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Textes à l'appui - Sélection de décisions du Tribunal fédéral suisse (résumés)

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 18 (Dossier : Suisse) - juillet 2005

Avertissement

Le Tribunal fédéral suisse publie chaque année, dans le recueil officiel, plusieurs dizaines d'arrêts dans lesquels il applique le droit constitutionnel fédéral. Le recueil officiel contient une sélection des arrêts les plus importants. Afin de dresser un panorama de la jurisprudence constitutionnelle, on reproduira ci-dessous, à titre d'exemple, le texte d'un arrêt publié, en reprenant in extenso ce qui a paru au recueil officiel (Recueil des ATF). Puis on donnera les références d'autres arrêts récents (rendus entre 1999 et 2004), en citant le bref résumé des questions juridiques décisives, ou sommaire, qui figure (dans les trois langues officielles) en introduction de la publication dans le recueil officiel. Le texte complet de ces arrêts peut être consulté par le biais du site internet du Tribunal fédéral (www.bger.ch, rubrique jurisprudence).

I. ATF 123 I 296 : Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 novembre 1997 dans la cause X. c/ Conseil d'État du canton de Genève [1] - (recours de droit public)

Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 12 novembre 1997 dans la cause X. c/ Conseil d'État du canton de Genève [(1)](#ref-note-1 « 1 »)
(recours de droit public)

Sommaire

Art. 27, al. 3, Cst.(2) , art. 49 Cst. et art. 9 CEDH : neutralité confessionnelle de l'école, liberté de conscience et de croyance d'une enseignante.

Le port de vêtements particuliers fondé sur des motifs religieux est protégé par la liberté de conscience et de croyance. La liberté personnelle, subsidiaire, ne s'applique pas. Noyau intangible de la liberté de conscience et de croyance (cons. 2).

L'interdiction faite à une enseignante d'une école publique, de porter à l'école un foulard répondant à ses yeux aux exigences du Coran, se fonde en l'espèce sur une base légale suffisante (cons. 3).

Cette interdiction correspond à un intérêt public important (neutralité et paix confessionnelles à l'école notamment) et respecte le principe de la proportionnalité (cons. 4).

Résumé des faits

X., ressortissante suisse, a été nommée par le Conseil d'État du canton de Genève dans la fonction d'institutrice de la division élémentaire dès le 1er septembre 1990. Depuis la rentrée scolaire 1995, elle est titulaire d'une classe à l'école primaire de C., où elle enseigne depuis 1989. Le 23 mars 1991, X. s'est convertie du catholicisme à l'islam et, le 19 octobre suivant, elle a épousé un ressortissant algérien. Voulant respecter les prescriptions du Coran, elle a alors commencé à porter des vêtements amples lui cachant les parties du corps autres que le visage et les mains, en particulier un voile ou un foulard lui couvrant le cou et les cheveux (ci-après : le foulard).

En mai 1995, la directrice générale de l'enseignement primaire a été informée par l'inspectrice scolaire que X. portait « régulièrement le foulard islamique à l'école ».

Le 11 juillet 1996, la directrice générale a confirmé à l'intéressée l'entrevue qu'elles avaient eue le 27 juin précédent - en présence du Directeur du service du personnel enseignant - par un courrier libellé comme suit :

" - le port du foulard islamique est en contradiction avec le respect de l'article 6 de la loi sur l'instruction publique ;

  • pour les raisons invoquées, dès la prochaine rentrée, vous renoncerez à porter le foulard dans l'exercice de vos activités et de vos responsabilités professionnelles ;

  • vous n'aurez pas recours à des attributs vestimentaires investis d'un sens confessionnel incompatible avec les impératifs de notre système scolaire. "

X. ayant requis une décision formelle à cet égard, la directrice générale lui a notifié le 23 août 1996 une décision déclarée « exécutoire dès la présente rentrée, même en cas de recours », confirmant les termes de la lettre du 11 juillet 1996 et précisant que, dans le cas de X., « les compétences strictement professionnelles et les signes extérieurs de conviction confessionnelle » se rejoignaient « dans le mode ostensible d'identification imposé par l'enseignante aux élèves, de surcroît dans un système scolaire public et laïc ».

Le 26 août 1996, X. a recouru contre cette décision auprès du Conseil d'État et a demandé l'octroi de l'effet suspensif. Par courrier du 6 septembre 1996, ayant appris que, depuis la rentrée scolaire 1996, X. portait à l'école un chapeau avec une écharpe ou un foulard enroulé en turban, lesquels cachaient entièrement ses cheveux et son cou, ainsi que des vêtements la couvrant de la tête aux pieds, la directrice générale a requis le mandataire de X. d'enjoindre à sa cliente de se conformer strictement à la décision prise.

Le 12 septembre 1996, X. a déposé des pièces supplémentaires et une nouvelle détermination. Elle expliquait notamment que son habillement n'avait rien de particulier puisque des tenues similaires, c'est-à-dire respectant les mêmes critères de décence, pouvaient être trouvées dans la mode profane de grands couturiers occidentaux. Elle précisait en outre que, dans les murs de sa propre classe, elle se découvrait parfois, se recouvrant lorsqu'une personne pubère de sexe masculin pénétrait dans la salle ou était susceptible d'y entrer. Ainsi, lors des différentes visites de l'inspectrice scolaire, elle ne portait pas systématiquement de couvre-chef. En revanche, elle cachait ses cheveux dans l'enceinte de l'école.

Par arrêté du 16 octobre 1996, appliquant notamment l'article 27 Cst. et les articles 6 et 120 al. 2 de la loi cantonale sur l'instruction publique, le Conseil d'État a rejeté le recours.

Agissant le 25 novembre 1996 par la voie du recours de droit public, X. demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêté du Conseil d'État du 16 octobre 1996. Elle requiert également l'octroi de l'effet suspensif.

Le 13 décembre 1996, le Conseil d'État a déposé des interviews de X. parues dans Le Matin des 22 et 29 octobre 1996 ainsi que dans L'Illustré du 23 octobre 1996. Il a également produit deux courriers anonymes reçus à l'école de C. le 7 novembre 1996, lesquels, en substance, s'opposent au port du foulard à l'école. Le Conseil d'État a encore annexé le formulaire d'une pétition, émanant d'un comité de soutien constitué en faveur de X. à l'initiative d'une mère d'élève, ainsi que le procès-verbal d'une séance du 10 décembre 1996 réunissant l'inspectrice scolaire et les enseignantes de l'école de C., y compris l'intéressée, en vue de déterminer la manière de traiter l'affaire en cours avec les élèves et leurs parents. Enfin, le Conseil d'État a déposé une résolution adoptée par le Grand Conseil genevois le 10 octobre 1996, ainsi libellée :

" Considérant [...]

  • que l'école publique genevoise est une école laïque ;
  • que les enseignants sont des représentants de l'institution et qu'à ce titre, ils doivent respecter ce principe de laïcité, notamment en ce qui concerne les signes religieux extérieurs ;
  • qu'une institutrice refuse de se soumettre à cette règle en portant un foulard islamique,

invite le Conseil d'État

  • à faire respecter ce principe de laïcité par tous les enseignants genevois, quelles que soient leurs convictions religieuses ;
  • à poursuivre dans sa politique de fermeté face à l'institutrice genevoise ayant refusé de se soumettre à cette règle. "

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Extrait des considérants

2. - a) Préalablement, il faut observer que la recourante déclare à titre principal que son habillement, dont les éléments peuvent être acquis en grande surface, ne doit pas être traité comme un symbole religieux, mais comme n'importe quel vêtement plus ou moins anodin qu'un enseignant déciderait de porter pour des motifs qui lui seraient propres, notamment pour des raisons esthétiques ou pour mettre en valeur, voire cacher, une partie de son anatomie (foulard autour du cou, gilet, petit chapeau...). La décision attaquée reviendrait ainsi à interdire à un enseignant, sans justification suffisante, de s'habiller selon son désir.

Toutefois, il ne fait aucun doute que la recourante porte le foulard et des vêtements amples non pas pour des raisons esthétiques mais afin d'obéir à une exigence religieuse, qu'elle tire des passages suivants du Coran (Le Coran, essai de traduction, par Jacques Berque, 2e éd., Paris, 1995):

" Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe ; de ne pas faire montre de leurs agréments, sauf ce qui en émerge, de rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront voir leurs agréments qu'à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères, beaux-pères, fils, beaux-fils, frères, neveux de frères ou de soeurs, aux femmes (de leur communauté), à leurs captives, à leurs dépendants hommes incapables de l'acte, ou garçons encore ignorants de l'intimité des femmes.

Qu'elles ne piaffent pas pour révéler ce qu'elles cachent de leurs agréments " (sourate 24, verset 31).

« Prophète, dis à tes épouses, à tes filles, aux femmes des croyants de revêtir leurs mantes : sûr moyen d'être reconnues (pour des dames) et d'échapper à toute offense - Dieu est Tout indulgence, Miséricordieux » (sourate 33, verset 59).

Le port du foulard et de vêtements amples manifeste dès lors l'appartenance à une confession déterminée et la volonté de se comporter conformément aux prescriptions de celle-ci. Cette tenue constitue même un symbole religieux « fort », c'est-à-dire un signe immédiatement visible pour les tiers, indiquant clairement que son porteur adhère à une religion déterminée.

Le litige porte donc sur le port d'un symbole religieux fort par un enseignant d'une école publique dans le cadre de son activité professionnelle. Aucune limitation n'a été imposée à la recourante quant à sa tenue hors de l'enseignement. Il ne s'agit pas non plus du port d'un signe religieux par un élève, ni du port de vêtements de fantaisie, voire excentriques mais sans connotation religieuse, par un enseignant à l'école.

Vu ce qui précède, il y a lieu d'examiner quelle liberté constitutionnelle la recourante peut invoquer.

b) aa) La liberté de conscience et de croyance, déclarée inviolable par l'article 49, alinéa 1 Cst., protège le citoyen de toute ingérence de l'État qui serait de nature à gêner ses convictions religieuses (ATF 116, Ia, 252, cons. 5a, p. 257 ; W. Burckhardt, Kommentar der schweizerischen Bundesverfassung, 3e éd., Berne 1931, p. 442). Elle confère au citoyen le droit d'exiger que l'État n'intervienne pas de façon injustifiée en édictant des règles limitant l'expression et la pratique de ses convictions religieuses (ATF 118, Ia, 46, cons. 3b, p. 52). Elle comporte la liberté intérieure de croire, de ne pas croire et de modifier en tout temps et de manière quelconque ses propres convictions religieuses, ainsi que la liberté extérieure d'exprimer, de pratiquer et de communiquer ses convictions religieuses ou sa vision du monde, dans certaines limites (ATF 119, Ia, 178, cons. 4c, p. 184 ; 118, Ia, 46, cons. 4c, p. 56 ; 116, Ia, 252, cons. 5a, p. 257 ; Antoine Favre, Droit constitutionnel suisse, 2e éd., Fribourg, 1970, p. 280). Cela comprend le droit pour le citoyen de diriger tout son comportement selon la doctrine de sa foi et d'agir selon ses convictions intérieures. L'exercice garanti de cette religion ne comprend pas seulement les cultes - qui sont également protégés par l'article 50 Cst.- et les besoins religieux, mais aussi d'autres expressions de la vie religieuse, pour autant qu'elles se tiennent dans certaines limites, par exemple le port de vêtements religieux particuliers (ATF 119, Ia, 178, cons. 4c, p. 184, concernant précisément les prescriptions vestimentaires de la femme musulmane ; 119, IV, 260, cons. 3b/aa, p. 263 ; Peter Karlen, « Umstrittene Religionsfreiheit », in RDS 1997, I, p. 193 et s., spéc. p. 207/208 ; Ulrich Häfelin, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 50, ad. art. 49). Toutes les convictions et les conceptions spirituelles ou intellectuelles relatives aux rapports entre l'être humain et la divinité sont ainsi protégées (ATF 119, Ia, 178, cons. 4b, p. 183/184 ; 116, Ia, 252, cons. 5c, p. 258 ; Häfelin, Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 3e éd., Zurich, 1993, n. 1196, p. 388).

