Résumé

Le secret professionnel de l'avocat est un droit fondamental pour son client. Pour l'avocat, il n'est pas un bouclier destiné à le protéger, mais une obligation. Indissociable de son indépendance, le secret fait de l'avocat le confident nécessaire de son client. Ce lien de confiance a pour fondement un intérêt général, celui du bon fonctionnement de toute société démocratique dans le cadre d'un État de droit. Il suit de là que ce secret est regardé comme d'ordre public, qu'il est absolu, ne cédant que devant des intérêts généraux supérieurs. Continûment contesté, le secret professionnel de l'avocat résiste, et sort même renforcé de décisions récentes des juridictions nationales et européennes. Le Conseil constitutionnel vient toutefois de refuser d'en étendre le champ aux activités de conseil de l'avocat, suscitant un débat essentiel.

1. Deux principes dominent l'exercice de la profession d'avocat : l'indépendance qui en est l'âme, de là, peut-être, son assurance ; le secret professionnel, qui en est le cœur(1) et l'esprit tout à la fois, de là sa force.

Ces principes sont, de fait, en surplomb de tous les autres, car ils expriment l'identité même de la profession, mieux et plus encore que tous les autres principes essentiels. Ils sont de surcroît indissociables, se renforçant l'un l'autre(2).

2. Aussi leur place est-elle au premier rang des principes essentiels que mettent en exergue les textes relatifs à la déontologie des membres de cette grande profession, regroupés en deux branches statutairement autonomes, les avocats aux cours d'appel et tribunaux, relevant de la loi du 31 décembre 1971(3), et les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, régis par l'ordonnance modifiée du 10 septembre 1817(4), les uns et les autres étant protégés par un titre légal, celui d'avocat, et celui d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

3. L'avocat exerce, selon nous, une très ancienne fonction sociale, non seulement en ce qu'il est auprès des juges le médiateur nécessaire des justiciables et assure leur défense d'une manière utile, mais encore, au-delà, en ce qu'il est par essence le confident également nécessaire de son client, à l'égal et au même rang, élevé, que le médecin ou le prêtre, ainsi que les auteurs se plaisent à le rappeler.

4. Cela rejoint, dit autrement, « l'intérêt social » qu'Émile Garçon, dans son commentaire de l'article 378 du Code pénal, regardait comme « l'unique base » du secret professionnel de l'avocat(5) ou encore la « fonction sociale » que remplit « l'incrimination nouvelle », suivant les termes judicieusement choisis par un haut magistrat(6), citant Chauveau Adolphe et Faustin Hélie, dans leur Théorie du Code pénal : « La société a d'autres intérêts que de découvrir partout les indices des crimes », elle a aussi « l'intérêt non moins sacré de maintenir la sûreté des relations des citoyens, de protéger la foi jurée, de veiller à l'accomplissement des devoirs moraux »(7).

5. La confiance que toute personne place dans l'avocat dont elle sollicite une aide, sous la forme d'un avis ou en vue d'une assistance ou d'une représentation en justice, est une condition majeure du bon fonctionnement d'une société démocratique.

La Cour européenne des droits de l'homme n'a pas manqué de relever que « le secret professionnel des avocats a une grande importance tant pour l'avocat et son client que pour le bon fonctionnement de la justice. Il s'agit à n'en pas douter de l'un des principes fondamentaux sur lesquels repose l'organisation de la justice dans une société démocratique ».

Et la Cour de cassation de relever elle-même que l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients(8).

C'est sous le couvert dudit article 8 que la Cour avait auparavant considéré que les écoutes ordonnées par le juge d'instruction représentent une atteinte grave au respect de la vie privée et de la correspondance.

Cette protection renforcée se justifie par la considération que les avocats assurent une mission fondamentale dans une société démocratique, reposant sur une relation de confiance avec leurs clients, auxquels est ainsi garanti le droit à un procès équitable, comprenant le droit de tout accusé de ne pas s'auto-incriminer.

6. De même, la Cour de justice des communautés européennes a très tôt(9) considéré que la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients répond à « l'exigence, dont l'importance est reconnue dans l'ensemble des États membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s'adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession comporte la tâche de donner, de façon indépendante [c'est-à-dire non liée aux clients par un rapport d'emploi] des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin ». Cela « procède d'une conception de l'avocat, considéré comme collaborateur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l'intérêt supérieur de celle-ci, l'assistance légale dont le client a besoin », la contrepartie d'une telle protection étant la discipline professionnelle de l'avocat, imposée et contrôlée dans l'intérêt général par les institutions habilitées à cette fin.

7. Le secret professionnel étant ainsi un des principes fondamentaux de l'organisation de la justice, est par suite un des piliers du bon fonctionnement de la société elle-même dont la justice est une figure emblématique dans le cadre de l'État de droit.

8. C'est dire que le secret professionnel ne peut être qu'une composante, parmi les plus remarquables, de la liberté individuelle. C'est en tout cas notre point de vue.

Cette observation n'est pas une incantation. Elle nous ramène à l'origine du « nouveau » Code pénal initié par la commission composée et présidée par le ministre de la Justice de l'époque, le président Robert Badinter, dont le discours prononcé le 19 décembre 1985(10) nous livre les clés de la philosophie de ce code profondément novateur et adapté aux mœurs de son temps, spécialement sur la question évoquée ici.

