Titre VII
N° 4 - avril 2020
Le contrôle des cavaliers législatifs, entre continuité et innovations
Le droit des parlementaires d'amender les projets et propositions de loi, de leur propre initiative ou en adoptant des amendements déposés par le Gouvernement, est au nombre des règles cardinales de la tradition républicaine. Selon cette même tradition, ce droit d'amendement n'en connaît pas moins des limites commandées par l'exigence de sincérité du débat parlementaire et de cohérence législative.
C'est ainsi, en particulier, qu'est prohibée en France comme en Belgique, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, la pratique couramment désignée sous le terme de « nbsp ; cavalier législatif » qui, quoiqu'il soit absent des textes juridiques, est usuellement compris comme désignant « les dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n'ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer »(1). En France, une première mention de la prohibition de ces dispositions est apparue dans les règlements des assemblées dès 1935(2).
Chaque fois qu'elle est ignorée, cette prohibition peut aujourd'hui entraîner la chute du « cavalier », soit en cours de procédure législative par l'effet de la discipline interne aux assemblées parlementaires, soit à l'issue de la procédure législative par l'effet de sa censure par le Conseil constitutionnel. La disposition issue de l'amendement considéré ne pourra finalement trouver sa place dans le texte définitif de la loi.
Aussi ancienne la prohibition des « cavaliers législatifs » soit-elle, il arrive que la sanction de sa violation suscite une forme d'incompréhension de l'auteur de l'amendement, qu'il s'agisse d'un parlementaire ou d'un ministre au nom du Gouvernement. A l'intention du grand public auquel on ne saurait décemment reprocher de ne pas tout connaître de la notion de « cavaliers législatifs », il n'est pas rare qu'elle fasse en outre l'objet de commentaires publics plus ou moins inspirés. Dans le meilleur des cas, les articles de presse rendent compte d'une censure par le Conseil constitutionnel en expliquant qu'elle est due, non à des raisons de fond, mais à des raisons de procédure. Dans d'autres, les lobbies ou parties intéressées dénoncent la censure comme arbitraire, en feignant d'en ignorer la raison.
Avec l'espoir de dissiper certains au moins de ces malentendus, il paraît de quelque intérêt de souligner ici combien, dégagée avant même qu'en 2008, le constituant lui-même ne traite expressément au premier alinéa de l'article 45 de la Constitution de la recevabilité des amendements déposés en première lecture au Parlement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers législatifs apparaît stable dans son économie générale depuis plusieurs décennies. Si un bilan statistique peut laisser penser que son intensité a pu varier dans le temps, le Conseil n'y a en réalité jamais renoncé. Le contrôle des cavaliers auquel il procède joue à l'égard de la pratique parlementaire et gouvernementale du droit d'amendement un rôle régulateur, utile à la protection de la qualité de la loi et de la sincérité des débats parlementaires (I).
Dans la dernière période, la pratique du contrôle des cavaliers a connu, tant au sein des assemblées parlementaires que du fait du Conseil constitutionnel, des évolutions dont il est permis de penser qu'elles contribueront à son efficacité et aideront tout un chacun à mieux en comprendre l'exigence (II).
I. Le contrôle des cavaliers législatifs : une règle établie et suivie
1.1. L'origine du contrôle constitutionnel
- Dans sa version originelle, l'article 45 de la Constitution de 1958 ne comprenait aucune disposition traitant spécifiquement de la recevabilité des amendements adoptés en première lecture. Cette question n'apparaissait pas davantage dans ses travaux préparatoires.
L'exigence constitutionnelle d'un lien entre un amendement et le projet de loi en discussion a été consacrée une première fois par la décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985. Par une rédaction qu'il a progressivement affinée, le Conseil constitutionnel a jugé à de nombreuses reprises à compter de cette décision que c'est d'une combinaison des articles de la Constitution que se déduit la règle selon laquelle le droit d'amendement ne peut s'exercer en première lecture qu'à la condition de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie : « il résulte de la combinaison de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; [...] il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »(3).
Ce contrôle des cavaliers législatifs a pu varier dans ses modalités (le Conseil a notamment développé une jurisprudence relative aux « limites inhérentes au droit d'amendement »(4) qu'il a abandonnée par la suite(5)) comme dans son intensité. En particulier, à partir de sa décision n° 2006-534 DC du 16 mars 2006, le Conseil constitutionnel a pris l'habitude de censurer d'office des dispositions constituant des cavaliers législatifs, alors pourtant qu'elles n'étaient pas contestées par les auteurs de la saisine(6).
