Titre VII
N° 6 - avril 2021
Chronique de droit public (juillet 2020 à décembre 2020)
1/ Le droit de la commande publique fait son entrée (discrète) dans le contentieux de la QPC
Décision n° 2020-857 QPC du 2 octobre 2020 - Société Bâtiment mayennais [Référé contractuel applicable aux contrats de droit privé de la commande publique]
Voilà une affaire qui ne manquera pas d'attirer l'attention des acteurs de la commande publique : par sa décision du 2 octobre 2020(1), le Conseil constitutionnel statue pour la première fois en QPC sur une question touchant le droit de la commande publique et en profite pour préciser les règles constitutionnelles applicables aux différents recours à la disposition des opérateurs.
Mais, disons-le tout de suite, cette première décision QPC intéressant le droit de la commande publique n'est guère satisfaisante. Le Conseil adopte en effet une posture très abstraite qui ne « colle » pas vraiment avec les difficultés rencontrées par les opérateurs.
Quel était le problème en l'espèce ?
Il était question dans cette affaire d'un contentieux intéressant un contrat privé de la commande publique, c'est-à-dire un contrat passé pour le compte d'une personne privée, par exemple une société d'HLM. Un marché avait en effet été initié par la société Méduane Habitat, dans le cadre d'une procédure adaptée, pour la construction de logements collectifs à loyers modérés. La société Bâtiment mayennais s'était portée candidate à ce marché, mais son offre avait été rejetée au profit d'une autre entreprise. Un contentieux est alors initié par le candidat malheureux, et à cette occasion une QPC est posée visant à dénoncer, justement, le cadre juridique dans lequel les candidats évincés peuvent agir pour contester l'attribution d'un contrat privé de la commande publique.
Avant d'en venir au cœur du problème, il faut préciser à ce stade qu'il existe principalement trois modes d'action permettant aux candidats évincés de contester l'attribution d'un contrat de la commande publique(2) :
Le premier est le référé précontractuel dont l'objet est de sanctionner, devant le juge de l'urgence et avant la signature du contrat, un acheteur qui n'aurait pas respecté les règles de publicité et de mise en concurrence applicables.
Le deuxième est le référé contractuel qui permet également de dénoncer les irrégularités procédurales, après la signature du contrat, mais seulement celles qui sont les plus « graves », par exemple une absence totale de mesures de publicité.
Le troisième est le recours dit Tarn-et-Garonne, initié par le Conseil d'État en 2014(3), et qui permet aux tiers lésés de contester la validité du contrat dans son ensemble, notamment les règles de passation, lorsqu'un manquement est en rapport direct avec l'intérêt lésé ou qu'il est d'une gravité telle que le juge devrait le relever d'office. C'est ici le juge du contrat qui est compétent.
La création par le Conseil d'État de ce troisième recours s'explique en partie par le fait que, pour certains types de contrats, et notamment les contrats passés à l'issue d'une procédure dite « adaptée », la législation ne prévoit aucun délai minimum à respecter entre le moment où un candidat est choisi par le pouvoir adjudicateur et le moment où le contrat est signé (délai de standstill). L'intervalle de temps qui sépare le moment du choix du candidat et le moment de la signature du contrat peut donc s'avérer extrêmement court, ce qui empêche - en fait, et non en droit - les candidats évincés d'exercer un référé précontractuel. Certes, dira-t-on, il est toujours possible d'exercer un référé contractuel, après la signature du contrat, mais on a vu que dans ce cas les moyens invocables sont moins nombreux puisque seules les atteintes graves sont sanctionnées à ce stade. D'où l'intérêt du recours Tarn-et-Garonne qui permet aux candidats évincés (et les tiers lésés d'une façon générale) de contester la régularité de la procédure « plus tard », devant le juge du contrat.
Reste une difficulté, qui formait justement le nœud du problème : la jurisprudence Tarn-et-Garonne ne s'appliquant qu'aux contrats publics, les candidats aux contrats privés se trouvent ainsi dans une situation défavorable, car lorsque le contrat est conclu très rapidement, il ne leur reste plus beaucoup d'espoir de contester la procédure sur le terrain contractuel. C'est précisément cette situation qui était contestée par la présente QPC.
Mais le Conseil constitutionnel rejette tous les griefs des requérants en estimant que la différence de situation entre les contrats publics et les contrats privés est parfaitement justifiée et que la limitation du droit au recours pour les candidats évincés dans les contrats privés n'est pas « disproportionnée ».
