Titre VII

N° 6 - avril 2021

La constitutionnalisation du droit des étrangers : essai de synthèse

Le bilan de la jurisprudence constitutionnelle en droit des étrangers illustre à sa manière les limites du pouvoir d'interprétation des juges de la rue de Montpensier dans un domaine où l'appareil normatif est pour l'essentiel silencieux. Il révèle par ailleurs une volonté du Conseil constitutionnel de conforter la nature historique d'un droit qui prend à titre principal la forme d'une police administrative et par là même le statut administratif des étrangers. Ce statut n'est pas anodin, car il précarise les droits de valeur constitutionnelle reconnus aux étrangers. Ces droits sont en effet conditionnés au maintien d'une législation et balisés par les nécessités de l'ordre public.


Jusqu'en 1980, le désintérêt du législateur pour le droit des étrangers ne permet pas au Conseil constitutionnel de s'emparer d'un champ disciplinaire qui s'est concrétisé depuis ses origines sous la forme d'une police administrative spéciale. Cette situation heurte peu la doctrine universitaire qui étudie fort tardivement la rencontre de la Constitution avec un droit placé sous le double sceau de l'ordre public et de l'action administrative(1). Une lecture rapide de la Constitution de 1958 donne crédit à cette lecture : l'étranger n'est abordé que sous l'angle réducteur de l'« action en faveur de la liberté » (Préambule 1946, al. 4).

Cet attentisme constitutionnel ne va pas perdurer. La loi n° 80-9 du 10 janvier 1980 ouvre une ère de réforme (en moyenne, une tous les 18 mois) qui dessine peu à peu les contours du droit constitutionnel des étrangers(2). L'évolution est radicale. Le législateur s'approprie en effet un droit qui repose alors largement sur des pratiques administratives et un appareil normatif épuré. À la veille de la réforme de 1980, l'ordonnance du 2 novembre 1945 est constituée de 35 articles relativement brefs, à rapporter aux 417 articles qui composent la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (applicable le 1er mai 2021, la nouvelle version résultant de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 en comprendra... 824).

La multiplication des réformes n'explique pas à elle seule l'ouverture d'un débat constitutionnel en droit des étrangers. Ces dernières années, les questions prioritaires de constitutionnalité portant sur cette matière se sont multipliées au point de renouveler une partie des sources de ce droit(3). Alors que 15 décisions se rapportant directement au droit des étrangers sont rendues entre 1980 et 2010 (dont cinq seulement entre 1999 et 2010), 33 sont recensées entre 2010 et 2020 (dont 20 entre 2016 et 2019). Durant cette dernière séquence, le Conseil se prononce seulement à six reprises dans le cadre de l'article 61 de la Constitution. L'accélération est d'autant plus saisissante que, sous la réserve de l'article 53-1 de la Constitution (1993), le pouvoir constituant dérivé n'a introduit depuis 1958 aucune norme spécifique aux étrangers.

Cette base contentieuse permet d'envisager avec une certaine précision les contours du droit constitutionnel des étrangers. Sans doute, le bilan reste tributaire de facteurs insaisissables touchant notamment à l'objet des lois et aux stratégies qui peuvent conduire des parlementaires ou des justiciables à ne pas saisir le Conseil constitutionnel(4). En s'accommodant de ces biais, deux tendances émergent. La première renvoie à une vérité constitutionnelle que l'on peut ainsi résumer : le législateur dispose d'une latitude d'action qui se justifie par les silences de la Constitution (la figure juridique de l'étranger est formellement ignorée), la nature profondément administrative du droit des étrangers et les enjeux que ce droit induit pour le territoire et la population. Pour rendre compte de cette situation, le droit constitutionnel des étrangers sera envisagé par le prisme de son objet (A) et de son impact (B).

A) L'objet du droit constitutionnel des étrangers

Une investigation portant sur l'objet du droit constitutionnel des étrangers peut étonner par l'évidence de la réponse. Elle revient en effet à s'interroger sur les destinataires des prescriptions d'un droit qui se propose d'encadrer l'entrée et le séjour des étrangers en France. La jurisprudence constitutionnelle est pourtant loin de se rapporter aux seuls droits et obligations qui s'en déduisent pour les étrangers (1). Il est en effet permis d'identifier un pan du contentieux constitutionnel qui traite de l'environnement juridique inhérent à la régulation des flux migratoires : les acteurs institutionnels d'une part (2), l'entourage des étrangers d'autre part (3).

1. Définir le statut de l'étranger

Prolongeant les pratiques postrévolutionnaires, la Constitution de 1958 n'aborde pas la figure juridique des étrangers et le statut qui en résulte. Ce silence est à peine entamé par deux normes de fond dédiées au droit d'asile(5). Une troisième disposition est procédurale. Mentionnée par l'article 34 de la Constitution, elle aboutit à ranger la « nationalité » dans le domaine de la loi. Ce renvoi ayant été strictement compris, il n'a pas fait naître une contrainte de fond, de sorte que le législateur dispose de toute latitude pour organiser l'accès à la nationalité française. Il peut ainsi « modifier des textes antérieurs ou [...] abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions » dans le respect de la Constitution(6). Sa capacité n'est notamment pas balisée par un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui garantirait un droit à la nationalité française(7).