- Toujours est-il que, depuis la révision de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, il est expressément précisé par le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
C'est désormais après avoir directement cité cette disposition que, dans son contrôle de la loi qui lui est soumise par la voie directe de l'article 61 de la Constitution, le Conseil s'attache à vérifier si la disposition ajoutée présente bien un tel lien avec le projet ou la proposition de loi à l'origine de ce texte. Il continue de le faire tant en réponse aux griefs des saisissants sur ce terrain qu'en se saisissant d'office de dispositions issues d'amendements (portant, le plus souvent, articles additionnels).
Si l'intention du constituant de 2008 avait pu être, comme l'indiquent les travaux préparatoires de la loi du 23 juillet 2008, d'assouplir le contrôle opéré en ce domaine par le Conseil, par la référence à l'existence d'un lien seulement indirect, l'effet concret de l'intervention du constituant a d'abord été de consolider le socle constitutionnel de ce contrôle(7). Il est vrai que, comme cela avait été relevé durant les travaux parlementaires, l'ajout de cette mention était en réalité au plus près de ce qu'énonçait déjà la jurisprudence constitutionnelle, à savoir la prohibition des cas où l'amendement est dépourvu de tout lien avec le texte initial(8).
1.2. Les grandes caractéristiques du contrôle constitutionnel
- Le contrôle du Conseil constitutionnel sur les cavaliers porte aussi bien sur les projets que les propositions de loi, sur les amendements parlementaires que gouvernementaux et sur les dispositions additionnelles que modificatives. Ce contrôle s'exerce au regard du contenu du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie - l'exposé des motifs, le titre du projet ou l'intitulé de ses parties ne venant éventuellement que conforter ce contenu sans être décisifs pour son appréciation.
Il en va bien ainsi y compris s'agissant d'amendements introduits en première lecture par la deuxième chambre saisie du projet ou de la proposition de loi, et quand bien même cet amendement présenterait un lien avec une disposition issue d'un amendement introduit dans le texte par la première chambre saisie. En effet, si la seconde phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution exige un lien, même indirect, « avec le texte déposé ou transmis », c'est toujours au contenu du texte déposé - par le Premier ministre ou par l'auteur de la proposition de loi - que se réfère le Conseil constitutionnel pour procéder à son contrôle(9).
Une solution contraire se heurterait à deux obstacles.
D'une part, dans le cas où la première assemblée saisie aurait introduit par amendement des dispositions dépourvues de lien avec le texte déposé, se référer au texte transmis pour contrôler la recevabilité des amendements présentés dans la deuxième assemblée saisie aboutirait à permettre à cette dernière de profiter de l'irrégularité commise par la première. Une forme de caution serait ainsi donnée à la deuxième chambre, qui pourrait ajouter des dispositions sans lien avec le texte initial au seul motif que la première chambre, elle, s'en serait écartée. Par ailleurs, cela aboutirait à ce que le Conseil constitutionnel censure les amendements introduits par la première assemblée saisie sans lien avec le texte déposé mais laisse subsister les amendements adoptés par la seconde assemblée saisie en lien avec ces amendements censurés. Au contraire, dans un tel cas de figure, le Conseil constitutionnel censure, comme adoptées selon une procédure contraire au premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, tant les dispositions introduites par la première assemblée que celles ajoutées par la seconde.
D'autre part, dans le cas où la première assemblée saisie aurait introduit par amendement des dispositions respectant l'exigence de lien avec le texte déposé, se référer au texte transmis par cette assemblée pour contrôler la recevabilité des amendements adoptés par la deuxième chambre saisie n'aurait d'intérêt qu'à la condition d'admettre que ces derniers puissent ne présenter aucun lien avec le texte déposé. Or, seule une vision très théorique permettrait de concevoir qu'un amendement adopté par la seconde chambre puisse à la fois présenter un lien avec des dispositions régulièrement introduites par la première chambre (qui elles-mêmes présentent donc un tel lien), tout en n'en présentant aucun -- pas même indirect -- avec les dispositions du texte déposé. En outre, sur le fond, un tel système conférerait un pouvoir d'initiative plus fort à la seconde assemblée saisie, dont le périmètre d'intervention serait plus large que celui de la première assemblée. Rien dans les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ne permet de déceler une telle volonté du constituant. Si ce dernier a retenu les termes « déposé » et « transmis » afin de mieux rendre compte des différentes étapes de la discussion d'un texte en première lecture, il n'a, en revanche, pas entendu admettre la recevabilité devant la deuxième assemblée d'amendements dépourvus de lien avec le texte déposé au seul motif qu'ils auraient, en revanche, un lien avec le texte adopté par la première assemblée.
- Quant à déterminer si l'appréciation par le Conseil constitutionnel de l'existence d'un lien « direct ou indirect » aurait été d'une rigueur variable à travers le temps, il n'est guère d'indice déterminant en ce sens que l'on puisse trouver dans l'examen des statistiques.
