Le Conseil constitutionnel, défenseur du législateur financier

Titre VII

Le contrôle de constitutionnalité des lois financières - Hors-série - juillet 2024

Résumé

Le contrôle de constitutionnalité des lois financières se traduit par un fort encadrement constitutionnel de la procédure parlementaire. Cependant, les normes de référence du contrôle, constitutionnelles et organiques, préservent la compétence du législateur financier. Les éléments du contrôle de constitutionnalité des lois financières contribuent également à défendre les prérogatives du Parlement.

Dans le dernier roman de La comédie humaine intitulé L'envers de l'histoire contemporaine, Honoré de Balzac décrit une sorte de corporation charitable, les « Frères de la consolation » chargée d'œuvres de charité à l'époque de la Restauration, à l'égard de tous mais spécialement d'anciens révolutionnaires, cherchant ainsi une forme de réconciliation nationale par des œuvres caritatives.

Les membres du Conseil constitutionnel seraient-ils les nouveaux « Frères de la consolation », chargés de défendre les prérogatives du Parlement par une jurisprudence favorable aux compétences constitutionnelles du législateur financier, « à l'envers » d'une appréciation habituelle d'un Conseil constitutionnel sanctionnateur du législateur financier ? C'est l'idée que les organisateurs du colloque m'ont demandé de défendre. On mesure le caractère paradoxal d'une telle « défense », compte tenu de ce qui a été présenté par le doyen Étienne Douat et de tout ce qui a été énoncé et démontré précédemment.

Pourtant, nous pensons que cette idée d'un Conseil constitutionnel défenseur du législateur financier peut être exprimée en fonction de certains éléments objectifs et d'un contrôle de constitutionnalité qui n'est pas l'adversaire du législateur financier.

Constatons d'abord combien la notion générique de « loi financière » a été élargie depuis 1959. Cette notion s'applique aujourd'hui à des catégories fortement diversifiées de lois financières, depuis la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques(1), réformant la loi organique du 1er août 2021 relative aux lois de finances : la loi de finances « initiale », les éventuelles lois de finances rectificatives, la loi de finances de fin de gestion, la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, qui est la nouvelle dénomination de la loi de règlement, enfin les lois prévues à l'article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), c'est-à-dire les dispositions adoptées pour des raisons d'urgence. Ces lois sont autant de possibilités d'agir pour le Parlement, législateur financier que de contrôle potentiel par le Conseil constitutionnel. À ces dispositifs normatifs s'ajoute le fait que le Parlement est associé de plus en plus tôt à la préparation de la loi de finances, par un débat général d'orientation des finances publiques placé plus tôt dans l'année, au mois d'avril en général, et la volonté d'une réponse plus rapide aux questionnaires parlementaires adressés aux différents ministères par les rapporteurs du projet de loi de finances.

Cet ensemble législatif démontre amplement que le Parlement agit réellement comme législateur financier, ne serait-ce que parce que la Constitution et la législation organique imposent le vote de ces lois financières. Certes, ce vote est fortement encadré par ces dispositions constitutionnelles (I). Cependant, la mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité des lois financières protège les droits des parlementaires (II).

I.- La Constitution encadre fortement le Parlement dans le vote des lois financières

A.- Sources constitutionnelles d'organisation et de procédure des lois financières

On sait que plusieurs principes relatifs aux lois financières sont inscrits dans la Constitution et ont été complétés par différentes révisions constitutionnelles. Les lois de finances entrent dans le domaine de compétence du législateur(2), ces lois sont votées selon une procédure prévue par la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances(3), des lois de programmation fixent les grandes orientations pluriannuelles des finances publiques(4), les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de l'équilibre de la sécurité sociale(5), depuis la loi constitutionnelle du 22 février 1996(6), la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale(7) et participe à la fonction d'évaluation des politiques publiques qui fait aussi partie de la compétence du Parlement(8). Ces règles générales mettent bien le Parlement au cœur des décisions financières de l'État.

À ces textes, déjà nombreux, il faut évidemment ajouter deux textes organiques. D'abord, la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF)(9), « Constitution financière de la France »(10) qui organise le vote de la loi de finances et structure les droits des parlementaires, dont les éléments ont été précisés par la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 2001(11), sorte de « mode d'emploi » de la LOLF ; ensuite, la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 22 juillet 1996(12).

On sait que plusieurs dispositions de la LOLF reprennent des éléments de jurisprudence du Conseil constitutionnel, les décisions du Conseil jouant un rôle précurseur dans l'interprétation des règles constitutionnelles en matière budgétaire(13).