Le Code pénal n'a pas qu'une fonction répressive, évidemment essentielle. « Toute société repose sur certaines valeurs reconnues par la conscience collective. Ces valeurs se traduisent par des interdits », lesquels « engendrent des peines contre ceux qui les méconnaissent ».

Le Code pénal répond, notamment, à une exigence d'ordre « éthique », il a une « dimension morale », il exprime « les valeurs de notre temps », « inspiré » qu'il doit être « par les droits de l'homme », qui « constituent le fondement moral de notre civilisation ». Ce « code humaniste » « doit prendre pour fin première la défense de la personne humaine et tendre à assurer son plein épanouissement en la protégeant contre toutes les atteintes, qu'elles visent sa vie, son corps, ses libertés, sa sûreté, sa dignité, son environnement ».

9. Le secret professionnel est défini comme suit à l'article 226-13 du Code pénal(11) : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une révision temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ».

Cette disposition constitue le premier article du paragraphe 1 de la Section 4 consacrée à « l'atteinte au secret », du Titre II, intitulé : « Des atteintes à la personne humaine », du Livre II du code consacré aux « crimes et délits contre les personnes ».

Ce Livre II veut à l'évidence exprimer cette « défense de la personne humaine » qui procure au Code pénal sa portée morale et humaniste visée par le président Badinter, dans le champ des « libertés » que celui-ci évoquait dans son discours(12).

10. Par là, le secret professionnel de l'avocat est un marqueur déterminant de la civilisation qui est la nôtre, et, parmi les valeurs violemment combattues par les sociétés illibérales, l'une des plus nobles et des plus nécessaires(13), ce qui justifie que sa violation soit lourdement sanctionnée.

Encore doit-on vérifier de quelle manière la profession d'avocat et les institutions de l'État en assurent la force et la pérennité, à travers l'étude de ses caractères (A) et de l'étendue de sa reconnaissance (B).

A) Les caractères du secret professionnel de l'avocat

11. Commençons par une question, celle que, inévitablement, on est conduit à se poser au vu de nos considérations introductives sur la nature profonde, au-delà du droit positif, quasi de droit naturel, de ce type de secret.

Si le secret professionnel est un élément essentiel au bon fonctionnement de la justice et, plus généralement, d'une société libérale et démocratique, pour autant constitue-t-il un droit fondamental constitutionnellement garanti ?

12. Le Conseil constitutionnel a donné à cette question capitale une réponse négative, dans une affaire relative à la procédure de réquisition administrative des données de connexion(14). Si le Conseil a rappelé à cette occasion qu'au nombre des droits et libertés constitutionnellement garantis figurent le droit au respect de la vie privée et le secret des correspondances, la liberté d'expression, les droits de la défense et le droit à un procès équitable, tous droits et libertés protégés par les articles 2, 4, 11 et 16 de la Déclaration des droits de 1789, tous droits et libertés susceptibles d'être en jeu dans le cas examiné, il a considéré « qu'en revanche, aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats », pas même l'article 2 de la Déclaration.

Le Conseil constitutionnel s'est de la sorte refusé clairement à donner satisfaction aux tenants d'une nécessaire constitutionnalisation du secret professionnel des avocats, laissé, en conséquence, à la discrétion du législateur voire du pouvoir réglementaire, nonobstant les relations étroites que ce secret très spécifique entretient, selon nous, avec la liberté individuelle.

13. La sanctuarisation du secret professionnel de l'avocat par sa constitutionnalisation ne pourrait donc advenir en l'état de notre droit positif que par une révision de la Constitution, laquelle ne paraît guère envisageable, étant observé que l'on n'a pas connaissance d'une constitution qui, en Europe, aurait inscrit un tel secret spécifique dans ses dispositions(15). D'autant moins probable, est-on tenté d'ajouter qu'une innovation aussi remarquable introduirait un professionnel du droit, « l'avocat », par une porte qui n'est pas étroite, dans le saint des saints constitutionnel...

14. Observons tout de même qu'il n'est pas insignifiant que le secret professionnel soit indirectement protégé par ces droits et libertés constitutionnellement garantis que sont le droit à la vie privée, le secret des correspondances, les droits de la défense, le droit à un procès équitable.

15. Il est encore conforme à sa nature que le secret professionnel de l'avocat soit regardé comme d'ordre public, général, absolu, illimité dans le temps.

Ces qualifications classiques, inspirées de la doctrine la plus autorisée, notamment Émile Garçon, sont d'abord celles de la jurisprudence la mieux établie(16).

Le Règlement intérieur national de la profession d'avocat les fait siennes dans son article 2, et, de même, le Règlement général de déontologie des avocats aux Conseils (article 13).

16. Que faut-il entendre par ces mots : « d'ordre public » ? On ne doit pas, nous semble-t-il, s'en tenir à l'acception étroite d'ordre public professionnel(17). Paraphrasant le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu(18), nous dirions plutôt qu'il s'agit simplement de souligner la « force particulière » avec laquelle la règle s'impose au nom d'« exigences fondamentales... considérées comme essentielles » au fonctionnement d'un service public, en l'occurrence le service public de la justice, et plus largement le bon fonctionnement de la société elle-même, et d'un « intérêt supérieur hors d'atteinte des volontés particulières contraires ». En un mot, au nom de « l'intérêt général »(19).