Le nombre de cavaliers censurés, en valeur absolue, ne donnerait pas d'indications suffisantes sur le degré de rigueur du Conseil constitutionnel, à défaut de le rapporter au nombre de fois où le Conseil a eu l'occasion de se poser la question des cavaliers. En revanche, rapporter ce nombre de censures au nombre de dispositions nouvelles introduites dans un même texte législatif (sous forme d'articles) peut fournir une estimation approximative de ce degré de censure.
L'étude des statistiques des censures « cavaliers » dans les dix dernières années montre à cet égard trois périodes : de 2010 à 2012, puis de 2015 à 2019, le ratio est proche de ou supérieur à 10 %. En revanche, une inflexion avait pu être observée en 2013 (4 %) et 2014 (2 %).
Si on superpose cette courbe avec celle rendant compte du ratio entre le nombre de dispositions nouvelles introduites dans un texte et le nombre d'articles du texte d'origine (ratio d'extension du périmètre du texte), on constate que la première période de sévérité du contrôle des cavaliers par le Conseil constitutionnel s'accompagne d'un infléchissement de ce ratio d'extension et que le desserrement du contrôle des cavaliers est suivi par une nette augmentation de ce même ratio, avant qu'un resserrement de ce contrôle, après 2014, soit suivi une nouvelle fois d'un amoindrissement de ce ratio (bien qu'il ne soit devenu durable qu'à compter de 2017).
De ces données, il est donc surtout à retenir que le Conseil constitutionnel n'a jamais désarmé son contrôle des cavaliers législatifs.
1.3. Les intérêts du contrôle dans la régulation de la procédure législative
- Le contrôle des cavaliers législatifs s'inscrit dans un ensemble plus vaste de contrôle de la procédure d'adoption de la loi visant à garantir la sincérité de la procédure législative et, un pas plus loin, une forme de cohérence des lois adoptées.
S'y ajoutent notamment le contrôle des cavaliers budgétaires, qui obéissent aux règles propres aux lois de finances(10), ainsi que celui des cavaliers sociaux, relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale(11).
En outre, le Conseil veille aussi, depuis 2011(12), au respect de la règle des cavaliers en matière organique, en vue duquel il a défini un cas d'absence de lien indirect particulier : lorsque la disposition en cause a été adoptée sur le fondement d'autres dispositions constitutionnelles que celles sur lesquelles les dispositions d'origine du texte organique sont fondées(13).
Enfin, le Conseil veille également au respect de la règle de l'entonnoir. Cette dernière traduit l'exigence qu'au fur et à mesure des lectures successives d'un texte devant les assemblées, ne soient pas examinées d'autres dispositions que celles qui restent en discussion(14). Elle interdit donc, en principe, l'ajout d'articles additionnels ou l'adoption d'amendements après la première lecture, qui ne soient pas en relation directe avec une disposition du texte restant en discussion(15). Elle se distingue de la règle relative aux cavaliers sous trois aspects : le moment où elle intervient (après la première lecture et non au moment de celle-ci), le lien exigé (un lien direct et non au moins indirect) et le texte pris en compte (le texte restant en discussion et non le texte d'origine).
- La raison ultime de la prohibition des cavaliers législatifs, comme de ces autres limitations au droit d'amendement, est bien sûr à rechercher dans l'objectif de préservation d'une cohérence minimale tant du débat parlementaire que de la loi elle-même.
L'insertion, en première lecture, par un parlementaire ou par le Gouvernement, d'une disposition législative qui ne présente pas de lien, au moins indirect, avec un article du texte d'origine, pose en effet plusieurs problèmes au regard des deux objectifs constitutionnels que sont la qualité de la loi et le respect de la sincérité des débats parlementaires(16). Comme le rappelle Damien Chamussy, « nbsp ;la »traque" des cavaliers est [...] une composante emblématique du contrôle de la procédure parlementaire. [...] Elle entend contribuer à la cohérence des textes de loi et protéger le Parlement lorsqu'elle sanctionne -- ce qui n'est pas rare- des amendements gouvernementaux déposés par ce biais pour détourner la consultation du Conseil d'État, la délibération du conseil des ministres et le passage des commissions compétentes »(17).
De la pratique du cavalier, il résulte de fait, en premier lieu, un risque de défaut d'expertise. La disposition en cause peut ainsi relever d'une autre matière que celles qui entrent dans le champ de compétence de la commission saisie au fond et, le cas échéant, du ministre représentant le Gouvernement en commission ou en séance. Faute qu'elle ait pu être anticipée, l'assemblée n'a pu, notamment, conduire des auditions sur les questions qu'elle soulève, ce qui aggrave le fait que, comme tout amendement, elle n'a pas donné lieu à une étude d'impact ni à un avis du Conseil d'État. De plus, les parlementaires qui se prononceront ne sont pas forcément les plus familiers du sujet qu'elle aborde. Enfin, lorsque l'amendement est adopté devant la deuxième assemblée saisie et que la procédure accélérée a été mise en œuvre, la lecture qui en est faite se trouve tronquée, puisqu'il revient à la commission mixte paritaire d'en connaître avant que l'autre chambre se prononce.