La figure constitutionnelle de l'étranger traduit cette situation normative peu contraignante. Elle se dévoile par distinction de celle du national au motif imparable que les étrangers « se trouvent placés dans une situation différente »(8). En prolongeant un fil historique biséculaire, le Conseil constitutionnel s'en remet à un statut administratif de l'étranger qui fixe la relation de ce dernier avec le territoire français et marque la distinction avec le national. Cette conclusion procède d'une lecture littérale de la Constitution qui « n'assure [pas] aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national »(9). Sur la base de cette distinction du national et de l'étranger, le législateur peut soumettre les étrangers à une police administrative qui subordonne leur séjour à une autorisation préalable doublement précaire, car limitée dans le temps et soumise aux aléas des révisions législatives. Par là même, le Conseil réfute une réécriture de la Constitution qui aurait consisté à intégrer l'étranger dans le pacte constitutionnel pour faire peser sur le législateur une obligation positive d'ampleur sous la forme d'un droit d'entrée et de séjour en France opposable.

En retenant un tout autre positionnement, le Conseil a conforté le rôle des pouvoirs publics et clarifié les compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire. Le premier peut assez librement déterminer, « compte tenu de l'intérêt public qu'il s'assigne, les mesures applicables à l'entrée et au séjour des étrangers en France »(10). Il peut ainsi leur imposer des obligations qui seraient inconstitutionnelles si elles visaient les nationaux, car assimilables à une privation de la liberté d'aller et de venir (refus de titre de séjour) ou à un bannissement (éloignement forcé). En fixant tout au contraire la relation de l'étranger avec la Constitution sur des bases administratives, le Conseil justifie l'existence d'« un régime juridique qui confère à l'autorité administrative des pouvoirs étendus »(11). Cette construction imparable (l'étranger n'apparaît formellement pas dans le pacte constitutionnel) et inlassablement rappelée depuis 1993 passe sous silence le cas du citoyen européen. Son statut présente toutefois une analogie de fond avec celui du ressortissant d'un État tiers à l'Union. Dans les deux cas, le maintien sur le territoire reste subordonné à un cadre juridique qui peut toujours être dénoncé (le Brexit l'atteste) et à l'absence de menace pour l'ordre public(12).

Cette figure administrative de l'étranger doit être justement comprise. Elle ne fait nullement obstacle à la reconnaissance de garanties constitutionnelles qui peuvent faire naître un droit de séjour à raison de l'ancienneté d'une présence(13), d'un état de santé(14), d'une filiation(15) ou encore d'un âge de minorité(16). Ces situations reposent sur des normes générales (droits au « développement », « à la sécurité matérielle » et la « protection de la santé »), si besoin formatées pour les besoins propres des étrangers (droits de mener une vie familiale normale et au regroupement familial). Aucune de ces situations n'altère cependant le statut de leurs bénéficiaires qui peuvent en toute hypothèse faire l'objet d'une expulsion, car les motifs de protection reconnue à certaines catégories de personnes n'ont jamais été sanctuarisés par le Conseil. Les étrangers concernés ne peuvent par ailleurs pas se prévaloir d'un droit acquis au maintien d'une législation(17). Précisément, depuis 40 ans, le législateur ne s'est pas privé d'exercer un pouvoir normatif que le Conseil a toujours refusé de contrôler sur le terrain de l'opportunité(18) ou, lorsqu'un délit est en cause, de la nécessité au motif qu'il ne dispose pas d'un « pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement »(19). L'appréciation de la constitutionnalité d'une loi « ne dépend[ant] pas de la seule comparaison des dispositions de deux lois successives »(20), il n'est quoi qu'il en soit pas permis d'opposer au législateur un effet de cliquet qui permettrait de constitutionnaliser des garanties de valeur législative.

2. Encadrer l'intervention des acteurs du droit des étrangers

En dépit de son titre programmatique, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est loin de s'adresser aux seuls étrangers. Il est en effet renvoyé à plusieurs acteurs qui participent à la régulation des mouvements migratoires à l'occasion de l'entrée en France des étrangers (au premier rang desquels les transporteurs internationaux) ou de leur séjour (employeur, association, juge, avocat, administrateur ad hoc, traducteur). Ces acteurs ne sont pas à proprement parler exclus du débat constitutionnel. Leur statut relève toutefois d'appréciations qui entretiennent un lien distendu avec le droit des étrangers.