La liberté religieuse est également garantie par l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101), selon lequel toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites (al. 1er). La portée de cette disposition est toutefois ici pratiquement identique à celle de l'article 49 Cst. De même, l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II ; RS 0.103.2), non invoqué par la recourante, comporte un principe similaire (Manfred Nowak, U.N. Covenant on Civil and Political Rights, CCPR Commentary, Kehl-Strasbourg-Arlington, 1993).

En l'espèce, étant fondé sur des motifs religieux, le style d'habillement de la recourante est protégé par les articles 49, Cst. et 9 CEDH.

bb) Dans ces circonstances, le principe constitutionnel non écrit de la liberté personnelle, invoqué en première ligne par la recourante, ne trouve pas d'application.

En effet, la liberté personnelle se conçoit comme une garantie générale et subsidiaire. Elle ne s'applique donc pas lorsque l'épanouissement de la personnalité du citoyen est touché sous un aspect protégé par une liberté individuelle plus spécifique, telle que la liberté de conscience et de croyance (ATF 123, I, 112, cons. 4a, p. 118 ; 119, Ia, 178, cons. 5, p. 187 ; 117, Ia, 27, cons. 5b, p. 30 ; 114, Ia, 350, cons. 5, p. 357 et les arrêts cités ; Häfelin, op. cit., n. 108/109, ad. art. 49 ; Walter Haller, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 90 et s., ad. Liberté personnelle).

cc) La recourante soutient ensuite que l'arrêté attaqué ne respecte pas le noyau intangible de la liberté garantie par l'article 49 Cst. Selon elle, le port du foulard est une expression religieuse externe liée si intimement à une conviction interne que l'interdire équivaut à porter atteinte à celle-ci.

La jurisprudence et la doctrine ne sont pas unanimes à propos du noyau intangible de la liberté religieuse (ATF 101, Ia, 392 ; Jörg Paul Müller, Stefan Müller, Die Grundrechte der schweizerischen Bundesverfassung, 2e éd., Berne 1991, p. 58 ; Jörg Paul Müller, Éléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux, Berne, 1983, p. 157 ; Burckhardt, op. cit., p. 442 ; Martin Philipp Wyss, « Glaubens- und Religionsfreiheit zwischen Integration und Isolation », in ZBl 95/1994, p. 385 et s., spéc. p. 394 et s.; Häfelin, op. cit., n. 7 et 124 et s., ad. art. 49 ; Karlen, Das Grundrecht der Religionsfreiheit in der Schweiz, Zurich, 1988, p. 243 et s. et 318). Elles s'accordent toutefois à admettre, d'une part, que le noyau intangible comprend l'interdiction de contraindre quelqu'un à adopter une conviction et, d'autre part, qu'il ne comporte pas les manifestations extérieures d'une conviction. Ainsi, le droit d'exprimer ses convictions religieuses, de les professer ou de les mettre en pratique dans des actes cultuels n'est pas protégé de manière absolue (Häfelin, op. cit., n. 125, ad. art. 49).

De même, selon l'article 9, par. 2 CEDH, la liberté de manifester sa religion ou sa conviction peut faire l'objet de restrictions (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 25 mai 1993 en la cause Kokkinakis c/ Grèce, série A, n. 260-A, § 33 ; Frowein, Peukert, Europäische Menschenrechtskonvention, 2e éd., 1996, n. 1, ad. art. 9, p. 368). A contrario, la liberté intérieure présente un caractère absolu : ne pouvant, par nature, donner lieu à des atteintes à l'ordre public, elle échappe à toute restriction (Velu, Ergec, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, 1990, n. 714, p. 584).

En l'espèce, même s'il est particulièrement important aux yeux de l'intéressée, et même s'il ne représente pas seulement l'expression d'une conviction religieuse mais obéit à une exigence impérative de celle-ci, le port du foulard et de vêtements amples reste une manifestation extérieure qui, à ce titre, n'appartient pas au noyau intangible de la liberté de religion.

Dès lors, à l'instar des autres libertés constitutionnelles, la liberté de religion de la recourante peut être limitée à condition que la restriction repose sur une base légale suffisante, réponde à un intérêt public prépondérant et respecte le principe de la proportionnalité (ATF 119, Ia, 178, cons. 3 et 4, p. 182 et s.; 117, Ia, 311, cons. 2b, p. 315 ; Häfelin, op. cit., n. 131 et s., ad. art. 49).

Des limitations à la liberté de religion garantie par l'article 9 CEDH sont également possibles, selon le paragraphe 2 de cette disposition, à condition qu'elles concernent la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, qu'elles soient prévues par la loi et qu'elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

3. - La recourante prétend que l'arrêté entrepris ne repose pas sur une base légale suffisante.

Le Tribunal fédéral examine librement, lorsqu'elle est grave, si une atteinte à une liberté constitutionnelle se fonde sur une base légale suffisante (ATF 122, I, 236, cons. 4a, p. 244, 360, cons. 5b/bb, p. 363 et les arrêts cités). En l'espèce, peu importe que l'arrêté attaqué implique une atteinte grave ou non à la liberté de conscience et de croyance de la recourante, car même un examen libre conduit à admettre l'existence d'une base légale suffisante.

Les atteintes graves portées à une liberté constitutionnelle doivent être réglées, pour l'essentiel, de manière claire et non équivoque dans une loi au sens formel (ATF 122, I, 360, cons. 5b/bb, p. 363 ; 118, Ia, 305, cons. 2a, p. 309/310). Toutefois, lorsqu'une atteinte à la liberté de conscience et de croyance est constituée par une prescription de comportement très particulière, voire secondaire à l'aune du citoyen moyen (ici, l'interdiction faite à un enseignant de porter le foulard à l'école), on ne saurait exiger une base légale trop précise. Il suffit dans ces circonstances que la prescription de comportement découle d'une obligation plus générale contenue dans la loi au sens formel.

De plus, en l'espèce, la décision querellée concerne la recourante en tant que fonctionnaire de l'État de Genève. Or, les fonctionnaires sont soumis à un rapport de puissance publique spécial, auquel ils ont librement adhéré et auquel ils trouvent un intérêt, ce qui justifie qu'ils ne puissent bénéficier des libertés publiques que dans une mesure limitée. Notamment, il n'est pas nécessaire que la base légale qui doit fonder les restrictions à ces libertés soit particulièrement précise. En effet, la multiplicité et la variété des rapports quotidiens entre l'agent et l'autorité dont il dépend excluent que les comportements à limiter ou à interdire puissent être prévus dans une nomenclature exhaustive. Il suffit dès lors que la loi indique de manière générale, par des concepts juridiques indéterminés, les valeurs qui doivent être respectées et qui pourront être concrétisées par ordonnance ou par décision individuelle. En revanche, dans leur contenu, les restrictions aux libertés publiques doivent être justifiées par le but et la bonne marche de l'institution. Enfin, le respect des principes d'intérêt public et de proportionnalité sera contrôlé d'autant plus rigoureusement que l'atteinte aux intérêts du fonctionnaire est grave et la base légale imprécise (ATF 120, Ia, 203, cons. 3a, p. 205 ; 119, Ia, 178, cons. 6b, p. 188 ; 101, Ia, 172, cons. 6, p. 181 ; SJ 1995, 681, cons. 3 ; ZBl 85/1984, 308, cons. 2b ; Pierre Moor, Droit administratif, Berne, vol. III, 1992, n. 5.1.2.3., p. 213/214 et n. 5.3.1.2 ,p. 223/224 ; vol. I, 1994, n. 4.2.4.5, p. 362 et s.; Thomas Wyss, Die dienstrechtliche Stellung des Volksschullehrers im Kanton Zürich, thèse Zurich, 1986, p. 224 et s.; Paul Richli, « Grundrechtliche Aspekte der Tätigkeit von Lehrkräften », PJA 6/93, p. 673 et s., spéc. p. 677).

À Genève, l'article 6 de la loi cantonale du 6 novembre 1940 sur l'instruction publique (LIP) dispose que « l'enseignement public garantit le respect des convictions politiques et confessionnelles des élèves et des parents ». Il ressort en outre des articles 164 et s. de la Constitution cantonale que ce canton connaît une séparation nette de l'Église et de l'État, au sens d'une laïcité de celui-ci (Ueli Friederich, Kirchen und Glaubensgemeinschaften im pluralistischen Staat, thèse Berne, 1993, p. 239 et Häfelin, op. cit., n. 26/27, ad. art. 49). En matière scolaire, cette séparation est concrétisée par l'article 120, alinéa 2 LIP selon lequel : « Les fonctionnaires doivent être laïques ; il ne peut être dérogé à cette disposition que pour le corps enseignant universitaire. »

En l'espèce, l'interdiction faite à la recourante de porter un foulard indiquant clairement l'appartenance à une confession déterminée concrétise la volonté accrue du législateur genevois, exprimée dans les dispositions précitées, de respecter en matière scolaire les principes de neutralité religieuse (cf. art. 27, al. 3 Cst.) et de séparation de l'Église et de l'État. Dès lors, même si l'arrêté entrepris comportait une atteinte grave à la liberté religieuse de la recourante, il se fonde sur une base légale suffisante.

Encore peut-on préciser que, malgré son habillement caractéristique, la recourante n'occupe aucune fonction particulière dans l'organisation islamique, de sorte qu'il est douteux qu'elle ne puisse plus être qualifiée de laïque au sens de l'article 120 al. 2 LIP. Du reste, dans ses observations du 15 janvier 1997, le Conseil d'État indique qu'il n'a jamais prétendu qu'elle ne respecterait plus les exigences de cette disposition. La prise en compte de cet article dans l'analyse de la base légale s'explique toutefois du fait qu'il constitue l'une des expressions de la volonté du législateur d'instaurer une école religieusement neutre.

On pourrait enfin se demander si un canton peut se fonder directement sur l'article 27, alinéa 3 Cst. pour ordonner à ses enseignants de respecter la neutralité religieuse de l'école également dans leur apparence extérieure, ou s'il doit nécessairement disposer d'une norme cantonale à cet égard. Cette question peut toutefois rester indécise, la législation genevoise comportant une telle base légale.

4. - a) Puis, la recourante déclare que la décision attaquée ne répond pas à un intérêt public.

En arborant un signe religieux fort dans l'enceinte de l'école, voire en classe, la recourante peut porter atteinte aux sentiments religieux de ses élèves, des autres élèves de l'école et de leurs parents. Certes, ni parents ni élèves ne se sont plaints jusqu'ici. Mais cela ne signifie pas qu'aucun d'entre eux n'ait été heurté. Il est possible que certains aient renoncé à intervenir directement pour ne pas envenimer la situation, en espérant une réaction spontanée des autorités scolaires. Du reste, l'opinion publique s'est émue de ce problème, la recourante a fait l'objet de nombreuses interviews et le Grand Conseil a adopté une résolution dans le sens de la décision prise par le Conseil d'État. De même, s'il est vrai que les autorités scolaires ne sont pas intervenues par voie de décision immédiatement après que l'inspectrice les a informées de la tenue de la recourante, cette attitude ne doit pas être entendue comme un assentiment implicite. Il est compréhensible que les autorités scolaires aient d'abord tenté de régler la question sans épreuve de force.