En deuxième lieu, parce qu'il est en quelque sorte « hors sujet », le « cavalier » perturbe la discussion parlementaire en greffant un nouveau sujet de discussion. Il en résulte une prolongation des débats, une perte de cohérence du texte et, même parfois, un marchandage pour son adoption. Lorsqu'il est adopté devant la deuxième assemblée saisie, la commission mixte paritaire se trouve à débattre d'une question qui ne concerne pas directement le texte qui lui est soumis. La prohibition des cavaliers protège également l'opposition contre la tentation de la majorité d'adopter certaines mesures de façon discrète ou par surprise.
En dernier lieu, le contrôle des cavaliers peut également être vu comme protégeant les prérogatives du Gouvernement en évitant que ses projets de loi soient utilisés comme autant de véhicules législatifs permettant l'adoption de dispositions sans lien. Ce n'est pas en vain que les services juridiques des ministères et le secrétariat général du Gouvernement s'appliquent, en recherchant l'appui des cabinets ministériels et du cabinet du Premier ministre au stade de la définition de la position du Gouvernement dans les débats en commission ou en séance publique, à identifier les initiatives des parlementaires ou celles des ministères s'exposant à la critique des cavaliers. Tant la discipline interministérielle que la solidité des positions du Gouvernement peuvent y gagner.
L'on voit ainsi que plusieurs acteurs de la procédure législative ont un intérêt, ou du moins devraient percevoir qu'ils l'ont, à ce que vive pleinement la prohibition des cavaliers législatifs. Il est intéressant de relever, à cet égard, que des innovations de la période récente pourront les aider à s'en convaincre davantage encore que ce n'est déjà le cas.
II. Un contrôle consolidé par plusieurs innovations récentes
2.1. Dans l'organisation des travaux des deux assemblées parlementaires
Les règlements des assemblées ont tiré les conséquences de l'évolution de la norme constitutionnelle intervenue en 2008.
L'article 98, alinéa 6, du règlement de l'Assemblée nationale prévoit que les amendements et les sous-amendements sont recevables à la condition de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis et que l'autorité compétente pour apprécier cette recevabilité est, en commission, le président de la commission saisie au fond(18), et, en séance publique, le président de séance.
L'article 44 du règlement du Sénat, dispose, en son alinéa 3, que « Les amendements sont recevables s'ils s'appliquent effectivement au texte qu'ils visent et, en première lecture, s'ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion » et, en son alinéa 8, que la commission au fond est compétente pour se prononcer sur cette irrecevabilité.
Le Sénat, depuis quelques années, et l'Assemblée nationale, plus récemment, ont décidé de procéder au contrôle de la recevabilité des amendements, dès leur dépôt, au regard de l'interdiction des cavaliers législatifs. En cas de violation de la règle, l'amendement est déclaré irrecevable (selon le cas, par le président de la commission ou par le président de l'assemblée) et n'est donc pas même mis en discussion.
Auparavant, aucun contrôle de ce type n'existait en la matière, le caractère « cavalier » d'un amendement constituant seulement un argument politique, au soutien d'un appel à voter contre l'amendement. Seul le Conseil constitutionnel était donc in fine juge du respect de l'article 45, à l'occasion d'un grief invoqué devant lui ou bien en le soulevant d'office. En l'état, la lettre de l'article 45 de la Constitution n'impose pas, en effet, un contrôle systématique, avant leur mise en discussion, des amendements. Le Conseil constitutionnel n'a, quant à lui, jamais exigé qu'un tel contrôle soit mis en place par les assemblées, à la différence de l'interprétation qu'il a retenue de l'irrecevabilité financière prévue à l'article 40 de la Constitution(19).
Plus récemment encore, le président du Sénat ayant incité les commissions à mettre en œuvre avec plus de rigueur les différentes irrecevabilités prévues par la Constitution, la conférence des présidents du Sénat a adopté une recommandation tendant à ce que la commission au fond précise le périmètre du texte dont elle est saisie, à la lumière duquel le contrôle des cavaliers s'opérera(20). L'objectif est ainsi de répondre au fort mécontentement que suscitent, chez les auteurs d'amendements, les décisions d'irrecevabilité qui leur sont opposées : les autorités sénatoriales sont donc à la recherche de ce qui permet « d'objectiver » le contrôle des cavaliers(21).
