre l'existence d'un nouveau PFRLR (2).

1. La liberté juridique de « découvrir » de nouvelles normes constitutionnelles

La théorie réaliste du droit, qui en France est indissociable des travaux de Michel Troper, se donne pour tâche de décrire et d'expliquer le pouvoir d'interprétation des organes du droit et donc des juges. Selon cette théorie, l'objet interprété est dépourvu de signification normative a priori. L'opération d'interprétation par les organes du droit consiste à attribuer une signification normative à un énoncé par un acte de volonté et non de connaissance(6). Cette signification normative correspond, selon les enseignements d'Hans Kelsen, à la définition de la norme juridique(7). Ainsi, explique Michel Troper, « si le sens ne préexiste pas à l'interprétation et s'il en est le produit, alors, contrairement à ce que pensent de nombreux auteurs et Kelsen lui-même, l'objet de l'interprétation ne peut être une norme juridique »(8). Cet objet est un texte dépourvu de sens juridique jusqu'à ce que l'interprète lui confère la qualité de norme juridique. Et cette opération, l'interprète l'effectue librement, quel que le soit le sens sémantique du texte(9). Partant, « si l'interprète peut déterminer la signification d'un texte et si la norme n'est pas autre chose qu'une signification, il faut considérer que c'est l'interprète qui est lui-même l'auteur de la norme qu'il est chargé d'appliquer »(10). C'est la raison pour laquelle l'interprétation doit « être comprise comme l'exercice d'un pouvoir considérable »(11). En effet, « s'agissant du juge constitutionnel, cette théorie conduit à affirmer que la Constitution n'a pas d'autre sens que celui qui est déterminé par le juge (...). Ainsi, le juge constitutionnel serait le véritable auteur de la norme constitutionnelle »(12).

S'agissant des PFRLR, la théorie réaliste du droit nous révèle qu'ils sont doublement l'œuvre du juge constitutionnel. D'abord, le Conseil constitutionnel a décidé en 1971 de consacrer une nouvelle catégorie de normes constitutionnelles à partir de l'alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958(13). Ensuite, le Conseil a décidé de consacrer chacun des PFRLR pour donner un contenu normatif à cette catégorie et ainsi étendre les limites juridiques à l'exercice du pouvoir législatif. Le fait qu'il ait, à partir de 1988, commencé à identifier des critères permettant de reconnaître un PFRLR n'a évidemment aucune incidence sur sa liberté juridique(14). Non seulement il détermine seul ces critères -- et peut ainsi les modifier -- mais il est seul juge de leur application. Si l'existence de critères pour identifier les PFRLR n'est donc pas une limite juridique au pouvoir de création du Conseil, elle manifeste toutefois l'existence de contraintes pesant sur son activité.

En effet, si le Conseil constitutionnel est juridiquement libre de créer des normes constitutionnelles, cela ne signifie toutefois pas qu'il fasse comme bon lui semble. Des contraintes liées notamment au système juridique dans lequel il évolue viennent contrebalancer sa liberté juridique(15).

À titre d'exemple de contraintes portant sur le comportement du juge constitutionnel, on peut envisager celle de la stabilité de ses interprétations constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel a tout intérêt à produire et conserver une jurisprudence stable, car, comme l'explique Michel Troper, « non seulement une suite d'interprétations arbitraires pourraient conduire à une remise en question de la légitimité du juge, mais surtout, celui-ci ne pourrait pas contribuer à déterminer, comme il le fait, le contenu de toute la législation future »(16). Pour le Conseil constitutionnel, la stabilité de sa jurisprudence constitue ainsi une donnée stratégique qui le conduit à ne pas adopter n'importe quelle signification s'il veut conserver son emprise sur le processus législatif(17).

S'agissant plus spécifiquement des PFRLR, trois contraintes ont pu, selon Véronique Champeil-Desplats, expliquer la tendance du Conseil constitutionnel au cours des années 1980 à abandonner un usage fréquent et une conception large des PFRLR : l'intériorisation de la critique doctrinale dénonçant le risque d'un gouvernement des juges, les changements dans la composition du Conseil constitutionnel et les réactions, anticipées ou avérées, des autres acteurs juridiques, en particulier du pouvoir constituant(18).

2. La faculté jurisprudentielle de « découvrir » de nouveaux PFRLR

Même si on met de côté les enseignements de la théorie réaliste de l'interprétation, la lecture de la jurisprudence constitutionnelle conduit à admettre la faculté pour le Conseil constitutionnel de « découvrir » de nouveaux PFRLR.