Ces notions, familières aux juristes, ont pour eux une résonance particulière, qui portera les avocats qui y sont tenus à reconnaître dans l'obligation découlant de la règle un impératif catégorique quelque peu transcendant.

17. Qu'en est-il de l'adjectif « absolu », qui ne le cède pas en pouvoir d'évocation à l'intérêt général et à l'ordre public ?

Le mot est fort dans son acception première : vise ce qui ne comporte aucune restriction ni réserve, selon le Dictionnaire Robert ; sans restriction aucune, sans limites, suivant le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu.

En doctrine, un débat n'a pas manqué de s'instaurer autour de cette notion apparaissant, prise à la lettre, excessive à certains, quasi indécente s'agissant d'une règle de droit applicable à une profession, voire incompatible avec une société ouverte et dominée par une exigence de transparence.

À la vérité, ce débat sémantique paraît quelque peu décalé au regard d'une réalité que le qualificatif « absolu », dont on admet qu'il peut impressionner, entend recouvrir, celle d'une obligation rigoureuse faite dans l'intérêt général, à l'avocat - et non à son client, selon une opinion unanime(20) - quand il s'agit pour le client d'un droit fondamental - sans que puissent l'atteindre des appréciations ou des circonstances particulières, dès lors opposable erga omnes, déployant toute sa force sans conditions ni réserves, le secret n'étant pas disponible de quelque façon que ce soit, notamment en ce que nul, pas même le client, ni quelque autorité que ce soit, ne peut en délier l'avocat comme le rappellent les textes déontologiques.

Dans le principe, le secret professionnel de l'avocat est et demeure un absolu, conçu comme tel par la profession d'avocat pour laquelle il est, dans cet esprit, la condition sine qua non du bon exercice de cet exigeant métier.

C'est aussi la conception en France des juridictions civiles, pénales, administratives, de la Cour de cassation comme du Conseil d'État, lesquels sanctionnent avec rigueur, directement ou indirectement, toute violation du secret professionnel par un avocat(21).

18. Pour autant, nombreux sont les avocats aujourd'hui qui expriment la crainte d'une dévalorisation continue du secret professionnel en raison tant de certaines évolutions jurisprudentielles en matière pénale que de textes successifs constituant comme une sorte de grignotage perpétuel du secret professionnel(22).

Il est vrai que, depuis plusieurs décennies, « la matière du secret professionnel de l'avocat qui était simple et limpide au XIXe siècle est devenue complexe et délicate »(23).

Mais quel est le domaine du droit qui peut prétendre échapper à la frénésie de complexification qui agite son univers de nos jours ?

L'essentiel est que l'État de droit qui est le nôtre, de même au niveau européen, sache préserver l'équilibre toujours délicat qui s'impose entre le principe de liberté et de respect de la personne humaine et les nécessités de la préservation de l'ordre public, de la sûreté des citoyens, comme des intérêts économiques généraux.

Cet équilibre est-il respecté ? Beaucoup en doutent, brandissent à juste titre toutes sortes d'exemples du bien-fondé de leurs inquiétudes.

Il ne rentre pas dans l'objet de notre étude d'investir un débat certes crucial, mais trop vaste et complexe pour s'intégrer dans ce cadre.

Bornons-nous à trois observations essentielles :

  • d'une part, le secret professionnel de l'avocat paraît, quoi qu'on en pense, conserver son caractère absolu, lequel ne paraît pas menacé dans son essence, la conciliation nécessaire entre des préoccupations apparemment contraires, celle, légitime, de la préservation de l'ordre public, et le non moins primordial respect de ce droit fondamental, n'ayant pas entraîné une altération irréversible de celui-ci(24) ;

  • d'autre part, les altérations du secret ont le plus souvent pour fondement des dérogations législatives liées à des contextes exceptionnels, dans le cadre de la conciliation nécessaire entre des intérêts supérieurs contraires ;

  • enfin, force est de réserver le cas particulier de la participation de l'avocat à une infraction.

19. En premier lieu, la confidentialité des relations entre un avocat et son client demeure protégée pour l'essentiel, ainsi qu'il résulte de l'emblématique régime des écoutes et autres modes d'interception judiciaire ainsi que des perquisitions et visites domiciliaires, même si demeurent de sérieuses interrogations(25).

Ainsi en décide de façon constante le Conseil constitutionnel, se fondant sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, s'agissant de garantir le respect d'un droit fondamental, composante essentielle des droits de la défense(26).

La jurisprudence de la Cour de cassation est en ce sens, qu'il s'agisse de la Chambre criminelle(27) ou de la première Chambre civile(28).

Le Conseil d'État n'est pas en reste, qui, par exemple, annule la disposition du décret du 26 juin 2006 relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux en tant qu'il prévoit une relation directe entre les personnes soumises aux obligations de déclaration de soupçon, les avocats notamment, et la cellule TRACFIN, en contournant le dispositif de « filtre » du bâtonnier et du président de l'Ordre des avocats aux Conseils(29).

Nous ne saurions omettre de citer la Cour européenne des droits de l'homme, sanctionnant une violation de l'article 8 de la Convention européenne en raison de l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée et de la correspondance résultant, d'une part, d'une perquisition ordonnée en termes trop larges et des fouilles effectuées à un degré disproportionné, d'autre part, d'une visite domiciliaire effectuée au domicile des avocats de la société soupçonnée de fraude fiscale en vue de retenir des documents susceptibles d'établir la fraude présumée de celle-ci et de les utiliser contre elle(30).