La décision attaquée est en droite ligne du principe de la neutralité confessionnelle de l'école, dont le but est non seulement de protéger les convictions religieuses des élèves et des parents, mais également d'assurer la paix religieuse qui, sous certains aspects, reste fragile. À cet égard, il faut relever que l'école risquerait de devenir un lieu d'affrontement religieux si les maîtres étaient autorisés par leur comportement, notamment leur habillement, à manifester fortement leurs convictions dans ce domaine.

Il existe donc un intérêt public important à interdire à la recourante de porter le foulard musulman.

b) Encore faut-il examiner si l'arrêté entrepris respecte le principe de la proportionnalité et peser avec le plus grand soin les intérêts en jeu (Häfelin, op. cit., n. 139, ad. art. 49).

À cet égard, il convient de comparer la liberté de conscience et de croyance de la recourante à l'intérêt public à la neutralité confessionnelle de l'école, c'est-à-dire de confronter l'intérêt de la recourante à respecter un commandement de sa religion à l'intérêt des élèves et de leurs parents à ne pas être influencés ou heurtés dans leurs propres convictions, ainsi qu'à l'intérêt de maintenir la paix confessionnelle à l'école. Enfin, encore faut-il tenir compte de la nécessité d'une tolérance, également composante du principe de la neutralité confessionnelle, entre les adhérents de diverses croyances religieuses (cf. ATF 119, Ia, 178, cons. 7a, p. 190 ; 116, Ia, 252, cons. 6a, p. 261 ; Karlen, Umstrittene Religionsfreiheit, op. cit., p. 199/200 ; même auteur, Das Grundrecht, op. cit., p. 193 et s. et 386 ; Walter Gut, « Kreuz und Kruzifix in öffentlichen Räumen im säkularen Staat », in RDS 1997, I, p. 63 et s., spéc. n. 11, p. 77 ; Martin Philipp Wyss, op. cit., p. 405 ; Pius Hafner, Staat und Kirche im Kanton Luzern, Fribourg, 1991, p. 199 ; Constance Grewe et Christian Rumpf, « La Cour constitutionnelle turque et sa décision relative au »foulard islamique" ", in RUDH 1991, p. 113 et s., spéc. n. 2, in fine, p. 124).

Il faut cependant d'emblée rappeler que la liberté religieuse ne saurait dispenser automatiquement une personne de ses devoirs civiques ou, ici, de ses devoirs de fonction (ATF 119, Ia, 178, cons. 7a, p. 190). Les enseignants doivent tolérer des restrictions - proportionnées - à leur liberté religieuse (Hafner, La libertà religiosa chiede la tolleranza per i simboli religiosi, J + P Text 2/95, n. III/D4, p. 9 ; Thomas Wyss, op. cit., p. 232).

aa) Avant d'étudier de plus près les questions litigieuses, il n'est pas inutile d'examiner les solutions adoptées par d'autres pays dans des cas identiques ou par le Tribunal fédéral dans des affaires analogues.

Ainsi, en Allemagne, le 9 septembre 1985 (NVwZ 1986, n. 49, p. 405 et s.), le Tribunal administratif supérieur de Munich a confirmé l'interdiction faite à un enseignant d'une école publique de porter, dans l'enceinte de l'école, des vêtements de couleurs répondant aux exigences du mouvement religieux Bhagwan (tons rouges, allant de rose à lilas foncé). Le Tribunal administratif a retenu que l'enseignant qui met constamment et quotidiennement en exergue, par son habillement, qu'il adhère à certaines convictions religieuses, conduit nécessairement ses élèves à se préoccuper de ses idées (arrêt critiqué par Hans W. Alberts, « Neue Religionen und Beamtenrecht - Sannyasin als Lehrer ? », in NVwZ 1985, p. 92 et s., spéc. p. 95).

En France, dans un arrêt du 20 octobre 1994, le Tribunal administratif de Bordeaux a admis le recours d'une élève infirmière qui avait été exclue de l'école parce qu'elle refusait de renoncer au port du voile ou d'un bonnet chirurgical, bien que le foulard ou le bonnet puisse gravement troubler certains patients du département psychiatrique dans lequel elle devait faire son stage. Selon un auteur allemand, A. Gromitsaris (« Laïzität und Neutralität in der Schule », in AöR, 121/1996, p. 359 et s., spéc. p. 393), la doctrine qui s'est exprimée au sujet de cette décision a surtout traité de l'ambivalence du statut de l'élève infirmière, qui peut être simple élève ou stagiaire dans un hôpital. En ce sens, si le port du foulard par une élève peut être autorisé à l'école, il est inadmissible dans le cadre d'un stage professionnel effectué comme soignante dans un service public, le comportement de la stagiaire devant alors être imputé à l'État.

Toujours en France, dans un arrêt du 14 avril 1992, le Tribunal administratif de Versailles a confirmé la non-prolongation du contrat d'une « maîtresse de demi-pension » (une surveillante) d'un établissement scolaire secondaire qui ne voulait pas quitter le voile. Gromitsaris (op. cit., p. 394) souligne à cet égard que la « maîtresse » n'exerçait pas d'activités d'enseignement et ne se livrait à aucun acte de prosélytisme, de sorte qu'une telle atteinte dans sa liberté de religion était justifiée uniquement du fait qu'elle incarnait l'école dans son activité de surveillance. En outre, dans le cadre de ce rapport hiérarchique envers les élèves, le simple port du foulard comportait un caractère ostentatoire agissant sur le processus de formation de la conscience de ceux-ci. Cet auteur soulignait en d'autres termes que les signes d'appartenance religieuse ont en eux-mêmes, lorsqu'ils sont portés par des enseignants ou d'autres membres de l'administration scolaire, un caractère violant le principe de la laïcité.

Dans l'ATF 116, Ia, 252, cons. 7b, p. 262, le Tribunal fédéral a retenu que la décision de l'autorité de faire placer un crucifix dans les salles d'école est contraire au principe de la neutralité confessionnelle de l'école sanctionnée par l'article 27, alinéa 3 Cst., car on peut concevoir que celui qui fréquente l'école publique voit dans la présence d'un tel symbole la volonté de se référer à des conceptions de la religion chrétienne en matière d'enseignement ou de placer l'enseignement sous l'influence d'une telle religion ; il n'est pas non plus exclu que quelques personnes se sentent lésées dans leurs convictions religieuses par la présence constante, dans les salles de classe, du symbole d'une religion à laquelle ils n'appartiennent pas. Cela peut avoir des conséquences non négligeables spécialement sur l'évolution spirituelle des élèves et sur leurs convictions religieuses - qui sont celles de leurs parents - et dans lesquelles ils sont éduqués en même temps qu'à l'école, conséquences que l'article 27, alinéa 3 Cst. veut justement éviter. On peut tirer de cet arrêt une analogie certaine dans la mesure où il s'agissait également d'un symbole religieux fort. Certes, le crucifix avait été apposé par les autorités scolaires mais force est de constater que le maître représente également l'État et l'école.

Enfin, dans l'ATF 119, Ia, 178, cons. 7a, p. 190, le Tribunal fédéral a autorisé une enfant à ne pas participer à des cours de natation mixte à l'école primaire car, selon la conception de sa famille, l'islam interdisait la mixité en ce domaine. À cet égard, le Tribunal fédéral a relevé que, selon l'article 49, alinéa 5 Cst., les opinions religieuses ne permettent pas de s'affranchir de l'accomplissement des devoirs civiques, mais que le caractère prioritaire de ces devoirs ne doit cependant pas être considéré comme absolu, car les alinéas 1er et 5 de l'article 49 Cst. sont, d'un point de vue juridique, de même niveau. Il appartient dès lors au législateur, lorsqu'il définit les devoirs des citoyens, de prendre en considération la liberté de conscience et de croyance. Cet arrêt comporte toutefois la différence importante qu'il s'agissait alors d'une restriction imposée à une élève, non à un enseignant.

bb) En ce qui concerne le cas d'espèce, l'intérêt public opposé à l'intérêt de la recourante est la neutralité confessionnelle, sous ses différents aspects, qu'il convient d'examiner ci-après :

La liberté de conscience et de croyance oblige l'État à observer une neutralité confessionnelle et religieuse ; le citoyen peut se prévaloir à cet égard d'un droit individuel (ATF 118, Ia, 46, cons. 3b, p. 53 et 4e/aa, p. 58 ; 113, Ia, 304, cons. 4c, p. 307). L'État peut porter atteinte à la liberté religieuse lorsqu'il prend parti de manière illicite dans des controverses d'ordre religieux ou métaphysique, en particulier en soutenant financièrement un des protagonistes (ATF 118, Ia, 46, cons. 4e/aa, p. 58).

L'exigence de neutralité n'est cependant pas absolue, ce que démontre l'existence - admissible - d'Églises nationales garanties par le droit public (ATF, 118, Ia, 46, cons. 4e/aa, p. 58 ; 116, Ia, 252, cons. 5d, p. 258/259). La neutralité n'a pas pour sens d'exclure, dans les activités de l'État, tout élément d'ordre religieux ou métaphysique ; toutefois, une attitude antireligieuse, telle qu'une laïcité de combat, voire irréligieuse, n'est pas neutre. La neutralité tend à ce que toutes les conceptions existant dans une société pluraliste soient prises en compte sans esprit partisan. Le principe selon lequel l'État ne doit avantager ou désavantager personne pour des motifs religieux a une portée générale et il découle directement des articles 49 et 50 Cst. (ATF 118, Ia, 46, cons. 4e/aa, p. 58 ; Karlen, Umstrittene Religionsfreiheit, op. cit., p. 199/200 ; même auteur, Das Grundrecht, op. cit., p. 188). Finalement, la laïcité de l'État se résume en une obligation de neutralité qui lui impose de s'abstenir, dans les actes publics, de toute considération confessionnelle ou religieuse susceptible de compromettre la liberté des citoyens dans une société pluraliste (ATF 116, Ia, 252, cons. 5e, p. 260 et les références citées). En ce sens, elle vise à préserver la liberté de religion des citoyens, mais aussi à maintenir, dans un esprit de tolérance, la paix confessionnelle (cf. Gut, op. cit., n. 11, p. 76 ; Martin Philipp Wyss, op. cit., p. 400/401).

Cette neutralité prend une importance particulière à l'école publique, car l'enseignement est obligatoire pour chacun, sans aucune différence entre les confessions. En cette matière, l'article 27, alinéa 3 Cst., selon lequel « les écoles publiques doivent pouvoir être fréquentées par les adhérents de toutes les confessions, sans qu'ils aient à souffrir d'aucune façon dans leur liberté de conscience ou de croyance », est le corollaire de la liberté de conscience et de croyance. Cette disposition a pour but de garantir le respect de la sensibilité des individus de convictions diverses, de renforcer le droit conféré aux parents par les articles 49, alinéa 3 Cst. et 303 CC et de protéger de toute influence le droit des enfants de choisir librement leur confession au moment où ils accomplissent leur 16e année (ATF 116, Ia, 252, cons. 6, p. 260). Enfin, voulant préserver la paix confessionnelle, la neutralité religieuse tend à éviter que l'école devienne un lieu d'affrontement entre tenants de convictions différentes. En conséquence, l'orientation confessionnelle de l'enseignement de la part de l'autorité ou des enseignants - en faveur ou en défaveur d'une ou de plusieurs religions - ne saurait être imposée de manière contraignante (ATF 116, Ia, 252, cons. 6b, p. 261). L'article 27, alinéa 3 Cst. prohibe donc les programmes, formes et méthodes d'enseignement ou d'organisation scolaire, qui ont une orientation confessionnelle ou qui, au contraire, sont hostiles aux convictions religieuses (ATF 119, Ia, 178, cons. 1c, p. 180 ; Fleiner, Giacometti, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Zurich, 1949, p. 329 ; Burckhardt, op. cit., p. 200). De même, l'école ne doit pas s'identifier à certaines conceptions religieuses - majoritaires ou minoritaires - au détriment des adhérents d'autres confessions (ATF 116, Ia, 252, cons. 7b, p. 262 ; Hafner, Staat und Kirche, op. cit., p. 195 ; Karlen, Das Grundrecht, op. cit., p. 188 et 396). Elle doit tenir compte du phénomène religieux, sans toutefois compromettre la liberté de religion des élèves, notamment en exerçant des contraintes à leur encontre ou en dépréciant ou vantant certaines convictions déterminées (ATF 118, Ia, 46, cons. 4e/aa, p. 58 ; Karlen, Das Grundrecht, op. cit., p. 386 ; Burckhardt, op. cit., p. 201).