Cette vigilance s'exerce aussi à l'encontre des dispositions additionnelles ajoutées par la première assemblée saisie. Ainsi, la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprise a supprimé, en se référant expressément à la règle des cavaliers législatifs, une trentaine de ces articles lors de son examen en première lecture(22). En séance publique, plus de 160 amendements ont été déclarés irrecevables (soit 1/10e des amendements déposés).
De la même manière, le rapporteur d'une proposition de résolution modifiant le règlement de l'Assemblée nationale a récemment souligné le renforcement du contrôle des cavaliers à l'Assemblée nationale : « nbsp ; Dans le cadre de l'examen du projet de loi ordinaire de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, 42 amendements ont ainsi été déclarés irrecevables par la Présidente de la commission des Lois, Mme Yaël Braun-Pivet, dont 25 au titre de l'article 45, sur les 981 amendements déposés. La Présidente a rappelé, à cette occasion, que »chacun de leur auteur a reçu une notification indiquant les motifs de cette irrecevabilité". / En séance, 70 amendements [sur un total de 1646] ont été déclarés irrecevables pour le même motif »(23).
2.2. Une modernisation de la pratique du Conseil constitutionnel, en particulier par le renforcement de la motivation de ses décisions
Par sa récente décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019 sur la loi d'orientation des mobilités, le Conseil constitutionnel a, conformément à sa jurisprudence constante, examiné d'office la question de la place de certaines dispositions introduites dans la loi déférée par voie d'amendement, afin de s'assurer du respect de l'interdiction des « cavaliers législatifs » résultant de l'article 45 de la Constitution. Il a toutefois saisi cette occasion donnée pour innover à la fois dans la formalisation et la motivation du contrôle des cavaliers, à travers une explicitation accrue du raisonnement traditionnellement suivi en la matière.
- Après avoir rappelé les dispositions de cet article, il a pour la première fois précisé, en préambule du contrôle qu'il opère sur ce fondement, qu'« nbsp ; Il appartient au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution les dispositions introduites en méconnaissance de cette règle de procédure. Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles » (paragr. 55).
Cette affirmation répond à une volonté du Conseil de rendre plus explicite la portée de ses décisions quant au contrôle des cavaliers qu'il censure, afin de bien marquer la différence entre ce contrôle et celui qu'il effectue, « au fond », s'agissant des dispositions soumises à son examen dans le cadre des lois non encore promulguées. Elle n'emporte aucune autre incidence sur le contrôle proprement dit des dispositions en cause. Ainsi, lorsque le Conseil censure une disposition comme adoptée selon une procédure législative contraire à la Constitution, cela ne signifie évidemment pas qu'il considèrerait comme inconstitutionnelle la même mesure adoptée selon une procédure régulière.
La même rédaction explicitant le fait que la censure des cavaliers procède seulement d'un contrôle de règles procédurales a logiquement été retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-795 sur la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 en prélude à la censure de cavaliers sociaux (paragr. 70) et dans sa décision n° 2019-796 sur la loi de finances pour 2020 en prélude à la censure de cavaliers budgétaires (paragr. 130).
- De manière inédite également, le Conseil constitutionnel a rappelé, de manière synthétique, le périmètre initial du projet de loi (paragr. 56 et 57), avant de faire apparaître, pour chacune des dispositions censurées, pourquoi elle devait être regardée comme dénuée de lien direct ou même indirect avec celui-ci.
Si la délimitation du périmètre initial du projet de loi n'est pas totalement novatrice dans les décisions du Conseil(24), celui-ci avait jusqu'alors pris soin d'y procéder en début de décision, et non au stade du contrôle des cavaliers, comme dans la décision commentée. Présentée à ce stade, cette délimitation permet de rappeler que c'est au regard de ce périmètre initial que le Conseil constitutionnel détermine si des dispositions ont été introduites en première lecture en violation de l'article 45 de la Constitution. En l'espèce, ce périmètre résultait à la fois du projet de loi déposé le 26 novembre 2018 sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie, mais aussi de la lettre rectificative déposée le 20 février 2019, laquelle a la même portée juridique qu'un projet de loi, ainsi que l'a déjà jugé le Conseil constitutionnel(25).
Cette explicitation par le Conseil constitutionnel des termes de son raisonnement dans la qualification des cavaliers marque, on le voit, la forte cohérence des approches retenues dans ce contrôle, en amont dans les opérations internes aux assemblées parlementaires, et en aval au stade de l'ultime contrôle du Conseil constitutionnel.