Cette solution ne nous semble guère satisfaisante pour au moins trois raisons.
Premièrement, pour justifier la limitation des griefs susceptibles d'être invoqués par les tiers dans le cadre du recours contractuel (le deuxième), le Conseil souligne que « le législateur a entendu éviter une remise en cause trop fréquente de ces contrats après leur signature et assurer la sécurité juridique des relations contractuelles ». Autrement dit, le fait de restreindre le recours aux violations qui sont les plus graves se justifie par le souci de préserver la bonne marche des contrats signés, afin d'éviter qu'une contestation judiciaire ne remette en cause les obligations déjà consenties par les parties. Sur le papier, l'argument du Conseil semble logique. En y regardant de plus près, le raisonnement nous paraît tout de même un peu fragile. Car tout recours, par définition, a pour objet de contester l'existence d'un acte juridique. Cela reste vrai, quel que soit le recours, en matière contractuelle et ailleurs. Autrement dit, il est dans l'ADN d'une voie de recours de mettre en danger un acte juridique, et donc de porter atteinte à sa « sécurité juridique ». Mais cela pour une bonne raison : l'exercice d'une voie de recours a toujours pour objectif, pour philosophie en quelque sorte, de faire triompher le principe de légalité en corrigeant un acte ou une situation contraire aux règles juridiques. S'il est donc vrai que le recours contractuel offert aux candidats évincés fragilise la sécurité des contrats, il est tout aussi vrai que ces recours permettent, et c'est heureux, d'assurer le respect du principe de légalité. Il nous semble donc assez discutable d'expliquer une limitation ou une absence de voie de recours par le seul argument de la sécurité juridique, comme le fait le Conseil, car cet argument peut justifier de supprimer l'ensemble des voies de recours présentes dans notre droit, au nom de la sécurité juridique(4).
Deuxièmement, alors que les requérants orientaient leurs griefs vers la pratique contractuelle, en dénonçant le fait que, bien souvent, les tiers lésés ne peuvent exercer de recours précontractuel en raison de la signature immédiate du contrat (lorsqu'aucun délai minimum n'est prévu), le Conseil répond sur le terrain du droit pur en soulignant simplement que « la circonstance que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice ne soit pas toujours obligé de communiquer la décision d'attribution du contrat aux candidats non retenus et d'observer, après cette communication, un délai avant de signer le contrat n'a ni pour objet ni nécessairement pour effet de priver les candidats évincés de la possibilité de former, dès le rejet de leur offre et jusqu'à la signature du contrat, un référé précontractuel ». Le Conseil se contente ici de répéter presque mot à mot les termes de la loi, sans accorder le moindre crédit à l'idée que cette législation s'avère en pratique inutile faute de délai offert aux tiers pour exercer concrètement un recours. Autrement dit, le Conseil statue sur la présence d'un droit au recours, alors que les requérants l'invitaient à statuer sur l'effectivité de ce droit au recours. Nul doute que cette réponse donnera un nouvel argument à ceux qui estiment que le droit européen, plus concret, reste le meilleur moyen de préserver les intérêts des opérateurs économiques...
Troisièmement, le Conseil explique sans trembler que toutes ces limitations du droit au recours des tiers lésés « ne font pas obstacle à ce qu'un candidat irrégulièrement évincé exerce, parmi les voies de recours de droit commun, une action en responsabilité contre la personne responsable du manquement dénoncé ». L'action en responsabilité devient ainsi le remède aux carences de l'action en contestation de validité. Mais là encore, le raisonnement est pour le moins douteux : les deux sortes de recours n'ont évidemment pas la même finalité ; ils ne sont pas « interchangeables » comme le prétend le Conseil ; et à supposer même que les tiers puissent mettre en marche une action en responsabilité, cela ne leur serait d'aucune utilité pour contester le contrat lui-même qui resterait bien valide en dépit d'une indemnisation financière. Poussons la logique jusqu'au bout : pourquoi ne pas supprimer toutes les voies de droit offertes aux tiers puisqu'il existera toujours un recours en indemnisation ?
La décision du 2 octobre 2020 est en définitive assez décevante. Le contrôle de constitutionnalité « à la française » reste un contrôle abstrait, avec ses forces et ses faiblesses, mais il n'interdit pas au Conseil d'entrer (un peu) dans la réalité des situations. C'est à ce prix seulement que les Sages pourront développer une jurisprudence audacieuse en matière de commande publique.
