Titre VII
N° 9 - octobre 2022
Chronique de droit constitutionnel comparé (janvier - juin 2022)
Commentaire de la décision 2 BvE 4/20 du 15 juin 2022 (Cour constitutionnelle fédérale allemande)
L'importance pour la jurisprudence d'une décision est souvent sans rapport avec l'émoi provoqué dans le débat public par l'affaire elle-même. C'est le cas de la décision 2 BvE 4/20 rendue le 15 juin 2022 par la Cour constitutionnelle fédérale [CCF] : l'incident politique avait fait grand bruit, la décision, elle, parce qu'elle reprend l'état du droit antérieur et l'applique, sans surprise(1), au chancelier, n'a pas suscité de débats juridiques trop vigoureux(2). C'est pourtant précisément cette application en apparence banale d'une jurisprudence contestée, et d'autant plus contestable au vu des faits de l'espèce, qui invite à s'arrêter sur cette décision.
L'élection de T. Kemmerich comme Ministre-président de Thuringe avait provoqué une réprobation nationale. En l'absence de coalition majoritaire, il avait en effet été élu, contre l'alliance de gauche, plus forte des coalitions en présence, chef d'un gouvernement minoritaire (formé des libéraux et chrétiens-démocrates) grâce aux voix de l'AfD (extrême-droite). La chancelière Merkel elle-même, alors en voyage officiel, aborda la question : lors d'une conférence de presse commune avec le Président sud-africain, elle annonça, au moment de prendre la parole, vouloir faire d'abord « pour des raisons de politique intérieure une remarque préliminaire » et rappela que la CDU thuringeoise avait rompu avec une « conviction fondamentale », le refus de former une majorité grâce à l'AfD. L'élection de T. Kemmerich marquait de ce fait « un mauvais jour pour la démocratie », et un nouveau vote devait (moralement), selon elle, avoir lieu au parlement régional. Cette remarque préliminaire faisait partie de la vidéo et du compte-rendu écrit de la conférence de presse publiés sur le site internet de la Chancellerie.
L'AfD demanda à la Cour constitutionnelle fédérale de constater que cette remarque, tout comme sa diffusion, portait atteinte à l'égalité des chances entre les partis. La décision commentée lui donne raison : si une personnalité politique, d'ordinaire, peut s'exprimer comme il lui plaît sur les partis adverses, cette liberté cesse lorsqu'elle engage avec elle le Gouvernement. Sa parole, en effet, nimbée de l'autorité et des moyens étatiques, peut être d'un poids tel qu'elle désavantage le parti visé dans la lutte pour la conquête du pouvoir, portant ainsi atteinte au principe démocratique, et en particulier à l'art. 21, al. 1 d'où découle le droit des partis à une égalité des chances dans la compétition politique.
Cette solution ne doit pas surprendre au regard des décisions rendues dans des affaires semblables ces dernières années. Celles-ci ont en effet paru mettre à la charge du Gouvernement un devoir de neutralité fondé sur le principe d'égale compétition entre les partis dégagé en 1977 dans la décision relative à la communication du Gouvernement(3) : le NDP (extrême-droite) et l'AfD ont ainsi pu faire constater par la CCF que des prises de positions publiques de ministres portaient atteinte à ce principe(4). En appliquant ce cadre à la Chancelière, à qui l'on pourrait croire qu'il revient par excellence d'assumer un positionnement politique, et pour des paroles qui, au regard de ce qu'on peut entendre par exemple en France, demeurent tout à fait mesurées (il n'y est pas explicitement question de considérer un parti comme hors de l'« arc républicain »), la Cour ne fait d'après nous qu'exposer plus crûment encore les faiblesses de sa jurisprudence. Son raisonnement nous paraît en effet reposer, profondément, sur une conception de la démocratie en réalité hostile aux partis, alors même que le propos de cette jurisprudence est, en apparence, de les protéger. C'est ainsi qu'un raisonnement s'inscrivant dans les marges de la « démocratie militante » mise en place par la Loi fondamentale (1) paraît en réalité rechercher une démocratie apolitique (2) - laquelle ne saurait être mieux défendue que par le juge constitutionnel, par-delà les luttes partisanes (3).
1. Les marges de la démocratie militante
Les constituants allemands en 1949 ont entendu bâtir une démocratie capable de se défendre, alors que la Constitution de Weimar n'aurait pas pu empêcher qu'on ne retourne les instruments démocratiques contre la démocratie elle-même. Si l'échec de Weimar ne découle sans doute pas aussi directement d'un problème institutionnel, la « démocratie militante » (streitbare ou en encore wehrhafte Demokratie) est devenue le paradigme démocratique commun en RFA. Elle se traduit notamment dans la Loi fondamentale par un certain nombre de dispositions censées protéger la démocratie contre un usage de ses procédures et institutions qui chercherait à la détruire (le plus fameux sans doute étant la procédure d'interdiction d'un parti contraire à la Constitution prévue à l'art. 21, al. 2 LF)(5).
La décision du 15 juin 2022 ne s'inscrit pas à première vue dans ce cadre : il n'est pas question ici de protéger l'ordre constitutionnel contre une menace interne directe. Il nous paraît pourtant qu'elle gagne à être envisagée dans ce paradigme, à ses marges certes plutôt qu'en son cœur. C'est en effet en voyant dans cette décision une manifestation de la préoccupation de protéger le fonctionnement démocratique (a) qu'on peut comprendre les limites particulièrement sévères mises à la liberté de communication de la Chancelière (b).
a. La protection du principe démocratique en dehors des cas d'hostilité à la constitution
Lorsqu'un parti, par ses buts ou son comportement, menace l'ordre démocratique et libéral, il peut être déclaré contraire à la Constitution puis interdit en vertu de l'art. 21, al. 2 LF et du § 32 de la Loi sur les partis politiques du 24 juillet 1967. Il n'est aucun texte, en revanche, qui protègerait cet ordre démocratique contre son détournement par ceux qui occupent le pouvoir. Hors l'équilibre entre les pouvoirs et les moyens d'action réciproques, censés suffisants, il n'est pas d'outil légal pour empêcher que le parti au pouvoir ne ferme la porte derrière lui(6). Il revient alors à la CCF de vérifier que le Gouvernement n'abuse pas de sa position pour truquer la compétition à son profit en distinguant ce qui relève de l'information du public de la pure propagande(7).
Ce constat peut expliquer la réponse apportée par la CCF à la requête de l'AfD, réponse qui peut paraître étonnante lorsque l'on compare la rigueur des critères de contrôle aux effets pratiques de la décision. Des trois demandes de la requérante, en effet, l'une a été rejetée (remboursement des frais exposés), la deuxième était devenue sans objet (retrait des contenus visés des sites internet de la Chancellerie et du Gouvernement, effectué par l'administration dès le début de la procédure) et la troisième (la principale), accueillie, demeure sans conséquence concrète : la Cour voit dans la prise de position d'A. Merkel une atteinte au droit de l'AfD à une compétition égale entre les partis, mais ne peut rien enjoindre au-delà de cette qualification(8).