Dans le cas de la loi d'orientation des mobilités, le Conseil constitutionnel a censuré d'office, cinq articles comme n'ayant pas leur place dans la loi déférée. Il a systématiquement précisé, pour chacun de ces articles, leur objet et les dispositions initiales du projet de loi avec lesquelles il aurait pu être excipé d'un lien, même indirect (paragr. 58 à 62). Ces dispositions citées sont celles ayant été mises en avant par le Gouvernement pour justifier, dans ses observations transmises au Conseil constitutionnel, l'absence de caractère cavalier de ces dispositions.
- Sur ce dernier point, il convient également de signaler que les observations du Gouvernement (ainsi que, le cas échéant, celles relatives au respect de la règle dite de « l'entonnoir ») sont désormais rendues publiques sur le site internet du Conseil à l'appui de sa décision (cf. rubrique « Fiche relative à l'article 45 » dans la colonne en marge du texte de la décision).
En rendant ainsi plus explicites les termes de son raisonnement sur la nature de cavalier des dispositions issues de certains amendements, le Conseil constitutionnel met à même tous les acteurs intéressés par cette notion dans le cadre de la procédure législative de mieux l'appréhender et, donc, de prévenir le risque de censure.
Si l'un des effets de la conjugaison des innovations récemment intervenues dans les pratiques des assemblées et celle du Conseil constitutionnel devait être, à court ou moyen terme, de réduire le nombre de dispositions trébuchant comme cavalières au dernier stade du contrôle juridictionnel de la loi, il est bien certain qu'un utile progrès collectif aurait été accompli.
(1): Raphaël Dechaux, « L'évolution de la jurisprudence constitutionnelle en matière de ″cavaliers″ entre 1996 et 2006 », C.C.C., 2007. En France, le terme apparaît pour la première fois dans les débats parlementaires, en 1926, en reprise du terme « rider » emprunté au vocabulaire juridique anglais.
(2): Mentionné par Jean-Pierre Camby, « Jurisprudence constitutionnelle et droit d'amendement », Actualité juridique du droit administratif, 2016, p. 240 et suivantes. Il s'agissait de l'article 84 du règlement de l'Assemblée nationale, aux termes duquel « Les amendements ou articles additionnels ne sont recevables que s'ils sont proposés dans le cadre du projet ou de la proposition et s'ils s'appliquent effectivement à l'article qu'ils visent » (cf., pour une présentation de la pratique qui en a résulté : Jean Lyon, Nouveaux suppléments au traité de droit politique, électoral et parlementaire d'Eugène Pierre, tome Ier - Fin de la IIIe République (1924-1945), La documentation française, 1984, p. 271).
(3): En ce sens, par exemple, Cons. const., déc. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, cons. 9.
(4): Cons. const., déc. n° 86-223 DC du 29 décembre 1986, Loi de finances rectificative pour 1986. Cette jurisprudence s'est notamment appliquée au cas d'une loi portant diverses mesures d'ordre social dans laquelle le Gouvernement avait injecté, par amendement en première lecture, tout le contenu d'une ordonnance relative au développement de l'emploi (affaire dite « de l'amendement Seguin »). Le Conseil a considéré « qu'à raison tant de leur ampleur que de leur importance », les dispositions à l'origine de l'article en cause excédaient « les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement » (Cons. const., déc. n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, Loi portant diverses mesures d'ordre social, cons. 8 à 11).
(5): Cons. const., déc. n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001, Loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, cons. 30.
(6): Cons. const., déc. n° 2006-534 DC du 16 mars 2006, Loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, cons. 12 à 14. Auparavant, en dehors du cas particulier des cavaliers budgétaires et sociaux, un tel examen d'office était très rare (voir la décision n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction, cons. 21).
(7): En ce sens, les professeurs Pierre Avril et Jean Gicquel écrivent que cette volonté d'infléchir la rigueur du contrôle a eu pour conséquence de lui conférer le fondement constitutionnel explicite qui lui faisait défaut (Droit parlementaire, Montchrestien, 4e édition, 2010, p. 206).
(8): D'ailleurs, cette question a fait l'objet d'une interprétation divergente entre l'Assemblée nationale et le Sénat. L'intention expresse de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur du projet de loi constitutionnelle à l'Assemblée nationale et auteur de la rédaction finalement adoptée, était de « nbsp ; remettre en cause la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, ces dernières années, a restreint notre liberté d'amendement en première lecture » (JOAN, 2^e ^séance du 9 juillet 2008, p. 4490). En revanche, son homologue du Sénat, M. Jean-Jacques Hyest doutait que la rédaction proposée aille dans le sens visé : « S'agissant de l'amendement n° 123 [qui visait à préciser que tout amendement est recevable dès lors qu'il présente un lien avec le texte déposé ou transmis], l'exercice du droit d'amendement a donné lieu à une difficulté d'interprétation entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous avons considéré que la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, selon laquelle un amendement déposé en première lecture »ne doit pas être dépourvu de tout lien" avec l'objet du projet ou de la proposition de loi, paraissait plus favorable que la position adoptée par l'Assemblée nationale, aux termes de laquelle un amendement est recevable dès lors qu'il présente « un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». / Cette différence d'interprétation ne justifie pas que la navette se poursuive, dans la mesure où les deux assemblées visent le même objectif, à savoir l'exercice le plus libre possible du droit d'amendement en première lecture » (JO Sénat, séance du 16 juillet, p. 4748).