C'est le cas des juridictions et des juges appelés à statuer sur des litiges relatifs au séjour des étrangers ou à leur éloignement. Le Conseil constitutionnel a développé à partir de 1980 une jurisprudence fournie sur le cadre de compétence respective des juges administratifs et judiciaires en cas de privation de liberté d'un étranger en instance d'éloignement forcé(21), sur l'office du juge judiciaire(22) et sur les modalités de jugement des mesures de départ forcé(23). Ce contentieux n'a pas fait naître une jurisprudence d'exception formatée pour les besoins du droit des étrangers. C'est ainsi que la compétence du juge administratif pour statuer sur les actes relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers est reconnue en 1989 sur des bases générales qui avaient été identifiées deux ans plus tôt(24). De même, les principes constitutionnels qui régissent le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile sont communs à toute juridiction spécialisée(25). De même encore, le Conseil se borne à transposer aux filières d'aide à l'immigration clandestine les principes qui autorisent des poursuites contre les bandes organisées(26).

Cet adossement au droit commun a une vertu. Il permet d'assoir l'autorité des décisions et d'éviter de faire naître un droit constitutionnel des étrangers dérogatoire. On peut expliquer ainsi le refus d'identifier un statut d'association à but humanitaire dont les membres bénéficieraient d'une immunité pénale lorsqu'ils assistent des étrangers en situation irrégulière(27). Le contrôle des sanctions administratives aux transporteurs internationaux débarquant un étranger sans titre (faute d'avoir correctement vérifié en amont ses documents de voyage) est également illustratif d'une volonté de ne pas créer un ilot d'exception qui, dans le cas présent, se traduirait par la dévolution d'une mission de police administrative à des personnes privées. Conformément à l'interprétation de l'article 12 de la Déclaration de 1789 (et à une jurisprudence ancienne du Conseil d'État), il est en effet interdit de déléguer à des personnes privées des compétences inhérentes à l'exercice de la « force publique » qui doit être « instituée pour l'avantage de tous ». Cette délégation n'a pas été observée au motif que le transporteur doit se borner à déceler les irrégularités manifestes à l'occasion d'un « examen normalement attentif »(28). Suivant cette analyse (réversible à bien des égards), le législateur n'a donc pas associé les transporteurs internationaux au contrôle des étrangers, la décision finale d'entrée en France incombant à une autorité publique.

3. Clarifier le statut des tiers

Historiquement, ces tiers apparaissent dans l'espace juridique lorsque le décret-loi du 2 mai 1938 institue le délit d'assistance à un étranger en situation irrégulière, renouant en fait avec une incrimination inscrite à l'article 4 du décret du 26 février 1793(29). Sous cet angle, l'expression de tiers désigne les personnes soumises aux rigueurs du droit des étrangers sur des points qui ne concernent pas directement leur liberté de circulation. C'est le cas des personnes physiques et morales qui, sans considération de nationalité, apportent une assistance désintéressée à un étranger en situation irrégulière. Les employeurs qui ne déclarent pas un travailleur étranger ou, dans un registre très différent, les responsables de filières d'immigration irrégulière sont également concernés.

L'assistance à un étranger en situation irrégulière soulève un problème spécifique compte tenu de la nature répressive du droit des étrangers qui peut sanctionner une aide (matérielle ou juridique) ou un silence (absence de dénonciation). Pour admettre le bien-fondé d'une action pénale, le Conseil constitutionnel s'est longtemps borné à analyser la loi sous l'angle des exigences applicables en matière pénale(30). Pensé par rapport au droit commun, ce contrôle le conduit à reconnaître en 1996 un pouvoir d'appréciation au législateur pour apprécier la nécessité du délit et le cadre d'immunité. Il est alors renvoyé « à l'objectif qu'il s'est fixé tendant à concilier la prise en compte à titre humanitaire de situations juridiquement protégées et sa volonté de ne pas faciliter l'immigration clandestine »(31).

La consécration en 2018 de la « nbsp ; valeur constitutionnelle » du principe de fraternité sur les fondements des articles 2 (« La devise de la République est »Liberté, Égalité, Fraternité" ») et 72-3 (« idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ») de la Constitution n'a pas exactement mis fin à cette bienveillance pour l'action publique pour la raison première que le Conseil n'a pas conclu à l'inconstitutionnalité du délit(32). Il est en effet rappelé que le séjour des étrangers se présente comme une concession de la puissance publique et que « l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l'ordre public ». Ainsi comprise, la fraternité est donc loin d'être portée par un élan universel qui justifierait toute assistance. Elle repose plutôt sur une logique d'assistance charitable telle qu'elle fut envisagée par la Constitution de 1848 qui prescrivait aux citoyens de « concourir au bien commun en s'entraidant fraternellement les uns les autres ». La conclusion retenue 170 ans plus tard n'est certes pas dénuée d'intérêt pour les étrangers en situation irrégulière : ils peuvent être assistés par des bénévoles qui ne sont pas dissuadés d'agir par la menace de poursuites pénales. Mais l'exigence de fraternité se réduit à une tolérance sélective, car l'immunité est réservée aux comportements qui ne créent pas un trouble à l'ordre public. Le Conseil se concentre en effet sur les conséquences de l'aide qui lorsqu'elle est « apportée à l'étranger pour sa circulation n'a pas nécessairement pour conséquence, à la différence de celle apportée à son entrée, de faire naître une situation illicite ». Pour cette raison, le principe d'une action visant les personnes qui facilitent l'entrée en France d'un étranger en situation irrégulière conserve sa pertinence.