Dans cette optique, l'attitude des enseignants joue un rôle important. Même par leur seul comportement, ceux-ci peuvent avoir une grande influence sur leurs élèves ; ils représentent un modèle auquel les élèves sont particulièrement réceptifs en raison de leur jeune âge, de la quotidienneté de la relation - à laquelle ils ne peuvent en principe se soustraire - et de la nature hiérarchique de ce rapport. En fait, l'enseignant est détenteur d'une part de l'autorité scolaire et représente l'État, auquel son comportement doit être imputé. Il est donc spécialement important qu'il exerce ses fonctions, c'est-à-dire transmette des connaissances et développe des aptitudes, en restant confessionnellement neutre. Il ne doit pas seulement renoncer à utiliser des moyens illicites pour tenter d'endoctriner ses élèves, tels que des pressions psychiques, la sanction d'opinions opposées ou la discrimination, mais il doit en outre être particulièrement attentif à respecter la liberté de religion de ses élèves, c'est-à-dire à observer une grande discrétion dans l'expression de ses croyances, à ne pas les heurter dans leurs convictions et à ne pas abuser de son autorité pour contrarier l'éducation que leurs parents entendent leur donner ou pour les influencer dans leur choix, le moment venu. Il lui appartient ainsi de prendre en considération les différentes croyances de ses élèves et de faire régner dans l'école une atmosphère de tolérance religieuse (Karlen, Das Grundrecht, op. cit., p. 389 ; Herbert Plotke, Schweizerisches Schulrecht, Berne, 1979, p. 155 et 160 ; Favre, op. cit., p. 300).

Toutefois, un enseignement absolument neutre sous tous ses aspects est, concrètement, difficilement concevable (Marco Borghi, Commentaire de la Constitution fédérale, n. 68/69, ad. art. 27). Il est inévitable que les convictions de l'enseignant exercent une certaine influence dans des matières déterminées de l'enseignement (histoire, géographie...), sur sa manière d'éduquer ses élèves et sur son comportement en général. Du reste, l'exigence de neutralité à l'école ne permet pas de disqualifier des maîtres ayant des convictions religieuses, ni même d'attendre d'eux qu'ils renient leur confession au point qu'elle ne soit plus reconnaissable (Borghi, op. cit., n. 76/77, ad. art. 27 ; Plotke, op. cit., p. 160/161 ; Favre, op. cit., p. 300). De même, la liberté de croyance ne comporte pas un droit général à ne pas être exposé aux convictions religieuses d'autrui (Karlen, « Religiöse Symbole in öffentlichen Räumen », in ZBl 90/1989, p. 12 et s., spéc. p. 15).

Toute la question est ainsi de savoir jusqu'où va le devoir de réserve d'un enseignant d'une école publique dans le cadre de ses activités.

Une réponse doit être élaborée en tenant compte de toutes les circonstances du cas concret (cf. Karlen, Umstrittene Religionsfreiheit, op. cit., p. 206 et s.). Le devoir de réserve sera plus strict lorsqu'il s'agit de l'école obligatoire. Dans ce sens, en principe, plus les degrés d'enseignement sont élevés, plus les limites posées au comportement orienté de l'enseignant doivent être élargies, car les élèves plus âgés disposent normalement d'une plus grande capacité de discernement en matière spirituelle et sont, sur les plans intellectuels et personnels, plus indépendants de leur maître (Burckhardt, op. cit., note 1, p. 200). Le danger d'influence par le maître doit de même être relativisé dans la mesure où les élèves sont soumis à d'autres courants provenant de l'environnement, de camarades, d'autres professeurs et de leurs parents. Enfin, il faut examiner la manière dont l'enseignant vit et présente ses convictions à l'école. En particulier, son devoir de discrétion peut être assoupli s'il met en évidence que son opinion n'en est qu'une parmi d'autres et s'il encourage ses élèves à se déterminer en toute liberté (Thomas Wyss, op. cit., p. 227 et 231). De même, si la manifestation religieuse extérieure du maître inclut le port d'un signe religieux, il faut tenir compte du degré de visibilité et de force d'évocation de ce symbole (Karlen, Umstrittene Religionsfreiheit, op. cit., p. 207 et 210).

cc) En l'espèce, d'un côté, ainsi qu'on l'a vu plus haut, interdire à la recourante de porter le foulard la place devant une alternative difficile : ne pas respecter un précepte de sa religion qu'elle juge important ou courir le risque de ne plus pouvoir enseigner à l'école publique.

Mais, d'un autre côté, le foulard est ici un signe religieux évident. En outre, la recourante enseigne dans une école primaire, c'est-à-dire à de jeunes enfants particulièrement influençables. Certes, il ne lui est pas reproché de se livrer au prosélytisme ni même de parler de ses convictions à ses élèves. La recourante ne peut toutefois guère se soustraire aux questions que les enfants n'ont pas manqué de lui poser. Il paraît plutôt délicat d'invoquer à cet égard des arguments esthétiques ou de sensibilité au froid, ainsi qu'elle a déclaré, selon le dossier, l'avoir fait jusqu'à présent, car les enfants se rendent compte qu'il s'agit d'une échappatoire. Elle peut ainsi difficilement leur répondre sans exposer ses convictions.

Or, la recourante détient une part de l'autorité scolaire et personnifie l'école aux yeux de ses élèves, de sorte que, même si d'autres enseignants de la même école font montre d'autres opinions religieuses, une telle représentation de soi paraît difficilement concevable avec le principe de non-identification, dans la mesure où, comme fonctionnaire, son comportement doit être imputé à l'État. Enfin, il faut rappeler que le canton de Genève a opté pour une nette séparation de l'Église et de l'État qui se traduit notamment par une laïcité marquée de l'enseignement public.

Par ailleurs, force est de constater que le port du foulard est difficilement conciliable avec le principe de l'égalité de traitement des sexes (cf. Sami Aldeeb, « Musulmans en terre européenne », PJA 1/96, p. 42 et s., spéc. lettre d, p. 49). Or, il s'agit là d'une valeur fondamentale de notre société, consacrée par une disposition constitutionnelle expresse (art. 4, al. 2 Cst.), qui doit être prise en compte par l'école.

De plus, la paix confessionnelle demeure finalement malgré tout fragile et l'attitude de la recourante est susceptible d'entraîner des réactions, voire des affrontements qu'il convient d'éviter. Il faut du reste tenir compte dans la pesée des intérêts du fait qu'admettre le port du foulard conduirait à accepter également le port de symboles vestimentaires forts d'autres religions, par exemple la soutane ou la kippa (à cet égard, sous l'angle de la proportionnalité, le Conseil d'État admet qu'un maître porte à l'école un signe religieux discret, par exemple un petit bijou, problème qu'il n'est pas nécessaire d'approfondir ici). Pareille conséquence pourrait compromettre le principe de la neutralité confessionnelle à l'école. On peut enfin noter qu'il est difficilement concevable d'interdire la pose du crucifix dans une école publique et d'admettre que les maîtres portent eux-mêmes des symboles religieux forts, peu importe de quelle confession.

En conclusion, il existe en l'espèce des éléments prépondérants qui permettent au Conseil d'État, sans violer les articles 49 Cst. ou 9 CEDH, d'interdire à la recourante de porter le foulard dans le cadre de ses activités d'enseignante.

[La Cour européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable une requête présentée par l'intéressée qui se plaignait, après l'arrêt du Tribunal fédéral, d'une ingérence inadmissible dans son droit de manifester sa religion (art. 9 CEDH) ainsi que d'une discrimination fondée sur le sexe (art. 14 CEDH) - décision du 15 février 2001, publiée dans le Recueil de la Cour européenne des droits de l'homme 2001-V, p. 429.]

II. Sommaires d'arrêts récents du Tribunal fédéral, dans différents domaines de la juridiction constitutionnelle

Liberté personnelle

ATF 130, I, 16 - arrêt du 7 janvier 2004, cause X. c/ Psychiatrische Klinik Oberwil et Verwaltungsgericht des Kantons Zug

Traitement médicamenteux forcé en clinique psychiatrique au cours de la privation de liberté à des fins d'assistance ; art. 7, art. 10, al. 2 et art. 36 Cst., art. 8 CEDH.

Un traitement médicamenteux forcé constitue une atteinte grave à la liberté personnelle et touche au coeur même de la dignité humaine (cons. 3).

Base légale dans le canton de Zoug (cons. 4).

Nécessité d'une pesée globale et complète des intérêts en présence : intérêts publics, caractère indispensable du traitement, conséquences d'une absence de traitement, examen des alternatives, appréciation de la mise en danger de soi et des tiers (cons. 5).

ATF 130, I, 65 - arrêt du 27 janvier 2004, cause X. c/ Direction de la Prison de Champ-Dollon, ainsi que Tribunal administratif de la République et canton de Genève

Art. 10, al. 2 et art. 36 Cst., liberté personnelle ; obligation des visiteurs de se soumettre à un contrôle de sécurité (détecteur de métal) à l'entrée de la prison ; art. 8, al. 1 Cst., égalité de traitement.

L'obligation, pour le visiteur de la prison, de se soumettre à un contrôle de sécurité impliquant pour lui de franchir un portique équipé d'un détecteur de métal, et de retirer ses chaussures ou sa ceinture pour le cas où l'appareil persisterait à signaler la présence de métal, ne constitue pas une restriction grave à la liberté personnelle (cons. 3.1-3.3).

En l'occurrence, les conditions de la base légale (cons. 3.4) et du respect de la proportionnalité (cons. 3.5) sont remplies.

Il est justifié que les gardiens de la prison, les policiers et les juges ne soient pas soumis à ce contrôle, à la différence des autres visiteurs et, en particulier, des avocats. Cette différence ne constitue pas une inégalité de traitement prohibée (cons. 3.6).

ATF 129, I, 173 - arrêt du 12 février 2003, cause X. et consorts c/ F., Gemeinderat et Bezirksrat Meilen ainsi que Verwaltungsgericht des Kantons Zürich

Liberté personnelle (art. 10, al. 2 Cst.).

Droit des parents du défunt de déterminer le lieu de sépulture ; protection, après le décès, des droits de la personnalité du défunt ; pesée des divers intérêts en jeu, protégés par les droits fondamentaux, dans le cadre de l'article 36 Cst.

ATF 128, I, 63 - arrêt du 4 mars 2002, cause A.A. c/ B.B. ainsi que Regierungsrat et Obergericht des Kantons Luzern

Liberté personnelle (art. 10 Cst., art. 8 CEDH); art. 7, al. 1 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant (CDE).

Droit de connaître son ascendance : l'enfant adopté majeur dispose du droit de connaître ses parents biologiques et, partant, de consulter les indications masquées du registre d'état civil, indépendamment de toute pesée des intérêts opposés (cons. 2-5).

