I - Procédure.

Décision n° 2021-930 QPC du 23 sept. 2021 - M. Jean B. [ENQUÊTE. Géolocalisation et respect de la vie privée] et décision n° 2021-952 QPC du 3 déc. 2021 - M. Omar Y. [Réquisitions de données informatiques]

Le Conseil constitutionnel a déjà eu à connaître de la conformité à la Constitution du procédé particulier de surveillance qui permet de localiser en temps réel, sur l'ensemble du territoire national, une personne, à l'insu de celle-ci, un véhicule ou tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, appelé géolocalisation (Cons. const., déc. n° 2014-693 DC du 25 mars 2014). Cette décision avait toutefois été prise au regard d'une version antérieure des articles 230-32 et 230-33 du Code de procédure pénale par rapport à celle qui lui a été présentement transmise par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 9 juin 2021, pourvoi n° 20-86.652). En effet, ces articles ont été partiellement réécrits à l'occasion de la loi du 23 mars 2019 qui est venue, d'une part, modifier le champ d'application de la mesure du point de vue des infractions pour lesquelles il est possible de recourir à ce procédé et d'autre part, mieux encadrer les opérations en modifiant la durée de la mesure, et en plafonnant le nombre de renouvellements possibles (C. pr. pén., art. 230-33). Ces changements normatifs autorisaient ainsi le Conseil à statuer de nouveau sur la conformité à la Constitution de ces textes réformés tels qu'ils sont applicables au litige.

Le requérant reprochait plus particulièrement à l'article 230-33, 1 ° de permettre au procureur de la République, dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une procédure prévue aux articles 74 à 74-2, d'autoriser la mesure, pour une durée maximale de quinze jours consécutifs dans les cas prévus aux articles 74 à 74-2 ou lorsque l'enquête porte sur un crime ou sur une infraction mentionnée aux articles 706-73 ou 706-73-1, ou pour une durée maximale de huit jours consécutifs dans les autres cas. Elle échappe ainsi selon lui à « un contrôle préalable d'une juridiction indépendante », ce qui méconnaîtrait le droit au respect de la vie privée ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. Il est vrai que selon ce texte, ce n'est qu'à l'issue de ces délais que l'opération peut être prolongée sur autorisation du juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République, pour une durée maximale d'un mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Pour répondre à cette interrogation, le Conseil commence par rappeler la méthode de contrôle qui est la sienne, à savoir s'assurer d'une part que les restrictions que la mesure apporte à la vie privée de la personne sont nécessaires à la manifestation de la vérité et proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et d'autre part que la mise en œuvre de la mesure soit entourée de garanties suffisantes notamment en raison du contrôle de la mesure par l'autorité judiciaire. Le premier temps de son examen le conduit à revenir sur la nature de la mesure. Il précise ainsi que ce procédé de géolocalisation constitue bien une atteinte à la vie privée. Il rejoint ainsi la position de la Cour européenne des droits de l'homme qui, depuis l'arrêt Uzun c. Allemagne, admet qu'une mesure de géolocalisation puisse constituer une ingérence dans la vie privée de la personne au sein de l'article 8 de la Convention et doive ainsi être proportionnée au but poursuivi (CEDH, 2 sept. 2010, Uzun c/ Allemagne, req. n° 35623/05). Il ajoute toutefois que le procédé n'implique pas, pour autant, d'acte de contrainte sur la personne ni d'atteinte à son intégrité corporelle, de saisie, d'interception de correspondances ou d'enregistrement d'image ou de son.

Le Conseil se focalise ensuite sur les garanties et le contrôle de la mesure qu'il estime satisfaisants. La décision peut sembler à cet égard assez classique. Elle prend davantage de relief si on la met en regard d'un arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne, dont le requérant se prévalait à l'appui de sa requête, ce qui ne transparaît pas à la seule lecture de la décision, mais qui est signalé sur le site du Conseil dans le commentaire de la décision (CJUE, 2 mars 2021, H. K. c/ Prokoratuur, Aff. C-746/18). En effet, par cette décision rendue au visa de l'article 15 § 1 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, la CJUE s'oppose à ce qu'une réglementation nationale donne compétence au ministère public, dont la mission est de diriger l'enquête pénale et d'exercer, le cas échéant, l'action publique, pour autoriser l'accès aux données de localisation aux fins d'instruction pénale. Le Conseil se démarque ainsi de cette position européenne et pour cela, loin de positionner le débat sur la question du statut du parquet, il préfère raisonner sur le fondement de l'article 39-3 du Code de procédure pénale et donc sur les missions de contrôle du magistrat du parquet (v. en ce sens, G. Roussel, « L'autorisation de la géolocalisation pendant l'enquête par le procureur de la République est conforme à la Constitution », AJ pénal 2021, p. 543) et sur la courte durée de la géolocalisation - 8 ou 15 jours selon l'infraction -, ce qui n'est pas sans rappeler la position de la Cour de cassation qui a ainsi pu déclarer l'article 230-33 conforme au droit européen dès lors que l'autorisation donnée par le magistrat du parquet l'est pour une courte durée et que la prolongation de la mesure est autorisée par un juge qui en contrôle l'exécution (Cass. crim., 11 déc. 2018, n° 18-82.365 : Bull. n° 211 ; Procédures 2019, n° 93, obs. A.-S. Chavent-Leclère ; Cass. crim., 7 mai 2019, n° 18-85.596).

Il définit en revanche une méthode d'analyse qu'il entend inscrire dans la durée comme l'atteste une autre décision rendue le 3 décembre 2021 au sujet des réquisitions de données informatiques que le procureur de la République peut prendre dans le cadre d'une enquête préliminaire sur le fondement des articles 77-1-1 et 77-1-2 du Code de procédure pénale. En l'espèce, un requérant reprochait à ces dispositions de permettre au procureur de la République d'autoriser, sans contrôle préalable d'une juridiction indépendante, la réquisition d'informations issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, qui comprennent les données de connexion. Il en résultait selon lui une méconnaissance, d'une part, du droit de l'Union européenne et, d'autre part, du droit au respect de la vie privée, ainsi que des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif.