B) L'impact des prescriptions constitutionnelles

Comme il a été dit, le Conseil constitutionnel a conforté la nature juridique du droit des étrangers (une police administrative spéciale, pour l'essentiel) et ses modalités (l'exécution d'office, si besoin forcée, d'actes pris dans le cadre de prérogatives de puissance publique). Dans le même temps, comment comprendre l'impact de la jurisprudence constitutionnelle, si l'on veut bien admettre que l'action publique est balisée dans ce domaine par des contraintes qui n'existaient pas avant 1980 ? Trois conclusions éclairent ce débat.

La première se rapporte à la confrontation du droit des étrangers avec les exigences de la Constitution. Elle traduit l'idée banale que le Conseil constitutionnel s'est avant toute chose assuré que la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers était conforme aux prescriptions générales de la Constitution (1). Ce contrôle a conféré une légitimité à l'action publique en droit des étrangers qui a ainsi bénéficié d'un label constitutionnel (2). Ce statu quo normatif sera nuancé à la marge en observant que le Conseil constitutionnel a mobilisé en de rares occasions son pouvoir d'interprétation pour identifier des normes dédiées au droit des étrangers formellement inédites (3).

1. Assurer le respect de la Constitution

Pensé pour l'action administrative, le droit des étrangers s'est longtemps alimenté de normes réglementaires gouvernées par l'urgence et les exigences de la puissance publique. En 1958, faut-il le rappeler, le droit des étrangers est constitué d'une ordonnance rédigée par l'administration dans la précipitation pour anticiper la mise en place d'un régime parlementaire. Entre 1945 et 1980, si l'on occulte le droit de l'asile, aucune loi ne vient perturber cet équilibre. En s'appropriant ce champ disciplinaire à partir de 1980, le législateur offre pour la première fois au Conseil constitutionnel l'occasion de confronter ce droit avec les exigences de la Constitution.

Cette rencontre ne fait pas émerger un appareil normatif spécifique, une ambition intenable qui aurait pu aboutir à l'invalidation de réformes sensibles. Elle prend la forme d'une stricte application de normes qui n'entretiennent pas un lien direct avec les questions de l'entrée et du séjour des étrangers en France. C'est le cas lorsque le Conseil veille au respect des principes qui guident l'action pénale pour s'assurer que le délit d'aide à l'immigration irrégulière est conforme aux exigences de nécessité et de proportionnalité sans que les particularités du droit des étrangers n'interfèrent(33). De même, il fait application du droit à l'égalité de traitement pour permettre aux étrangers de se prévaloir des droits de valeur constitutionnelle, y compris en cas de séjour irrégulier(34). Il en déduit en 1993 une conséquence radicale qui structure encore aujourd'hui le droit constitutionnel des étrangers : le législateur doit « respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République »(35). Tout au plus, peut-il imposer une exigence de résidence « stable et régulière sur le territoire français » pour exercer des droits sociaux(36). Mais cette contrainte pèse également sur les ressortissants français.

Sous cette réserve d'importance, l'application des règles constitutionnelles de portée générale apparaît peu favorable aux étrangers pour une raison déjà envisagée. Les étrangers étant « placés dans une situation différente de celle des nationaux » compte tenu de l'absence de « droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national »(37), l'effet relatif du principe d'égalité devant la loi justifie le plus souvent une distorsion de traitement. Cet effet relatif n'est pas anodin, car il offre une légitimité constitutionnelle aux piliers les plus élémentaires du droit des étrangers : l'obligation de titre de séjour ; la possibilité de mettre fin au séjour pour des motifs d'ordre public ou d'irrégularité ; le recours à l'action forcée dans le cadre d'une procédure d'éloignement, si besoin en privant une personne de sa liberté(38). Cette souplesse d'action n'est cependant pas illimitée. Si la situation d'égalité de droit ou de fait est établie et en l'absence d'intérêt général justifiant une distorsion de traitement, la loi doit s'appliquer dans les mêmes termes aux étrangers et aux nationaux. C'est à ce titre que la loi ne peut pas discriminer les militaires en retraite sur la base d'un critère de nationalité(39). De même, il ne peut pas être imposé aux étrangers résidant en Guyane des délais spécifiques de détention d'un titre de séjour pour bénéficier du revenu de solidarité active. La forte proportion d'étrangers dans ce département dont « beaucoup [séjournent] en situation irrégulière »(40) ne justifie pas ici une rupture d'égalité.

Sur certains points, l'application de normes de portée générale a orienté le droit des étrangers dans une direction inédite. Le Conseil a ainsi garanti la liberté du mariage aux étrangers sans que l'irrégularité de leur séjour n'y fasse obstacle, générant en voie de conséquence un droit de séjour lorsque l'union implique un ressortissant français(41). De même, les 10e et 11e alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (qui bénéficient à « l'individu », à « la famille » et plus largement « à tous ») permettent aux étrangers de revendiquer les garanties de séjour attachées au droit au respect de la vie privée et familiale, au regroupement familial et à être soigné par le prisme du « droit au développement » et de « la protection de la santé ». Dans le dernier cas, le droit de séjour est acquis si l'absence de soin met en jeu le « pronostic vital » ou menace de conduire à une « altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître »(42).