Cela apparaît notamment lorsque la Cour examine la recevabilité de la requête au regard du besoin de protection juridictionnelle : ce qui justifie cette recevabilité alors que le débat est clos depuis longtemps (T. Kemmerich avait démissionné peu de temps après), c'est le risque « que des membres du Gouvernement fédéral s'expriment à nouveau, dans l'avenir, de semblable manière » ; celui-ci permet d'établir l'intérêt qu'a la requérante à faire reconnaître que ces déclarations portent atteinte à l'égale compétition entre les partis(9). Par une jurisprudence constante, en effet, la CCF regarde les litiges inter-organes (prévus par les art. 93, al. 1 LF et § 13, al. 5, § 63-67 de la loi sur la Cour constitutionnelle fédérale (BVerfGG) du 12 mars 1951) comme un contentieux que, par comparaison avec le recours pour excès de pouvoir français, nous pourrions qualifier d'objectif : il s'agit avant tout d'établir l'interprétation authentique de la Loi fondamentale à l'occasion d'un litige entre deux organes fédéraux. Que la décision, notamment parce qu'elle est rendue plusieurs années après les faits, n'ait plus aucune incidence pratique pour l'espèce, est sans importance, et ne conduit pas à un non-lieu à statuer(10). Il nous semble que ce caractère peut conduire à un raisonnement plus abstrait, puisque le juge est délivré des conséquences concrètes de sa décision - voire qu'il est conduit à se montrer plus rigoureux du fait précisément de l'absence de ces conséquences concrètes.
Refusant encore une fois d'entrer de plain-pied dans un débat doctrinal à ce propos, la Cour laisse ouverte, comme à chaque occasion depuis 2008, la question de savoir s'il doit exister tout de même un intérêt persistant à trancher le cas(11). Il est remarquable que ce soit à nouveau par le recours à une argumentation fondée sur un « en tout état de cause » : même si l'on admettait l'existence de ce critère, il y serait satisfait dans l'espèce. On peut cependant se demander où réside réellement l'intérêt du parti requérant : pour la Cour, puisqu'il est impossible d'exclure, à l'avenir, que des membres du Gouvernement fassent de semblables déclarations(12), la requérante aurait donc intérêt à ce que soit tranchée la question de l'atteinte qu'elles constituent ou non à l'égale compétition entre les partis.
Pourtant, même si l'inconstitutionnalité de telles prises de position était établie, on voit mal ce qui pourrait les empêcher. L'AfD ne pourrait que crier à l'atteinte à la Loi fondamentale sans que cela ait en soi d'autres conséquences - à moins que la réitération d'un acte reconnu contraire à la constitution ne sape suffisamment l'autorité d'un gouvernement pour qu'il soit renversé par le Parlement. Outre la très faible probabilité de la chose dans un régime parlementaire, où le Gouvernement est précisément l'émanation de la majorité parlementaire, il est remarquable que la sanction ne serait pas juridictionnelle, mais dépendrait de rapports de force politiques. La position de la CCF ne serait qu'un argument parmi d'autres dans le discours justifiant le vote d'une motion de censure.
Dans le cadre du litige d'organes, la Cour constitutionnelle allemande est donc relativement impuissante : elle peut bien dire le droit, mais pas directement contraindre à ce qu'il soit respecté(13). Elle peut donc seulement guider les organes politiques pour que ceux-ci protègent l'ordre constitutionnel. C'est là qu'on voit toute la difficulté de la situation pour le juge : parce qu'on se situe ici à la marge de la démocratie militante, aucun outil juridictionnel n'existe pour prononcer de sanction.
Remarquons enfin que le cadre développé par la CCF pour examiner les prises de position d'un membre de l'exécutif envers un parti concurrent est présenté comme essentiellement différent des cas où l'objet du propos est un parti contraire à la Constitution. Le paradigme même de la démocratie militante impose au juge de marcher sur une ligne de crête : il doit à la fois protéger les partis d'opposition du parti au pouvoir, mais également protéger le fonctionnement démocratique contre les partis qui voudraient en abuser pour ensuite l'abattre. La défense de l'ordre libéral et démocratique est en effet un devoir constitutionnel pour le Gouvernement, et c'est ce qui lui permet de s'opposer à des partis hostiles à la Constitution, ceux-ci pouvant à leur tour se défendre dans le débat public ; seule lui est interdite la diffamation(14).
À la lecture de ce considérant de principe, on pourrait penser que la déclaration de la Chancelière s'inscrit précisément dans ce cadre : c'est précisément la démocratie, selon elle, qui est endommagée par de tels événements. La CCF refuse pourtant de regarder ainsi les faits de l'espèce. Manque en effet, selon elle, une qualification explicite de l'AfD comme parti hostile à la Constitution(15). Ce raisonnement pourrait paraître pour le moins artificiel, ou inutilement formaliste : quelle que soit la réalité de la menace que représente un parti pour la démocratie, il faudrait, et suffirait, que le locuteur fasse référence à cette qualification pour ne plus être soumis à l'obligation de neutralité.
Sans doute faut-il y voir la conséquence de la juridictionnalisation de la démocratie militante : précisément parce qu'il existe une qualification constitutionnelle et légale (le caractère contraire à la Constitution (verfassungswidrig) mentionné aux art. 21, al. 2 LF et 32 de la loi sur les partis politiques), toute prise de position qui veut se placer sous le parapluie de la défense de la Constitution pour échapper au principe de neutralité devrait respecter une forme de quasi-procédure. Il paraîtrait tout à fait compréhensible ainsi que le parti reconnu contraire à la Constitution ne bénéficie pas de la protection accordée à ceux qui entrent loyalement dans la compétition politique.
La Cour cependant ne se place pas exactement dans cette perspective. Non seulement elle ne réduit pas le cas où les membres du Gouvernement peuvent s'affranchir du principe de neutralité aux partis reconnus contraires à la Constitution (au sens de l'art. 21, al. 2 LF, donc après un constat établi par la CCF elle-même), mais elle utilise même un autre paradigme, celui de l'hostilité à la Constitution. Le parti auquel on peut s'en prendre ne doit pas nécessairement être contraire à la Constitution, (verfassungswidrig), il doit lui être ennemi (verfassungsfeindlich). Il faut ici prendre les mots au sérieux, car ce dernier terme ne constitue pas, en tout cas dans la Loi fondamentale ou la loi sur les partis politiques, une catégorie juridique.
La CCF semble pourtant l'utiliser comme tel en en faisant un critère modulant la liberté de parole des membres du Gouvernement, alors même qu'aucun interprète incontestable ne peut décider de cette qualification (contrairement à la qualification de parti contraire à la Constitution). Il paraît y avoir là une forme de contradiction : la possibilité pour le Gouvernement de s'en prendre à un parti, en méconnaissance du principe de neutralité, dépend d'une qualification faite par lui-même, sans autre contrôle que celui d'une erreur manifeste.
On pourrait alors voir dans l'exigence d'une mention explicite du caractère hostile à la Constitution du parti visé une forme de compensation : si le Gouvernement est libre des critères, au moins qu'il se place lui-même clairement sur ce champ. Un tel formalisme paraît pourtant malvenu lorsque les propos sont si clairs qu'ils reposent à l'évidence sur le présupposé que le parti en question est dangereux pour la mécanique institutionnelle et l'ordre constitutionnel.
Ce dernier exemple invite, croyons-nous, à souligner le caractère particulièrement formaliste, et abstrait, du contrôle exercé. Précisément, peut-être, parce que les pouvoirs du juge, dans le litige d'organes en général et dans ce genre d'espèces tout particulièrement, sont purement déclaratoires, la Cour se fonde sur des critères qui ne permettent pas la modération, et les applique d'une manière bien indifférente aux faits de l'espèce.
b. Travail d'abstraction et rigueur du contrôle
C'est en effet aussi bien dans la formulation des considérants de principe (les Maßstäbe, soit la partie de la décision, généralement reprise d'une jurisprudence antérieure, ou au moins appuyée sur elle, qui précise les règles constitutionnelles et précède l'examen de l'espèce) que dans leur application au cas d'espèce que l'on peut observer un raisonnement abstrait et, peut-être pour cette raison, particulièrement sévère.