De la même manière qu'il l'a fait dans la décision ci-dessus annotée en matière de géolocalisation - ce dont on ne s'étonnera guère puisque les mesures de l'article 77-1-1 peuvent permettre une reconstitution ultérieure du parcours effectué par une personne, ce qui en fait une sorte de géolocalisation, non en temps réel, mais en un temps différé (sur cette distinction : Cass. crim., 2 nov. 2016, pourvoi n° 16-82.376 : Bull. n° 282 ; CEDH, 8 févr. 2018, n° 31446/12, Faiza c/ France, § 69-76) -, le Conseil commence par dire qu'en raison de leur nature, de leur diversité et des traitements dont elles peuvent faire l'objet, les données de connexion fournissent sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. Dès lors, si des réquisitions peuvent être requises dans le cadre d'une enquête policière, encore faut-il que le législateur ait entouré la procédure de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée, entre d'une part le droit au respect de la vie privée et, d'autre part la recherche des auteurs d'infractions. Or, pour le Conseil, tel n'est pas le cas. Certes, relève-t-il, ces réquisitions sont soumises à l'autorisation du procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire auquel il revient, en application de l'article 39-3 du Code de procédure pénale, de contrôler la légalité des moyens mis en œuvre par les enquêteurs et la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits. Toutefois, le législateur n'a assorti le recours aux réquisitions de données de connexion d'aucune autre garantie. Contrairement aux garanties qui existaient dans la décision relative à la géolocalisation, ici la réquisition de données est autorisée dans le cadre d'une enquête préliminaire qui peut porter sur tout type d'infraction et qui n'est ni justifiée par l'urgence ni limitée dans le temps. Les mots «, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, » figurant à la première phrase du premier alinéa de l'article 77-1-1 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020, et « aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2 » figurant au premier alinéa de l'article 77-1-2 du même Code, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, sont donc déclarés contraires à la Constitution. Néanmoins, une abrogation immédiate des dispositions contestées risquant d'entraîner des conséquences manifestement excessives, le Conseil décide de reporter au 31 décembre 2022 la date de l'abrogation des dispositions contestées. C'est donc une nouvelle censure qu'essuient ces articles pourtant réécrits par le législateur à la suite d'une précédente abrogation (Cons. const., déc. n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, paragr. 175. V. A. Botton, « Contrôle de la loi de programmation Justice : le Conseil constitutionnel entre « moustiques et chameaux » de procédure pénale », JCP 2019, n° 4, p. 359).

Décision n° 2021-926 QPC du 9 sept. 2021, M. Gaston F. [POURSUITES. Prescription de l'action publique et application de la loi dans le temps] (v. A. Maron et M. Haas,  « Avec le temps, va, tout ne s'en va pas... », Dr. pén. 2021, comm. 189).

Depuis la réforme de la prescription de l'action publique opérée par la loi du 27 février 2017, l'article 9-1 du Code de procédure pénale dispose : «  le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits et trente années révolues pour les crimes à compter du jour où l'infraction a été commise ». Ce texte qui limite le report du point de départ du délai de prescription de l'action publique des infractions occultes et dissimulées n'a toutefois reçu application qu'à compter des infractions commises après le 1er mars 2017 puisque l'article 4 de la loi prévoit que la loi nouvelle ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu de la loi ancienne et de son interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.

Depuis leur entrée en vigueur, ces dispositions ont donné lieu à un refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité de la part de la Cour de cassation par un arrêt rendu le 28 juin 2017 (Cass. crim., 28 juin 2017, n° 17-81.510). Elle jugeait alors que la question posée ne présentait pas un caractère sérieux notamment parce qu'elle portait sur une disposition ayant vocation à aménager dans le temps les conséquences de la modification des règles relatives à la prescription des crimes et délits et qui est donc étrangère aux droits et libertés garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen définissant les principes de légalité criminelle et de nécessité des peines.

La persévérance a parfois du bon comme l'atteste une plus récente question prioritaire soulevée par un plaideur puisque la Cour de cassation décidait, à l'inverse, par un arrêt du 2 juin 2021 de la transmettre jugeant cette fois que l'article 4 qui fait obstacle à l'application immédiate des dispositions plus douces de l'article 9-1 alinéa 3 du Code de procédure pénale, en ce qu'il interdit la mise en œuvre de l'action publique pour des infractions occultes ou dissimulées lorsqu'il s'est écoulé un délai de plus de douze ans à compter du jour où l'infraction a été commise, est susceptible de ne pas être adapté à la nature ou à la gravité des infractions.

Le Conseil écarte le grief pris de la méconnaissance du principe de la rétroactivité de la loi nouvelle plus douce dans la mesure où les règles relatives à la prescription de l'action publique n'instituent ni une infraction ni une peine et, partant, ne sont pas soumises à ce principe de rétroactivité in mitius de la loi pénale. Le rappel peut sembler anodin, mais il est essentiel en ce qu'il rappelle une confusion souvent faite entre les lois de fond et de procédure en matière de conflits de lois dans le temps. Si les lois de fond entendues comme celles qui définissent un comportement interdit sous peine de sanction pénale ou qui modifient la sanction encourue sont soumises, en vertu de l'article 112-1 du Code pénal, à un principe de non-rétroactivité sous réserve que la loi nouvelle ne soit pas plus douce que la loi ancienne, ce qui permettrait son application rétroactive, tel n'est pas le cas des lois relatives à la prescription qui sont des lois de procédure soumises, en raison de cette nature, à un principe d'application immédiate sous la seule réserve que les prescriptions ne soient pas acquises au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (C. pén., art. 112-2, 4 °).