Les PFRLR se distinguent parmi les autres normes de références du contrôle de constitutionnalité en ce que ce sont les seules dont la reconnaissance a été progressivement accompagnée d'une motivation justifiant leur identification. Si, en règle générale, le Conseil constitutionnel se contente d'affirmer l'existence d'une nouvelle exigence constitutionnelle lorsqu'il la mentionne pour la première fois, sans donner d'autre « explication » que le texte de rattachement(19), tel n'est pas le cas en matière de PFRLR. Il a dégagé des critères censés expliquer pourquoi un principe est un PFRLR et réciproquement pourquoi un autre ne peut l'être.

Or, les critères fixés par le Conseil constitutionnel pour ériger un principe en PFRLR ne limitent pas la possibilité d'en découvrir aujourd'hui ou dans l'avenir. Pour rappel, ces critères -- qui ont évolué au cours du temps -- sont aujourd'hui au nombre de trois(20). Il faut, d'abord, que le principe énonce une règle suffisamment importante, ait un degré suffisant de généralité et intéresse des domaines essentiels pour la vie de la Nation, comme les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics. Il faut, ensuite, que le principe trouve un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois adoptées sous un régime républicain antérieur à 1946. Il faut, enfin, qu'il n'ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946. Ainsi, s'il existe bien une limitation temporelle à la « découverte » des PFRLR, celle-ci concerne l'adoption des lois à l'origine de la reconnaissance (ou non) du principe. Rien n'empêche le Conseil constitutionnel de « découvrir » un nouveau PFRLR dans cinq, dix ou cent ans. C'est en tout cas ce qu'espèrent les parties aux procès constitutionnels qui, régulièrement, essayent de faire rallonger la liste des PFRLR.

B. L'aspiration persistante à de nouveaux PFRLR

Les PFRLR sont aujourd'hui au nombre de huit en contentieux constitutionnel. À la liberté d'association s'ajoutent la liberté de l'enseignement(21), l'indépendance de la juridiction administrative(22), l'indépendance des enseignants-chercheurs(23), la compétence de la juridiction administrative en matière d'annulation ou de réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle(24), la protection de la propriété immobilière par le juge judiciaire(25), l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge et la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées(26) et la survivance du droit local propre aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle(27).

Le roman des PFRLR n'est cependant pas achevé et les parties aux procès constitutionnels tentent d'y ajouter de nouvelles pages(28). Au cours des années, elles ont proposé au Conseil constitutionnel de reconnaître de nombreux principes, mais en vain, soit que le Conseil ait rejeté leur existence soit qu'il ait refusé se prononcer sur cette question. Quoi qu'il en soit, ces invitations constituent autant de preuves de l'intérêt des parties aux procès constitutionnels pour ce type de normes, en particulier dans le contrôle a priori de constitutionnalité (1), mais également pour ce qui concerne le contrôle a posteriori (2).

1. La reconnaissance de nouveaux PFRLR réclamée dans le contrôle a priori

Le contrôle des lois en attente de promulgation est le berceau des PFRLR(29). Cette catégorie normative y est apparue et tous, à l'exception d'un seul(30), ont été « découverts » dans le cadre du contrôle de constitutionnalité opéré sur le fondement de l'article 61 de la Constitution.

Le contrôle a priori est aussi le tombeau de nombreuses propositions de reconnaissance de nouveaux PFRLR. On peut citer notamment le principe de la gratuité de la circulation sur les voies publiques nationales et départementales(31), l'exclusion des rapports de droit privé du champ d'application des lois d'amnistie(32), la prohibition de toute rétroactivité de la loi en matière contractuelle(33), la compétence exclusive de l'État pour recouvrir l'impôt(34), le principe selon lequel la naissance en France assortie le cas échéant de conditions d'âge et de résidence doit ouvrir droit de manière automatique à cette nationalité(35), le droit de l'enfant à établir le lien de filiation en cas de procréation médicalement assistée(36), la limitation de l'octroi de la carte de combattant aux combattants ayant appartenu à des troupes françaises et ayant combattu dans des opérations décidées par le Gouvernement français(37), le principe dit « de faveur » en droit du travail(38), le droit à l'attribution d'allocations familiales quelle que soit la situation des familles qui assument la charge de l'éducation et de l'entretien des enfants(39), l'interdiction que des impôts puissent être perçus au profit de personnes privées(40), le principe selon lequel, en cas d'égalité de suffrages, la « prime majoritaire » ou le dernier siège devrait bénéficier, respectivement, à la liste ayant la moyenne d'âge la plus élevée ou au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus(41), l'affectation exclusive du produit de la contribution sociale généralisée au financement de la sécurité sociale(42), le principe selon lequel la loi ne peut permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux conventions de portée plus large que dans un sens plus favorable aux salariés(43), l'interdiction de modifier les règles électorales dans l'année qui précède un scrutin(44), le droit au repos hebdomadaire dominical(45), la prohibition des jeux d'argent et de hasard(46), l'existence d'une clause de compétence générale pour les départements et les régions(47), le principe suivant lequel l'existence d'un jury populaire suppose que ses décisions ne peuvent être prises qu'à la majorité absolue des jurés(48), le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme(49), le principe de filiation bilinéaire fondée sur l'altérité sexuelle(50), le droit à l'information exhaustive des électeurs par la communication à tous les électeurs des bulletins de vote et des circulaires électorales(51), l'obligation de consulter une collectivité territoriale préalablement à une modification de ses limites territoriales(52), le principe selon lequel les fonctions régaliennes doivent être exercées par des agents publics bénéficiant du statut de fonctionnaire(53) et la règle selon laquelle les mérites des candidats à un poste de professeur ou de maître de conférences doivent être évalués par une instance nationale(54).