Le droit à un recours effectif tel qu'il découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 appelle les mêmes observations. Il mobilise des normes qui ne sont pas propres au droit des étrangers, mais qui n'en balisent pas moins la mission de régulation des flux migratoires. L'exigence de publicité des débats fait ainsi obstacle à l'organisation d'une audience dans l'enceinte d'un centre de rétention qui est fermé au public(43). L'argument de la réduction du nombre d'escortes policières et de la nécessité de procéder avec diligence à l'éloignement d'un étranger ne suffit donc pas à formater le droit au recours pour les exigences propres du droit des étrangers. De même, le droit au recours effectif s'oppose à ce qu'une loi enserre dans un délai de cinq jours le temps imparti à un détenu pour former son recours contre une obligation de quitter le territoire et au juge pour statuer(44). Ce sont en revanche des exigences impérieuses d'ordre public propres au droit des étrangers qui autorisent une expulsion en urgence absolue sans possibilité matérielle de saisir un juge avant l'exécution du départ forcé. L'existence d'une voie de recours potentielle suffit dans ce cas à garantir le droit au recours(45).

2. Conforter l'action publique

À certains égards, le Conseil constitutionnel a conforté l'action publique pour une raison qui tient avant toute chose à la nature du droit des étrangers. Sans guère de surprise, le Conseil a estimé en 1989 que ce droit reposait, comme cela est la règle depuis plus de deux siècles, « soit sur des règles de police spécifiques aux étrangers, soit sur un régime de sanctions pénales, soit même sur une combinaison de ces deux régimes »(46). Par cette formule, le Conseil labellise le droit administratif des étrangers dont la mise en œuvre n'exclut pas le recours à la contrainte(47). En visant les décisions administratives relatives à « l'exercice de prérogatives de puissance publique »(48), il renvoyait en 1989 de manière non exhaustive au refus d'entrée en France, au titre de séjour, à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, à l'expulsion et à l'assignation à résidence. Par la suite, l'interdiction de retour a également été présentée comme une mesure de police administrative(49). Se fondant sur la nature de ces mesures, le Conseil en tire la conséquence que, « s'agissant de l'usage par une autorité exerçant [des] prérogatives de puissance publique, les recours tendant à l'annulation des décisions administratives relatives à l'entrée et au séjour en France des étrangers relèvent de la compétence de la juridiction administrative »(50). Cette faculté ne trouve sa limite que lorsqu'il est porté atteinte à la « liberté individuelle » des étrangers. Le juge judiciaire n'est toutefois tenu d'intervenir que dans les plus brefs délais et non immédiatement comme le prescrit pourtant la lettre de l'article 66 de la Constitution(51). Cet aménagement constitue l'un des traceurs emblématiques de la spécificité du droit constitutionnel des étrangers.

Ce statut administratif confère une certaine souplesse d'action aux pouvoirs publics. Il permet tout d'abord un cadre d'intervention relativement permissif qui repose sur un registre d'autorisation préalable et la dévolution d'un pouvoir d'action d'office et, dans certains cas, d'exécution forcée pour faciliter l'éloignement effectif d'un étranger. Pour assurer ses missions, l'administration est par ailleurs fondée à mobiliser des procédés de police judiciaire. Le Conseil constitutionnel n'a en effet pas contesté le principe d'un contrôle des étrangers sur la voie publique indépendamment de leur comportement pour vérifier la régularité de leur séjour(52). Le bien-fondé de cette vérification a été admis au regard du régime d'autorisation préalable qui pèse sur les étrangers. Tout au plus, il a été imposé une garantie intenable à mettre concrètement en œuvre : le contrôle doit être diligenté sur la base d'« éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé [qui] sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger »(53). Succédant à la garde à vue (un procédé massivement mis à contribution jusqu'en 2012 pour faciliter l'éloignement forcé des étrangers contrôlés en situation irrégulière sur la voie publique(54)), le placement en retenue pour 24 heures procède d'une même intention. Le dispositif vise à s'assurer qu'un étranger est « en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France »(55).

La souplesse d'action ainsi reconnue aux pouvoirs publics est facilitée par les enjeux du droit des étrangers. Deux objectifs très larges guident cette action qui bénéficie par là même d'un cadre d'habilitation à agir de valeur constitutionnelle : la lutte contre la fraude en matière de protection sociale pour garantir le « bon usage des deniers publics »(56) ; la lutte contre l'immigration irrégulière pour assurer la préservation de l'ordre public(57). Ce dernier objectif justifie le recours à une action pénale appropriée sur la base d'« objectifs [que le législateur] s'assigne en matière d'ordre public s'agissant de l'entrée et du séjour des étrangers et qui peuvent notamment justifier un régime de sanctions pénales »(58). Cette habilitation est d'autant plus souple que le Conseil refuse de contrôler la nécessité des délits et des peines. Sur ce fondement, la liberté du mariage ne fait ainsi pas obstacle à ce que le législateur prenne des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contraints ou de complaisance(59). Cet objectif n'autorise pas tout. En ayant voulu permettre à l'officier de l'état civil d'informer le préfet que l'un des membres du couple était un étranger en situation irrégulière, la loi a été invalidée au motif qu'elle risquait de dissuader un étranger de se marier(60).