La définition même de la notion de loi de finances, en ce que les catégories de lois sont précisées par la LOLF, est posée en miroir de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, spécialement de la décision du 30 décembre 1979(14).

Le principe de sincérité budgétaire, inscrit aux articles 27 et 32 de la LOLF, est repris de la jurisprudence du Conseil constitutionnel(15).

De façon plus générale, le contrôle s'exerce au regard des grands principes inscrits dans la législation organique en matière de lois de finances : unité, universalité, sincérité, même si on doit s'interroger aujourd'hui sur le contrôle faible de la sincérité budgétaire par le Conseil constitutionnel.

L'exercice du pouvoir d'amendement parlementaire sur les lois de finances est précisé par la jurisprudence constitutionnelle, en définissant la notion de « charge », et est repris par l'article 47 de la LOLF, en cohérence avec l'article 40 de la Constitution sur les irrecevabilités financières(16).

Cet encadrement par des normes constitutionnelles de référence nombreuses et précises est, en soi, un élément de protection de la compétence du Parlement. La Constitution forme donc une armature de la discussion parlementaire des lois de finances qui illustre que les lois financières sont présentées nécessairement au Parlement pour qu'il en débatte, qu'il vote ces lois et qu'il en assure le contrôle par les commissions des finances des deux assemblées.

Certes, on le sait bien, la Constitution de 1958 organise fortement ce débat parlementaire, et particulièrement le débat budgétaire, au profit du Gouvernement, par des contraintes puissantes pesant sur le droit d'initiative parlementaire en matière financière, particulièrement en vertu de l'article 40 de la Constitution et le contrôle strict des irrecevabilités financières(17), mais l'organisation même de ce débat peut aussi être analysée comme un encadrement bienvenu d'un Parlement par nature dépensier.

Il faut encore souligner le rôle renforcé des commissions, rapporteurs généraux et présidents de commissions des finances dans l'examen de la recevabilité d'amendements, au titre de l'article 40 de la Constitution, particulièrement depuis la révision constitutionnelle de 2008 et la réforme des Règlements des assemblées parlementaires en 2009. Ces modifications donnent un réel pouvoir aux parlementaires au sein des assemblées parlementaires pour réguler en interne ce droit d'amendement. La pratique de cet examen de recevabilité manifeste une recherche d'équilibre entre les irrecevabilités soulevées en commission et celles soulevées en séance publique.

Par exemple, les prérogatives de la commission des finances, et spécialement de son président, particulièrement à l'Assemblée nationale, sont un élément volontaire de rééquilibrage des pouvoirs financiers au profit du Parlement, allant à l'encontre de la vieille idée exprimée par Joseph Barthélemy d'une « commission des finances, ce syndicat des dépensiers, Chambre dans la Chambre »(18). Le président de la commission des finances peut ainsi être consulté par les présidents des autres commissions sur la recevabilité d'amendements au regard de l'article 40, ce qui permet une forme de régulation interne du respect de cet article de la Constitution, pour l'ensemble de la législation(19).

On ajoute que les propositions de loi soumises au référendum de l'article 11 de la Constitution sont nécessairement contrôlées par le Conseil constitutionnel en vertu de la loi organique portant application de l'article 11. Le Conseil précise que la conformité de ces propositions de loi à l'article 40 de la Constitution est systématiquement vérifiée, y compris lorsque la question de la recevabilité financière n'a pas été soulevée au préalable au moment de la discussion parlementaire(20).

Enfin, l'article 61 de la Constitution permet la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires, depuis 1974, saisine quasi-systématique aujourd'hui, ce qui est un moyen essentiel pour les parlementaires de faire valoir leurs prérogatives constitutionnelles dans le débat et le vote des lois de finances. La saisine du Conseil constitutionnel est un prolongement du débat parlementaire entre le Gouvernement et le Parlement. Cinq lois de finances initiales seulement n'ont pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel, ce qui souligne combien la saisine du Conseil est un élément essentiel de l'action parlementaire en vue de défendre les principes constitutionnels essentiels devant la Haute juridiction. La saisine du Conseil constitutionnel est un moyen donné aux parlementaires de défendre leurs prérogatives constitutionnelles dans le débat parlementaire et une occasion de contester les lois financières au fond. Elle contribue donc à la défense du Parlement législateur financier(21).