ATF 127, I, 6 - arrêt du 22 mars 2001, cause P. c/ Psychiatrische Universitätsklinik Basel et Psychiatrie-Rekurskommission Basel-Stadt

Traitement médicamenteux forcé en clinique psychiatrique au cours de la privation de liberté à fins d'assistance ; art. 7, 10, 13 et 36 Cst.; arti. 3 et 8 CEDH ; art. 7 Pacte ONU II.

Base juridique de la médication forcée ; loi du canton de Bâle-Ville sur le traitement et l'internement des personnes atteintes de maladies psychiques (loi sur la psychiatrie ; cons. 2a, 4 et 7a).

Portée de la liberté personnelle selon l'article 10, alinéa 2 Cst., comparé avec l'ancien droit non écrit et avec les garanties spéciales d'autres dispositions constitutionnelles (cons. 5a); portée de la garantie de la dignité humaine selon l'article 7 Cst. (cons. 5b); droits fondamentaux garantis par le droit international en rapport avec le traitement médicamenteux forcé (cons. 5c-f).

Examen des conditions d'un traitement médicamenteux selon la loi sur la psychiatrie, en ce qui concerne l'incapacité de discernement (cons. 7b), la volonté présumée (cons. 7c) et l'urgence (cons. 7d).

Intérêts prépondérants propres à justifier le traitement forcé (cons. 8).

Examen de la proportionnalité de l'atteinte au droit fondamental, d'après la loi sur la psychiatrie (cons. 9b et 9c) et au regard de l'article 36 Cst. (cons. 9d).

Protection de la sphère privée

ATF 126, I, 7 - arrêt du 23 mars 2000, cause O. c/ Chambre d'accusation et chef de la police du canton de Genève

Art. 10, al. 2, 13, al. 2 et 29, al. 2 Cst.; consultation d'un dossier de police.

Distinction entre le droit de consulter le dossier tel qu'il découle de la liberté personnelle (art. 10, al. 2 Cst.) et de la protection contre l'emploi abusif des données personnelles (art. 13, al. 2 Cst.), d'une part, et du droit d'être entendu (art. 29, al. 2 Cst.), d'autre part (cons. 2).

Le droit cantonal applicable permet de requérir la rectification et la radiation de données inexactes contenues dans un dossier de police. Sous réserve d'un intérêt prépondérant qu'il appartient à l'autorité de démontrer, ce droit implique la faculté de consulter le dossier en question (cons. 3).

ATF 126, I, 50 - arrêt du 5 avril 2000, cause Swiss Online AG c/ Bezirksanwaltschaft Dielsdorf et Staatsanwaltschaft des Kantons Zürich

Secret des télécommunications, surveillance du courrier électronique (e-mail) ordonnée dans une procédure pénale à titre de mesure de contrainte ; art. 4 a Cst., art. 9 Cst., art. 36, al. 4, a Cst., art. 13, al. 1 Cst., § 103 et 104 et s., CPP/ZH.

Le fondement juridique des atteintes au secret des télécommunications ne se trouve pas dans la loi fédérale sur les télécommunications, mais dans les normes pertinentes de procédure pénale (cons. 2).

Est arbitraire le fait d'exiger d'un fournisseur d'accès à Internet (provider), sur la base du § 103 CPP/ZH, la recherche et l'édition de données concernant l'expéditeur et le moment de l'envoi d'un message électronique (e-mail) manipulé (cons. 4).

L'identification des participants à des conversations téléphoniques représente une atteinte au secret des télécommunications ; elle doit donc satisfaire aux conditions posées à cet égard par la Constitution et par la loi (cons. 5b).

Le secret des télécommunications, garanti par la Constitution, vaut aussi pour les communications par e-mail au moyen d'Internet ; exigences à respecter pour des atteintes à ce secret (cons. 6a).

La recherche et l'édition des données techniques (provenance, identification) relatives à une communication par e-mail nécessitent une base légale et doivent être approuvées par un juge (cons. 6b et 6c).

ATF 125, I, 257 - arrêt du 24 juin 1999, cause J.H. c/ Président du Tribunal cantonal du canton de Vaud

Art. 4 Cst., art. 8 CEDH et art. 7, al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant ; liberté personnelle ; droit de consulter le dossier de tutelle archivé.

Rappel des principes gouvernant le droit de consulter un dossier personnel archivé, sous l'angle du droit d'être entendu, de la liberté personnelle et de l'article 8 CEDH (cons. 3a et 3b). Droit de l'enfant de connaître son ascendance (cons. 3c).

Pesée des intérêts en présence (cons. 4).

Liberté de conscience et de croyance

ATF 129, I, 68 - arrêt du 18 décembre 2002, cause A. c/ Römisch-katholische Kirchgemeinde B. ainsi que Römisch-katholische Landeskirche des Kantons Luzern

Art. 15 Cst., art. 72 Cst.; art. 9 CEDH ; liberté de conscience et de croyance ; sortie de la paroisse respectivement de l'Église officielle.

Effets juridiques d'une déclaration exprimant la volonté de sortir uniquement de la paroisse respectivement de l'Église officielle, mais de continuer à faire partie de l'Église catholique romaine (sortie dite partielle de l'Église), à la lumière de la liberté de conscience et de croyance ainsi que de la réglementation juridique dans le canton de Lucerne (cons. 3.1-3.4).

ATF 129, I, 74 - arrêt du 13 janvier 2003, cause X. c/ Amt für Justizvollzug des Kantons Zürich ainsi que Direktion der Justiz und des Innern des Kantons Zürich

Art. 15 Cst.; art. 9 CEDH ; art. 18 Pacte ONU II ; liberté de conscience et de croyance pendant l'exécution des peines.

Liberté de culte en tant qu'élément essentiel de la liberté de conscience et de croyance. Exercice de la liberté de culte pendant l'exécution des peines ; limite de la participation à un service religieux (cons. 4).

Conditions auxquelles un détenu peut être libéré de l'obligation de travailler (art. 37, ch. 1, al. 2 CP) lors de fêtes religieuses (cons. 5 et 6).

ATF 126, I, 122 - arrêt du 13 juin 2000, cause Model AG c/ Steuerverwaltung et Verwaltungsgericht des Kantons Thurgau

Art. 49, al. 6 a Cst. (art. 15 Cst.); art. 4 a Cst.; § 224 de la loi fiscale thurgovienne ; liberté religieuse ; principe de la légalité ; impôt ecclésiastique et personnes morales.

Compétence législative et fiscale en matière d'impôt ecclésiastique (cons. 2).

Confirmation de la jurisprudence selon laquelle l'assujettissement des personnes morales à l'impôt ecclésiastique est en principe compatible avec l'article 49, alinéa 6, a Cst. Un changement de jurisprudence ne se justifie pas, même compte tenu des développements survenus, notamment de la révision totale de la Constitution fédérale (cons. 3-5).

ATF 125, I, 300 - arrêt du 7 mai 1999, cause Abd-Allah Lucien Meyers c/ Gemeinde Hausen a.A. et Regierungsrat des Kantons Zürich

Art. 53, al. 2 Cst., art. 49 Cst. et art. 50 Cst., art. 9 CEDH et art. 14 CEDH, art. 18 Pacte ONU II ; droit au « repos éternel » dans un cimetière public.

Compétence du Tribunal fédéral pour examiner le grief de violation de l'article 53, al.inéa 2 Cst. (cons. 1a); intérêt actuel de l'intéressé à l'examen de ce grief (cons. 1b).

Il n'existe aucun droit d'obtenir dans un cimetière public une sépulture conforme aux règles de l'Islam, notamment garantie pour une durée indéterminée, issu du droit à une sépulture décente (art. 53, al. 2 Cst.) ou de la liberté de religion et du libre exercice des cultes (art. 49 et 50 Cst.) (cons. 2 et 3).

Dans la mesure où une commune zurichoise octroie volontairement des sépultures même à des personnes domiciliées à l'extérieur de son territoire, elle peut soumettre cette offre, dans les limites des principes de l'égalité de traitement et de l'interdiction de l'arbitraire, aux limitations qui lui semblent indiquées (cons. 4).

Libertés d'opinion et d'information

ATF 127, I, 84 - arrêt du 23 avril 2001, cause P. c/ Stadtrat Luzern, Baudepartement et Verwaltungsgericht des Kantons Luzern

Art. 10, 14 et 18 CEDH ; art. 16 et 35, al. 2 Cst.; art. 84, al. 1 OJ ; utilisation par des privés de véhicules de transport public à des fins publicitaires ; liberté d'opinion ; interdiction de censurer.

L'intervention étatique qui empêche la conclusion d'un contrat de droit privé souhaité par un particulier constitue-t-elle un acte de puissance publique au sens de l'article 84, alinéa 1 OJ (cons. 4a)?

Il n'existe pas de droit fondamental à disposer d'un véhicule des transports publics urbains, en tant que support de publicité, pour diffuser une opinion. Différence entre l'utilisation du domaine public et l'usage du patrimoine administratif (cons. 4b).

L'État doit également respecter les droits fondamentaux des citoyens dans l'accomplissement de ses tâches, lorsqu'il agit comme sujet de droit privé. Étendue de l'obligation d'égalité de traitement lors de l'utilisation de biens publics à des fins commerciales (cons. 4c).

Peut être refusé un texte publicitaire devant figurer sur la surface extérieure d'un bus, parce qu'il pourrait être ressenti comme blessant par une partie de la population (cons. 4d).

ATF 127, I, 145 - arrêt du 27 juin 2001, cause Wottreng c/ Präsident des Obergerichts des Kantons Zürich

Consultation par des tiers de dossiers pénaux archivés ; liberté d'information et liberté de la science, art. 16 et 20 Cst.

Dispositions cantonales sur l'archivage (cons. 2).

L'auteur de l'ordonnance n'a pas violé le principe de la séparation des pouvoirs (cons. 3).

Éléments fondamentaux de la liberté de communication (cons. 4b); la liberté d'information et la liberté de la science ne fondent pas un droit de portée générale à l'obtention d'informations provenant de sources non accessibles à quiconque (dossiers archivés pendant le délai de protection) (cons. 4c et 4d).

Contrôle de l'application du droit cantonal sur l'archivage ; protection de la personnalité de défunts, de leur parenté et de tiers (cons. 5).

ATF 127, I, 164 - arrêt du 20 septembre 2001, cause Partei der Arbeit et consorts c/ Landschaft Davos Gemeinde et Verwaltungsgericht des Kantons Graubünden

Refus d'une autorisation de manifester à l'occasion du Forum économique mondial 2001 à Davos ; liberté d'opinion et de réunion ; art. 16 et 22 Cst., art. 11 CEDH, art. 21 Pacte ONU II.

Étendue de l'examen en cas d'inexistence d'un intérêt actuel ; limitation aux questions fondamentales (cons. 1a et 6).

Principes de la liberté d'opinion et de réunion en matière de manifestation sur le domaine public : assujettissement à autorisation, pesée des intérêts en fonction du contenu idéal des droits fondamentaux, fixation de charges et de conditions, devoir de collaboration des organisateurs (cons. 3).

Examen de la demande du point de vue des conditions de trafic et des risques de troubles (cons. 4).

Droit d'organiser, en principe, des manifestations aussi sur des places qui n'appartiennent pas au domaine public, mais sont néanmoins affectées à l'usage commun (cons. 5b).

Appréciation du report d'une manifestation à un autre moment (cons. 5c).

Droit à un enseignement de base

ATF 129, I, 12 - arrêt du 7 novembre 2002, cause V. et 20 consorts c/ Grosser Rat des Kantons Bern

Art. 19, 36 et 62 Cst.; art. 29, al. 2 Cst./BE ; droits sociaux fondamentaux ; exclusion disciplinaire de l'école.