3. Compléter la Constitution

On vient de l'observer, les normes générales de la Constitution ont largement été mobilisées pour baliser le pouvoir réformateur du législateur en droit des étrangers, souvent pour justifier l'action des pouvoirs publics, parfois pour en fixer les limites. À plusieurs occasions, les juges de la rue de Montpensier ont extrapolé cet appareil normatif pour en extraire par ricochet des normes formellement inédites.

Deux hypothèses seront simplement rappelées. La première prend la forme d'un droit au regroupement familial absent du bloc de constitutionnalité, mais déduit en 1993 du 11e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. La seconde concerne le principe de fraternité qui, à ce jour, ne rayonne pas au-delà du droit des étrangers.

Le troisième exemple se situe à la marge de la police des étrangers puisqu'il concerne les modalités d'inscription des étudiants étrangers dans les établissements universitaires(61). Saisi par le Conseil d'État d'une question se rapportant à une augmentation sans précédent des droits d'inscription, le Conseil constitutionnel a interprété en 2019 le 13e alinéa du Préambule de 1946 qui « garantit l'égal accès [...] de l'adulte à l'instruction » et prévoit que « L'organisation de l'enseignement public gratuit [...] à tous les degrés est un devoir de l'État ». Il a étendu à cette occasion le périmètre de cette disposition pour juger que « l'exigence constitutionnelle de gratuité s'applique à l'enseignement supérieur public ». Cette « gratuité » est toute relative puisqu'elle n'interdit pas des « droits d'inscription modiques » perçus en tenant compte « des capacités financières des étudiants ». La décision n'a malheureusement pas tranché la question des « montants de ces droits » qu'il « appartient aux ministres compétents de fixer, sous le contrôle du juge [...] dans le respect des exigences de gratuité de l'enseignement public et d'égal accès à l'instruction »(62).

La portée du dernier exemple est plus délicate d'interprétation dans la mesure où le Conseil constitutionnel a conforté les pratiques administratives consistant à identifier l'âge d'un étranger se déclarant mineur non accompagné par des tests osseux. Tout en pointant la « marge d'erreur significative » des résultats, le Conseil n'a pas estimé que cette méthode très contestée contrevenait à « l'exigence de protection de l'intérêt de l'enfant »(63). Suivant ce principe inédit déduit des 10e et 11e alinéas du Préambule de 1946 (dont les racines authentiques sont toutefois à rechercher dans l'article 3, § 2 de la convention de New York sur les droits de l'enfant), tout mineur isolé doit être en mesure de se prévaloir de la protection légale attachée à sa situation et des « garanties nécessaires » lors de la détermination de son âge (consentement, intervention de l'autorité judiciaire, marge d'erreur des tests) pour ne pas être considéré indûment comme majeur. « L'exigence de protection de l'intérêt de l'enfant » a par la suite conduit le Conseil à justifier un fichier des mineurs étrangers « afin de mieux garantir la protection de l'enfance et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France »(64).

(1): Les premières études dédiées à cette question sont ainsi présentées en 1998 (J. Kissangoula, La constitutionnalisation du droit des étrangers en France, thèse Montpellier) et 1999 (O. Lecucq, Le statut constitutionnel des étrangers en situation irrégulière, thèse Aix-Marseille).

(2): Cons. const., déc. n° 79-109 DC du 9 janvier 1980.

(3): Ce bilan n'inclut ni le droit de la nationalité (12 décisions dédiées), ni le droit de l'asile (une étude lui est consacrée dans ce numéro), ni les quatre procédures de délégalisation relatives au droit des étrangers dont l'objet ne permet pas de se projeter au-delà de la nature juridique des normes en cause.

(4): La loi du 31 décembre 2012 relative au dispositif de retenue des étrangers n'a ainsi pas été déférée au Conseil constitutionnel (CESEDA, art. L. 611-1-1). Le refus de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité qui contestait le choix du législateur de transférer en 2016 le contentieux du placement en rétention au juge des libertés et de la détention étonne également (CAA Bordeaux, ord., 23 juin 2017, n° 17BX01467).

(5): Respectivement Préambule 1946, al. 4 et Const., art. 53-1.

(6): Cons. const., déc. n° 93-321 DC du 20 juillet 1993, cons. 6 (absence de droit d'accès automatique à la nationalité française) et 15 (disproportionnalité d'une sanction privant du droit d'accès à la nationalité française).

(7): Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 18.

(8): Ibid., cons. 2. Pour l'effet relatif du principe d'égalité, voir le B, 1.

(9): Ibid., cons. 2.

(10): Cons. const., déc. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 24.

(11): Cons. const., déc. n° 89-266 DC du 9 janvier 1990, cons. 6.