B.- Sources constitutionnelles de fond, s'imposant aux autorités constitutionnelles, pouvoir exécutif comme pouvoir législatif

Ensuite, un certain nombre de règles constitutionnelles permettent l'exercice d'un contrôle au fond des lois financières, et viennent ainsi s'imposer aux différentes autorités constitutionnelles, exécutives comme législatives.

Ce sont essentiellement les dispositions fondamentales de la Déclaration de 1789, que sont les articles 13(22), 14(23) et 15(24) qui fondent le contrôle substantiel du Conseil constitutionnel, principalement l'article 14 de la Déclaration qui donne aux « représentants » le pouvoir de consentir à l'impôt et d'en déterminer les éléments. Cette compétence majeure est à l'origine du vote des lois financières et confère leur légitimité à l'action parlementaire dans ce domaine. On peut ici parler d'une compétence fondamentale du Parlement, relativement aux lois financières, ce que rappelle le Conseil constitutionnel(25).

Les saisines parlementaires sollicitent de très nombreux droits fondamentaux substantiels pour nourrir leur argumentation : article 16 de la Déclaration de 1789, à propos de la garantie des droits, de la qualité de la loi financière, de la sécurité juridique ; article 6 de la même Déclaration pour les atteintes au principe d'égalité et surtout article 13 pour les atteintes au principe d'égalité devant les charges publiques ; argumentation sur la proportionnalité entre la mesure législative envisagée et ses effets, critiques de la rétroactivité en matière fiscale ; atteintes au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre, à la liberté contractuelle. On peut citer également l'atteinte portée au principe de libre administration des collectivités territoriales de l'article 72 de la Constitution ainsi que celui de leur autonomie financière fondé sur l'article 72-2 de la Constitution.

Enfin, la critique de l'atteinte portée à la compétence générale du législateur financier se traduit par l'utilisation de l'incompétence négative du législateur ainsi que par les arguments critiquant les cavaliers législatifs et les cavaliers sociaux, arguments pour lesquels le Conseil constitutionnel utilise aussi régulièrement les moyens et conclusions soulevés d'office(26).

II.- La mise en œuvre du contrôle de constitutionnalité des lois financières protège les droits des parlementaires

On sait combien le contrôle de constitutionnalité et les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux autorités parlementaires selon l'article 62 de la Constitution(27), tant dans la procédure de vote des lois financières que sur les possibilités d'amender le projet gouvernemental, par un contrôle strict du droit d'amendement.

A.- L'étau du contrôle de constitutionnalité

Le Parlement est donc pris dans « l'étau » du contrôle de constitutionnalité, de diverses façons. Rappelons d'abord, de façon générale, l'existence du contrôle obligatoire des lois organiques et des règlements des assemblées parlementaires, qui font peser un contrôle a priori sur les normes parlementaires qui sont directement d'origine constitutionnelle. Le Parlement ne peut s'en affranchir et le contrôle manifeste que le Parlement doit être maintenu dans les limites de sa compétence financière.

Mais, c'est dans le contrôle des lois financières ordinaires que s'exerce principalement ce contrôle de constitutionnalité et la vérification par le Conseil constitutionnel de sa propre jurisprudence par le législateur financier. Ce contrôle se traduit par différentes techniques dont on peut isoler certaines.

Le Conseil pratique, de façon générale, le contrôle à double détente, c'est-à-dire l'examen d'une loi conduisant à censurer certaines de ses dispositions lorsqu'il en est saisi, puis à vérifier si la loi corrigeant les inconstitutionnalités identifiées respecte bien les directives du Conseil constitutionnel(28). Ce contrôle se traduit, pour les lois financières, par ce qu'on peut appeler « le contrôle à double détente par anticipation »(29) appelé aussi « censure virtuelle »(30), permettant au Conseil de vérifier que l'inconstitutionnalité dénoncée sans être sanctionnée est bien corrigée l'année suivante. À vrai dire, cette exécution de la décision du Conseil concerne autant le Gouvernement que le Parlement et elle peut se traduire par une censure si les directives du Conseil constitutionnel ne sont pas suivies d'effet.

Ce caractère impératif de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel se traduit également par la prise en considération des réserves d'interprétation énoncées par le Conseil constitutionnel dans une décision précédente(31), ce qui révèle un degré moins impératif de correction que la double détente par anticipation.

Cette prise en considération de la jurisprudence du Conseil constitutionnel peut se traduire aussi par une forme « d'autocontrôle préventif de constitutionnalité », comme l'explique par exemple David Ytier(32).