2/ Crise sanitaire et commande publique : le Conseil valide sans réserve les mesures dérogatoires
Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 - Loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Toujours dans le domaine de la commande publique, mais cette fois-ci à l'occasion d'un contentieux DC, le Conseil contrôle, dans la décision du 3 décembre 2020, les dispositions de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) permettant l'ajustement des conditions d'attribution et d'exécution des marchés publics aux conditions de la crise économique et sanitaire.
Trois nouveautés de la loi ASAP étaient dénoncées par les requérants :
-
La possibilité offerte aux acheteurs publics de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence, dans des cas où un motif d'intérêt général le justifie.
-
L'autorisation donnée au pouvoir règlementaire, en cas de circonstances exceptionnelles, de mettre en œuvre des mesures dérogeant aux règles de passation et d'exécution des marchés publics et des contrats de concession afin de permettre la poursuite de ces procédures.
-
Et la possibilité donnée temporairement aux acheteurs de conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables, dès lors que la valeur estimée du besoin auquel répond ce marché est inférieure à un seuil de 100 000 euros hors taxes.
Dans les deux premiers cas, il était reproché au législateur son manque de précision par l'utilisation de formules ambiguës - « intérêt général », « circonstances exceptionnelles » -, avec le risque d'une utilisation trop fréquente des procédures dérogatoires.
Dans le dernier cas, le rehaussement du seuil permettant la conclusion d'un marché de gré à gré laissait craindre, pour les requérants, des ruptures d'égalité devant la commande publique en favorisant les grandes entreprises au détriment des plus petites.
Mais le Conseil rejette tous les griefs et valide donc, de façon générale, les mécanismes d'adaptation du droit de la commande publique à la crise sanitaire.
Dans l'ensemble, cette décision du Conseil nous paraît pleinement justifiée dans la mesure où les nouvelles procédures sont par nature temporaires et visent à satisfaire les besoins urgents des opérateurs et des acheteurs publics. Depuis plus d'un an, des mesures dérogatoires frappent à peu près tous les secteurs économiques et il n'est pas totalement illégitime que la commande publique bénéficie elle aussi d'un régime permettant d'accorder le droit aux contraintes du moment.
On pourra néanmoins regretter une argumentation du Conseil un peu rapide essentiellement sur deux points.
D'abord en ce qui concerne les notions « d'intérêt général »(5) et de « circonstances exceptionnelles ». Dans les deux cas, les requérants reprochaient surtout au législateur d'avoir instauré des dérogations trop facilement malléables, par l'utilisation de termes dépassant de beaucoup la seule question de la crise économique ou sanitaire. Le risque est bien réel dans la mesure où, comme le rappelle au demeurant le Conseil, les principes d'égalité de la commande publique et de bon usage des deniers publics (qui sont à la fois des principes fondamentaux de la commande publique et des principes de rang constitutionnel) pourraient souffrir d'une application trop large des dérogations admises par la loi. Que le Conseil « valide » ces notions d'intérêt général et de circonstances exceptionnelles ne pose pas de problème dans la mesure où ces notions sont souvent utilisées par le législateur ou le juge pour justifier des atteintes aux droits et libertés. Qu'il précise également que « ces circonstances exceptionnelles ne peuvent être que celles définies comme telles par les lois » paraît tout à fait justifié. Mais cela n'interdisait pas aux Sages d'encadrer plus nettement l'interprétation de ces termes, en adoptant des réserves visant à guider les autorités d'application lors de la mise en œuvre de ces dérogations. C'était d'ailleurs l'objet même de la demande des requérants. Le Conseil pouvait ainsi, par exemple, estimer que l'intérêt général ou les circonstances exceptionnelles doivent s'entendre, « au sens de la loi », comme étant strictement liés à une crise économique ou sanitaire, ce qui aurait limité le risque d'utilisations « douteuses » des mesures d'exception, pour répondre à des besoins manifestement étrangers à la situation actuelle.
On soulignera d'ailleurs que l'un des arguments utilisés par le Conseil pour justifier sa solution paraît pour le moins douteux : puisque seuls les marchés « locaux » sont de la compétence du législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi peut donc - dit en substance le Conseil(6) - se contenter de formules générales en ce qui concerne les marchés « nationaux » (§ 42 et 43). Pourtant, lorsque le législateur intervient dans un domaine étranger à l'article 34 - ce qui est admis de longue date par le Conseil - il doit - et non peut - exercer pleinement sa compétence, et cela ne l'autorise pas à accorder trop de libertés au pouvoir règlementaire.