D'autre part et surtout, il écarte le grief pris d'une violation du principe de nécessité des peines protégé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la garantie des droits issue de l'article 16 de cette même Déclaration dès lors que les dispositions contestées ont pour objet non pas de déterminer des règles nouvelles de prescription de l'action publique, mais d'organiser les conditions d'application dans le temps de la loi nouvelle. Cette motivation est à mettre en rapport avec l'évolution récente dans la jurisprudence du Conseil rattachant désormais les règles de prescription au principe de nécessité des peines, évolution qui était d'ailleurs mentionnée par la Cour de cassation dans son arrêt de renvoi (motif n° 4). En effet, depuis une décision du 24 mai 2019, le Conseil considère, au visa des articles 8 et 16 de la Déclaration de 1789, qu'il existe un principe selon lequel, en matière pénale, il appartient au législateur, afin de tenir compte des conséquences attachées à l'écoulement du temps, de fixer des règles relatives à la prescription de l'action publique qui ne soient pas manifestement inadaptées à la nature ou à la gravité des infractions (Cons. const., déc. n° 2019-785 QPC du 24 mai 2019, paragr. 7 ; V. nos observations sous cette déc. in « Chronique de droit pénal et de procédure pénale », Titre VII, octobre 2019, n° 3 ; S. Papillon, « Constitutionnalité de la prescription des infractions continues, une Sage décision », AJ pénal 2019, n° 7-8, p. 398-399 : J.-B. Perrier, « La constitutionnalité des règles relatives à la prescription des infractions continues », D. 2019, n° 31, p. 1815-1819). À partir de ce principe, il avait dans la décision de 2019 pris le soin de vérifier ces deux critères de proportionnalité. D'une part, il relevait que les dispositions contestées - à savoir l'article 7 du Code de procédure pénale - avaient pour seul effet de fixer le point de départ du délai de prescription des infractions continues au jour où l'infraction a pris fin dans ses actes constitutifs et dans ses effets, de sorte qu'en prévoyant que ces infractions ne peuvent commencer à se prescrire tant qu'elles sont en train de se commettre, les dispositions contestées fixent des règles qui ne sont pas manifestement inadaptées à la nature de ces infractions. D'autre part, ces dispositions n'interdisaient pas à une personne poursuivie pour une infraction continue de démontrer que cette infraction a pris fin, le juge pénal appréciant souverainement les éléments qui lui sont soumis afin de déterminer la date à laquelle l'infraction a cessé.

Avec cette nouvelle question, il ne prend pas le soin de décortiquer de la même manière ces deux critères, estimant de manière plus succincte que les dispositions contestées, à savoir l'article 4 de la loi du 27 février 2017 ont pour seul objet d'organiser les conditions d'application dans le temps de la loi du 27 février 2017, et non de fixer des règles relatives à la prescription de l'action publique, si bien qu'elles ne contreviennent pas aux exigences relatives à la prescription de l'action publique qui découlent des articles 8 et 16 de la Déclaration de 1789. En conclusion, si la persévérance a du bon en ce qu'elle a permis à un justiciable d'obtenir une décision du Conseil sur le sujet, l'issue est inchangée par rapport à l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 juin 2017 et les raisons de la déclaration de conformité à la Constitution assez semblables, pour ne pas dire identiques à celles du non-lieu à renvoi antérieur, à savoir qu'une disposition ayant pour seul objectif d'aménager dans le temps les conséquences de la modification des règles relatives à la prescription des crimes et délits est étrangère aux droits et libertés garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen définissant les principes de légalité criminelle et de nécessité des peines.

Décision n° 2021-927 QPC du 14 sept. 2021, Ligue des droits de l'homme [POURSUITES. Transmission de rapports particuliers entre les procureurs de la République et leurs supérieurs hiérarchiques]

Véritable serpent de mer de la procédure pénale, la question de la communication d'informations entre le ministre de la Justice et le parquet ne cesse de susciter la critique (F. Molins et A. Taleb-Karlsson, « Plaidoyer pour une indépendance statutaire des magistrats du parquet », AJ pénal 2021, p. 23 ; D. Boccon-Gibod, « Le statut du parquet, toujours et encore », AJ pénal 2020, p. 321) et d'alimenter le contentieux. Certes, depuis la loi du 25 juillet 2013, les échanges sont mieux encadrés. Dans le sens descendant, le ministre de la Justice ne peut adresser aux magistrats du ministère public que des instructions générales. En aucun cas, il ne peut leur adresser des instructions dans des affaires individuelles (C. pr. pén., art. 30). Dans un sens ascendant, le procureur général près la cour d'appel adresse des rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du ministre de la Justice. Il lui adresse également un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion des parquets de son ressort (C. pr. pén., art. 35). C'est précisément sur cet article 35 du Code de procédure pénale que se focalise l'attention, car si le principe de la remontée d'informations est admis, l'absence de dispositions venant plus précisément l'organiser est régulièrement dénoncée (v. déjà en ce sens, Cass. crim., 12 janv. 2021).

Tel était l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le requérant à l'occasion d'une procédure administrative (v. la saisine du Conseil par CE, 9 juin 2021, déc. n° 450789). Il adressait plusieurs reproches à ces dispositions, notamment une atteinte aux principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs. Il estimait en effet que faute d'encadrer ces transmissions d'informations, l'article 35 permettrait au ministre de la Justice d'intervenir dans le déroulement de procédures et d'exercer une pression sur les magistrats du parquet, à l'égard desquels il détient un pouvoir de nomination et de sanction. Il en résultait ainsi selon lui une méconnaissance des principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs, en raison notamment de l'atteinte ainsi portée au libre exercice de l'action publique par les magistrats du parquet.

Le Conseil écarte pourtant le grief et conclut à la conformité de l'article à la Constitution puisque, selon le motif, les dispositions contestées assurent une conciliation équilibrée entre le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution. On retrouve en réalité dans cette décision une position et une argumentation désormais classiques, à savoir que les missions respectives du ministre -- décliner la politique du Gouvernement en matière pénale - et des parquetiers - exercer l'action publique - sont distinctes, sans risque d'interférence, même si elles doivent être articulées (v. déjà en ce sens Cons. const., déc. n° 2017-680 QPC du 8 déc. 2017, v. notre note in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel 2018, n° 59). S'agissant du ministre de la Justice, il juge que s'il est destinataire de ce rapport, c'est uniquement pour lui permettre de disposer d'une information fiable et complète sur le fonctionnement de la justice, ce qui lui est nécessaire pour la conduite de la politique pénale déterminée par le Gouvernement (paragr. 15). Il ajoute, afin de convaincre davantage, que cette communication se limite à cet objet puisque le troisième alinéa de l'article 30 du Code de procédure pénale lui interdit d'adresser aux magistrats du parquet aucune instruction dans des affaires individuelles. S'agissant du parquet, il reprend les dispositions du Code en rappelant les droits et obligations qu'il détient en matière d'exercice de l'action publique : exigence d'impartialité, liberté de parole à l'audience, obligation de conduire les investigations à charge et à décharge, respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée et opportunité des poursuites.

De la comparaison des décisions de 2017 et 2021, on relèvera deux éléments importants. D'une part, le Conseil se garde cette fois-ci de développer les éléments relatifs aux modalités de nomination et plus largement au statut des parquetiers (pour une autre analyse qui eut été possible dans cette affaire, v. J. Buisson, « QPC : Rapports particuliers du procureur de la République : son indépendance peut-elle être réelle sans garantie statutaire ? », Procédures 2021, comm. 308). D'autre part, et pour répondre à la question qui lui était précisément posée, il ajoute la précision selon laquelle l'interdiction faite au ministre de la Justice d'adresser aux magistrats du parquet des instructions dans des affaires individuelles (C. pr. pén., art. 30, al. 3) s'applique y compris lorsque celui-ci sollicite ou se voit transmettre des rapports particuliers (paragr. 16).