Un autre élément du contrôle de constitutionnalité défenseur du législateur financier concerne la position du Conseil qui admet les mécanismes de « compensation » d'une dépense. La compensation doit être réelle, concerner les mêmes types de collectivités ou organismes et être immédiate(33).

Plus généralement, il faut souligner l'utilité des lois de finances rectificatives pour corriger des inconstitutionnalités dues à une décision du Conseil constitutionnel, y compris après des décisions QPC(34), afin de régler des questions spécifiques et conjoncturelles de constitutionnalité, autant, bien entendu, que des questions de fond tenant à la situation des finances publiques et à la nécessité de décisions correctrices. L'intérêt est que, pour les lois de finances rectificatives, leur vote n'est pas tenu par le délai contraint des lois de finances initiales de l'article 47 de la Constitution. La marge de manœuvre est autant parlementaire que gouvernementale.

B.- Le respect des règles de procédure

Le respect des règles de procédure par le législateur financier est une obligation à laquelle veille le Conseil constitutionnel. On pense évidemment d'abord au respect de l'équilibre et du bon ordre du vote des différentes parties de la loi de finances que manifeste l'emblématique décision du 24 décembre 1979(35). C'est bien la loi votée par le législateur financier qui est censurée dans sa totalité, mais n'est-ce pas d'abord une saisine du Gouvernement et de la mauvaise utilisation de ses prérogatives dans la conduite de la procédure parlementaire des lois de finances ?

Depuis la LOLF, le Conseil constitutionnel veille aussi au dépôt dans les temps du projet de loi de finances et de ses annexes, en exigeant que les annexes générales destinées à l'information et au contrôle du Parlement soient déposées sur le bureau des assemblées parlementaires avant le début de l'examen du projet de loi en séance publique par l'Assemblée nationale. Le contrôle du Conseil est exercé autant sur le plan des délais que des exigences de continuité de la vie nationale et de l'impératif de sincérité qui s'attache à l'examen des lois de finances pendant toute la durée de celui-ci(36).

C.- L'exercice du droit d'amendement des parlementaires lors du vote des lois financières

Comme on l'a déjà souligné, c'est l'article 40 de la Constitution qui forme l'armature du contrôle des amendements parlementaires et propositions de loi en matière financière. Mais il faut rappeler aussi que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est quand même très sensible à la défense du droit d'amendement, même si ce droit d'amendement, en matière financière, est plus encadré que pour le droit parlementaire général. Et le Conseil constitutionnel a très tôt considéré qu'il n'avait pas à trancher en première analyse l'exercice de ce droit d'amendement, par une volonté de ne pas s'immiscer dans le droit parlementaire et le fonctionnement des assemblées parlementaires, au-delà des strictes exigences constitutionnelles.

Certes, la fameuse règle de « l'entonnoir » s'applique également en matière d'amendements financiers et il est arrivé au Conseil constitutionnel de censurer d'office des dispositions introduites à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture au motif qu'elles n'étaient pas en relation directe avec une disposition restant en discussion, en ce qu'elles n'étaient pas également destinées à assurer le respect de la Constitution ni à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou, enfin, à corriger une erreur matérielle(37).

Tout ceci peut conduire le Conseil constitutionnel à sanctionner le législateur en censurant les lois financières mais, en réalité, cette censure concerne autant le projet du Gouvernement que les amendements votés par le Parlement.

Conclusion

On a souhaité soutenir ici l'idée selon laquelle le Conseil constitutionnel est aussi le défenseur du Parlement dans le vote des lois financières. Dans cet exercice intellectuel de contradiction, faisant pendant à la contribution précédente du doyen Étienne Douat, on mesure combien le contrôle de constitutionnalité des lois financières conduit à une très forte maîtrise du vote des lois financières, fondée sur des normes de référence constitutionnelles et organiques qui forment une armature puissante de la procédure de vote de ces lois par les assemblées parlementaires. Mais cette armature constitue, en elle-même, une défense de la compétence du Parlement, législateur financier, en ce qu'elle donne au Parlement, selon les contraintes puissantes décrites, des modalités d'action et un droit à la parole sur les questions financières qui en font un acteur majeur du vote des lois financières. Le Conseil constitutionnel contribue à la préservation de cette compétence parlementaire sans laquelle il n'y a pas de respect du principe de consentement à l'impôt, principe fondateur du droit des finances publiques.

(1): Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021.

(2): Article 34 de la Constitution, al. 19 : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

(3): Article 47 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».