Le cadre constitutionnel d'abord ne permet pas de modulation en fonction des circonstances. Cela se lit aussi bien dans la compréhension du principe d'égalité mise ici en œuvre que dans l'étendue temporelle de l'obligation de neutralité imposée au Gouvernement. L'art. 20 LF, qui affirme le caractère démocratique de la République allemande et le principe selon lequel toute l'autorité de l'État s'exerce au nom du peuple, implique que l'expression de la volonté populaire soit libre. Ceci à son tour présuppose la possibilité pour les électeurs « de se forger une opinion dans un processus libre et ouvert »(16). Cette tâche d'information revient notamment aux partis politiques, qui doivent donc « tant qu'il est possible prendre part avec les mêmes droits à la compétition politique »(17). Or puisque l'ordre démocratique érigé par la Loi fondamentale repose sur l'égale participation à la vie politique de chaque individu, le principe d'égalité, appliqué à la formation de la conscience politique, doit être lui aussi compris de manière formelle(18) : pour utiliser des termes plus familiers au juriste français, aucune différence de traitement ne peut être admise puisqu'il ne peut pas, par principe, y avoir de différence de situation. De ce fait, toute question relative à la participation des partis à la formation de la conscience politique doit être tranchée en comprenant le principe d'égalité de manière formelle(19).
La Cour dans la décision commentée reprend ce cadre établi de longue date et étendu sans plus de questionnements à la parole gouvernementale en 2014(20) (dans un contexte semblable : M. Schwesig, ministre de la Famille, avait déclaré qu'elle s'engagerait dans la campagne électorale pour empêcher le NPD d'entrer au Parlement de Thuringe). Ce faisant, elle empêche toute prise en compte concrète de la situation (notamment du danger que pourrait en effet représenter l'AfD pour l'ordre démocratique) en ne permettant d'ignorer cette égalité formelle que pour des raisons « fondées sur la Constitution et d'un poids qui puisse contrebalancer le principe d'égalité entre les partis »(21).
L'extension temporelle de l'obligation de neutralité mise à la charge du Gouvernement laisse voir le même refus de s'engager dans un contrôle qui chercherait de manière concrète à déterminer si une déclaration publique d'un membre du Gouvernement porte atteinte au principe de libre compétition entre les partis. La jurisprudence ayant dégagé ce principe de neutralité concernait d'abord la période particulière des campagnes électorales : les mêmes mesures de communication sur l'action du Gouvernement pouvaient être conformes à l'égalité des chances entre les partis hors période électorale, mais contraires pendant celle-ci(22). On peut en ce cas comprendre l'invention de ce principe : pour protéger la liberté du vote énoncée par la Loi fondamentale, il faut vérifier que, dans les faits, les individus ne soient pas influencés, au moment de voter, par la communication gouvernementale. Il existe un rapport entre l'obligation de neutralité du Gouvernement et l'objectif recherché.
En 2015 cependant, et dans une simple ordonnance, le juge constitutionnel a étendu cette obligation au-delà des seules campagnes électorales - et l'a fait sans véritable argumentation, si ce n'est en s'appuyant sur l'idée, établie par ailleurs (et sur laquelle nous reviendrons dans la deuxième partie de ce commentaire) selon laquelle le parti au Gouvernement ne doit pas utiliser sa position pour empêcher les autres d'accéder au pouvoir(23). C'est sur ce seul fondement, et sans plus argumenter, que la Cour s'appuie pour établir dans la décision relative aux déclarations d'A. Merkel que l'obligation de neutralité s'impose aux membres du Gouvernement indépendamment du contexte particulier des campagnes électorales. On voit ici à l'œuvre un processus d'abstraction du principe : alors que celui-ci pouvait se comprendre lorsqu'il était directement mis en relation avec un objectif constitutionnel (garantir la liberté du vote), il gagne ici une autonomie qui l'affranchit, nous semble-t-il, de tout ancrage dans le texte constitutionnel. La règle devient donc absolue, mais peine à trouver une justification : c'est désormais une sorte de contrôle du détournement de pouvoir (les moyens du Gouvernement ne doivent être utilisés que pour mener à bien ses tâches, et pas pour se maintenir au pouvoir) plus que la question concrète de la liberté du vote, qui est au fondement du principe, devenu absolu, de neutralité.
Ce que l'on voit ici, c'est donc qu'une exigence d'abord inscrite dans une réflexion concrète sur la protection du système d'alternance politique devient un principe autonome et absolu, sans plus de rapport avec la situation qui pouvait fonder l'exigence première, et sans trouver non plus dans le texte constitutionnel un énoncé qui permette de le justifier(24).
Cette manière de considérer l'obligation de neutralité indépendamment d'une appréciation concrète de la menace portée au fonctionnement démocratique apparaît enfin dans l'application faite par le juge des principes qu'il a énoncés.
On peut prendre pour s'en convaincre la manière dont le juge établit si A. Merkel s'est exprimée en tant que membre d'un parti politique ou comme membre du Gouvernement(25) (la pertinence même de cette distinction sera examinée infra, dans la deuxième partie). Deux éléments, principalement, pouvaient conduire à considérer que c'était la femme politique, non la Chancelière qui parlait. Tout d'abord la précaution oratoire qu'elle avait prise en qualifiant ces quelques phrases de « remarque préliminaire », préliminaire donc pouvait-on comprendre à la conférence de presse elle-même, tenue avec le Président sud-africain, et où chacun donc représenterait son État. Se placer ainsi en dehors de la conférence revenait, pourrait-on penser, à quitter le rôle de Chancelière (laquelle aurait sans doute été interrogée ensuite sur l'affaire, si la membre de la CDU ne l'avait pas déjà abordée).
Le contenu même de la déclaration ne paraissait pas non plus relever du discours qu'aurait pu tenir la Chancelière, car il ne relevait pas de ses fonctions. C'était en effet une question purement interne à un État fédéré qui était en jeu, sur laquelle donc le Gouvernement fédéral n'avait aucun titre à se prononcer. Les propos visaient d'ailleurs surtout le comportement des élus chrétiens-démocrates au Parlement de Thuringe : s'il n'était aucun lien entre eux et la Chancelière, l'une des personnalités les plus importantes du parti au niveau fédéral avait en revanche toutes les raisons de faire connaître sa réaction.
La Cour rejette pourtant ces deux arguments. À partir du moment où le cadre général peut rattacher la déclaration à la fonction gouvernementale, il existe selon elle une présomption que cette déclaration doit être mise à la charge du chancelier, et non de la personnalité politique. C'est ce qui apparaît nettement dans le raisonnement a contrario auquel ont recours les juges : si A. Merkel avait explicitement déclaré s'exprimer en tant que membre de la CDU et non en tant que membre du Gouvernement, alors, et alors seulement, on aurait pu détacher sa parole de ses fonctions(26). L'argument nous semble cependant n'être ni figue, ni raisin : ou bien l'on adopte une perspective très formaliste, et le cadre général des fonctions étatiques suffit à imputer la déclaration au chancelier, quelque précaution qu'il prenne par ailleurs, ou bien, si l'on veut prendre en compte le contenu, il importe peu que le locuteur signale son changement de statut par une formule rituelle lorsqu'existe un faisceau d'indices suffisant pour attribuer la parole à l'individu ou au représentant. La présomption ici est entendue de manière si artificielle qu'elle paraît bien difficile à renverser. Nous rejoignons ici l'appréciation de M. Payandeh : dans cette décision, le moment de la subsomption est particulièrement intéressant, et fut sans doute particulièrement disputé (au point peut-être d'expliquer que la décision soit rendue à cinq voix contre trois, alors que les précédentes l'avaient été à l'unanimité ou sans mention en tout cas d'une voix contraire), car on y voit un durcissement des critères énoncés dans la partie générale par une application qui encadre de manière extrêmement stricte la parole gouvernementale(27).