Décisions n° 2021-934 QPC et 2021-935 QPC du 30 sept. 2021, M. Djibril D. et M. Rabah D. [INSTRUCTION. Droit de se taire]

Dans le prolongement des nombreuses décisions déjà rendues au premier semestre de l'année 2021 (v. nos observations dans le précédent numéro sous Cons. const., déc. n° 2020-886 QPC du 4 mars 2021 ; n° 2021-895/901/902/903 QPC du 9 avril 2021 ; n° 2021-920 QPC du 18 juin 2021 et n° 2021-894 QPC du 9 avril 2021) au sujet de l'information de la personne mise en examen du droit qu'elle a de se taire dans le cadre du contentieux des décisions qui peuvent être prises au stade présentenciel afin de s'assurer de la personne ou à titre de mesure de sûreté, « chapelet de décisions égrainées au fil du premier semestre 2021 » selon la formule de M. Brenaut (« Question prioritaire de constitutionnalité - un an de question prioritaire de constitutionnalité en matière pénale », Dr. pénal 2021, Chron. n° 10, n° 9), le Conseil constitutionnel déclare deux articles du Code de procédure pénale non conformes à la Constitution. D'une part, l'article 394 dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui permet au procureur de la République de traduire devant le juge des libertés et de la détention un prévenu en vue de le soumettre à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou à le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel saisi selon la procédure de convocation par procès-verbal, est déclaré contraire à la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas que le prévenu traduit devant le juge des libertés et de la détention doive être informé de son droit de se taire (Cons. const., déc. n° 2021-934 QPC du 30 sept. 2021). D'autre part, l'article 145 qui organise la procédure devant le juge des libertés et de la détention, saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction d'une demande tendant à placer une personne mise en examen en détention provisoire, est aussi déclaré contraire à la Constitution, car ce texte ne prévoit pas que la personne mise en examen soit informée de son droit de se taire (Cons. const., déc. n° 2021-935 QPC du 30 sept. 2021).

Dans les deux décisions, le raisonnement est identique et reflète une solution désormais constante du Conseil. Dès lors que le juge est appelé à s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne mise en examen ait pu participer à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi d'une part et que la personne mise en examen peut être amenée, en réponse aux questions qui lui sont posées, à reconnaître les faits qui lui sont reprochés ou à présenter des observations qui sont susceptibles d'être portées à la connaissance de la juridiction de jugement par la suite, il convient de notifier à la personne le droit qui est le sien de se taire. Faute de le prévoir, les articles méconnaissent les exigences de l'article 9 de la Déclaration de 1789.

On mettra en parallèle ces décisions et cette solution déjà bien établie avec un récent arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, bien que niant toute obligation de porter à la connaissance de la personne son droit de se taire, va, nous semble-t-il, dans le même sens, à savoir établir un lien entre cette obligation et la décision à venir relative à la culpabilité (Cass. crim., 17 nov. 2021, n° 21-80.567, Dr. pén. 2022, comm. 19, note E. Bonis). Dans un arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation intervenait au terme d'un long cheminement procédural au sujet d'un arrêt rendu par une cour d'appel de renvoi qui n'avait eu à examiner que la question de la peine, la décision sur la culpabilité étant définitive. Le condamné, demandeur au pourvoi, faisait reproche à cette cour de ne pas lui avoir notifié son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. Le moyen se prévalait ainsi d'une violation des dispositions des articles 512 et 406 du Code de procédure pénale. L'argument pouvait s'entendre dans la mesure où l'article 512 du Code de procédure pénale prévoit bien, pour le président de la chambre des appels correctionnels, par renvoi à l'article 406 relatif aux obligations qui incombent au président du tribunal correctionnel, la nécessité d'informer le prévenu de ce droit (v. déjà en ce sens, Cass. crim., 16 oct. 2019, pourvoi n° 18-86.614 ; Dr. pénal 2019, comm. 211, obs. Maron et Haas ; Procédures 2019, comm. 331, obs. Chavent-Leclère). La Cour de cassation rejette pourtant le pourvoi en rappelant que le droit de se taire a « pour objet d'empêcher qu'une personne prévenue d'une infraction ne contribue à sa propre incrimination », ce qui ne peut être le cas en l'espèce, la cour n'ayant à se prononcer que sur les peines. Cette décision a ainsi le mérite de rappeler implicitement que ce qui fonde le droit de se taire est le principe de la présomption d'innocence, principe sur lequel le Conseil fonde toutes ses décisions et surtout, un principe qui n'a plus de raison d'être lorsque la personne a été déclarée coupable par une décision devenue définitive.

Décision n° 2021-958 QPC du 17 déc. 2021, M. Théo S. [JUGEMENT. Compétence des juridictions spécialisées en matière d'infractions terroristes. Absence d'atteinte au principe d'égalité devant la justice]

À l'origine de cette décision se trouve la question prioritaire de constitutionnalité posée par un individu qui, à l'occasion de poursuites devant le tribunal correctionnel de Paris du chef d'une qualification relevant du domaine des infractions de terrorisme demandait que son dossier soit transféré à une juridiction de droit commun localement plus proche de son lieu de vie, la qualification terroriste des faits ayant été écartée au cours de la procédure. Il est vrai que l'article 706-19 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 décembre 2020, prévoit que la juridiction parisienne saisie en raison de la nature terroriste des faits le reste, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire sous réserve des dispositions des articles 181 et 469 du Code. En vertu de cet article, la permutation d'une qualification terroriste correctionnelle vers une qualification correctionnelle de droit commun n'emporte donc pas de conséquence du point de vue de la compétence, la juridiction parisienne restant compétente pour connaître des faits dont on rappellera qu'ils ne relèvent en aucun cas de la compétence exclusive d'une juridiction, mais font l'objet d'un partage de compétences entre juridictions de droit commun et juridictions parisiennes. Le requérant reprochait pourtant à ces dispositions de méconnaître à la fois le principe d'égalité devant la justice, car elles créeraient une différence de traitement injustifié entre les personnes mises en cause selon que les faits qui leur sont reprochés ont ou non reçu initialement une qualification terroriste et les droits de la défense, car en raison de la distance qui peut exister entre ces juridictions et le domicile du prévenu ou le lieu de commission de l'infraction, ce texte serait de nature à faire peser des contraintes sur l'organisation de la défense. Le Conseil concentre l'essentiel de son analyse sur la question de la rupture d'égalité dont il écarte la méconnaissance, considérant de manière laconique que le droit à un procès équitable ou les droits de la défense, pas plus qu'aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ne se trouvent ici atteints (paragr. 10).