(4): Article 34 de la Constitution, alinéa 22 : « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ». Le Conseil constitutionnel en a donné la portée juridique dans sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012, cons. 12 : « Considérant que les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; qu'elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi ».

(5): Article 34 de la Constitution, alinéa 20 : « Les lois de financement de la Sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; et article 47-1 de la Constitution : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ».

(6): Loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996.

(7): Article 47-2 de la Constitution : « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens. / Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »

(8): Article 24 de la Constitution : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Cette dernière rédaction résulte de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

(9): Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

(10): Selon l'expression de Jean-Éric Schoettl, LPA, 13 septembre 2001.

(11): Cons. const., déc. n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

(12): Loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale et Cons. const., déc. n° 96-379 DC du 16 juillet 1996, Loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Aujourd'hui, loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

(13): Sur ce point : L. Philip, « La spécificité et l'exemplarité du contrôle de la constitutionnalité des lois de finances », Mélanges Franck Moderne, Dalloz, 2004, p. 743 ; id., Les fondements constitutionnels des finances publiques, Economica, 1995, p. 5.

(14): Cons. const., déc. n° 79-111 DC du 30 décembre 1979.

(15): Première application dans Cons. const., déc. n° 82-154 DC du 29 décembre 1982, Loi de finances pour 1983. Puis, déc. n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, moyen soulevé d'office par le Conseil constitutionnel ; déc. n° 93-320 DC du 21 juin 1993. Application aux lois de financement de la sécurité sociale par Cons. const., déc. n° 99-422 DC du 21 décembre 1999.

(16): C'est l'interprétation que donne le Conseil constitutionnel de l'article 47 de la LOLF, dans sa décision du 25 juillet 2001 (n° 2001-448 DC, cons. 96) : les membres du Parlement ont « la faculté nouvelle de présenter des amendements majorant les crédits d'un ou plusieurs programmes ou dotations inclus dans une mission, à la condition de ne pas augmenter les crédits de celle-ci ». Sur ces points, v. M. Disant, L'autorité de la chose interprétée par le Conseil constitutionnel, LGDJ-Lextenso, coll. « Bibl. de droit constitutionnel et de science politique », tome 135, 2010, p. 432 et s.

(17): Article 40 de la Constitution : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. » Sur l'application de l'article 40, v. particulièrement : Assemblée nationale, Rapport d'information de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, sur la recevabilité financière des initiatives parlementaires et la recevabilité organique des amendements à l'Assemblée nationale, n° 5107, février 2022.

(18): J. Barthélemy, Mélanges Carré de Malberg, 1933, p. 243, cité par J.-P. Camby, « L'évolution des commissions parlementaires sous la Ve République », Ph. Blachèr (dir.), La Constitution de la Ve République. 60 ans d'application (1958-2018), LGDJ-Lextenso, 2018, p. 345.

(19): Saisine autorisée par l'article 89 du Règlement de l'Assemblée nationale du président ou du rapporteur général de la commission des finances. Cette modification introduite par une résolution n° 292 du 27 mai 2009 a permis au Conseil constitutionnel de rappeler le sens général du contrôle exercé en vertu de l'article 40 de la Constitution : « Considérant que le respect de l'article 40 de la Constitution exige qu'il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité, au regard de cet article, des propositions et amendements formulés par les députés et cela antérieurement à l'annonce de leur dépôt et par suite avant qu'ils ne puissent être publiés, distribués et mis en discussion, afin que seul soit accepté le dépôt des propositions et amendements qui, à l'issue de cet examen, n'auront pas été déclarés irrecevables ; qu'il impose également que l'irrecevabilité financière des amendements et des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies puisse être soulevée à tout moment », Cons. const., déc. n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, cons. 38.

(20): Cons. const., déc. n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013.

(21): ##### Sur ce point, v. É. Oliva, « Les interactions entre saisine parlementaire et contrôle des finances publiques », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n° 49, dossier : 10 années de saisine parlementaire, 2015, p. 93.

(22): Article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

(23): Article 14 : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »

(24): Article 15 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » et Cons. const., déc. n° 86-209 DC du 3 juillet 1986 ; déc. n° 2006-538 DC du 13 juillet 2006 ; déc. n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011.