L'objectif de protection de la démocratie se traduit donc dans la jurisprudence de la CCF, et cette décision en est un exemple remarquable, par une manière de raisonner abstraite des circonstances particulières. Peut-être peut-on y voir une manière de compenser la faiblesse des sources textuelles sur lesquelles le tribunal peut s'appuyer. C'est le même déni de réalité qui nous paraît gouverner la façon dont celui-ci envisage le fonctionnement démocratique : à force de vouloir protéger l'opposition du Gouvernement, elle en vient à construire un idéal démocratique où le pouvoir semble s'exercer en dehors des oppositions partisanes.
2. Le rêve d'une démocratie apolitique ?
Comme nous l'avons vu en évoquant le principe d'égale compétition, la CCF conçoit le régime allemand comme une démocratie de partis. Il lui revient donc de protéger ceux-ci pour préserver celle-là. Face au risque de confusion entre l'État et un parti qui, parvenu au pouvoir, réussirait à « fermer la porte derrière lui », cependant, elle cherche à limiter l'exercice partisan du pouvoir, avec le résultat paradoxal qu'une démocratie de partis devrait conduire à un État neutre. C'est en effet parce que le Gouvernement est perçu au fond comme une menace pour l'ordre constitutionnel (a) que la Cour veut en faire un pouvoir neutre (b).
a. Le Gouvernement comme menace
La Cour ne voit pas dans le Gouvernement une menace au sens où une certaine tradition républicaine française, depuis Robespierre, voit dans la force qu'il commande la tentation permanente du coup d'État(28). La menace, indirecte, celle d'une « importante distorsion de la compétition entre les partis », est due à une ambiguïté inhérente au pouvoir exécutif tel qu'il est conçu aujourd'hui : est-il exécutant, donc subordonné, ou gouvernant, donc décideur(29) ? Cette ambiguïté essentielle se traduit dans l'action du Gouvernement : comme organe d'exécution, il n'a de pouvoir que dans les limites des compétences qui lui sont accordées ; comme élément moteur du régime parlementaire(30), il peut prétendre, sinon agir en toute matière, du moins y exercer un pouvoir d'influence.
Ce qui caractérise les membres du Gouvernement, c'est que leurs actions échappent en partie à la prédétermination juridique, alors même qu'ils sont censés être liés par le droit, et ne tenir leur pouvoir que de la nécessité empirique qu'il y a à établir une autorité chargée de l'application des lois. On l'observe en l'espèce : une déclaration publique a ceci de spécifique que, même si elle est illégale, elle ne peut pas être annulée, contrairement à un acte administratif ordinaire. Si toute prise de parole est un acte pragmatique, c'est-à-dire un acte qui cherche à obtenir un effet, combien plus encore la parole politique ! Pour un responsable politique, pour un gouvernant en particulier, dire, c'est toujours faire, et plus encore peut-être que pour la plupart des autres locuteurs. Son effet s'épuise donc dans l'acte même, dont il serait vain de demander ensuite l'annulation.
Cette manière qu'a la parole gouvernementale d'échapper au contrôle de légalité est redoublée encore par le fait qu'elle ne peut, pour les mêmes raisons, être limitée par les compétences du Gouvernement. Alors que ce principe de compétence est ce qui permet de brider la menace que représente toujours l'exécutif pour un régime démocratique, la liberté de parole du gouvernant (liberté d'ailleurs justifiée aussi en ce qu'il est moteur et non seulement exécutant) lui permet d'agir, même par la seule force oratoire, en dehors de son champ de compétence et donc hors de tout contrôle.
On voit bien que cela a posé problème à la Cour dans cette espèce. Il lui faut à la fois attribuer la déclaration à la chancelière et non à la femme politique pour la soumettre au principe de neutralité et établir que cette parole outrepassait les fonctions du Gouvernement pour qu'elle n'échappât pas, en tant que telle, audit principe. Si en effet les propos d'A. Merkel avaient pu relever de la mission d'information du Gouvernement, ils auraient relevé de la Chancelière, mais été aussi, du même coup, nécessairement conformes, du point de vue matériel, au principe de neutralité (puisque « la légalité du travail d'information du Gouvernement cesse là où commence la propagande en faveur ou défaveur de personnes ou de partis prenant part à la compétition politique »(31)). Si en revanche ils ne pouvaient pas être rattachés aux compétences du Gouvernement, alors ce devait être la femme politique qui s'exprimait - à qui le principe de neutralité ne pouvait plus, par définition, s'appliquer.
La CCF est parvenue à dépasser cette alternative en dissociant le pouvoir dont dispose, de fait, le Gouvernement, des compétences qui lui sont reconnues en droit. Certes, la Chancelière fédérale, n'ayant aucun pouvoir sur les procédures constitutionnelles internes aux Länder, ne pouvait prétendre obliger T. Kemmerich à démissionner. Cependant, « la question de savoir si une déclaration relève du champ de compétences de celui qui la prononce ne regarde [...] que sa légalité », alors que le problème qui se pose dans le cas d'une prise de position d'un membre du Gouvernement est celui de « la délimitation entre l'acte officiel et l'acte inofficiel »(32). Ainsi, la CCF reconnaît que, par sa nature, le Gouvernement peut agir efficacement en dehors de compétences qui lui sont attribuées par le droit. En cela, il se distingue de l'administration, dont tout acte ne peut avoir d'effet que parce qu'il relève de ces compétences - et est donc en tant que tel nécessairement soumis au contrôle du juge. On voit ici que quelque chose dans la nature de l'action gouvernementale échappe essentiellement au droit, et l'on comprend bien que le juge constitutionnel puisse y voir une menace particulière.
Il nous semble que c'est cette position par principe menaçante du Gouvernement, cet élément de pur fait qui toujours dépasse le droit, qui peut expliquer le régime particulièrement strict que la CCF impose à la parole gouvernementale.
Dans la première décision relative au travail de communication du Gouvernement, il était reproché à celui-ci d'avoir usé pour une campagne électorale de ressources publiques. Cet abus toléré aurait donné un avantage significatif au parti exerçant le pouvoir, et réduit donc la possibilité d'alternance. Dans l'espèce étudiée cependant, tout comme dans les autres décisions récentes relatives à la parole gouvernementale, il était difficile d'établir ce détournement de moyens publics au profit d'un intérêt particulier. Tout au plus aurait-on pu considérer comme tel la diffusion sur la page internet de la Chancellerie de la conférence de presse en question, mais l'extrait vidéo et la transcription en avaient de toute manière été supprimés dès l'introduction de la requête.