Les parlementaires auteurs des saisines concernées ont donc tenté, à de nombreuses reprises, de faire reconnaître de nouveaux PFRLR. L'intérêt pour eux est évident : ces principes sont autant d'obstacles dressés sur le chemin du législateur, c'est-à-dire -- à court terme -- de la majorité au pouvoir à laquelle ils s'opposent. En effet, comme le relève Véronique Champeil-Desplats, la « logique d'action dans laquelle se trouvent les auteurs de saisine, celle de convaincre par tous moyens le Conseil constitutionnel de l'inconstitutionnalité de la loi déférée, les conduit à adopter une conception large des PFRLR et à en invoquer de nombreux »(55).

2. La reconnaissance de nouveaux PFRLR recherchée dans le contrôle a posteriori

Le contrôle a posteriori n'est pas en reste. Avant même l'instauration de la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), on décèle au moins une tentative de faire reconnaître un nouveau PFRLR dans le contentieux des actes préparatoires aux votations politiques(56).

Depuis 2010, les justiciables ont essayé de faire reconnaître de nouveaux PFRLR dans le cadre du contentieux QPC. Ont ainsi été soumis au Conseil constitutionnel, en vain, des principes tels que l'existence d'une prescription en matière de poursuite disciplinaire(57), l'autonomie des chambres de commerce et d'industrie(58), l'extinction de l'exclusivité des droits patrimoniaux attachés à une œuvre intellectuelle après l'écoulement d'un certain délai(59), l'obligation pour le législateur de prévoir un délai de prescription de l'action publique pour les infractions dont la nature n'est pas d'être imprescriptible(60), la règle selon laquelle, pour toute élection locale à deux tours, nul ne peut être élu au premier tour de scrutin s'il n'a réuni un nombre de suffrages égal au quart des électeurs inscrits(61).

À côté de cela, il y aussi toutes les demandes de reconnaissance de nouveaux PFRLR qui n'ont jamais atteint le Conseil constitutionnel. Bien qu'il soit difficile d'accéder à l'intégralité des décisions de justice rendues en matière de QPC (et à plus forte raison aux écrits des parties), on sait néanmoins que certaines juridictions administratives et judiciaires ont rejeté l'existence de PFRLR : tel est le cas pour la faculté d'annulation d'une mesure administrative^ ^(62), du droit d'un agent public à bénéficier d'un régime particulier de présomption reposant sur l'application de tableaux de maladies professionnelles fixés par la loi(63), de l'obligation de consulter les ordres professionnels des officiers publics et ministériels sur les textes relatifs à l'exercice de leurs missions(64) ou encore du principe selon lequel l'imposition foncière doit être établie sur des bases nettes(65).

Les justiciables, de la même manière que les auteurs des saisines parlementaires, mais peut-être dans des proportions moins importantes, sont donc toujours en demande de reconnaissance de nouveaux PFRLR. Si le contentieux est différent, la stratégie demeure similaire : obtenir gain de cause devant le juge constitutionnel en mobilisant toutes les armes contentieuses possibles, même hypothétiques.

Finalement, il ne s'agit donc pas tant de se demander s'il y a de la place pour la « découverte » de nouveaux PFRLR, mais plutôt si le Conseil constitutionnel est prêt à s'engager à nouveau sur cette voie. Si la crainte d'être confronté à un procès en légitimité avec pour chef d'accusation principal le reproche de « gouvernement des juges » peut expliquer que l'histoire des PFRLR soit pour l'instant interrompue, l'avenir donnera peut-être aux juges de la rue de Montpensier l'envie de reprendre la plume.