(9): Pour une application récente en ce sens, voir Cons. const., déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 394 et suivants.
(10): Le Conseil constitutionnel veille à cet égard au respect par le législateur de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui définit le domaine des lois de finances, principalement à son article 34. La restriction du contenu des lois de finances prescrite par le législateur organique est cohérente avec la procédure spéciale à l'issue de laquelle elles sont adoptées, qui est soumise à des délais particulièrement contraints. La censure des dispositions étrangères au champ ainsi défini vise à éviter un dévoiement de cette procédure ou une dénaturation de l'objet des lois de finances, qui deviendraient des lois fourre-tout relatives à l'ensemble des politiques publiques.
(11): Le Conseil constitutionnel veille à cet égard au respect par le législateur du domaine des lois de financement de la sécurité sociale défini par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
(12): Cons. const., déc. n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011, Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, cons. 21 et 22.
(13): Cons. const., déc. n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, cons. 100 à 102. Depuis lors, des exceptions à la règle ont été apportées au bénéfice de certaines dispositions relatives aux collectivités d'outre-mer (Cons. const., déc. n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017, Loi organique pour la confiance dans la vie politique, paragr. 69, 71 et 73) et des dispositions de stricte coordination (Cons. const., déc. n° 2019-779 DC du 21 mars 2019, Loi organique relative au renforcement de l'organisation des juridictions, solution implicite). Un assouplissement de la règle du cavalier législatif est également admis par le Conseil constitutionnel lorsqu'un texte ordinaire constitue le pendant d'un texte organique et qu'ils sont examinés concomitamment, certaines des dispositions du texte ordinaire pouvant alors ne pas être jugées cavaliers, en dépit de leur absence de lien avec les dispositions du projet ou de la proposition de loi ordinaire, si, en revanche, elles présentent bien un lien, au moins indirect, avec les dispositions du projet ou de la proposition de loi organique en cause (Cons. const., déc. n°2019-783 DC du 27 juin 2019 Loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française).
(14): Les premières formulations de cette règle datent des années 1980. Cf., par exemple, Cons. const., déc. n° 86-221 DC du 29 décembre 1986, Loi de finances pour 1987, cons. 5. Pour une formulation récente : Cons. const., déc. n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, paragr. 3
(15): Le Conseil constitutionnel a récemment précisé cette notion de disposition « restant en discussion » : il s'agit de l'ensemble des dispositions des articles qui n'ont pas été adoptés conformes par les deux assemblées. Ainsi, le fait que certaines parties d'un article aient été adoptées dans une rédaction identique par les deux assemblées n'a pas pour conséquence de les exclure du texte « restant en discussion » si l'article lui-même n'a pas été adopté, dans sa totalité, dans une rédaction identique par les deux chambres (Cons. const., déc. n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, Loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, paragr. 4).
(16): Pour Bertrand Mathieu, « nbsp ;la réglementation du droit d'amendement constitue un élément important dans les stratégies d'amélioration de la qualité de la loi » (« Le Conseil constitutionnel poursuit la chasse aux »cavaliers législatifs" - À propos de la décision n° 2009-589 DC du 14 octobre 2009 », La Semaine Juridique Édition Générale, n° 45, 2 Novembre 2009, 399).
(17): Damien Chamussy, « La procédure parlementaire et le Conseil constitutionnel », Les nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2013/1, n°38, pp. 36-68.
(18): L'ajout de la compétence des présidents de commission résulte de la résolution n° 281 du 4 juin 2019.
(19): Voir Cons. const., déc. n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, cons. 25.