La Cour a cependant décelé une autre possibilité pour le Gouvernement de porter atteinte, dans son intérêt, à l'égale compétition entre les partis : il peut non seulement utiliser à cette fin les ressources matérielles liées aux fonctions ministérielles, mais aussi « faire une déclaration en se référant explicitement à sa fonction ministérielle afin de lui conférer ainsi un poids ou une crédibilité particulières, découlant de l'autorité de la fonction »(33). À partir de là, et en refusant toute évaluation concrète, la Cour joint, si ce n'est assimile, systématiquement l'utilisation des ressources matérielles et le recours à l'autorité morale pour établir l'atteinte à l'égale compétition entre les partis. On serait tenté d'y voir une manière d'avouer la faiblesse de l'argument : la reconnaissance de l'autorité morale des déclarations du Gouvernement étant pour le moins délicate à prouver (on pourrait tout aussi bien rappeler que, bien souvent, la parole gouvernementale est a priori regardée avec suspicion par les gouvernés), la Cour postule son équivalence avec un critère bien mieux établi (le détournement de ressources matérielles) pour subsumer de simples discours dans la catégorie plus générale de l'abus des pouvoirs gouvernementaux. Elle fait également fi, ce faisant, du contexte dans lequel ces propos parviennent à la connaissance des citoyens : non pas par les moyens de communication du Gouvernement, mais par l'intermédiaire des médias, donc, potentiellement au moins, de manière critique et en laissant au parti attaqué la possibilité de répondre.
Il n'est pas certain que cette manière de faire doive convaincre. L'opinion dissidente de la juge Wallrabenstein porte d'ailleurs, entre autres, précisément sur ce point : en appelant à la décision sur le travail de communication de 1977, elle relève que rien ne justifie une équivalence entre le recours aux ressources matérielles et une prétendue influence morale du Gouvernement, et qu'il y a là au contraire une entrave à la formation démocratique de la volonté(34).
Cette confusion entre le matériel et le moral est le résultat du même refus d'appréhender concrètement l'action du Gouvernement en général et la parole des membres du Gouvernement en particulier, du même esprit d'abstraction que nous signalions plus haut. La Cour semble ici raisonner par concepts, et par des concepts qui, même du point de vue scientifique, ne paraissent pas nécessairement les plus pertinents. C'est en tout cas ce que l'on peut considérer en examinant la conception du gouvernement idéal qui semble transparaître dans cette décision.
b. Le Gouvernement comme pouvoir neutre ou simple organe administratif
Toute la décision, comme la jurisprudence récente dans laquelle elle s'inscrit, repose sur une conception du Gouvernement comme, pourrait-on dire, une « puissance en quelque sorte nulle », ou au moins comme pouvoir neutre. Il est en effet regardé par la CCF comme un organe d'État parmi d'autres, et qui comme eux doit se comporter de manière neutre(35).
Or il peut paraître étrange de ranger ainsi le Gouvernement au nombre d'organes étatiques neutres. De deux choses l'une, en effet : ou bien l'on parle d'organes étatiques pour désigner toutes les institutions de l'État, et l'on soumet alors également le Parlement et (point sur lequel nous reviendrons dans un instant) le Président fédéral à cette obligation de neutralité, ou bien l'on distingue ces organes étatiques (ce qui suppose de comprendre l'État dans sa seule fonction d'administration) des organes politiques - mais alors il faut pouvoir assumer le choix de ranger le Gouvernement du seul côté de l'administration.
La chose ne va pas de soi : puisque, dans un régime parlementaire, le Gouvernement est l'émanation de la majorité parlementaire, il paraîtrait étrange qu'il n'agisse pas, lui aussi, en fonction des préférences politiques qui sont celles de cette majorité. Postuler la neutralité du Gouvernement serait croire en une forme de transsubstantiation qui s'opérerait par la nomination de l'exécutif : tout comme un fonctionnaire est réputé neutre dans son service, de même un ministre, par la grâce de sa nomination, se transformerait en pur administrateur. La grossièreté de la comparaison manifeste suffisamment sans doute ce que l'on manque ainsi : prétendre à une neutralité du Gouvernement implique de réduire la fonction de celui-ci, rejoignant l'illusion qui avait été celle peut-être des premiers constituants de l'époque moderne (comme on le voit dans les Constitutions de 1791 ou 1793, ou bien dans celle des États-Unis d'Amérique), à la seule application de la loi (ce qui le soumet par nature au pouvoir législatif), et par conséquent de nier la particularité du régime parlementaire, cette fusion entre législatif (ou plus exactement majorité législative) et exécutif qui permet à ce dernier non seulement d'appliquer la loi, mais encore de gouverner(36). Ses initiatives, alors, sont en effet légitimées par la confiance que lui accorde la nation par l'intermédiaire de ses représentants.
L'effet serait même paradoxal : astreints au silence politique parce qu'ils entrent au Gouvernement, les ministres ne pourraient plus intervenir dans le débat public, et donc plus participer à la formation de la volonté politique ; eux-mêmes se retrouveraient ensuite désavantagés dans la compétition électorale. La Cour n'ignore pas cela, et pour concilier neutralité du Gouvernement et égalité de la compétition, se repose sur la distinction que l'on pourrait faire entre le ministre, neutre, et l'individu, politiquement engagé. Puisque l'individu jouit d'une parfaite liberté tant qu'il ne s'exprime pas en tant que ministre, il ne perd pas la possibilité d'un engagement partisan(37).
Le juge constitutionnel allemand ne voit pas non plus dans son exigence de neutralité d'entrave au fonctionnement parlementaire du régime : ce devoir de neutralité n'empêcherait pas, en effet, le Gouvernement « d'informer sur ses projets et mesures politiques ni de répliquer à des attaques ou à des critiques, tout en respectant le devoir d'objectivité »(38).
La personnalité politique se détachant expressément de ses fonctions gouvernementales peut donc s'en prendre à un parti, mais doit se restreindre, lorsqu'elle parle comme ministre, à une position défensive. Outre la critique qu'on peut adresser à cette séparation, peut-être un peu spécieuse, entre l'individu comme personnalité politique et comme ministre (imagine-t-on vraiment le public établir le même cloisonnement dans son esprit pour oublier volontairement, lorsqu'il l'entend attaquer un parti, qu'il est aussi ministre - et inversement, lorsqu'il écoute le ministre, faire mine d'ignorer que celui-ci ne présente peut-être pas de manière tout à fait impartiale l'action du Gouvernement ?), l'idée même de cantonner le Gouvernement à cette position défensive nous paraît contestable. Elle révèle en tout cas un découplage entre le rôle politique du Gouvernement (implicitement refusé) et son rôle d'administration. Limité à la défense objective de son action, il ne se distingue pas d'une quelconque autre autorité administrative.
La chose est encore plus frappante si l'on compare ce cadre avec celui qui s'applique à la parole du Président fédéral. J. Gauck ayant, pendant son mandat, lui aussi eu des mots assez clairs contre les mouvements d'extrême-droite, la CCF a dû déterminer si le principe de neutralité s'appliquait à lui de la même manière. Elle s'est alors fondée sur ses fonctions constitutionnelles, « représenter l'État et le peuple allemands à l'extérieur comme à l'intérieur, et incarner l'unité de l'État »(39), pour ne soumettre ses propos qu'à un contrôle restreint : il dispose d'une importante marge d'appréciation pour déterminer la manière dont il mène à bien, y compris par la parole, ses fonctions d'intégration et de représentation(40). Il pouvait ainsi traiter sans scrupule de « cinglés » les sympathisants du NPD.