Pour justifier sa solution, le Conseil, après avoir rappelé la possibilité qu'a le législateur de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, s'attache à vérifier ces deux conditions. D'une part, il souligne que les dispositions de l'article 706-19 ont pour but d'éviter que l'abandon en cours de procédure de la qualification terroriste des faits conduise au dessaisissement de la juridiction initialement saisie et au renvoi de l'affaire vers une autre juridiction. La différence de traitement apparaît ainsi justifiée. L'argument peut sembler sage au nom de la célérité de la justice. D'autre part, le Conseil s'assure de l'existence de garanties semblables au bénéfice des justiciables qui relèvent de la juridiction parisienne compétente en matière de terrorisme ou de la juridiction de droit commun. Il relève que l'article 706-19 se borne à prévoir une règle spéciale de compétence territoriale, car pour le reste, la juridiction parisienne est formée et composée dans les conditions de droit commun et fait application des mêmes règles de procédure et de fond que celles applicables devant les autres juridictions. Autrement formulé, on pourrait dire de ces juridictions spécialisées qu'elles ne sont pas des juridictions d'exception, mais des juridictions semblables dans leur composition et leur fonctionnement aux juridictions de droit commun bénéficiant en plus de compétences et de moyens matériels et humains spécifiques.

Une autre solution aurait pu avoir bien d'autres répercussions. En effet, la question pourrait être posée pour les juridictions interrégionales spécialisées. L'éloignement géographique est sans doute moins marqué entre ces juridictions et les juridictions de droit commun qu'entre les juridictions de droit commun et la juridiction parisienne compétente en matière de terrorisme, mais de façon semblable, elle pourrait être posée en matière économique et financière (C. pr. pén., art. 704-1, al. 3) ou en matière de criminalité et de délinquance organisées (C. pr. pén., art. 706-76, al. 2). Dans ces deux domaines de compétence concurrente, le Code prévoit également que la juridiction initialement saisie demeure compétente, quelles que soient in fine les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l'affaire.

(E. B.)

II - Peines.

Décision n° 2021-925 QPC du 21 juill. 2021, M. Ryan P. [CONFUSION DE PEINES. Atteinte au principe du double degré de juridiction] (JCP G. n° 38, 20 septembre 2021, 953, note V. Peltier)

À l'origine de cette décision se trouve la question prioritaire de constitutionnalité posée par un individu qui, à l'occasion de sa seconde condamnation devant une cour d'assises, demandait une confusion des peines qui avaient été prononcées sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale qui répartit les compétences juridictionnelles en la matière. Ainsi, en matière criminelle, la demande doit être portée devant la chambre de l'instruction (et non devant le juge qui a prononcé la peine, comme en matière correctionnelle, mécanisme impossible ici lorsque la demande est postérieure à la condamnation, la cour d'assises n'étant pas une juridiction permanente). Or, le condamné ayant essuyé un refus de la part de la juridiction du second degré, il n'eut d'autre choix que de former un pourvoi devant la Cour de cassation. Il en profita pour soulever un grief à l'encontre de l'article 710 du Code de procédure pénale, accusé de rompre l'égalité entre les justiciables, certains pouvant faire appel d'un refus de confusion (ceux ayant pu saisir une juridiction du premier degré) et d'autres n'ayant pas cette possibilité, en raison de leur situation (condamné par une cour d'assises ou d'appel). La question posée soulevait donc une potentielle violation du principe d'égalité, de même qu'une atteinte au droit au recours juridictionnel effectif. Le Conseil choisit de ne se lancer que sur le terrain de la rupture d'égalité, pour lui consommée puisqu'il fait sienne la logique du requérant : « dans le cas où les peines dont elle demande la confusion ont toutes été prononcées par des cours d'assises ou des juridictions correctionnelles d'appel, la personne condamnée porte sa demande devant une juridiction dont la décision est insusceptible d'appel. En revanche, dans le cas où au moins l'une des peines dont elle demande la confusion a été prononcée par une juridiction correctionnelle de première instance, la personne condamnée porte sa demande devant une juridiction dont la décision est susceptible d'appel ».

Pour justifier sa solution, le Conseil rappelle que cette distinction est sans lien avec l'objet des dispositions contestées, à savoir de permettre à une personne condamnée de solliciter une confusion de peines une fois les décisions devenues définitives (art. 710 CPP), puisque la répartition de compétences entre les différentes juridictions n'a pas de conséquence juridique ni sur l'octroi - ou pas - de la confusion ni sur la détermination de ses modalités. Ceci le conduit logiquement à abroger la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 710 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. En réalité, l'objet de la loi n'est pas forcément celui que l'on croit. Il est vrai que la procédure de confusion permet au juge pénal - soit le dernier appelé à statuer si la décision de confondre est concomitante à celle sur la peine, soit l'un de ceux ayant prononcé une peine sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale - d'individualiser au mieux la sanction infligée au condamné : de fait, en cas de pluralité de poursuites pour des infractions en concours réel (hypothèse dans laquelle une confusion de peines peut intervenir), chaque juridiction se prononce séparément sans tenir compte de ce qui a été jugé par les autres, ce qui nuit à une personnalisation optimale des peines prononcées contre le condamné. Permettre une confusion de peine a posteriori constitue donc le moyen de rétablir une forme d'harmonie, de rectitude dans le traitement pénal du condamné. Toutefois, en réalité, c'est plutôt la volonté d'aligner le régime juridique de la confusion sur celui des incidents d'exécution qui explique le libellé de l'article 710 et les solutions qu'il induit. En effet, les demandes de confusion étaient, avant la rédaction de l'article, traitées comme de tels incidents de sorte que le législateur a souhaité les différencier. Toutefois, sa maladresse était manifeste, car, si en matière de requêtes en incident d'exécution ou en rectification matérielle, le double degré de juridiction n'a en définitive pas une importance capitale puisque la décision prise ne remet pas en cause l'autorité de la chose jugée, il n'en va pas de même pour les requêtes en confusion puisque la décision prise peut avoir, en cas d'acceptation, des répercussions manifestes sur le sort pénal du condamné (qui exécutera une privation de liberté moins longue, ce qui n'est pas négligeable et rend indispensable un double degré de juridiction). C'est la raison pour laquelle il est possible de dire, avec une dose assumée de cynisme, que, finalement, la distinction aurait pu être considérée comme étant en rapport avec l'objet de la loi ...