En ce qui concerne ensuite le rehaussement des seuils et le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité devant la commande publique, on comprend parfaitement le Conseil lorsqu'il indique qu'« en fixant au 31 décembre 2022 la fin de cette dispense, le législateur en a limité la durée à la période qu'il a estimée nécessaire à cette reprise d'activité ». Le caractère temporaire de la dérogation pardonne, en quelque sorte, l'atteinte au principe d'égalité - ce qui n'est pas nouveau. En revanche, on suit un peu moins le Conseil lorsqu'il ajoute que la dérogation instaurée par la loi « n'exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du code de la commande publique », laissant croire par cette formule que le principe d'égalité serait préservé en invitant (seulement) les acheteurs publics à bien vouloir le respecter. Modeste contrainte ! Là aussi, il nous semble que la prudence commandait d'adopter une réserve d'interprétation afin d'encadrer plus fermement l'application des mesures dérogatoires.
3/ Pas de priorité pour les syndicats représentatifs dans la fonction publique
Décision n° 2020-860 QPC du 15 octobre 2020 - Syndicat des agrégés de l'enseignement supérieur et autre [Assistance d'un fonctionnaire durant une rupture conventionnelle]
La décision du 15 octobre 2020 est une bonne illustration des difficultés que rencontre le Conseil, depuis plusieurs années, en matière de liberté syndicale. La présente affaire concerne le droit de la fonction publique - ce qui justifie de l'inclure dans cette chronique -, mais les solutions dégagées en l'espèce s'appliquent en réalité à l'ensemble des relations de travail (droit public et droit privé).
Quelle était la difficulté ?
L'article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit que : « Durant la procédure de rupture conventionnelle, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix ». Les requérants reprochaient à ce texte non pas le principe même de la rupture conventionnelle - ce qui pouvait se discuter - mais le choix du législateur de limiter l'assistance de l'agent concerné aux seules organisations syndicales « représentatives ». On rappellera à ce sujet que la représentativité des syndicats se mesure en considération de critères stricts : audience, ancienneté, respect des valeurs républicaines, etc. Ces critères sont complétés en l'espèce par le décret du 31 décembre 2019 qui précise que sont représentatives les organisations syndicales disposant « d'au moins un siège » dans les instances de dialogue social (les « comités sociaux »). En clair, la faculté d'assister les agents en cas de rupture conventionnelle n'est pas ouverte à tout le monde, ce qui écarte mécaniquement les structures syndicales jugées non représentatives par les textes.
D'où la QPC posée par des organisations syndicales non représentatives visant à « corriger » ce qui constituait, selon eux, une rupture d'égalité entre les différents syndicats. Sans grande surprise au regard de sa jurisprudence - on va revenir sur ce point -, le Conseil donne raison aux requérants en jugeant que « le caractère représentatif ou non d'un syndicat ne détermine pas la capacité du conseiller qu'il a désigné à assurer l'assistance du fonctionnaire dans ce cadre. Dès lors, la différence de traitement est sans rapport avec l'objet de la loi ». Pour cette raison, poursuit le Conseil, « les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ».
Cette solution appelle, selon nous, deux observations.
La première tient au fait que le Conseil mobilise exclusivement le principe d'égalité pour fonder la censure, et laisse volontairement de côté le principe de la liberté syndicale. On nous répondra peut-être que la demande visait bien à sanctionner la disposition litigieuse sur le principe d'égalité et que le Conseil s'en tient finalement au cadre tracé par les requérants. Certes. On pourrait même ajouter que, d'un point de vue très pratique, il ne fait pas de doute que l'utilisation d'un grief ou d'un autre pour prononcer une censure ne change guère le résultat final : la disposition est censurée, et les requérants sortent du Palais Royal avec une belle victoire en poche. C'est encore vrai. Mais tout cela n'empêchait pas le Conseil d'étoffer un peu son argumentation en précisant que, en l'espèce, la rupture d'égalité est d'autant plus inacceptable qu'elle contredit la liberté syndicale des organisations non représentatives en les empêchant d'exercer une mission essentielle (assister les travailleurs). Cette ligne de conduite du Conseil visant à « gommer » la liberté syndicale n'est au demeurant pas nouvelle puisque dans sa décision du 20 octobre 2017(7) il avait déjà censuré au nom du principe d'égalité l'article L. 2232-12 du Code du travail qui excluait certains syndicats de la table des négociations, alors même que les requérants invoquaient (ici aussi) une atteinte à la liberté syndicale. Sur le terrain de la politique jurisprudentielle, on peut tout de même s'inquiéter du fait que la liberté syndicale ne soit pas davantage utilisée par les Sages dans des affaires où elle constitue pourtant le cœur du problème.