L'argumentation qui soutient cette distinction entre Président fédéral et Chancelier peut cependant paraître fragile. C'est, dit la Cour en substance, parce que le Président n'a pas pour vocation de prendre part à la lutte politique mais au contraire de « rendre visible par ses apparitions publiques l'unité de la communauté et renforcer cette unité par l'autorité de sa fonction »(41), qu'on ne peut, ni le soupçonner d'avoir intérêt à désavantager un parti, ni attribuer à sa parole une influence suffisante sur la formation de la volonté politique du peuple(42). Outre que le lien logique soutenant cette dernière proposition est pour le moins ténu, il y a ici une forme de contradiction : précisément parce que le Président fédéral exerce cette fonction d'intégration, l'autorité morale de sa parole est infiniment plus importante que celle du Chancelier, dont le mode d'élection et le lien à la majorité parlementaire établissent le caractère partisan. Il est tout à fait frappant qu'en reprenant précisément l'argument qui fait du chef de l'État un pouvoir neutre, conformément au fonctionnement normal d'un régime parlementaire, la Cour en tire des conclusions qui permettent justement au Chef de l'État de participer, en fait, bien plus activement au débat politique que le Chancelier.
On pourrait voir ici, en quelque sorte, le même détournement du pouvoir neutre que celui exercé par C. de Gaulle à partir de 1962. Selon P. Reynaud, sa volonté était, en proposant l'élection du président de la République au suffrage universel direct, que celui-ci « cumul[ât] les honneurs dus au chef de l'État et les pouvoirs du Premier ministre »(43). Cela permet, depuis, une forme de miraculeuse transsubstantiation dans la vie politique française : dès l'instant où il est élu, les paroles du président de la République, tout aussi marquées politiquement que l'instant d'avant, sont réputées ôtées à la basse lutte partisane, et l'expression de l'unité nationale. De semblable manière, la position de la Cour dans la décision commentée revient à postuler, parce que la fonction principale du président est une fonction d'intégration, que son discours par définition (et sauf à être manifestement arbitraire) sert cette intégration.
D'un côté, donc, un président qui peut s'exprimer à peu près comme bon lui semble, parce qu'il se trouve au-dessus des partis ; de l'autre, un chancelier qui, parce qu'il tient son élection de la compétition politique, est suspect de vouloir truquer cette compétition, et de pouvoir le faire parce qu'il exerce une magistrature morale. Ce que montre cependant la comparaison avec le Président fédéral, c'est précisément que cette magistrature morale, si elle est postulée pour celui-ci, manque par principe à celui-là. S'il détermine les grandes lignes de la politique du Gouvernement (art. 64, al. 1 LF), s'il en est responsable (art. 65, al. 1 LF) et si, à cette fin, la direction du Gouvernement lui est remise (art. 65, al. 4 LF)(44), c'est bien que son rôle est reconnu comme un rôle partisan, et qu'on ne peut attacher à ses prises de position aucune autorité morale. Autant le Président, donc, reçoit tout à la fois le beurre et l'argent du beurre (l'autorité morale postulée et la liberté de parole), autant, tout au contraire, le Chancelier se retrouve par cette décision Gros-Jean comme devant son élection : sans avoir gagné quelque autorité morale, il a en revanche perdu sa liberté de parole.
Tout devient cependant logique à partir du moment où l'on reconnaît, avec la Cour, que le Gouvernement n'est qu'un organe administratif comme un autre. C'est en tout cas l'impression que donne cette jurisprudence, rendue plus évidente encore quand c'est le Chancelier, incarnation de la politique voulue par la majorité parlementaire, dont les prises de position sont ainsi contrôlées. On peut d'ailleurs relever que la seule exception à ce devoir de neutralité est constituée par la dénonciation d'un parti hostile à la Constitution - et que cette catégorie, comme on l'a vu plus haut, paraît non pas le résultat d'une évaluation discursive, mais une sorte de donné du réel qu'on ne pourrait que reconnaître, sans même qu'il soit besoin d'une confirmation par un organe indépendant.
L'image que donne la CCF du Gouvernement, peut-être parce qu'elle y décèle l'éternelle menace que fait peser l'exécutif sur un ordre juridique (éternelle au moins aux yeux des révolutionnaires : l'apparition du régime parlementaire a plutôt permis d'observer un déplacement de l'opposition politique, qui ne se fait plus tant entre les organes qu'entre les partis), est donc celle d'un organe essentiellement technique, et strictement soumis donc à une exigence de neutralité. On ne manquera pas d'être frappé par le fait que c'est justement par un juge qui reconstruit à sa guise tant la réalité que le texte constitutionnel que l'action gouvernementale est ainsi restreinte.
3. Remarques conclusives : tel est pris qui croyait prendre ?
La CCF impose aux membres du Gouvernement une obligation de neutralité qui les renvoie à une fonction essentiellement administrative. Pour cela, cependant, elle utilise des méthodes qui lui permettent, à elle, de reconstruire, et la Constitution, et le réel : à la neutralité exigée du Gouvernement ne répond pas la tempérance qu'on pourrait attendre du juge constitutionnel.
À plusieurs reprises, l'argumentation de la Cour paraît relever plutôt du postulat que du raisonnement, que masque à peine l'accumulation de références à sa propre jurisprudence. Les exceptions faites au principe d'égalité des chances entre les partis politiques en fournissent un bon exemple. Le cadre général, déjà, repose sur une extension de la jurisprudence établie pour l'égalité du scrutin à l'égalité de la compétition politique. La chose ne semble pourtant pas aller de soi : les conséquences concrètes ne sont pas les mêmes dans l'un et l'autre cas. Surtout, le détail même des exceptions prévues repose sur des démonstrations qui ne sont pas si évidentes que la Cour paraît le considérer. Il en est ainsi de la volonté qu'aurait la Loi fondamentale de protéger la capacité d'action du Gouvernement : puisque le constituant a mis en place un système de parlementarisme rationalisé (notamment par le recours à la seule motion de censure constructive et par la possibilité laissée au Président fédéral de dissoudre la Diète fédérale pour éviter l'élection d'un gouvernement minoritaire), c'est qu'il voulait protéger la capacité d'action du Gouvernement. Il y a donc dans la Loi fondamentale, d'après la Cour, une garantie constitutionnelle de cette capacité d'action qui peut entrer en balance avec d'autres exigences constitutionnelles, dont celle d'égale compétition entre les partis politiques(45).
On pourrait tout aussi bien, cependant, défendre une position plus modérée : il est remarquable après tout que le système de la motion de censure constructive offre au Chancelier, même devenu minoritaire, une présomption de confiance tant qu'il ne décide pas lui-même de poser la question de confiance (ce à quoi nul ne peut le contraindre). De plus, et même si l'on accepte l'interprétation de la Cour, le lien logique ne va pas de soi : tirer un principe d'un ensemble de dispositions, c'est leur présupposer un sens, c'est-à-dire présupposer qu'on peut réellement attribuer l'ensemble du texte à une volonté cohérente. Appliqué à un texte fruit d'un compromis et voté pour des raisons individuelles qu'il est impossible de jamais connaître, le raisonnement porte à faux. Enfin, et plus profondément, on se retrouve ici devant les limites que connaît toute tentative de construction logique d'une décision juridictionnelle : celles qui sont liées aux postulats qui, à un moment ou à un autre, interviennent nécessairement dans le raisonnement sans pouvoir être prouvés. Ici, par exemple, la CCF conclut de son étude des mécanismes de parlementarisme rationalisé que « la préservation de la capacité du Gouvernement à agir représente donc un principe constitutionnel qui se trouve sur le même plan que le droit des partis politiques à une égale compétition »(46). Si cependant les deux principes ont bien été, chacun de leur côté, fondés sur une étude de la Loi fondamentale, à aucun moment on ne trouve quelque élément que ce soit qui permette d'établir entre eux une hiérarchie ou, comme le fait la Cour, une égalité. Ce qui fait qu'on pourrait, sans être plus incohérent qu'elle, conclure de ses développements sur la capacité d'action du Gouvernement qu'il s'agit d'un principe constitutionnel secondaire par rapport à ceux qui concernent directement la formation démocratique de la volonté politique.