Plus récemment, pour ne prendre que ces exemples, d'abord, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que les documents présents dans les locaux de la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), organisme professionnel dont l'objet est de sécuriser et contrôler les fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients, sont couverts par le secret professionnel des avocats(31). Bien plus, dans cette affaire, le bâtonnier, tenu d'assister à la perquisition ordonnée par le juge d'instruction dans les locaux de la CARPA, n'a pas pu exercer son pouvoir de s'opposer à une saisie qui excèderait le champ des investigations, en raison de l'imprécision de la décision du juge d'instruction, de sorte que la perquisition était nulle et les documents saisis ont dû être restitués.

Ensuite, après avoir rappelé que le pouvoir reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence de saisir des documents et supports informatiques trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense(32), la même chambre de la Cour a franchi un nouveau pas dans la protection du secret en lui-même, dans un cas où les enquêteurs de cette même Autorité ont été autorisés à procéder à des opérations de visite et de saisies, dans les locaux d'une entreprise, de courriels internes à l'entreprise se référant à une stratégie de défense élaborée par l'avocat de la société. Bien que n'émanant pas directement de l'avocat ou n'étant pas adressés par celui-ci à sa cliente, les documents saisis, qui contenaient des données confidentielles et en constituaient l'objet essentiel, étaient couverts par le secret(33).

Dans une affaire où des saisies ont, là encore, été effectuées par l'Autorité de la concurrence, le Premier président de la Cour d'appel de Paris avait estimé que l'Autorité avait pu retenir des documents ne concernant pas le droit de la concurrence ou ne se rapportant pas à l'exercice de la défense relativement à l'objet de l'enquête. La Chambre criminelle considère au contraire que c'est dans toutes les procédures où un avocat assure la défense de son client qu'est protégé le secret des correspondances échangées entre eux et qui y sont liées(34).

20. En deuxième lieu, c'est, en principe, uniquement dans les cas exceptionnels où un intérêt supérieur l'emporte sur celui qui fonde le secret professionnel de l'avocat que la confidentialité est susceptible d'être écartée(35).

Nous ne plaçons pas dans ce domaine la levée du secret par l'avocat lui-même pour les besoins de sa propre défense strictement entendu, tant cette règle, rappelée par les textes déontologiques des avocats, paraît naturelle, et ne fait intervenir, en fait de principe supérieur, que les droits de la défense les plus élémentaires qui s'appliquent aux avocats comme à quiconque.

21. En revanche, entrent dans cette sphère de dérogations de caractère exceptionnel, notamment :

  • la révélation de privations et de sévices, y compris atteintes ou mutilations sexuelles, infligées à un mineur ou une personne vulnérable(36),

  • la déclaration de soupçon en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme(37),

  • la déclaration de dispositif transfrontalier potentiellement agressif en matière fiscale(38).

Toutefois, dans ce dernier cas, la Cour de justice de l'Union européenne vient de rendre un arrêt qui renforce la protection du secret professionnel des avocats(39). En principe, tous les intermédiaires impliqués dans les planifications fiscales transfrontalières agressives, pouvant conduire à l'évasion et à la fraude fiscales, sont tenus de les déclarer, sauf les avocats soumis au secret professionnel en vertu de leur droit national, qui peuvent être dispensés de cette obligation. Mais les avocats intermédiaires sont tenus de notifier à tout autre intermédiaire ou au contribuable concerné leurs obligations de déclaration. Ce faisant, les autres intermédiaires prennent connaissance de l'identité de l'avocat intermédiaire ainsi que de son analyse selon laquelle le dispositif fiscal doit faire l'objet d'une déclaration et, encore, du fait qu'il est consulté à ce sujet. Il suit de là, selon la Cour, que cette obligation de notification entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux, outre, indirectement, une seconde ingérence dans le droit au secret.

Pour la Cour, ces ingérences ne sont pas nécessaires pour réaliser l'objectif de contribuer à la prévention du risque d'évasion et de fraude fiscales, de sorte que l'obligation de rectification en cause viole le droit au respect des communications entre l'avocat et son client, garanti à l'article 7 de la Charte.

Cette décision remarquable de la Cour de Luxembourg illustre parfaitement la force du secret professionnel de l'avocat européen, à laquelle s'accorde celle de la protection accordée à celui-ci par la Haute juridiction européenne.

Ce n'est pas l'image d'un déclin annoncé, mais la marque d'un renforcement notable du secret professionnel de l'avocat.

22. En matière de déclaration de soupçon, la Cour européenne des droits de l'homme a certes jugé, dans son arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c. France(40), que l'obligation de déclaration faite aux avocats ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel.

Mais elle a eu soin de justifier cette appréciation par des considérations tendant à atténuer l'impact de la contrainte, en rappelant que les avocats ne sont astreints à l'obligation de déclaration que dans deux cas :

  • lorsqu'ils participent au nom et pour le compte de leur client à des transactions financières ou immobilières ou agissent en qualité de fiduciaire ;

  • dans le cas d'activités éloignées de la mission de défense confiée aux avocats, similaires à celles exercées par les autres professionnels soumis à cette obligation,

et en soulignant au surplus que ce n'est pas l'avocat qui effectue la déclaration de soupçons, mais son bâtonnier qui prend la décision.