La seconde observation est plus générale. Après cette décision, se pose la question de savoir quelle sorte de protection constitutionnelle le Conseil offre aux syndicats des travailleurs, et plus particulièrement aux syndicats considérés comme « représentatifs » par la législation. La question mérite d'être posée car le Conseil semble avoir un peu de mal à tracer une ligne de conduite claire qui pourrait utilement guider le législateur ou les partenaires sociaux. Par exemple, le Conseil reconnaît aux syndicats une « vocation naturelle » pour la représentation des travailleurs(8) et condamne à ce titre les dispositions qui offrent aux représentants élus des salariés des avantages que n'auraient pas les représentants syndicaux(9). Mais, dans le même temps, il estime (avec la présente décision) que les organisations « représentatives » ne bénéficient d'aucun avantage par rapport aux organisations non représentatives, laissant ainsi penser que toutes les formes de représentation doivent être traitées de la même façon. Faut-il ainsi considérer que la représentativité d'une organisation n'a aucune importance d'un point de vue constitutionnel ? Mais dans ce cas, pourquoi continuer à différencier les organisations syndicales et celles qui ne le sont pas, car il s'agit bien là aussi d'une question de représentativité ?
Le Conseil gagnerait peut-être à clarifier sa position en matière de liberté syndicale dans une prochaine décision.
(1): Pour une étude plus étoffée de cette décision, qu'il soit permis de renvoyer le lecteur à P.-Y. Gahdoun et M. Ubaud-Bergeron, « Première QPC pour le droit de la commande publique : une occasion manquée ? », RFDA, n°1, 2021. V. également S. Hul, « Commande publique : le droit au recours effectif ou le droit au recours est fictif ? », JCP A, n° 46, 2020, p. 2294 ; M. Karpenschif, « Haro sur les contrats de droit privé de la commande publique », AJDA, 2020, p. 2281 ; F. Cafarelli, « Les a priori d'un contrôle a posteriori », AJDA, 2021, p. 286.
(2): Sur ces différents recours, V. les explications de M. Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, LexisNexis, 3e éd., 2019, p. 467 et s.
(3): CE, ass., 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, GAJA, Dalloz, 22e éd., 2019, n° 112.
(4): Cette tendance qui vise à justifier la limitation des voies de recours au nom de la sécurité juridique est malheureusement partagée dans les deux ailes du Palais Royal, V. not O. Mamoudy, « L'ouverture du recours », RFDA, 2019, p. 669 ; B. Plessix, « Ce besoin animal de sécurité », Droit administratif, n°1, janvier 2018, repère 1.
(5): Sur cette notion en particulier et son « interprétation », V. not. P. Soler-Couteaux, « L'intérêt général au secours des TPE-PME », Contrats et marchés publics, n° 2, février 2021, repère.
(6): Le raisonnement est « implicite » ; V. en ce sens G. Eckert, « Loi ASAP - Constitutionnalité des dispositions de la « loi ASAP » relatives à la commande publique », Contrats et Marchés publics, n° 1, Janvier 2021, comm. 2
(7): Cons. const., déc. n° 2017-664 QPC du 20 octobre 2017, JO 22 octobre 2017, texte n° 33.
(8): Cons. const., déc. n° 96-383 DC du 6 novembre 1996, R. p. 128
(9): « Si, à la différence des règles applicables aux entreprises d'au moins cinquante salariés, les dispositions contestées n'instaurent pas de priorité au profit des salariés mandatés par une organisation syndicale représentative, ces dispositions n'établissent pas davantage de hiérarchie qui leur serait défavorable, dès lors que l'employeur peut négocier soit avec ces salariés mandatés, soit avec des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique », Cons. const., déc. n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, JO 31 mars 2018, texte n°2.
Citer cet article
Pierre-Yves GAHDOUN. « Chronique de droit public (juillet 2020 à décembre 2020) », Titre VII [en ligne], n° 6, Le droit des étrangers, avril 2021. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-public-juillet-2020-a-decembre-2020
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