(20): Ainsi, au début de l'examen du projet de loi pour une école de la confiance en commission de la culture, le rapporteur, M. Max Brisson a indiqué à ses collègues : « Avant l'examen des amendements, il nous revient en effet le soin de définir le périmètre du texte, à la lumière duquel sera appréciée la recevabilité des amendements tirée de l'article 45 de la Constitution. / Je vous rappelle que l'article 45 de la Constitution, dans l'interprétation constante du Conseil constitutionnel, exige un lien précis entre l'amendement et le contenu des dispositions du texte initial déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. / Je vous propose de considérer que le périmètre du projet de loi pour une école de la confiance s'étend aux domaines suivants : les personnels et les valeurs du service public de l'éducation ; l'obligation scolaire, notamment le contrôle de l'instruction en famille, et l'acquisition des savoirs fondamentaux ; le fonctionnement des établissements scolaires, dont la création de nouveaux types d'établissement ; l'organisation des services académiques et des instances déconcentrées de concertation ; l'expérimentation et l'innovation ; l'évaluation du système éducatif et des établissements ; le pré-recrutement des enseignants et la formation des enseignants et des personnels d'éducation ; le régime juridique des personnels de l'éducation nationale ; les compétences des présidents d'université ; des mesures de simplification du droit, notamment s'agissant du versement des bourses, des caisses des écoles ou du recrutement de certains personnels des établissements d'enseignement supérieur, et la correction d'erreurs de coordination dans le champ de l'éducation. / Je vous proposerai de considérer que n'appartiendraient donc pas au domaine du texte les dispositions relatives notamment à l'enseignement supérieur (entre autres l'organisation des enseignements, à l'exception des mesures de simplification ou liées au statut particulier de ses personnels), à l'orientation scolaire, et à la formation professionnelle et à l'apprentissage » (Rapport n° 473 (Sénat -- 2018-2019) de M. Max Brisson, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 30 avril 2019, p. 238 et 239.
(21): À noter que le Conseil constitutionnel a récemment jugé que « aucune exigence constitutionnelle n'impose la motivation des décisions d'irrecevabilité prononcées par les instances parlementaires, pas davantage que l'existence d'un recours au sein de l'assemblée en cause » (Cons. const., déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, Loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, paragr. 11).
(22): Cf. le rapport n° 254, tome I (Sénat -- 2018-2019) de MM. Michel Canevet, Jean-François Husson et Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 17 janvier 2019, p. 30 : « nbsp ; Le projet de loi déposé par le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale en juin 2018 comportait 73 articles. / [...] Au terme des débats en séance publique, le texte transmis au Sénat, avec un délai d'un mois entre son adoption et la date de la transmission, compte 196 articles, dont 123 n'ont donc fait l'objet ni d'un examen par le Conseil d'État, ni d'une étude d'impact. / Votre commission spéciale considère que sans remettre en cause le droit d'amendement parlementaire, une meilleure maîtrise de son exercice par nos collègues députés assurerait certainement des débats plus approfondis et éclairés et la production en définitive d'une loi plus intelligente. La crédibilité même de la fonction législative est mise en jeu par une telle prolifération d'articles additionnels qui sont souvent mal travaillés, redondants ou plus simplement sans »lien, même indirect avec le texte déposé ou transmis". / Elle a donc retenu, conformément à une tradition sénatoriale bien établie, un positionnement visant à contenir ses initiatives dans le périmètre du projet initial, ce qui l'a conduite à l'adoption d'un nombre très restreint de nouveaux articles (15 au total) et à supprimer les articles sur lesquels elle aurait fait application des règles d'irrecevabilité ou, lorsque cela était possible, à fusionner des dispositions au sein d'articles du projet initial. Au total, votre commission a donc supprimé 37 articles du texte transmis et adopté un texte de 174 articles ».
(23): Rapport n° 1955 (Assemblée nationale - XVe législature) de M. Sylvain Waserman, fait au nom de la commission des lois, sur la proposition de résolution de M. Richard Ferrand tendant à modifier le Règlement de l'Assemblée nationale (1882), déposé le 22 mai 2019, p. 110.
(24): Le Conseil avait déjà pris soin de procéder, à quelques reprises, en début de décision, à une délimitation du contenu du texte initial, afin de mieux en distinguer les ajouts faits par amendement. Peuvent être citées en ce sens les décisions Cons. const., déc. nos 2011-629 DC du 12 mai 2011, Loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, et 2011-640 DCdu 4 août 2011, Loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le commentaire de cette dernière rappelant que « C'est bien le contenu même du projet ou de la proposition initial qui est pris en compte ; l'exposé des motifs ou le titre du projet ou de la proposition, s'ils constituent des indices, ne constituent que des indices du contenu matériel des dispositions ».
(25): Une « lettre rectificative signée du Premier ministre constitue, non un amendement apporté par le Gouvernement à un projet de loi sur le fondement du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, mais la mise en œuvre du pouvoir d'initiative des lois que le Premier ministre tient du premier alinéa de l'article 39 de la Constitution » (Cons. const., déc. n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cons. 3).
Citer cet article
Jean MAÏA. « Le contrôle des cavaliers législatifs, entre continuité et innovations », Titre VII [en ligne], n° 4, Le principe d’égalité , avril 2020. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-controle-des-cavaliers-legislatifs-entre-continuite-et-innovations
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