De l'article 19 Cst. découle le droit à un enseignement de base gratuit correspondant aux aptitudes individuelles de l'enfant et au développement de sa personnalité dans des écoles publiques pendant la scolarité obligatoire de neuf ans au moins (cons. 4).

L'article 29, alinéa 2 Cst./BE n'étend pas seulement ce droit à toutes les écoles pendant la scolarisation obligatoire, mais il fonde simultanément un droit plus large de l'enfant à une protection, à une assistance et à un encadrement (cons. 5).

En cas de restrictions apportées aux droits sociaux fondamentaux, il faut examiner, en appliquant par analogie l'article 36 Cst., si les conditions de la base légale, de l'existence d'un intérêt public ou privé prépondérant ainsi que de la proportionnalité sont remplies (cons. 6-9).

La collectivité doit en principe assurer l'encadrement des écoliers exclus - jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire - au moyen de personnes qualifiées ou d'institutions publiques (cons. 9.5).

L'échelle de mesures figurant à l'article 28 LEO/BE qui prévoit comme sanction suprême (ultima ratio) une exclusion temporaire (partielle ou totale) de l'enseignement pendant au maximum douze semaines par année scolaire peut recevoir une interprétation conforme à la Constitution (cons. 10).

ATF 129 I 35 - arrêt du 7 novembre 2002, cause M.X. c/ Schulrat der Stadt Wil, Bezirksschulrat Wil et Erziehungsrat des Kantons St. Gallen

Art. 19, 36 et 62 Cst.; exclusion de l'école pour motif disciplinaire.

Selon l'article 48 VSG/SG, la scolarité obligatoire - et par conséquent le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit au sens de l'article 19 Cst.- dure en principe jusqu'à l'accomplissement de la troisième année d'école secondaire (cons. 7).

Conditions requises pour restreindre ce droit social fondamental (cons. 8-10).

En règle générale, la collectivité doit veiller à ce que les élèves exclus de l'école obligatoire soient pris en charge par des personnes ou des institutions publiques compétentes (cons. 11.2).

Si l'élève exclu de l'école fréquente une école privée, au lieu de suivre l'enseignement qui lui est offert en remplacement dans un foyer éducatif ou scolaire, le canton peut refuser de prendre les frais à sa charge (cons. 11.4 et 11.5).

Droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse

ATF 130, I, 71 - arrêt du 14 janvier 2004, cause X. c/ Sozialhilfekommission der Stadt Schaffhausen et Departement des Innern ainsi que Obergericht des Kantons Schaffhausen

Art. 12 Cst ; droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse. Aide sociale ; participation à des mesures d'occupation et d'intégration.

Principe de subsidiarité. Le droit constitutionnel garantit seulement le minimum vital, c'est-à-dire les moyens indispensables à la survie. La portée du droit et son noyau coïncident (cons. 4.1).

Celui qui, objectivement, serait en mesure de se procurer les ressources indispensables à sa survie par ses propres moyens - en particulier en acceptant un travail convenable - ne remplit pas les conditions du droit (cons. 4.3).

La fourniture d'une aide matérielle peut être assortie de la charge de participer à des mesures d'occupation et d'intégration. Ces mesures ou programmes doivent en principe être considérés comme un travail convenable, même si le revenu qu'ils procurent n'atteint pas le montant des prestations d'assistance (cons. 5).

En cas de refus de principe de participer à des mesures d'occupation et d'intégration qui garantiraient le minimum vital, les prestations (financières) d'assistance peuvent être entièrement suspendues (cons. 6).

Liberté économique

ATF 130, I, 279 - arrêt du 13 juillet 2004, cause Gewerbeverband Basel-Stadt, Pro Innerstadt et X. AG c/ Regierungsrat des Kantons Basel-Stadt

Art. 49, al. 1 et art. 27 Cst.; art. 71, let. c LTr ; § 7, al. 1 et § 7a, let. d du règlement de Bâle-Ville du 7 décembre 1993 (version du 5 août 2003) sur les jours de repos et de fermeture des magasins ; § 11, al. 3 de la loi de Bâle-Ville du 13 octobre 1993 sur les jours de repos et de fermeture des magasins. Normes cantonales sur la fermeture des magasins ; prolongation des heures d'ouverture ; obligation de respecter une convention collective de travail.

Une disposition cantonale sur la fermeture des magasins, prévoyant que la prolongation des heures d'ouverture ne peut être autorisée qu'en cas de respect de la convention collective de travail, a pour but la protection des travailleurs et est incompatible avec la législation fédérale sur le travail qui est exhaustive (violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral); annulation des dispositions réglementaires attaquées et constatation de l'inconstitutionnalité de la législation cantonale sur laquelle elles se fondent (cons. 2.3 et 2.5).

Incompatibilité de cette législation également avec la loi fédérale permettant d'étendre le champ d'application de la convention collective de travail (cons. 2.4)?

ATF 128, I, 3 - arrêt du 13 novembre 2001, cause Gemeinde Arosa c/ Plakanda AWI AG, A. et Verwaltungsgericht des Kantons Graubünden

Art. 27 en relation avec l'art. 94 Cst., art. 36 Cst., art. 50, al. 1 Cst.; liberté économique, autonomie communale ; monopole d'affichage sur fonds privé.

Voie de droit ouverte pour attaquer une décision d'autorisation d'affichage et de publicité (cons. 1a); préjudice irréparable au sens de l'article 87, alinéa 2 OJ en cas de décision de renvoi à une commune (cons. 1b).

Autonomie communale d'après la nouvelle Constitution fédérale : qualité pour recourir (cons. 1c), portée et pouvoir d'examen (cons. 2).

Compatibilité de monopoles cantonaux avec (le principe de) la liberté économique. À la différence d'un monopole de fait d'affichage sur le domaine public, un monopole de droit d'affichage, dans la mesure où il touche un fonds privé, représente une atteinte disproportionnée à la liberté économique ; l'obligation de requérir une autorisation, liée au respect de normes matérielles, suffit pour réaliser les buts d'intérêt public en cause (changement de jurisprudence, cons. 3).

Admissibilité d'une interdiction de publicité pour des tiers (cons. 4)?

Autonomie de la commune lors de l'autorisation d'affichage et de publicité, c'est-à-dire de la détermination des limites esthétiques et de protection des sites (cons. 5).

ATF 128, I, 136 - arrêt du 26 mars 2002, cause Politische Gemeinde St. Gallen et Y. AG c/ X. AG, Volkswirtschaftsdepartement ainsi que Verwaltungsgericht des Kantons St. Gallen

Art. 27 Cst., art. 50, al. 1 Cst.; liberté économique, égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique, autonomie communale ; utilisation du domaine public à des fins commerciales, exploitation d'une grande roue au marché annuel d'automne de St-Gall.

Autonomie communale : qualité pour recourir et intérêt actuel (cons. 1.1-1.3); situation des « autres intéressés » au sens de l'article 93 OJ (cons. 1.4); portée de l'autonomie et étendue du pouvoir d'examen (cons. 2).

Égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique (art. 27 Cst.): jurisprudence relative à l'égalité de traitement entre cirques lors de la mise à disposition du domaine public (cons. 3).

Pesée des intérêts effectuée par les autorités communales lors de l'attribution de places pour des foires commerciales sur le domaine public : respect des droits (limités) d'utilisation découlant de l'article 27 Cst., compte tenu de l'obligation d'égalité de traitement entre personnes appartenant à la même branche économique, d'une part, et prise en compte des intérêts propres, respectivement des besoins présumés du public, d'autre part ; est souhaitable une clé de répartition (régulièrement réexaminée) qui prenne en compte proportionnellement les éventuelles inégalités entre entreprises concurrentes (cons. 4.1).

Il n'est pas contraire au principe de la concurrence loyale que la commune choisisse parmi plusieurs offres de grande roue pour le marché annuel d'automne celle qui est objectivement la meilleure, même si elle émane toujours du même auteur (cons. 4.2).

ATF 128, I, 295 - arrêt du 28 mars 2002, cause Association suisse des annonceurs et consorts c/ Grand Conseil du canton de Genève

Art. 8, 9, 16, 17, 26, 27, 36, 49, al. 1, 93, 105, 118, al. 2, let. a Cst.; art. 2 et 3 LMI ; loi genevoise du 9 juin 2000 sur les procédés de réclame ; contrôle abstrait des normes.

La norme genevoise qui interdit l'affichage de publicité en faveur du tabac et des alcools de plus de 15 volumes pour cent sur le domaine public cantonal et sur le domaine privé visible depuis le domaine public, ne viole pas :

  • le principe de la primauté du droit fédéral tant au regard des compétences législatives de la Confédération en matière d'alcool, de denrées alimentaires et de radiotélévision (cons. 3), qu'à celui de la loi sur le marché intérieur (cons. 4);
  • la liberté de la presse et celle d'opinion et d'information, pour autant que l'affichage à but commercial entre dans le champ de protection de ces libertés (cons. 5a);
  • la liberté économique (cons. 5b);
  • la garantie de la propriété (cons. 6);
  • le principe de l'égalité de traitement et l'interdiction de l'arbitraire (cons. 7).

Compatibilité avec la garantie de la propriété et la liberté économique des normes cantonales qui soumettent au contrôle des pouvoirs publics les procédés de réclame placés, entre autres, sur le domaine privé visible depuis le domaine public (cons. 8), ainsi de la règle qui interdit de poser des procédés de réclame sur les façades borgnes des bâtiments (cons. 9).

ATF 125, I, 173 - arrêt du 3 mars 1999, cause H. et consorts c/ Regierungsrat des Kantons Basel-Stadt

_Liberté du commerce et de l'industrie ; séparation des pouvoirs ; principe de la légalité en matière de contributions publiques ; admissibilité d'une mesure limitant l'admission aux études de médecine (_numerus clausus bâlois).

La liberté du commerce et de l'industrie ne donne aucun droit d'accéder librement à des études universitaires (cons. 3).

L'exigence d'une base légale formelle pour limiter l'admission aux études de médecine est remplie (cons. 4).

L'introduction du numerus clausus seulement pour les études de médecine et en Suisse allemande ne viole pas le principe de l'égalité de traitement (cons. 6).

Absence de base légale de l'émolument perçu pour le test d'aptitude (cons. 9).

ATF 125, I, 335 - arrêt du 7 juin 1999, cause J. c/ Direktion des Gesundheitswesens, Regierungsrat et Verwaltungsgericht des Kantons Zürich

Art. 31 Cst.; exercice de la profession d'acupunctrice à titre indépendant.

La loi zurichoise sur la santé constitue une base légale suffisante pour interdire l'exercice de la profession d'acupunctrice à titre indépendant (cons. 2).

Jurisprudence du Tribunal fédéral quant à la proportionnalité de l'exigence de certificats de capacité ; droit à des autorisations partielles (cons. 3).

La liberté du commerce et de l'industrie protège également l'exercice de l'acupuncture à titre indépendant (cons. 4).

Il est disproportionné de refuser à une acupunctrice l'autorisation d'exercer sa profession à titre indépendant lorsque l'intéressée est aussi bien, voire mieux, formée à cet effet qu'un médecin (cons. 5).

Liberté syndicale

ATF 129, I, 113 - arrêt du 15 novembre 2002, cause Fédération syndicale SUD et consorts c/ Conseil d'État du canton de Vaud

Art. 88 OJ ; art. 8 et 28 Cst.; art. 11 CEDH ; liberté syndicale dans la fonction publique ; participation au processus législatif portant sur le statut du personnel ; égalité entre syndicats.