(25): Cons. const., déc. n° 95-370 DC du 30 décembre 1995, cons. 20 et 21 : « Considérant que si ces dispositions, réaffirmées par le Préambule de la Constitution de 1958, ont valeur constitutionnelle, les règles touchant à la compétence des représentants des citoyens qu'elles édictent, doivent être mises en œuvre en fonction des dispositions de la Constitution qui fondent la compétence du législateur ; Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; qu'il résulte de cet article que les dispositions fiscales sont au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi ; qu'elles peuvent donc être prises, par voie d'ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, et qu'au regard des principes énoncés à l'article 14 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, il appartient au Parlement, qui a consenti l'impôt lors du vote de la loi d'habilitation, de se prononcer sur les dispositions adoptées par ordonnance, lors de l'examen du projet de loi de ratification qui doit être déposé avant la date fixée par la loi ». Même si l'on sait que « les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution », déc. n° 2010-5 QPC du 18 juin 2010, cons. 4.

(26): Sur ces jurisprudences auxquelles on ne peut faire référence ici, compte tenu du volume de cette contribution, v. É. Oliva, article précité.

(27): Article 62 de la Constitution : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ».

(28): On se permet de renvoyer à notre ouvrage Contentieux constitutionnel français, 5e éd., 2020, PUF, coll. « Thémis », n° 458.

(29): É. Douat, « Le Conseil constitutionnel et les finances publiques (1959-2019) », Écrits de droit public financier et constitutionnel. Mélanges Michel Lascombe, Dalloz, 2020, p. xx et contribution du même lors du présent colloque, à laquelle on renvoie. É. Douat la définit ainsi : « Dans cette technique, le Conseil va constater dans un premier temps que la Constitution est contredite par la loi de finances. Puis, dans un deuxième temps, au lieu de sanctionner, le Conseil va s'abstenir de sanctionner du fait de l'anticipation d'une régularisation de l'inconstitutionnalité », Mél. Lascombe, préc. L'auteur cite deux décisions : Cons. const., déc. n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 ; déc. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005.

(30): Exemple : Cons. const., déc. n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, Loi de finances pour 1998 : « L'atteinte ainsi portée à la sincérité de la loi de finances ne conduit pas pour autant, en l'espèce, à déclarer la loi déférée contraire à la Constitution » (cons. 14).

(31): Par exemple : « Cette prise en compte de l'interprétation du Conseil constitutionnel est admise par le législateur dans l'exposé des motifs de l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 : « Par sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 sur la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Conseil constitutionnel a considéré que la Loi de financement de la sécurité sociale pour l'année suivante pouvait tenir lieu de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour l'année en cours. [...] La prise en compte de cette jurisprudence conduit à réécrire, dans les dispositions rectificatives de la loi de financement de la sécurité sociale, l'ensemble des prévisions de recettes ou des objectifs de dépenses », D. Ytier, « La réception de la jurisprudence constitutionnelle dans le processus d'élaboration des lois financières », RDP 2019, p. 1357 et s., spécialement, p. xx, note 28.

(32): « Il consiste dans la plupart des cas, pour le Gouvernement ou la majorité parlementaire, à étendre l'application d'une décision en rapprochant la norme censurée d'autres normes similaires. Ainsi, l'article 47 du projet de loi de finances pour 2015, portant sur l'exonération fiscale en faveur de l'emploi saisonnier agricole, était justifié par la censure d'un dispositif similaire par la décision 2014-698 DC (Conseil constitutionnel, décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014). De même, le second projet de loi de finances rectificative pour 2017 prévoit la « sécurisation » de l'assiette de la taxe sur la diffusion en ligne de contenus audiovisuels en raison de la censure de dispositifs relatifs à la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision (Cons. const., déc. n° 2016-620 QPC du 30 mars 2017, Société EDI-TV) », article précité.

(33): Cons. const., déc. n° 76-64 DC du 2 juin 1976.

(34): V. en particulier S. Benzina, L'effectivité des décisions QPC du Conseil constitutionnel, LGDJ-Lextenso, coll. « Bibl. constitutionnelle et de science politique », tome 148, 2017, p. 227-232.

(35): Cons. const., déc. n° 79-110 DC du 24 décembre 1979.

(36): Cons. const., déc. n° 2021-831 DC du 23 décembre 2021, paragr. 70-71.

(37): Cons. const., déc. n° 2011-645 DC du 28 décembre 2011, cons. 15.

Citer cet article

Guillaume DRAGO. « Le Conseil constitutionnel, défenseur du législateur financier », Titre VII [en ligne], Le contrôle de constitutionnalité des lois financières - Hors-série, Le contrôle de constitutionnalité des lois financières - Hors-série, juillet 2024. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/le-conseil-constitutionnel-defenseur-du-legislateur-financier

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