Ce que l'on voit à l'œuvre ici, en fait, c'est la manière de faire usuelle de la CCF (si ce n'est de tout autre juge constitutionnel : peut-il finalement en être autrement ?) : la reconstruction du sens prétendument objectif de la Loi fondamentale, voire de toute volonté qui trouve à un moment ou à un autre sa place dans le raisonnement(47). Or prétendre que cette reconstruction est possible, et que la Constitution allemande est autre chose que les énoncés contenus dans la Loi fondamentale, c'est également se reconnaître le pouvoir de dire cette Constitution. Certes, nous ne faisons là que reprendre un fait déjà cent fois démontré, notamment par les auteurs qui se rattachent à la théorie réaliste de l'interprétation. Cependant, il nous semble plus visible encore en Allemagne du fait de ce recours assumé à une interprétation objective : certes, tout juge, du point de vue théorique, crée la norme qu'il attache à un texte de norme, mais c'est encore un pas de plus que de reconnaître qu'il y a, au-dessus du texte et parfois malgré lui, une sorte d'esprit de la Constitution qu'il revient au juge de découvrir.
Ce n'est pas nous qui parlerons de gouvernement des juges, justement parce que nous considérons qu'il n'y a là rien que de nécessaire, au fond. En revanche, on pourrait penser que le juge constitutionnel, précisément parce qu'il dispose de ce pouvoir, plus ou moins ouvertement assumé, sur la Constitution, pourrait en matière de relations entre les pouvoirs faire montre d'une plus grande prudence, et laisser à chacun la liberté que le texte constitutionnel paraît reconnaître. Peut-être vaut-il mieux, après tout, que le citoyen, suffisamment éclairé n'en doutons pas sur le positionnement politique du Gouvernement, puisse rouspéter au-dessus de son café matinal en entendant des ministres, dès potron-minet, décider qui appartient ou non à un prétendu « arc républicain » - tant qu'aucun acte ne peut suivre.
(1): T. Wischmeyer, comm. sous BVerfG 2 BvE 4/20, Juristische Schulung, 2022, p. 789 ; même opinion chez F. Michl, „Was darf eine Bundeskanzlerin sagen ?: Zum Urteil des BVerfG in Sachen „Äußerungen der Bundeskanzlerin Merkel zur Ministerpräsidentenwahl in Thüringen 2020"", VerfBlog, 2022/6/16, https://verfassungsblog.de/was-darf-eine-bundeskanzlerin-sagen/, DOI : 10.17176/20220616-153117-0.
(2): En plus des deux références citées à la note précédente, on peut signaler plusieurs commentaires sur le Verfassungsblog : M. Payandeh, „Maßstabssetzung durch Subsumtion : Das Urteil des Bundesverfassungsgerichts zu den Äußerungsbefugnissen der Bundeskanzlerin", VerfBlog, 2022/6/17, https://verfassungsblog.de/masstabssetzung-durch-subsumtion/, DOI : 10.17176/20220617-153302-0 ; B. Stohlmann, „Verhältnismäßig politisch", VerfBlog, 2022/6/16, https://verfassungsblog.de/verhaltnismasig-politisch/, DOI : 10.17176/20220617-033114-0 ; M. Welsch, „Demokratische Neutralität : Zum Verfassungswiderspruch der modernen repräsentativen Demokratie", VerfBlog, 2022/6/27, https://verfassungsblog.de/demokratische-neutralitat/, DOI : 10.17176/20220628-052520-0.
(3): Décision 2 BvE 1/76 du 2 mars 1977, Öffentlichkeitsarbeit [travail de communication du Gouvernement], (recueil officiel des décisions, t. 44, p. 125 sq., en particulier p. 145 [=BVerfGE 44, 125, 145]).
(4): Décisions 2 BvE 2/14 du 16 décembre 2014, Schwesig, BVerfGE 138, 102 et 2 BvE 1/16 du 27 février 2018, Rote Karte, BVerGE 148, 11.
(5): Pour un résumé en français, voir A. Gaillet, T. Hochmann, N. Marsch, Y. Vilan et M. Wendel, Droits constitutionnels français et allemand - perspective comparée, Paris, LGDJ, 2019, 526 p., p. 110-115.
(6): Pour reprendre l'expression de C. Schmitt, qui y voit une autocontradiction de la démocratie parlementaire (C. Schmitt, Legalität und Legitimität, Berlin, Duncker & Humblot, 1968 [1932], 98 p., p. 33). Critique de cette position notamment par O. Kirchheimer : « Zu Carl Schmitts Legalität und Legitimität » [1933], in id., W. Luthardt (éd.), Von der Weimarer Republik zum Faschismus : Die Auflösung der demokratischen Rechtsordnung, Francfort, Suhrkamp, 1976, 255 p., p. 113-151.
(7): CCF, 2 BvE 4/20, § 114-115 (il sera désormais fait référence à la décision commentée par le seul numéro de paragraphe).
(8): Si l'on veut être pointilleux, la seule conséquence de cette décision est qu'elle interdit à l'administration de publier à nouveau les contenus retirés, provisoirement alors, des sites internet des institutions en question. On peut cependant exprimer quelques doutes sur l'importance que revêtent de telles publications dans des sociétés où l'information est le fait des médias plutôt que des autorités.
(9): § 65.
(10): Jurisprudence constante depuis la décision Temps de parole du 14 juillet 1959, 2 BvE 3/58, not. § 24 (BVerfGE 10, 4, 11).
(11): Décision Surveillance de l'espace aérien du 7 mai 2008, 2 BvE 1/03, § 51-54 (BVErfGE 121, 135, 151-153).
(12): § 65.
(13): Le litige concernant des organes fédéraux, la CCF ne peut décider à leur place de la manière dont ceux-ci peuvent remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Pour autant, ces organes sont obligés (verpflichtet) d'y remédier (S. Korioth, K. Schlaich, Das Bundesverfassungsgericht, Munich, C. H. Beck, 12e éd., 2021, § 83-84). La question est évidemment de savoir quelle sanction s'attache à cette obligation.
(14): § 116, jurisprudence constante depuis 1975 (décision 2 BvE 1/75 du 29 octobre 1975, Rapport de l'Office de protection de la Constitution, BVerfGE 40, 287, 293)
(15): § 173.
(16): § 70 (« Dies setzt [...] voraus, dass die Wählerinnen und Wähler ihr Urteil in einem freien und offenen Prozess der Meinungsbildung gewinnen und fällen können », jurisprudence constante depuis la décision Financement des partis politiques 1 du 19 juillet 1966, 1 BvF 1/65 (BVErfGE 20, 56, 97 sq.).
(17): « Um die verfassungsrechtlich gebotene Offenheit des Prozesses der politischen Willensbildung zu gewährleisten, ist es unerlässlich, dass die Parteien, soweit irgend möglich, gleichberechtigt am politischen Wettbewerb teilnehmen. » (§ 72 ; jurisprudence constante depuis la décision Travail du Gouvernement à destination du public du 2 mars 1977, 2 BvE 1/76, BVerfGE 44, 125, 146).