Qualité pour recourir d'un syndicat non admis à participer à l'élaboration des règlements d'application d'une loi sur le personnel ; intérêt juridiquement protégé au sens de l'article 88 OJ tiré de la liberté syndicale et du principe d'égalité (cons. 1).

La liberté syndicale ne confère pas aux organisations syndicales de la fonction publique le droit de participer au processus législatif portant sur le statut du personnel, mais seulement celui d'être entendu sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (cons. 3).

L'État doit s'abstenir, comme employeur, de toute mesure de discrimination non justifiée à l'égard des syndicats, sous peine de porter atteinte à leur liberté syndicale et à celle de leurs membres. Est discriminatoire le fait d'écarter une organisation syndicale de la suite du processus législatif en raison des opinions qu'elle a défendues lors de la première phase de ce processus, tandis qu'une autre y est admise (cons. 5).

Garantie de la propriété

ATF 126, I, 219 - arrêt du 28 juin 2000, cause Époux A. c/ Tribunal administratif du canton de Genève

Art. 26, al. 1 et 36, al. 1 à 3 Cst.; protection des monuments ; classement d'une salle de cinéma.

Classement d'une salle de cinéma : exigences liées à l'intérêt public et au caractère proportionné de la mesure (cons. 2e-g).

Conditions dans lesquelles le classement est compatible avec le principe de la proportionnalité, lorsque cette mesure produit l'effet de maintenir l'affectation d'un bâtiment et oblige le propriétaire à poursuivre une activité économique déterminée (cons. 2 h).

Garanties de procédure judiciaire

ATF 129, I, 207 - arrêt du 31 mars 2003, cause X. et Y. c/ Schulkommission der Kantonsschule Z., Schulrekurskommission et Verwaltungsgericht des Kantons Zürich

Art. 6, par. 1 CEDH ; nouveaux critères pour décider si l'art. 6 CEDH est applicable aux personnes occupées dans le service public ; situation des enseignants.

L'applicabilité de l'article 6, paragraphe 1 CEDH aux agents publics dépend avant tout de la nature (régalienne ou non) des fonctions exercées par ceux-ci. Au vu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme au sujet de la notion de « fonction publique » et de celle (dont elle émane) de la Cour de justice des Communautés européennes, les enseignants du secondaire jouissent de la protection de l'article 6 CEDH dans les litiges de nature pécuniaire découlant des rapports de service (cons. 4 et 5).

ATF 128, I, 288 - arrêt du 23 août 2002, cause X. c/ Rectorat de l'UNIL, Département de la formation et de la jeunesse et Tribunal administratif du canton de Vaud

Art. 30, al. 1 et 3 Cst.: principe de la publicité de la procédure judiciaire et droit à des débats publics.

Bien que l'alinéa 1 de l'article 30 Cst. ait un champ d'application matériel plus étendu que celui couvert par l'article 6, paragraphe 1 CEDH (cons. 2.2), son alinéa 3 ne confère pas au justiciable de droit à des débats publics (oraux), mais se limite à garantir que, lorsqu'il y a lieu de tenir une audience, celle-ci se déroule publiquement, sauf exceptions prévues par la loi (cons. 2.3-2.6).

Pas de droit à des débats publics - même selon l'article 6 par. 1 CEDH - dans les litiges relatifs à l'évaluation d'examens scolaires ou universitaires ou portant sur l'admission ou l'exclusion d'établissements d'enseignement publics (cons. 2.7).

ATF 128, I, 346 - arrêt du 8 août 2002, cause A. c/ Anwaltskammer des Kantonsgericht St. Gallen

Art. 6 et 7 CEDH ; surveillance disciplinaire des avocats.

Une simple amende disciplinaire d'un montant de 5000 F ne constitue ni une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 CEDH ni une peine au sens de l'article 7 CEDH.

ATF 127, I, 115 - arrêt du 18 juin 2001, cause Époux W. c/ Tribunal administratif du canton de Genève

Art. 10 Cst. et art. 6, par. 1 CEDH ; contrôle judiciaire d'un ordre d'autopsie.

Lorsque les proches du défunt contestent, après coup, l'ordre d'autopsie, cette question doit en principe faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

ATF 126, I, 15 - arrêt du 24 novembre 1999, cause N. c/ Ministère public du canton de Vaud

Art. 4 Cst.; droit d'être entendu ; verbalisation des témoignages importants.

Droit des parties à une procédure pénale d'exiger que les déclarations de témoins, importantes pour l'issue du litige et faites pendant l'audience de jugement, soient consignées dans un procès-verbal.

ATF 126, I, 33 - arrêt du 14 février 2000, cause X. c/ Tribunal administratif du canton de Neuchâtel

Art. 6, par. 1 CEDH ; renvoi d'un fonctionnaire de police.

Le recourant exerçait une fonction importante dans l'administration, impliquant une participation à l'exercice de la puissance publique ; par ailleurs, les aspects patrimoniaux, sociaux et personnels invoqués ne sont qu'accessoires à la prétention principale, qui a trait exclusivement à la cessation de rapports de service au sein de la fonction publique cantonale. L'article 6 CEDH est donc inapplicable (cons. 2).

ATF 126, I, 228 - arrêt du 20 septembre 2000, cause A. c/ Aufsichtskommission über die Rechtsanwälte et Obergericht des Kantons Zürich

Art. 6, par. 1 CEDH ; art. 30, al. 1 Cst.; droit à la tenue d'une audience publique devant une autorité judiciaire en cas de suspension professionnelle temporaire d'un avocat.

Portée de l'article 6 CEDH en matière de procédure disciplinaire relevant du droit du barreau ; définition de l'autorité judiciaire (cons. 2a).

À cet égard, la Commission de surveillance des avocats du canton de Zurich n'est pas une autorité judiciaire au sens de l'article 6 par. 1 CEDH, respectivement de l'article 30 al. 1 Cst. (cons. 2c). C'est pourquoi une audience publique tenue par elle ne peut pas remplacer une telle séance devant le Tribunal cantonal si elle est demandée (cons. 3a).

Garanties dans la procédure pénale

ATF 130, I, 126 - arrêt du 18 mai 2004, cause X. c/ Y. et Staatsanwaltschaft ainsi que Obergericht des Kantons Aargau

Art. 31, al. 2 et art. 32 Cst.; droit de se taire ; devoir d'information de l'autorité.

La personne accusée dans une procédure pénale est fondée à faire usage de son droit de se taire, sans avoir à en subir des inconvénients. Le devoir de l'autorité d'informer aussitôt la personne, qui est privée de sa liberté, de son droit de se taire, résulte directement de l'article 31, alinéa 2 Cst. (cons. 2).

Le devoir d'information représente une garantie de procédure indépendante. Des déclarations qui auraient été faites dans l'ignorance du droit de se taire ne peuvent en principe pas être retenues. Des exceptions à ce dernier principe sont admissibles à certaines conditions, après une pesée des intérêts en présence (cons. 3).

ATF 129, I, 151 - arrêt du 6 novembre 2002, cause A. c/ Staatsanwaltschaft ainsi que Obergericht des Kantons Aargau

Art. 6, par. 1 en relation avec l'art. 6, par. 3, let. d CEDH ; art. 32, al. 2 Cst.; § 107, al. 2 CPP/AG ; droit d'interroger la victime mineure.

Le droit d'interroger le témoin à charge est absolu, lorsque ce témoignage est décisif (cons. 3.1).

Toutefois, en vue de protéger la victime, ce droit peut être garanti à la rigueur sans confrontation avec l'accusé ou sans que le défenseur pose des questions directement à la victime (cons. 3.2).

On ne peut, par une appréciation anticipée des preuves, tenir pour superflu l'interrogatoire par la défense du témoin décisif. Si les intérêts légitimes de la victime mineure excluent qu'elle se laisse interroger par l'accusé, on ne peut alors, fondamentalement, se fonder sur les déclarations de la victime (cons. 4).

Il faut dans chaque cas examiner les mesures alternatives à la confrontation directe, afin de ménager autant que possible les droits de défense de l'accusé et les intérêts de la victime (cons. 5).

ATF 129, I, 281 - arrêt du 9 septembre 2003, cause X. c/ Staatsanwaltschaft ainsi que Appellationsgericht des Kantons Basel-Stadt

Art. 6, par. 3, let. c CEDH ; art. 29, al. 3 Cst.; art. 90, al. 1, let. b OJ ; art. 87, al. 2 OJ ; § 14 s. CPP/BS. Décision incidente, défense nécessaire.

Le refus d'accorder l'assistance gratuite d'un défenseur dans la procédure d'appel est une décision incidente contre laquelle le recours est recevable au sens de l'article 87, alinéa 2 OJ (cons. 1.1).

Si on ne trouve dans la décision attaquée aucune indication au sujet des dispositions légales pertinentes, on ne peut pas exiger d'un profane, en application des règles légales sur la motivation des recours, qu'il fournisse alors lui-même ces indications à l'appui d'un grief d'arbitraire présenté dans un recours de droit public (cons. 2).

Garanties du droit fédéral (cons. 3.1) et du droit cantonal (cons. 3.2) en matière de droit à l'assistance d'un avocat dans un cas de défense nécessaire.

Du point de vue du droit à l'assistance judiciaire dans un cas de défense nécessaire, il faut tenir compte à la fois de la peine privative de liberté à laquelle l'intéressé est exposé et des peines pour lesquelles le sursis pourrait être révoqué, quand cette révocation s'impose d'après la jurisprudence (cons. 4.1).

Le droit à l'assistance judiciaire dans un cas de défense nécessaire existe au moins jusqu'à ce que la procédure pénale prenne fin par une décision entrée en force, et il ne doit pas dépendre des chances de succès ; si son indigence est reconnue (au sens des règles de procédure), le condamné a aussi en principe un droit inconditionnel à l'assistance gratuite d'un défenseur pour la procédure de recours (cons. 4.2-4.6).

ATF 127, I, 141 - arrêt du 25 avril 2001, cause X. c/ Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud

Art. 6, par. 3, let. e et art. 57 CEDH ; droit à l'assistance gratuite d'un interprète.

La décision attaquée, qui met à la charge du recourant les frais d'interprète, a été rendue avant que la Suisse ne retire ses réserves et déclarations interprétatives relatives à l'article 6 CEDH. Quoique formellement encore en vigueur, la déclaration interprétative au sujet de l'article 6, paragraphe 3, lettre e CEDH n'était pas admissible au regard de l'article 57 CEDH (cons. 3).

ATF 126, I, 36 - arrêt du 28 mars 2000, cause E. c/ Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud

Art. 6, par. 1 CEDH. Procédure pénale. Condamnation par défaut ; droit d'obtenir le relief.

Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et du Tribunal fédéral concernant les condamnations par défaut (cons. 1).

Condamnation par défaut et demande de relief en droit vaudois (cons. 2).

Une élection de domicile « au greffe », consignée au procès-verbal du Juge d'instruction, ne constitue pas un abandon valable du droit d'être présent à l'audience. La demande de relief présentée par le condamné par défaut ne peut donc pas être déclarée irrecevable au motif qu'un délai légal de vingt jours, compté depuis la notification fictive du jugement « au greffe », n'a pas été observé (cons. 3).

XII. Protection contre l'arbitraire, égalité de traitement

ATF 129, I, 1 - arrêt du 6 novembre 2002, cause X. c/ Politische Gemeinde Kirchberg ainsi que Verwaltungsgericht des Kantons St. Gallen

Arbitraire (art. 9 Cst.) et égalité dans la loi (art. 8, al. 1, Cst.), contrôle concret des normes ; avance de pensions alimentaires (prise en compte de la situation financière des concubins).