23. Il y a tout de même une ombre au tableau. Elle provient de l'actualité législative. La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2011 pour la confiance dans les institutions judiciaires, dans son article 3, 3 °, a inséré, après l'article 56-1 du Code de procédure pénale, deux articles 56-1-1 et 56-1-2 nouveaux, qui suscitent des commentaires mitigés.

L'article 56-1-1 innove dans le bon sens en prévoyant que, à l'occasion d'une perquisition dans un lieu autre que le cabinet ou le domicile d'un avocat, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s'opposer à la saisie de ce document.

En revanche, l'article 56-1-2 dispose que le secret professionnel de l'avocat n'est pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction lorsque celles-ci sont relatives à certaines infractions financières dans les domaines de la fraude fiscale, de la corruption et du terrorisme. Il est prévu néanmoins que les documents détenus ou transmis par l'avocat ou son client doivent établir la preuve de leur utilisation aux fins de commettre ou de faciliter la commission desdites infractions.

On ne peut nier que, en dépit de la réserve finale qu'elles contiennent, ces dispositions, si elles s'inscrivent dans les contextes exceptionnels visés précédemment, n'en apparaissent, prima facie, pas moins comme une entaille dans le principe du respect du secret professionnel, à rebours de l'évolution jurisprudentielle générale, en donnant la primauté absolue à des considérations d'ordre public.

24. En troisième et dernier lieu, il convient de s'attacher à la situation particulière de la participation de l'avocat à une infraction.

La Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que la saisie de correspondances entre une personne mise en examen et son avocat ne peut être ordonnée que si les documents saisis sont de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à une infraction(41), et la mise sur écoute téléphonique de l'avocat requiert le constat préalable d'indices plausibles de sa participation à une infraction(42).

La loi précitée du 22 décembre 2011 (article 3) confirme qu'aucune interruption ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat, sauf s'il existe des raisons « plausibles » de le soupçonner d'avoir commis l'infraction qui fait l'objet de la procédure, la décision étant prise par le juge des libertés et de la détention.

La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que la transcription d'une conversation entre un avocat et son client dont la ligne téléphonique avait été mise sur écoute ne constitue pas une violation de l'article 8 de la Convention, dès lors que cette transcription était fondée sur le fait que son contenu était de nature à faire présumer que l'avocat lui-même avait commis une infraction, à savoir la violation du secret professionnel qui lui a valu une sanction disciplinaire(43).

25. Il résulte des développements qui précèdent que le secret professionnel de l'avocat, s'il continue à subir, de la part des pouvoirs publics, quelques accrocs non négligeables, demeure solidement ancré dans le paysage juridique français et européen. Et son régime tend à se simplifier autour de quelques principes pérennes.

26. Il reste néanmoins, à ce jour, privé de l'un de ses éléments constitutifs, et c'est là un paradoxe que ne peut manquer de chercher à percer à jour l'auteur de ces lignes, à raison de la qualité professionnelle dont il s'honore.

Ce sera l'objet des développements qui suivent.

B) L'étendue du secret professionnel

27. La question est essentielle. Elle se résume à ceci : le secret professionnel s'applique-t-il seulement aux activités contentieuses - ou juridictionnelles, si l'on veut - de l'avocat et non à ses activités de conseil ?

28. Saisi le 19 octobre 2022 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 56-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire(44), et de l'article 56-1-2 du même Code, dans sa rédaction issue de la même loi, le Conseil constitutionnel a, par sa décision toute récente du 19 janvier 2023(45), en confirmant la conformité de ces deux articles à la Constitution, nécessairement répondu par l'affirmative à notre interrogation introductive (point 27 ci-dessus) : le Conseil constitutionnel exclut clairement du secret professionnel de l'avocat tout ce qui relève de son activité de conseil et ne se rattache pas directement à une procédure juridictionnelle.

29. Après avoir rappelé sa propre jurisprudence(46) suivant laquelle « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats », le Conseil constitutionnel énonce en effet que les dispositions du deuxième alinéa de l'article 56-1 du Code de procédure pénale interdisent la saisie des documents couverts par le secret professionnel, « dès lors qu'ils relèvent de l'exercice des droits de la défense », permettant ainsi la saisie de tous documents relevant de l'activité de conseil - ou activité « juridique ».

30. S'agissant de l'article 56-1-2(47), le Conseil constitutionnel considère que si ses dispositions ne s'appliquent pas, là encore, aux documents couverts par le secret professionnel de la défense, et s'appliquent a contrario aux documents couverts par le secret professionnel du conseil, mais parmi ces derniers, seuls sont susceptibles d'être saisis ceux qui ont été utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission des infractions particulières visées par ce texte, lesquelles concernent les contextes exceptionnels de fraude fiscale, corruption et terrorisme.

Les auteurs de la question prioritaire de constitutionnalité ont plaidé que ces dispositions sont un leurre en ce qu'elles font primer les objectifs à valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public sur le secret professionnel des avocats, lesquels, ainsi que leurs clients, ne sauraient être contraints à s'auto-incriminer et alors que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg s'oppose à la saisie, au cabinet de l'avocat, d'un document protégé par le secret et utilisé par le client et non par l'avocat lui-même.

31. La divisibilité du secret professionnel entre les activités de défense et les activités de conseil de l'avocat a, bien avant que le Conseil constitutionnel ne vienne de la sorte la consacrer, été actée par une jurisprudence constante de la Chambre criminelle de la Cour de cassation.