En outre, peut-on considérer, avec le Conseil constitutionnel, que cette distinction ne se fonde pas sur la nature criminelle ou correctionnelle ? Là encore, la discussion est permise et sans avoir cette fois-ci, à faire preuve de la même audace. En effet, la compétence des juridictions est fonction de la nature des peines prononcées. Ainsi, en matière correctionnelle, sera saisi le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels tandis qu'en matière criminelle, la cour d'assises ne siégeant que périodiquement, le législateur a désigné la chambre de l'instruction pour statuer sur les requêtes. C'est donc bien la nature de la peine qui guide le plaideur vers le juge compétent et, plus précisément, de la peine encourue puisqu'une cour d'assises peut tout à fait prononcer une peine d'emprisonnement - la durée minimale de la réclusion criminelle étant de 10 ans (C. pén., art. 131-1, der. al.) - sans que cela modifie la juridiction compétente. C'était d'ailleurs le cas en l'espèce puisque l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité avait été condamné par deux fois en matière criminelle à des peines d'emprisonnement.

Décision n° 2021-937 QPC du 7 oct. 2021, Société Deliveroo et décision n° 2021-953 QPC du 3 déc. 2021, Société Specitubes [CUMUL DE SANCTIONS. Identité de nature des sanctions]

Depuis sa décision du 18 mars 2015 (Cons. const., déc. n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015 ; JCP G. 2015, 368, obs. F. Sudre et 369, obs. J.-H. Robert ; Dr. pén. 2015, comm. 79, obs. V. Peltier ; Rev. Pénit. 2015, p. 419 et s., note V. Peltier), le Conseil constitutionnel a eu à connaître d'un contentieux fourni, les justiciables n'hésitant guère à soulever des questions prioritaires de constitutionnalité dès qu'ils se trouvent confrontés à une pluralité de poursuites susceptibles de donner lieu à un cumul de sanctions. Les décisions des 7 octobre et 3 décembre 2021 en sont des illustrations.

Dans la première décision (Cons. const., déc. n° 2021-937 QPC du 7 oct. 2021), le Conseil était saisi par la société Deliveroo (le Conseil n'ayant pas encore cédé à la mode de l'anonymisation des décisions) de la conformité au principe de nécessité et de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au principe non bis in idem qui en découle des articles L. 8224-5 du Code du travail (dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-790  du 10 juillet 2014) et L. 243-7-7 du Code de la sécurité sociale (tel que modifié par la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014), en ce qu'ils permettaient une double condamnation pour les mêmes faits de travail dissimulé. Dans la seconde (Cons. const., déc. n° 2021-953 QPC du 3 déc. 2021), la société Spécitube formulait le même grief au sujet de l'article L. 171-8 du Code de l'environnement et du paragraphe II de l'article L. 173-1 du même Code dans leur rédaction résultant de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019. Après avoir, comme à son habitude, rappelé les règles applicables du fait des dispositions attaquées, le Conseil rappelle, comme une antienne, les principes qui guident sa réflexion. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a vocation à s'appliquer aux peines comme aux sanctions ayant le caractère d'une punition, de sorte qu'il a vocation à régir les cumuls de sanctions lors de procédures à la fois pénales et non pénales (administrative, disciplinaire, etc.). En outre, le Conseil rappelle qu'une même personne ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits, qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux. En revanche, en cas de cumul de poursuites conduisant à ce que les sanctions encourues soient prononcées, le principe de proportionnalité impose que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

Dans ces deux affaires, le Conseil ne va examiner que les sanctions encourues pour en déterminer la nature : en cas d'identité, le cumul est impossible (il faut donc tenir pour acquis que les faits comme les valeurs protégées sont les mêmes...). Dans la décision du 7 octobre, il appert que le Code du travail prévoit que la personne morale coupable de travail dissimulé encourt une amende ainsi que la dissolution, une interdiction d'exercice de l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture de certains de ses établissements, l'exclusion des marchés publics, la confiscation et l'interdiction de percevoir toute aide publique, sans préjudice de la peine d'affichage ou de diffusion de la décision prononcée. Le Code de la sécurité sociale, quant à lui, est moins prolixe (mais peut-être plus pragmatique), ne prévoyant que des pénalités financières : un redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement majoré de 25 % en cas de constat de l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, taux porté à 40 % si l'infraction a été commise envers des personnes mineures ou vulnérables ou en bande organisée. C'est précisément cet unique type de sanction qui détermine le Conseil constitutionnel à trancher en faveur de l'absence d'identité de nature des sanctions encourues : « à la différence de l'article L. 243-7-7 du code de la sécurité sociale qui prévoit uniquement une majoration du montant du redressement des cotisations et contributions sociales, l'article L. 8224-5 du Code du travail prévoit, outre une peine d'amende, une peine de dissolution et les autres peines précédemment mentionnées » (Cons. const., déc. préc. du 7 oct. 2021, paragr. 9 et 10). Les sanctions peuvent donc se cumuler. Dans sa décision du 3 décembre, deux dispositions du Code de l'environnement entraient en concurrence : l'une, l'article L. 171-8, institue une amende de 15 000 euros en cas de méconnaissance, par l'exploitant d'une installation ou d'un ouvrage classé, d'une mise en demeure de l'autorité administrative de se conformer aux prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement, alors que l'autre (l'article L. 171-3) prévoit, en cas d'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement en violation de cette mise en demeure, deux ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende pour les personnes physiques et 500 000 euros d'amende, la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire, la fermeture temporaire ou définitive ou l'exclusion des marchés publics à titre temporaire ou définitif pour la personne morale. Là encore, le fait que l'un des textes ne fulmine qu'une sanction pécuniaire (alors que l'autre institue un panel plus varié) suffit pour que le Conseil rejette l'identité de nature des sanctions, de sorte que sa décision conclut, là encore, à la conformité des textes à la Constitution.