(12): CESEDA, art. L. 521-5 (expulsion en raison d'une « menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société »).

(13): Cons. const., déc. n° 97-389 DC du 22 avril 1997, cons. 45 (« une présence régulière sur le territoire français d'une durée de dix ans au moins [est] de nature à avoir fait naître entre l'étranger et le pays d'accueil des liens multiples »).

(14): Cons. const., déc. n° 2003-488 DC du 29 décembre 2003, cons. 18 (accès aux soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital » ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé).

(15): Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, préc., cons. 2 (regroupement familial).

(16): Cons. const., déc. n° 2010-614 DC du 4 novembre 2010 (invalidation d'une loi approuvant un accord relatif au « raccompagnement » de mineurs isolés portant atteinte au droit au recours). V. par ailleurs ci-dessous pour les garanties inhérentes à l'« intérêt supérieur » des mineurs (Cons. const., déc. n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019).

(17): V. par ex. Cons. const., déc. n° 2006-539 DC du 5 juillet 2006, cons. 5 (« la disposition critiquée se borne à modifier les catégories d'étrangers bénéficiant de plein droit d'un titre de séjour ») et 14 (« le législateur n'a pas remis en cause le droit des étrangers établis de manière stable et régulière en France de faire venir auprès d'eux leur conjoint et leurs enfants mineurs ; il s'est borné à modifier le critère permettant d'apprécier la stabilité du séjour du demandeur »).

(18): Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 15 (« il n[']appartient pas [au Conseil constitutionnel] de se prononcer sur l'opportunité de dispositions législatives »).

(19): Cons. const., déc. n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, cons. 18 (délit d'aide à l'entrée en France d'un étranger sans titre).

(20): Ibid., cons. 18.

(21): Constatant l'inconstitutionnalité d'une durée de rétention de sept jours sans que le juge judiciaire puisse intervenir, Cons. const., déc. n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 et égal. Cons. const., déc. n° 86-216 DC du 3 septembre 1986, cons. 22 (« dans l'exercice de sa compétence, le législateur [peut] fixer des modalités d'intervention de l'autorité judiciaire différentes selon la nature et la portée des mesures touchant à la liberté individuelle qu'il doit édicter »).

(22): Dans le cadre de cette intervention, « l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger » (Cons. const., déc. n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, cons. 75 et déc. n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 66).

(23): Sur les modalités de jugement et de notification de l'obligation de quitter le territoire visant un détenu, Cons. const., déc. n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018.

(24): Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, préc., cons. 19.

(25): Cons. const., déc. n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003.

(26): Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004, cons. 14 (notion de « bande organisée »). V. égal. Cons. const., déc. n° 2016-621 QPC du 30 mars 2017 (absence de méconnaissance du principe de nécessité et de proportionnalité des peines applicables à l'employeur d'étrangers non autorisés à travailler).

(27): Cons. const., déc. n° 98-399 DC du 5 mai 1998, cons. 7.

(28): Cons. const., déc. n° 2019-810 QPC du 25 octobre 2019, et égal. déc. n° 92-307 DC du 25 février 1992. La possibilité (jamais mise en œuvre) pour les agents de sécurité d'être armés pour assurer le transport des étrangers placés en rétention ou en zone d'attente n'a pas non plus été contestée au motif que les marchés publics ne conféraient aucune mission de souveraineté à des personnes privées (Cons. const., déc. n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 89).

(29): À sa manière, un membre de l'entourage familial d'un étranger résidant en France se présente également comme un tiers lorsqu'il séjourne dans l'État d'origine. Le Conseil constitutionnel, on l'a déjà relevé, lui reconnaît des droits sous l'angle du droit au regroupement familial et, plus largement, du droit au respect de la vie privée et familiale.

(30): Cons. const., déc. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996.

(31): Ibid., cons. 13.

(32): Cons. const., déc. n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018.

(33): V. ainsi Cons. const., déc. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, préc. et encore n° 2019-799/800 QPC du 6 septembre 2019 (principe de proportionnalité des peines imposant le respect des garanties de l'article 730-2-1 du Code de procédure pénale relatif à la libération conditionnelle pour les étrangers visés par une expulsion).

(34): C'est le cas du droit au recours, mais aussi de la liberté du mariage (Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, préc., cons. 107 et déc. n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, cons. 9, « le respect de la liberté du mariage [...] s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé »).

(35): Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, préc., cons. 3.

(36): Ibid., cons. 3.

(37): Ibid., cons. 2. V. égal. sur le principe d'égalité, Cons. const., déc. n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, cons. 35 (invalidation), déc. n° 89-266 DC du 9 janvier 1990, cons. 5 et encore déc. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, cons. 110 et égal. 35 (« ces dispositions ne portent pas par elles-mêmes atteinte aux droits des étrangers, lesquels ne comprennent aucun droit de caractère général et absolu d'acquérir la nationalité française ou de voir renouveler leur titre de séjour »).