32. « La chambre criminelle de la Cour de cassation a toujours fait preuve d'une extrême prudence dans la protection du secret professionnel de l'avocat. En effet, la chambre criminelle, pour juger de l'étendue du secret professionnel, cherche un équilibre, compréhensible, entre la protection du secret professionnel et l'efficacité répressive »(48). Sauf que cet « équilibre » s'est très tôt rompu en faveur de l'efficacité répressive au détriment du secret, strictement cantonné par la Chambre criminelle aux activités judiciaires des avocats.

33. Il s'en est suivi une réaction, souhaitée par la profession d'avocat, du législateur qui a, par la loi du 31 décembre 1990 créant la nouvelle profession d'avocat par la fusion avec la profession de conseil juridique, inséré dans la loi du 31 décembre 1971 un article 66-5 mettant fin à la distinction des deux catégories d'activités. Cet article a été complété par une loi du 4 janvier 1993.

34. La Chambre criminelle persistant à refuser l'application du secret professionnel en matière juridique, le législateur est à nouveau intervenu par une loi du 7 avril 1997, complétée par la loi du 11 février 2004 sur la mention « officielle » portée dans les correspondances entre l'avocat et ses confrères, pour préciser que, « En toute matière, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat (...) sont couvertes par le secret professionnel ».

On ne saurait être plus clair.

35. Pourtant, la Chambre criminelle ne s'est pas inclinée devant la volonté du législateur et a maintenu sa jurisprudence contraire par un arrêt du 30 juin 1999(49).

Citant, à dessein, les articles 97 et 99 du Code de procédure pénale et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la chambre a justifié le refus du juge d'instruction de restituer les documents saisis dans le cabinet de l'avocat par le motif suivant lequel « leur maintien sous la main de la justice en vue de déterminer l'existence d'infractions pénales est nécessaire à la manifestation de la vérité et qu'il ne porte pas atteinte aux droits de la défense ».

Ainsi se trouve, une fois pour toutes(50) dans l'esprit de la chambre, consacré la divisibilité du secret professionnel de l'avocat, dans l'idée(51) qu'un texte contenu dans le statut légal de la profession d'avocat ne saurait primer sur la recherche de l'existence d'infractions pénales conformément aux principes directeurs de la procédure pénale, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte aux droits de la défense.

36. Il était cependant permis de penser, notamment au vu de la circulaire du garde des Sceaux du 28 février 2022, que la modification du III de l'article préliminaire du Code de procédure pénale par l'article 3 de la loi du 22 décembre 2021(52), en faisant référence expresse à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, et à sa formule : « Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil », ainsi parée de la dignité conférée par ce Code, pourrait être de nature à infléchir la position de la Chambre criminelle.

La plupart des commentateurs en doutent, invoquant la réserve introduite par le législateur suivant laquelle le respect du secret ainsi défini « est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code ».

Mais, en toute occurrence, leurs commentaires sont vains depuis que le Conseil constitutionnel a tranché par sa décision du 19 janvier 2023.

37. En revanche, il ne nous paraît pas inutile de rappeler que, dès avant la décision rendue par le Conseil constitutionnel, la Chambre commerciale de la Cour de cassation jugeait, par une interprétation littérale des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, combinées avec celles de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que, contrairement à ce qui était prétendu par le directeur général des impôts, le secret professionnel couvre les consultations et avis juridiques des avocats(53). Il existait donc des divergences de jurisprudence au sein de la Cour. Qu'adviendra-t-il désormais ?

38. Le Conseil d'État est, sur ce point, aussi catégorique à propos des « consultations juridiques(54) » couvertes, selon lui, par le secret professionnel.

39. Il n'est pas surprenant que le RIN (article 2) s'inspire des dispositions de l'article 66-5, ce que ne manque pas de faire également le Règlement général de déontologie des avocats aux Conseils, mais ce que ne fait pas le décret du 12 juillet 2005, qui se borne à rappeler prudemment que « l'avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel »...

40. Enfin, à la barre du Conseil constitutionnel, un avocat aux Conseils, Paul Mathonnet, a, judicieusement selon nous, fait valoir que la mise à l'écart de l'activité de conseil contribue à ôter toute effectivité à l'accès au droit et, par voie de conséquence, aux libertés, lesquelles ne peuvent s'exercer vraiment que par la connaissance du droit qui implique nécessairement les explications dispensées par un conseil.

Il importe en effet de rappeler que l'aide juridique(55) comprend l'aide à l'accès à la justice et l'aide à l'accès au droit. L'aide à l'accès au droit comprend l'aide à la consultation et l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles.

L'aide à la consultation permet à son bénéficiaire d'obtenir : 1 ° des informations sur l'étendue des droits et obligations ; 2 ° des conseils sur les moyens de faire valoir ses droits ; 3 ° une assistance en vue de l'établissement d'un acte juridique.

Et les conditions dans lesquelles s'exerce l'aide à la consultation sont déterminées par le conseil départemental de l'aide juridique en conformité avec les règles de déontologie des différentes personnes chargées de la consultation, règles parmi lesquelles, en ce qui concerne les avocats, figure le secret professionnel. Le décret du 12 juillet 2005 dispose à son article 6 que « La profession d'avocat concourt à l'accès à la justice et au droit ».

C'est dire que, pour le législateur, les professions juridiques et judiciaires tiennent le premier rôle en la matière.