(1) Cons. const., déc. n° 71-44 DC du 16 juill. 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, cons. 2.

(2) Par ex., CE, Ass., 3 juill. 1996, Koné, n° 169219 (à propos du « principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l'État doit refuser l'extradition d'un étranger lorsqu'elle est demandée dans un but politique »). Ceci étant, nos propos se limiteront au contentieux constitutionnel.

(3) V. infra A. 1.

(4) Par ex., à propos des droits de la défense, comp. Cons. const., déc. n° 76-70 DC du 2 déc. 1976, Loi relative au développement et à la prévention des accidents du travail, cons. 2 et déc. n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'égalité des chances, cons. 24 ; à propos de la liberté de conscience, comp. Cons. const., déc. n° 77-87 DC du 23 nov. 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, cons. 5 et 6 et déc. n° 2013-353 QPC du 18 oct. 2013, M. Franck M. et autres, cons. 7.

(5) Cons. const., déc. n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, Société SOMODIA, cons. 4.

(6) M. Troper, « Une théorie réaliste de l'interprétation », in La théorie du droit, le droit, l'État, PUF, 2001, p. 71.

(7) Sur la définition de la norme juridique comme la signification d'un acte de volonté, v. H. Kelsen, Théorie pure du droit, Bruylant-LGDJ, 1999, p. 13 et s.

(8) M. Troper, « Une théorie réaliste de l'interprétation », op. cit., p. 74.

(9) M. Troper, « Réplique à Otto Pfersmann », Revue française de droit constitutionnel, 2002, p. 342.

(10) M. Troper, « La liberté de l'interprète », in G. Darcy, V. Labrot et M. Doat (org.), L'office du juge, Sénat, 2006, p. 29

(11) M. Troper, « Une théorie réaliste de l'interprétation », op. cit., p. 79.

(12) M. Troper, « Le réalisme et le juge constitutionnel », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 22, 2007, p. 130.

(13) Pour rappel, le Préambule de la Constitution de 1958 renvoie au Préambule de la Constitution de 1946 qui « réaffirme solennellement ... les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

(14) Cons. const., déc. n° 88-244 DC du 20 juill. 1988, Loi portant amnistie, cons. 11 et 12. Sur cette décision, v. not. V. Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques, préf. M. Troper, Economica PUAM, coll. « Droit public positif », 2001, p. 96 et s.

(15) Sur cette question, v. G. Tusseau, « Le gouvernement (contraint) des juges. Les juges constitutionnels face au pouvoir de réplique des autres acteurs juridiques ou l'art partagé de ne pas pouvoir avoir toujours raison », Droits, n° 55, 2012, p. 41 et s.

(16) M. Troper, « La liberté d'interprétation du juge constitutionnel », op. cit., p. 96-97.

(17) A. Stone Sweet, « La politique constitutionnelle » in G. Drago, B. François, N. Molfessis (dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, coll. « Études juridiques », vol. 8, 1999, p. 117 et s., p. 124.

(18) V. Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques, op. cit., p. 243 et s.

(19) Par ex., à propos du principe de fraternité, v. Cons. const., déc. n° 2018-717/718 QPC du 6 juill. 2018, M. Cédric H. et autre, paragr. 7.

(20) Pour une analyse critique, v. not. A. Roblot-Troizier, « La loi et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », Revue française de droit administratif, 2013, p. 945 et s.

(21) Cons. const., déc. n° 77-87 DC du 23 nov. 1977, Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l'enseignement, cons. 3.

(22) Cons. const., déc. n° 80-119 DC du 22 juill. 1980, Loi portant validation d'actes administratifs, cons. 6.

(23) Cons. const., déc. n° 83-165 DC du 20 janv. 1984, Loi relative à l'enseignement supérieur, cons. 20 et 23.

(24) Cons. const., déc. n° 86-224 DC du 23 janv. 1987, Loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence, cons. 15.

(25) Cons. const., déc. n° 89-256 DC du 25 juill. 1989, Loi portant dispositions diverses en matière d'urbanisme et d'agglomérations nouvelles, cons. 16.

(26) Cons. const., déc. n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, cons. 26.

(27) Cons. const., déc. n° 2011-157 QPC préc., cons. 4.

(28) La doctrine également. Par ex., v. V. Champeil-Desplats, « Et si l'exigence de qualification nationale pour accéder aux corps des enseignants-chercheurs était un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? », La Revue des droits de l'homme [Online], Actualités Droits-Libertés, consulté le 4 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/revdh/10618 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.10618.

(29) S'agissant du contentieux constitutionnel. Pour le contentieux administratif, v. CE, Ass., 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris, n° 26638, Leb., p. 317.