(18): Décision Dons aux partis politiques du 24 juin 1958, 2 BvF 1/57 (BVerfGE 8, 51, 68-69).
(19): Telle du moins la théorie (décision Temps d'antenne de la FDP du 30 mai 1962, 2 BvR 158/62, BVErfGE 14, 121, 133 sq.). En pratique, la Cour dès cette décision découvre des exceptions qui lui permettent, par exemple, d'accepter que les grands partis disposent d'un accès tout à fait privilégié à la propagande radiodiffusée et télévisée.
(20): Décision Déclarations des membres du Gouvernement en campagne électorale du 16 décembre 2014, 2 BvE 2/14 (BVerfGE 138, 102, 110-111).
(21): « Gründe, die Ungleichbehandlungen rechtfertigen und der Bundesregierung eine Befugnis zum Eingriff in die Chancengleichheit der Parteien verleihen, müssen durch die Verfassung legitimiert und von einem Gewicht sein, das dem Grundsatz der Chancengleichheit der Parteien die Waage halten kann » (§ 92)
(22): Décision Travail du Gouvernement à destination du public du 2 mars 1977, 2 BvE 1/76, BVerfGE 44, 125. Voir en particulier p. 140-141, 146 (pour le lien entre obligation de neutralité et période électorale), 150-151 (différence d'appréciation sur la communication gouvernementale en fonction de la proximité ou non d'élections).
(23): Ordonnance 2 BvQ 39/15 du 7 novembre 2015 (BVerfGE 140, 225, 227).
(24): Sur la difficulté à fonder un principe général de neutralité des responsables politiques (tout en reconnaissant l'existence de principes de neutralité particuliers, pour certains contextes déterminés) : M. Payadeh, « Die Neutralitätspflicht staatelicher Amtsträger im öffentlichen Meinungskampf - Dogmatische Systembildung auf verfassungsrechtlich zweifelhafter Grundlage », Der Staat, 55, 2016, p. 519-550 p. 521-526.
(25): § 126-130.
(26): § 130.
(27): M. Payandeh, « Maßstabssetzung durch Subsumtion : Das Urteil des Bundesverfassungsgerichts zu den Äußerungsbefugnissen der Bundeskanzlerin », VerfBlog, 2022/6/17, https://verfassungsblog.de/masstabssetzung-durch-subsumtion.
(28): N. Roussellier, La force de gouverner : le pouvoir exécutif en France, XIXe-XXIe siècles, Paris, Gallimard, 2015, 827 p. ; voir par exemple le discours prononcé par Robespierre le 10 mai 1793 devant l'Assemblée nationale.
(29): Sur l'ambiguïté fondamentale du Gouvernement, M. Troper, « La notion de fonction exécutive dans les constitutions révolutionnaires », in Le droit et la nécessité, Paris, PUF, 2011, p. 225-235.
(30): La caractéristique du Gouvernement en régime parlementaire est, selon H. Daalder, d'être « the activating and leading part of Parliament » (H. Daadler, Cabinet Reform in Gritain, 1914-1963, Stanford, 1963, p. 4 ; cité in A. Le Divellec, « Le Gouvernement, portion dirigeante du Parlement. Quelques aspects de la réception juridique hésitante du modèle de Westminster dans les États européens », Jus Politicum, 1, 2008).
(31): « Demgemäß endet die Zulässigkeit der Öffentlichkeitsarbeit der Bundesregierung dort, wo Werbung für oder Einflussnahme gegen einzelne im politischen Wettbewerb stehende Personen oder Parteien beginnt », § 115. Nous traduisons volontairement « Zulässigkeit » par « légalité » pour souligner qu'il ne s'agit pas seulement d'un caractère acceptable au sens moral. D'un point de vue procédural, le terme désigne la recevabilité d'une requête ; il nous semble qu'ici aussi il doit être pris dans un sens juridique. Cf. également § 170 : en l'espèce, le fait que la déclaration ne concernât pas l'action du Gouvernement empêche de la regarder comme relevant de son travail de communication.
(32): « Ob eine Äußerung sich im Kompetenzbereich des Äußernden hält, ist für die Frage der Abgrenzung zwischen amtlichem und nichtamtlichem Handeln nicht von ausschlaggebender Bedeutung [...], sondern nur für seine Rechtmäßigkeit » (§ 128).
(33): « oder unter erkennbarer Bezugnahme auf das Regierungsamt erfolgt, um ihr damit eine aus der Autorität des Amtes fließende besondere Glaubwürdigkeit oder Gewichtung zu verleihen » (§ 78, se fondant notamment sur la décision Schwesig, BVerfGE 138, 102, 118).
(34): § 20-24 de l'opinion dissidente.
(35): § 73.
(36): Pour ce rôle moteur du Gouvernement permis par sa fusion avec la majorité parlementaire : A. Le Divellec, « Le Gouvernement, portion dirigeante du Parlement. », Jus Politicum, 1, 2008.
(37): § 76.
(38): « (...) das Neutralitätsgebot die Bundesregierung und ihre Mitglieder nicht daran hindert, politische Positionen der Regierung oder Ressorts zu vertreten, über politische Vorhaben und Maßnahmen zu informieren sowie unter Beachtung des Sachlichkeitsgebots Angriffe und Vorwürfe zurückzuweisen. » (§ 79).
(39): « Der Bundespräsident repräsentiert Staat und Volk der Bundesrepublik Deutschland nach außen und innen und soll die Einheit des Staates verkörpern », décision 2 BvE 4/13 du 10 juin 2014, § 22 (BVerfGE 136, 323)
(40): Ibid.
(41): « durch sein öffentliches Auftreten die Einheit des Gemeinwesens sichtbar zu machen und diese Einheit mittels der Autorität des Amtes zu fördern » (ibid.).
(42): Id., § 25-31.
(43): Discours prononcé à l'Assemblée nationale le 4 octobre 1962 (Journal officiel de la République française, Débats parlementaires, Assemblée nationale, 5 octobre 1962, pp. 3208-3210).
(44): Tous arguments cités précisément par la CCF (§ 87).
(45): § 93-99.
(46): « Die Erhaltung der Handlungsfähigkeit der Regierung stellt damit ein Verfassungsgut dar, das dem Recht der politischen Parteien auf Chancengleichheit gleichwertig gegenübersteht » (§ 99).
(47): On peut songer notamment à la reconstruction des facultés de jugement d'un citoyen normalement informé à laquelle se livre le juge pour décider de l'effet concret que pouvaient avoir les propos d'A. Merkel : elle ne repose finalement sur rien d'autre qu'un argument d'autorité, puisqu'aucun autre juge ne peut contredire la Cour (cf. § 138, ainsi que l'opinion dissidente (§ 6-8) et la critique de M. Payandeh, « Maßstabssetzung durch Subsumtion : Das Urteil des Bundesverfassungsgerichts zu den Äußerungsbefugnissen der Bundeskanzlerin », VerfBlog, 2022/6/17, https://verfassungsblog.de/masstabssetzung-durch-subsumtion).
Citer cet article
Antoine CORRE-BASSET. « Chronique de droit constitutionnel comparé (janvier - juin 2022) », Titre VII [en ligne], n° 9, La décentralisation, octobre 2022. URL complète : https://webview.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-constitutionnel-compare-janvier-juin-2022
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