Or toute demande d'avis sur une question de droit ne débouche pas forcément sur une procédure juridictionnelle ou n'a pas forcément pour objet d'étayer une argumentation de défense contentieuse, loin s'en faut.

L'avocat indépendant et son secret professionnel sont des rouages essentiels d'une société démocratique. Les juridictions internes et européennes le répètent à satiété.

Ils constituent l'un avec l'autre la garantie de la protection des droits, mais aussi la garantie de l'effectivité du droit lui-même, de là la crainte qu'on peut avoir d'une régression de cette effectivité si les clients étaient dissuadés, faute de bénéficier de la confidentialité qui est par ailleurs la base de la confiance dans la justice, de solliciter l'assistance juridique d'un avocat.

41. La divisibilité du secret professionnel de l'avocat est au surplus artificielle aux yeux d'un praticien du droit, la frontière entre les deux types d'activités de l'avocat est mouvante, impossible à matérialiser concrètement, car l'activité de l'avocat est un tout en regard des besoins et des aspirations de ses clients auxquels s'accorde exactement la nature profonde de la profession d'avocat.

L'avocat, auteur de ces lignes, dont la parole a toujours été libre, et fort de sa longue expérience, se devait d'exprimer ce point de vue en toute sincérité et dans le respect qu'il sait devoir à toutes les juridictions, alors même que la loi l'a doté du statut singulier d'officier ministériel, participant directement au service public de la justice devant les cours suprêmes(56), partant, soucieux de la préservation des intérêts publics supérieurs, mais préoccupé également, car c'est un devoir de son état, de la recherche constante d'un juste équilibre entre ces intérêts et la garantie des droits fondamentaux et des libertés des citoyens, parmi lesquels figure le secret professionnel, absolu et indivisible, de l'avocat, nécessaire au bon fonctionnement d'une société démocratique.

(1): V. Nioré et L. Dusseau, « Le cœur de la défense », Gaz. Pal., Ed. prof. 24-25 avril 2015.

(2): Le Conseil d'État érige au rang de « principes » dont le respect s'impose au pouvoir réglementaire, l'indépendance et le respect du « secret des relations entre l'avocat et son client » : CE, Ass., 9 avril 1999, Mme Toubol-Fisher et Bismuth, n° 196177 ; voir aussi : E. de Lamaze, « Le droit au secret et à l'indépendance des avocats », Gaz. Pal., Doctrine, 8-9 octobre 2004.

(3): C'est l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques qui est censé régir le secret professionnel des avocats. Nous retrouverons ce texte, infra. Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 se borne à reprendre la formule : « l'avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel », énoncée à l'article 2 du Règlement intérieur national édicté par le Conseil national des barreaux, lequel précise par ailleurs : « L'avocat est le confident nécessaire du client ».

(4): La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a introduit dans l'ordonnance du 10 septembre 1817 une nouvelle disposition qui reprend pratiquement mot à mot les termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

(5): Cité par E. Piwnica, « Justice et secret », Justice et cassation, 2007, p. 184.

(6): M. Blondet, « Le secret professionnel, La chambre criminelle et sa jurisprudence », Recueil d'études en hommage à la mémoire de Maurice Patin, Cujas Mélanges, 1965, p. 203.

(7): Ibid., p. 204.

(8): CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c. France, n° 12323/11, au sujet de l'obligation de déclaration de soupçon en matière de blanchiment de capitaux pesant sur les avocats, au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Évoquer, comme le fait la Cour, le bon fonctionnement de la justice, c'est nécessairement viser le bon fonctionnement de la société elle-même.

(9): CJCE, 18 mai 1982, AM et S Europe Limited, 155.79.

(10): Ce discours est publié en ligne sur le site internet « Vie publique ».

(11): On a quelque scrupule à faire ce rappel d'une disposition aussi connue parmi les juristes...

(12): Contra : B. Bouloc, « Le secret professionnel de l'avocat », Mélanges Gassin, PUAM 2007, p. 121 : pour l'éminent auteur, « il n'est pas certain qu'une discussion sur l'intitulé ou la place [de l'incrimination] soit fructueuse ».

(13): « C'est une valeur de civilisation à l'aune de laquelle peut se mesurer l'état moral de celle-ci », E. Pierroux, « Du regrettable art perdu du secret », Gaz. Pal., Doctrine, 5 janvier 2016.

(14): Décision n° 2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres [Accès administratif aux données de connexion].

(15): Il est vrai que la Loi fondamentale allemande garantit en son article 10 le secret des correspondances. Mais rappelons que, en France, le secret des correspondances figure, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel, parmi les droits et libertés constitutionnellement garantis.

(16): Voir, par exemple : Cass. crim., 5 février 1970, n° 69-9000 ; récemment : Crim., 13 octobre 2020, n° 19-87.341, concernant le secret médical : « L'infraction prévue à l'article 226-13 du code pénal est destinée à protéger la sécurité des confidences qu'un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l'état ou la profession dans un intérêt général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire. En conséquence, la violation du secret professionnel ne porte directement préjudice qu'à l'intérêt général et à l'auteur de ces confidences ».

(17): Contra : S. Bortoluzzi et al., Règles de la profession d'avocat, Dalloz Action, 2022/2023, n° 411-14 ; sauf à s'être mépris sur le sens qu'ont voulu donner à cette formule des auteurs aussi avisés.