Il semblerait, par conséquent, que le Conseil constitutionnel ait heureusement abandonné sa position aux termes de laquelle il déterminait si les sanctions étaient ou non de nature identique en évaluant « au doigt mouillé » la gravité respective des « blocs » de sanctions encourues, ce qui entraînait des résultats parfois contradictoires en fonction de l'évolution des quanta au gré des réformes législatives. On se rappelle, par exemple, la disparité de conclusions à pourtant seulement 10 mois d'intervalle : dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil avait conclu à l'identité de nature des sanctions prévues par les articles L. 621-15 du Code monétaire et financier relatif au manquement d'initié et L. 465-1 du Code monétaire et financier incriminant le délit d'initié, alors que le 14 janvier 2016, il avait adopté une solution inverse, car le montant de la sanction administrative avait été sensiblement réduit, ce qui déséquilibrait la balance des peines en concours, le juge pénal pouvant infliger (entre autres) à une personne morale une amende 5 fois plus élevée que l'AMF (Cons. const., déc. préc. du 18 mars 2015 et déc. n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janv. 2016 : Dr. pénal 2016, comm. 152, obs. V. Peltier). Ce mode de raisonnement conduisait ainsi à transformer la nature de mêmes sanctions au gré de la variation de leur quantum, ce qui défiait toute logique. Un mouvement inverse avait semblé être ébauché par une décision du 17 mai 2019, relative aux comptes de campagne de l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Le Conseil y relève que la sanction prononcée par la Commission des comptes de campagne est « une pénalité financière, strictement égale au montant du dépassement constaté » dont la nature est « donc » différente de la peine d'emprisonnement encourue par le candidat (Cons. const., déc. n° 2019-783 QPC du 17 mai 2019). La solution n'était pas non plus extrêmement claire en raison de l'absence d'explication (de motivation ?) du Conseil constitutionnel.

Les décisions d'octobre et décembre 2021 paraissent donc accréditer la thèse d'une modification de son mode d'appréciation, le Conseil prenant appui sur la nature des sanctions en concours (une peine pécuniaire, une privation de liberté, une mise sous surveillance, une interdiction, etc.). Pour autant, si le raisonnement revient vers plus d'orthodoxie juridique, il n'en demeure pas moins qu'il porte en son sein le germe d'une nouvelle critique : dans la mesure où, en matière pénale, les peines encourues pour une même infraction sont souvent de natures différentes, le Conseil, s'il les compare avec d'autres sanctions extrapénales, sera conduit à conclure à la disparité de nature. La portée de cette jurisprudence serait alors non négligeable puisque ce nouveau mode d'appréciation vient remettre en cause, de facto, la prohibition des cumuls de sanctions.

Une décision du 28 janvier 2022 (Cons. const., déc. n° 2021-965 QPC du 28 janv. 2022) semble toutefois démentir cette conclusion, ce qui ne contribue pas à clarifier la position constitutionnelle. À suivre, donc...

Décision n° 2021-936 QPC du 7 oct. 2021, M. Aziz J. [MESURES DE SÛRETÉ. Inscription au fichier des auteurs d'infractions terroristes]

Cette décision est l'occasion pour le Conseil constitutionnel de faire entendre sa voix à propos du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes - n'ayant jamais été saisi à son sujet, pas même dans le cadre de la décision a priori qui avait examiné la conformité de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui l'avait institué (L. 24 juill. 2015, art. 19 ; Cons. const., déc. n° 2015-713 DC du 23 juill. 2015). Le requérant à l'origine de la question avait été condamné pour financement d'entreprise terroriste et inscrit au fichier. Il posait la question de la conformité de l'article 706-25-7 du Code de procédure pénale qui, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er juin 2017 issue de l'article 79 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 et de l'article 15 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017, impose à la personne fichée de déclarer, pendant 10 ans, tout déplacement à l'étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement, le non-respect de cette obligation étant passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Plus précisément, il lui faisait grief de ne pas pouvoir être aménagée pour tenir compte de la personnalité et de la situation du condamné, ce qui pouvait occasionner une entrave à la liberté d'aller et venir comme à celle de travailler, de façon plus particulièrement sensible pour les travailleurs frontaliers.

Pour conclure à la conformité à la Constitution - et en particulier à l'exercice de la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 - du 3 ° de l'article 706-25-7 (faisant obligation au fiché de déclarer tout déplacement à l'étranger quinze jours au plus tard avant ledit déplacement), le Conseil procède en deux temps. Tout d'abord, il définit la nature de la mesure d'inscription au fichier, qui n'est ni une peine ni une sanction ayant le caractère d'une punition dans la mesure où elle repose non sur la culpabilité de l'intéressé, mais sur sa dangerosité. En d'autres termes, le Conseil la range parmi les mesures de sûreté (qu'il dénomme « de police » : Cons. const., déc. n° 2004-492 DC du 2 mars 2004) qui, en tant que telles, échappent à l'application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (voir Cons. const., déc. n° 2005-527 DC du 8 déc. 2005, à propos de la surveillance judiciaire et du placement sous surveillance électronique mobile ; Cons. const., déc. n° 2008-562 DC du 21 févr. 2008, à propos de la rétention et de la surveillance de sûreté). Pour autant, ensuite, les obligations qui découlent de l'inscription requièrent d'être adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de lutte contre le terrorisme, participant de l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public, qui doit tout de même se concilier avec la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle.