(38): Sur cette dernière question, Cons. const., déc. n° 89-266 DC du 9 janv. 1990, préc., cons. 8 (« eu égard tant à la situation particulière dans laquelle se trouvent les étrangers tombant sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière qu'aux raisons d'intérêt général poursuivies par le législateur et qui sont en rapport avec l'objet de l'article 1er de la loi, les règles spécifiques instituées par ce texte ne portent pas atteinte au principe d'égalité. »). Récusant encore une rupture d'égalité compte tenu « des objectifs d'intérêt public [que le législateur] s'est assignés » (Cons. const., déc. n° 2013-312 QPC du 22 mai 2013, cons. 6 et égal. déc. n° 2013-358 QPC du 29 novembre 2013). Pour un exemple de rupture d'égalité fondé sur la différence de situation, Cons. const., déc. n° 2015-463 QPC du 9 avril 2015 (agrément pour exercer une activité de sécurité) et ci-dessous déc. n° 2019-809 QPC du 11 octobre 2019 (égalité de traitement entre étudiants français et étrangers).

(39): Cons. const., déc. n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, cons. 8 à 12. Pour un autre exemple d'annulation, Cons. const., déc. n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 et déc. n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 (indemnisation des victimes de dommages subis en Algérie entre 1954 et 1962).

(40): Cons. const., déc. n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, cons. 46.

(41): V. note 34.

(42): Cons. const., déc. n° 2003-488 DC du 29 décembre 2003, préc., cons. 16 à 20. Pour le droit au regroupement familial, v. Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, préc., et ci-dessus pour le droit au respect de la vie privée et familiale.

(43): Cons. const., déc. n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, cons. 66.

(44): Cons. const., déc. n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 et sur la constitutionnalité du nouveau régime de notification, Cons. const., déc. n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, cons. 81 et 88.

(45): Cons. const., déc. n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016.

(46): Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. 12.

(47): Sur la possibilité de priver une personne de sa liberté, Cons. const., déc. n° 79-109 DC (rétention) du 9 janvier 1980 et n° 92-307 DC (zone d'attente) du 25 février 1992.

(48): Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, préc., cons. 21.

(49): Cons. const., déc. n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons. 45 à 56.

(50): Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, préc., cons. 22.

(51): V. Cons. const., déc. n° 79-109 DC du 9 janvier 1980 (rétention), n° 92-307 DC 25 février 1992 (zone d'attente) et, dénonçant une atteinte à la liberté individuelle, déc. n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, cons. 76. Sur la possibilité d'aménager le cadre d'intervention du juge judiciaire, Cons. const., déc. n° 2019-807 QPC du 4 octobre 2019 et note 21.

(52): Cons. const., déc. n° 2016-608 QPC du 24 janvier 2017, cons. 23 et déc. n° 93-323 DC du 5 août 1993.

(53): Cons. const., déc. n° 2016-608 QPC du 24 janvier 2017, préc., cons. 35.

(54): Le Conseil n'a pas jugé le recours à la garde à vue en droit des étrangers contraire à la Constitution (Cons. const., déc. n° 2011-217 QPC du 3 février 2012). La pratique a été ramenée à un problème de conformité à une directive européenne dont la méconnaissance ne peut pas être soulevée à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité.

(55): CESEDA, art. L. 611-1-1. On ne sait rien du statut constitutionnel de ce dispositif que l'opposition s'est abstenue de déférer au Conseil en 2012 (V. égal. note 4).

(56): Cons. const., déc. n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, cons. 123 à 129 (dispositif d'aide médicale de l'État subordonnant la prise en charge de soins non urgents d'un étranger en situation irrégulière à un délai d'ancienneté du séjour).

(57): V. ainsi Cons. const., déc. n° 2019-797 QPC du 26 juillet 2019, préc., cons. 5 (« Il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre l'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière qui participe de la sauvegarde de l'ordre public, objectif de valeur constitutionnelle, et le droit au respect de la vie privée ») et dans le même sens, Cons. const., déc. n° 2016-580 QPC du 5 octobre 2016, cons. 7.

(58): Cons. const., déc. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, préc., cons. 11.

(59): Cons. const., déc. n° 2006-542 DC du 9 novembre 2006, cons. 4 à 6.

(60): Cons. const., déc. n° 2003-484 DC du 20 nov. 2003, cons. 94 à 96 et égal. Cons. const., déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 107 (« en subordonnant la célébration du mariage à de telles conditions préalables, ces dispositions méconnaissent le principe de la liberté du mariage »).

(61): Cons. const., déc. n° 2019-809 QPC du 11 oct. 2019.

(62): Sur l'épilogue, qui constate que le « caractère modique des frais d'inscription » doit s'apprécier au regard du coût final d'une formation et de la situation des usagers, CE, 1er juill. 2020, n° 430121.

(63): Cons. const., déc. n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, cons. 6.

(64): Cons. const., déc. n° 2019-797 QPC du 26 juill. 2019.

Citer cet article

Vincent TCHEN. « La constitutionnalisation du droit des étrangers : essai de synthèse », Titre VII [en ligne], n° 6, Le droit des étrangers, avril 2021. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-constitutionnalisation-du-droit-des-etrangers-essai-de-synthese