(18): Verbo « Ordre public », Paris, PUG, 2014, p. 718.

(19): Visé, au demeurant, par les auteurs précités.

(20): Ainsi, le Conseil d'État, considérant que la confidentialité des correspondances ne s'impose qu'à l'avocat et non au client, de sorte que, dès lors que celui-ci a donné son accord préalable à la divulgation de cette correspondance à l'administration fiscale, la procédure d'imposition n'est pas viciée (CE, 12 décembre 2012, n° 914.058). De même, la Cour de cassation a jugé que devant le juge le client n'est pas recevable à invoquer un secret professionnel portant sur des informations qu'il avait lui-même rendues publiques (Cass. com., 6 juin 2001, n° 92-18.577).

(21): Voir : E. Piwnica, « Justice et secret », loc. cit. supra. La Cour de cassation n'hésite pas d'ailleurs à qualifier le secret de l'avocat « général et absolu » (Civ. 1re, 12 octobre 2016, n° 15-14.896).

(22): Cf. notamment : B. Py, « Secret professionnel : le syndrome des assignats ? », AJ pénal, n° 4/2004, avril 2004, p. 133, V. Nioré, « Le secret professionnel de l'avocat : un chef d'œuvre en péril ? », JCP, G, n° 43, 20 octobre 2014, p. 1942 ; E. Pierroux, « Du regrettable art perdu du secret », loc. cit. supra.

(23): B. Bouloc, « Le secret professionnel de l'avocat », loc. cit. supra.

(24): Comme c'est à l'inverse le cas, selon nous, en matière de liberté religieuse, à la suite de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 comportant le respect des principes de la République, dominée par les considérations d'ordre public liées à l'islamisme radical.

(25): Voir sur ce sujet l'étude d'E. Piwnica, « Interceptions judiciaires et secret professionnel des avocats », Editions de l'EHESS, Grief, 2017/1 n° 4, pages 20 à 32.

(26): Cf. Conseil constitutionnel, décision ° 2015-506 QPC du 4 décembre 2015, M. Gilbert A. [Respect du secret professionnel et des droits de la défense lors d'une saisie de pièces à l'occasion d'une perquisition].

(27): Cf. Cass. crim., 15 juin 2016, n° 15-86.043.

(28): Cass. Civ. 1ère, 2 mars 2004, n° 01-00.333.

(29): CE, Section du contentieux, 10 avril 2008, n° 296.845.

(30): CEDH, arrêt du 16 décembre 1992, n° 13710/88, Niemetz c. Allemagne, arrêt par lequel la Cour assimile le cabinet d'un avocat au « domicile » au regard des dispositions en cause, et arrêt du 24 octobre 2008, n° 18603/03, André et autre c. France.

(31): Cass. crim., 18 janvier 2022, n° 21-83.751.

(32): Cass. crim., 24 avril 2013, n° 12-80.331.

(33): Cass. crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359.

(34): Cass. crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248.

(35): Hors les cas, bien entendu, où la loi impose ou autorise la révélation du secret (article 226-14, al. 1, du Code pénal).

(36): Article 226-14, 1 ° du Code pénal.

(37): Code monétaire et financier, article L. 561-2, 13 °.

(38): Directive européenne 2011/16/UE du Conseil, modifiée par la directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018.

(39): CJUE, arrêt du 8 décembre 2022 dans l'affaire C-694/20, rendu en Grande chambre.

(40): Arrêt cité supra.

(41): Cass. crim., 12 mars 1992, Bull. crim. n° 112, et jurisprudence constante.

(42): Cass. crim., 15 janvier 1997, Bull. crim. n° 14, et jurisprudence constante : l'adjectif « plausibles » n'est toutefois pas dénué d'ambiguïté.

(43): CEDH, arrêt du 16 juin 2016, n° 49176/11, Versini-Campinchi et Grasnianski c. France.

(44): Citée supra.

(45): Décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, Ordre des avocats au barreau de Paris et autre.

(46): Citée supra.

(47): Voir supra l'analyse de cet article 56-1-2.

(48): S. Bortoluzzi et al., Règles de la profession d'avocat, op. cit. supra n° 411-21.

(49): Cass. crim., 30 juin 1999, n° 97-86.318.

(50): Voir encore : Crim., 13 décembre 2006, n° 06-87.169.

(51): Nous nous croyons fondés à soutenir cette thèse, confortée par le souvenir des discussions suscitées entre les murs de la Cour par cette posture de la Cour confrontée à une volonté du législateur de battre en brèche sa jurisprudence.

(52): Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, citée supra.

(53): Cass. com., 5 mai 1998, n° 96-30116. Dans le même sens : Com., 9 mars 1999, n° 97-30.029, et 26 novembre 2013, n° 12-27.162.

(54): CE, Section, 10 avril 2008, cité supra ; 12 décembre 2008, n° 414088.

(55): Cf. la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, articles 1er, 53, 56, 60 et 61, notamment.

(56): CE, 9 juillet 2007, CE, 9 juillet 2007, Syndicat des avocats de France, n° 288946, Rev. fr. dr. adm., 2007, p. 1183, concl. Y. Struillou.

Citer cet article

Jean BARTHÉLEMY. « Le secret professionnel de l’avocat », Titre VII [en ligne], n° 10, Le secret, avril 2023. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-secret-professionnel-de-l-avocat