Pour le vérifier, le Conseil passe en revue le régime juridique de la mesure : inscription dans des hypothèses précisées par la loi, par un magistrat, en fonction du risque de récidive présenté par le condamné, impossibilité de limiter ou d'empêcher les déplacements déclarés, possibilité d'en obtenir la mainlevée et, en cas de refus, saisine du juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction. Il en tire la conclusion qu' « il résulte de tout ce qui précède que l'atteinte à l'exercice de la liberté d'aller et de venir doit être regardée comme nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur ». C'est donc au lecteur d'en tirer les enseignements, ce qui le renvoie à plusieurs observations. Tout d'abord, on comprend mal, contrairement à ce que regrette le requérant, comment une mesure de sûreté, qui repose sur le risque de récidive redouté du fiché et non pas sur la rétribution d'un acte, pourrait, à l'image de la peine, être aménagée pour tenir compte de la situation de la personne (évolution vers sa resocialisation) : la mesure doit être appliquée en son entier ; si elle ne présente plus d'utilité, il faut en solliciter la mainlevée, ce que rappelle le Conseil constitutionnel. Ensuite, le raisonnement reprend, peu ou prou, celui de la décision du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité instituant le fichier national des auteurs d'infractions sexuelles (Cons. const., déc. préc. du 2 mars 2004), même si les éléments mis en exergue ne sont pas identiques. On retrouve néanmoins la référence au recours au juge (attribution à l'autorité judiciaire du pouvoir d'inscription et de retrait des données nominatives), à la possibilité d'un oubli (effacement) ou à la nécessité d'endiguer la récidive potentielle. Enfin, cette décision s'inscrit dans le droit fil de la position de la Cour européenne des droits de l'homme qui, à propos déjà de l'inscription au FIJAIS, avait indiqué qu'elle « tradui(sai)t un juste équilibre entre les intérêts privés et publics concurrents en jeu » et ne portait pas atteinte à l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH, 17 déc. 2009, Gardel c/ France, n° 16428/05 ; BB c/ France, n° 5335/06 ; MB c/ France, n° 22115/06). Cette décision vient compléter le tableau constitutionnel déjà ébauché par les décisions rendues en matière de consultations de sites terroristes (Cons. const., déc. n° 2016-611 QPC du 10 févr. 2017 et n° 2017-682 QPC du 15 déc. 2017) ou de surveillance des auteurs d'infractions terroristes (Cons. const., déc. n° 2020-805 DC du 7 août 2020 : Dr. pén. 2020, comm. 182, obs. V. Peltier ; M. Brenaut, Dr. pén. 2020, étude 30 ; Cons. const., déc. n° 2021-822 DC du 30 juill. 2021 : Dr. pénal 2021, comm. 174, obs. V. Peltier).

Décision n° 2021-932 QPC du 23 sept. 2021, Société SIMS Holding agency corp et autres et décision n° 2021-949/950 QPC du 24 nov. 2021, Mme Samia T. et autre

En seulement deux décisions, le Conseil constitutionnel a mis à bas quasiment tout l'article 132-21 du Code pénal qui régit la peine de confiscation. Dans les deux cas, l'argument qui fonde l'abrogation est le même : les dispositions contestées ne permettent pas le respect des droits de la défense, qu'il s'agisse du propriétaire de bonne foi d'un bien soumis à confiscation ou de l'époux de bonne foi en cas de saisie d'un bien commun.

Dans la décision du 23 septembre 2021, étaient en cause tout à la fois les 3e et 9e alinéas de l'article 132-21 du Code pénal - selon lesquels la confiscation peut, d'une part, porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception de ceux susceptibles de restitution à la victime, et, d'autre part, être ordonnée en valeur et exécutée sur tous les biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition - et les 4 ° de l'article 313-7 et 8 ° de l'article 324-7 - prévoyant que les personnes physiques coupables d'une infraction relevant de l'escroquerie ou du blanchiment peuvent être condamnées à la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution. Or, pour le Conseil, lorsque la confiscation porte sur des biens dont le condamné n'a que la libre disposition, aucune disposition n'assure « que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure soit mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi ». Dans la décision du 24 novembre 2021, le Conseil relève que l'article 131-21 du Code pénal, dans ses alinéas 2, 4, 5, 6, 8 et 9, régit la confiscation de biens appartenant au condamné propriétaire. Or, il arrive que celui-ci soit marié sous le régime de la communauté légale et que son conjoint soit de bonne foi. Dans cette hypothèse, la Cour de cassation considère que, d'une part, la confiscation fait naître un droit à récompense pour la communauté lors de la dissolution de celle-ci, déduction faite du profit retiré par elle, en application de l'article 1417 du Code civil et, d'autre part, il incombe aux juges du fond d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte au droit de propriété de l'époux de bonne foi résultant de la confiscation (Cass. crim., 15 sept. 2021, n° 21-90.029). Pour autant, dans l'arrêt par lequel elle renvoie la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, elle considère que celle-ci présentait un caractère sérieux dans la mesure où le texte « ne prévoit pas que l'époux de bonne foi doit être cité à comparaître devant la juridiction de jugement avec l'indication de la possibilité pour le tribunal d'ordonner la confiscation d'un bien appartenant à la communauté conjugale, non plus que le droit pour l'intéressé de présenter ou faire présenter par un avocat ses observations à l'audience avec la faculté pour lui d'interjeter appel de la décision de confiscation prononcée ». C'est précisément l'argument que retient le Conseil pour abroger l'ensemble des dispositions litigieuses. En résumé, dans les deux décisions, le Conseil déplore que ni les dispositions contestées ni aucune disposition ne prévoient que le propriétaire dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure ou encore l'époux non condamné, soient mis en mesure de présenter ses observations sur la peine de confiscation devant la juridiction de jugement qui envisage de la prononcer. Le Conseil choisit donc d'abroger, par ces deux décisions, la quasi-totalité de l'article 132-21 du Code pénal qui méconnaît l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fondant le respect des droits de la défense et l'absence de recours juridictionnel effectif.

Le Conseil constitutionnel avait donc invité le législateur à revoir sa copie avant le 31 mars 2022, pour ce qui était des droits du propriétaire de bonne foi, et avant le 31 décembre de cette même année pour ceux de l'époux commun en bien. Mais il n'aura en définitive pas fallu attendre longtemps puisque la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a déjà apporté les modifications souhaitées. Ainsi, selon le nouvel alinéa 3 de l'article 132-21, la confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, sous réserve du dernier alinéa du texte qui a été ajouté par la loi ; de même, le 9e alinéa est réécrit : la confiscation peut être ordonnée en valeur et être exécutée sur tous biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi et du même dernier alinéa, dont il a la libre disposition. Ce dernier alinéa tire donc les conséquences de la double abrogation puisqu'il dispose que « lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d'un droit de propriété, elle ne peut être prononcée si ce tiers dont le titre est connu ou qui a réclamé cette qualité au cours de la procédure n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction de jugement aux fins, notamment, de faire valoir le droit qu'il revendique et sa bonne foi ». En d'autres termes, la confiscation n'est pas impossible, mais il ne peut y être procédé qu'une fois que l'époux ou le tiers de bonne foi aura eu la possibilité d'être entendu, notamment pour faire valoir ses droits.

(V. P.)

Citer cet article

Evelyne BONIS ; Virginie PELTIER. « Chronique de droit pénal et de procédure pénale (juillet à décembre 2021) », Titre VII [en ligne], n° 8, Les catégories de normes constitutionnelles, avril 2022. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-penal-et-de-procedure-penale-juillet-a-decembre-2021