(30) Cons. const., déc. n° 2011-157 QPC préc.

(31) Cons. const., déc. n° 79-107 DC du 12 juill. 1979, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales, cons. 3.

(32) Cons. const., déc. n° 88-244 DC préc., cons. 12.

(33) Cons. const., déc. n° 89-254 DC du 4 juill. 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, cons. 13.

(34) Cons. const., déc. n° 90-285 DC du 28 déc. 1990, Loi de finances pour 1991, cons. 45.

(35) Cons. const., déc. n° 93-321 DC du 20 juill. 1993, Loi réformant le code de la nationalité, cons. 8.

(36) Cons. const., déc. n° 94-343/344 DC du 27 juill. 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, cons. 17.

(37) Cons. const., déc. n° 96-386 DC du 30 déc. 1996, Loi de finances rectificative pour 1996, cons. 13.

(38) Cons. const., déc. n° 97-388 DC du 20 mars 1997, Loi créant les plans d'épargne retraite, cons. 45.

(39) Cons. const., déc. n° 97-393 DC du 18 déc. 1997, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, cons. 29.

(40) Cons. const., déc. n° 98-405 DC du 29 déc. 1998, Loi de finances pour 1999, cons. 67.

(41) Cons. const., déc. n° 98-407 DC du 14 janv. 1999, Loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des Conseils régionaux, cons. 8.

(42) Cons. const., déc. n° 2001-447 DC du 18 juill. 2001, Loi relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, cons. 17.

(43) Cons. const., déc. n° 2002-465 DC du 13 janv. 2003, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, cons. 3.

(44) Cons. const., déc. n° 2008-563 DC du 21 fév. 2008, Loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, cons. 3.

(45) Cons. const., déc. n° 2009-588 DC du 6 août 2009, Loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (solution implicite).

(46) Cons. const., déc. n° 2010-605 DC du 12 mai 2010, Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, cons. 7.

(47) Cons. const., déc. n° 2010-618 DC du 9 déc. 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales, cons. 54.

(48) Cons. const., déc. n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, cons. 25.

(49) Cons. const., déc. n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cons. 21.

(50) Ibid., cons. 56.

(51) Cons. const., déc. n° 2013-673 DC du 18 juill. 2013, Loi relative à la représentation des Français établis hors de France, cons. 7.

(52) Cons. const., déc. n° 2014-709 DC du 15 janv. 2015, Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, cons. 5.

(53) Cons. const., déc. n° 2019-790 DC du 1er août 2019, Loi de transformation de la fonction publique, paragr. 36.

(54) Cons. const., déc. n° 2020-810 DC du 21 déc. 2020, Loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur, paragr. 8.

(55) V. Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Principes constitutionnels et justification dans les discours juridiques, op. cit., p. 177.

(56) À propos de l'obligation d'organiser les élections politiques le dimanche, rejetée par le Conseil constitutionnel (déc. n° 2005-31 REF du 24 mars 2005, M. Hauchemaille et M. Meyet, cons. 14).

(57) Cons. const., déc. n° 2011-199 QPC du 25 nov. 2011, M. Michel G., cons. 5.

(58) Cons. const., déc. n° 2013-313 QPC du 22 mai 2013, Chambre de commerce et d'industrie de région des îles de Guadeloupe et autres, cons. 6.

(59) Cons. const., déc. n° 2017-687 QPC du 2 fév. 2018, Association Wikimédia France et autre, paragr. 15.

(60) Cons. const., déc. n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019, M. Mario S., paragr. 6.

(61) Cons. const., déc. n° 2020-850 QPC du 17 juin 2020, Mme Patricia W. (le Conseil ne s'est pas prononcé sur sa reconnaissance, car il a déclaré la QPC irrecevable).

(62) Cass., 1re civ., 25 janv. 2018, n° 17- 40.066 ; TA Toulouse, ord., 16 oct. 2017, n° 1701481 ; CAA Bordeaux, 14 nov. 2017, n° 17BX02242.

(63) CE, 30 sept. 2020, Mme B..., n° 439868.

(64) CE, 17 juin 2019, Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle, n° 400192.

(65) CE, 30 mai 2012, GFA Fielouse-Cardet, n° 355287.

Citer cet article

Charles-Édouard SÉNAC. « Y a-t-il encore place pour la découverte de nouveaux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ? », Titre VII [en ligne], n° 8, Les catégories de normes constitutionnelles, avril 2022. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/y-a-t-il-encore-place-pour-la-decouverte-de-nouveaux-principes-fondamentaux-reconnus-par-les-lois-de