La disposition cantonale, selon laquelle les revenus du concubin du parent ayant droit sont pris en compte, et l'avance alimentaire octroyée seulement si le revenu total des deux concubins ne dépasse pas la limite fixée, n'est pas arbitraire (cons. 3.1).

S'agissant de l'égalité de traitement entre beaux-parents et concubins, cette disposition est susceptible d'une interprétation conforme à la Constitution, et l'article 8, alinéa 1 Cst. ne s'oppose dès lors pas à son application (cons. 3.2).

ATF 129, I, 265 - arrêt du 11 juillet 2003, cause X. c/ Ausgleichskasse et Verwaltungsgericht des Kantons Freiburg

Art. 8, al. 3 et art. 116, al. 2 Cst.; art. 73 et 76 du règlement (CEE) n° 1408/71 ; art. 12, al. 2 et art. 13, al. 5 LEg ; égalité entre hommes et femmes ; allocations familiales et pour enfant ; règle de conflit intercantonale ; frais judiciaires de la procédure devant le Tribunal fédéral.

Inconstitutionnalité d'une réglementation qui attribue au « père » le droit au paiement d'allocations familiales et pour enfant en cas de droits concurrents de conjoints exerçant une activité lucrative (cons. 2-4).

Compétence pour créer une règle de conflit intercantonale (cons. 4.2-5.2).

Référence aux règles de conflit figurant aux articles 73 et 76 du règlement (CEE) n° 1408/71 et valables pour les relations entre la Suisse et l'UE sur la base de l'accord de libre circulation des personnes (ALCP ; cons. 5.3).

Pas de gratuité de la procédure devant le Tribunal fédéral (cons. 6.2).

Droits politiques

ATF 130, I, 134 - arrêt du 5 avril 2004, cause Walker c/ Kantonsrat des Kantons Appenzell A. Rh.

Art. 82 Cst., art. 2, 3 et 5 LCR ; art. 55 Cst./AR ; défaut de conformité au droit fédéral de l'initiative populaire cantonale pour « 12 dimanches sans voitures ».

À la différence de la Confédération, les cantons ne sont pas habilités à édicter des normes restreignant, de manière générale, le trafic motorisé sur leur territoire (cons. 3.2).

Une interdiction de circuler en voiture le dimanche sur tout le territoire cantonal, comme le réclame l'initiative litigieuse, passe par l'adoption d'une règle de droit, pour laquelle les cantons ne disposent pas de la compétence nécessaire (cons. 3.3 et 3.4).

ATF 130, I, 290 - arrêt du 28 juillet 2004, cause Zürcher Anwaltsverband et consorts c/ Regierungsrat des Kantons Zürich ainsi que Kantonsrat des Standes Zürich

Art. 34, al. 1 et 2 Cst.; art. 85, let. a et art. 88 OJ ; votation populaire cantonale du 30 novembre 2003 sur la révision partielle du CPP zurichois.

Qualité des personnes physiques ou morales pour exercer le recours de droit public en matière de droit de vote (cons. 1.2 et 1.3).

Devoirs des autorités concernant la présentation aux électeurs, dans la documentation distribuée avant le vote, d'une information objective et équilibrée ; admissibilité de déclarations publiques individuelles de personnes membres d'une autorité lors de la campagne électorale (résumé et confirmation de la jurisprudence ; cons. 3). Analyse du rapport explicatif du Conseil d'État concernant notamment la proposition de supprimer le pourvoi en nullité cantonal contre les jugements ou décisions finales des juges uniques, des tribunaux de district et des tribunaux de la jeunesse, ainsi que contre les jugements d'appel de la Cour suprême. En l'occurrence, la préparation du vote et l'information présentée ne comportent aucun vice grave qui puisse avoir notablement influencé ou altéré le résultat du scrutin (cons. 4-6).

ATF 129, I, 217 - arrêt du 9 juillet 2003, cause A. et consorts c/ Einwohnergemeinde Emmen et Regierungsrat des Kantons Luzern

Vote populaire par les urnes sur des demandes de naturalisation ; qualité pour exercer le recours de droit public (art. 88 OJ); violation de l'interdiction de toute discrimination et du droit à une décision motivée (art. 8, al. 2 et art. 29, al. 2 Cst.).

Le recours de droit public pour violation de l'interdiction de toute discrimination est recevable aussi dans des cas tels que le refus d'une naturalisation, où il n'existe pas de droit à l'acte demandé (cons. 1.1).

Indépendamment de leur qualité pour recourir sur le fond, les parties à la procédure cantonale peuvent se plaindre d'une motivation inexistante (à la différence d'une motivation insuffisante ; cons. 1.4).

Lors du vote sur des demandes de naturalisation, les citoyens doivent respecter les droits fondamentaux (cons. 2.2.1); la liberté de vote ne leur confère aucun droit à la validation d'un résultat incompatible avec l'ordre juridique (cons. 2.2.2).

Exigences quant à la preuve d'une discrimination (cons. 2.2.3 et 2.2.4).

Sur la base des publications préalables à la votation et du résultat de celle-ci, il est établi que les recourants subissent une discrimination du fait de leur origine (cons. 2.3). Le rejet de leurs demandes de naturalisation viole ainsi l'article 8, al.inéa 2 Cst. (cons. 2.4).

Les décisions de refus attaquées, issues d'un vote par les urnes, violent aussi le droit à une décision motivée (art. 29, al. 2 Cst. en relation avec l'art. 8, al. 2 Cst.; cons. 3).

ATF 129, I, 232 - arrêt du 9 juillet 2003, cause Schweizerische Volkspartei der Stadt Zürich (SVP), Meier et Tuena c/ Gemeinderat von Zürich et Bezirksrat Zürich ainsi que Regierungsrat des Kantons Zürich

Nullité d'une initiative visant à soumettre au vote populaire par les urnes les demandes de naturalisation (art. 29, al. 2, art. 34, al. 2 et art. 13 Cst.).

Les décisions refusant la naturalisation sont soumises à l'obligation de motiver selon l'article 29, alinéa 2 Cst. (droit d'être entendu) en relation avec l'article 8, alinéa 2 Cst. (interdiction de toute discrimination ; cons. 3.3 et 3.4).

Un scrutin populaire par les urnes ne garantit pas une motivation qui réponde aux exigences constitutionnelles (cons. 3.5 et 3.6). L'initiative visant à soumettre au vote populaire par les urnes les demandes de naturalisation viole ainsi le droit constitutionnel à une décision motivée.

Conflit entre le devoir d'information des autorités sur la situation personnelle des requérants, déduit de la liberté de vote (art. 34, al. 2 Cst.; cons. 4.2), et le droit à la protection de leur sphère privée et secrète (art. 13 Cst.; cons. 4.3). Une conciliation entre ces droits fondamentaux opposés n'apparaît pas possible dans le cas particulier (cons. 4.4).

Les défauts de l'initiative, du point de vue de l'État de droit, ne peuvent pas se justifier par le principe démocratique (cons. 5).

ATF 129, I, 392 - arrêt du 21 novembre 2003, cause A. et consorts ainsi que G. c/ Gemeinderat von Zürich, Bezirksrat Zürich ainsi que Regierungsrat des Kantons Zürich

Art. 8, al. 1 et 2, art. 34, al. 1 Cst.; initiative populaire communale « D'abord les Suisses ! » à Zurich ; égalité devant la loi, interdiction de la discrimination.

L'initiative a pour but de favoriser les Suisses et, ainsi, de défavoriser les étrangers aussi lorsqu'une différence de traitement n'est pas justifiée par des motifs objectifs. Elle viole les garanties constitutionnelles fédérales de l'égalité devant la loi et de l'interdiction de la discrimination (cons. 3).

ATF 125, I, 21 - arrêt du 7 octobre 1998, cause Grüne Bewegung Uri c/ Landrat des Kantons Uri

Art. 85, let. a OJ ; initiative populaire uranaise « Pour des chances égales aux élections ».

Résumé de la jurisprudence rendue à ce jour sur l'article 4, alinéa 2 Cst. en général (cons. 3a) et sur les quotas féminins en particulier (cons. 3b); examen des critiques formulées à l'encontre de cette jurisprudence (cons. 3c et 3d).

Les quotas de résultat font également partie des mesures visant à assurer l'égalité des sexes (cons. 3d/aa ; précision de l'ATF 123, I, 152).

La répartition en fonction de quotas de mandats octroyés par élections populaires représente une limitation inadmissible au droit égal d'élire et d'être élu (cons. 3d/dd).

Critères d'examen des quotas selon le droit international public (cons. 4).

Examen des mesures visant à assurer l'égalité des sexes contenues dans l'initiative « Pour des chances égales aux élections » : quotas pour les autorités et les commissions élues directement par le peuple (cons. 5a); quotas pour les autorités et les commissions élues indirectement par le peuple (cons. 5b); quotas pour les élections au système majoritaire et quotas de listes pour les élections au Grand Conseil selon le système de la représentation proportionnelle (cons. 5c); validité partielle de l'initiative (cons. 7).

Problématique de la limitation dans le temps des mesures visant à assurer l'égalité des sexes (cons. 6).

ATF 125, I, 227 - arrêt du 21 avril 1999, cause G. c/ Grand Conseil du canton de Genève

Art. 85, let. a OJ ; recevabilité de l'initiative cantonale « Genève, République de Paix ».

Unité de la matière (cons. 3).

Conformité de l'initiative au droit supérieur ; aspects généraux ; portée d'une réserve générale en faveur du droit fédéral (cons. 4).

Interprétée restrictivement, la disposition de l'initiative qui prévoit une intervention du canton auprès d'« institutions internationales », ne porte pas atteinte aux compétences de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères (cons. 5).

L'encouragement du canton à la réduction des dépenses militaires (cons. 6), à la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée (cons. 7), à la conversion civile des activités économiques en relation avec le domaine militaire (cons. 8), et à l'accueil des victimes de la violence (cons. 9), ne viole pas le droit fédéral.

La promotion du service civil, entendue comme une information objective et la mise en place de structures adéquates, est également admissible (cons. 10).

En revanche, le canton ne pourrait valablement renoncer à faire appel à la troupe pour assurer le service d'ordre sur son territoire (cons. 11), ou la sécurité des conférences internationales (service d'appui ; cons. 12).

ATF 125 I 289 - arrêt du 28 avril 1998, cause Esther Bucher Helfenstein et consorts c/ Kanton Basel-Landschaft

Art. 85, let. a OJ, art. 25 et s. du Pacte ONU II. Députés au Grand Conseil ayant qualité de fonctionnaires cantonaux : exclusion de la participation aux votes sur certaines normes relatives à la fonction publique cantonale.

Comparaison de la réglementation schaffhousoise relative à la récusation - examinée dans l'arrêt publié aux ATF 123, I, 97 et s. - et de la réglementation du canton de Bâle-Campagne, sur laquelle porte la présente contestation. En particulier, cette dernière réglementation vise potentiellement un plus grand nombre de personnes (cons. 3, 4, 5).

Une règle excluant de façon générale, pour les députés fonctionnaires cantonaux, la participation aux votes sur certains arrêtés concernant le statut du personnel, n'est pas compatible (en tout cas dans la forme ici contestée) avec les principes du droit de vote (cons. 6).

Constitue une violation des principes du droit de vote le fait d'interpréter différemment - soit plus sévèrement - à l'endroit d'un député fonctionnaire cantonal que vis-à-vis d'autres députés, la règle selon laquelle la récusation est obligatoire quand l'intéressé est « immédiatement concerné » (cons. 7).

ATF 125, I, 441 - arrêt du 1er juillet 1999, cause A. c/ Gran Consiglio dello Stato e Repubblica del Cantone Ticino

Loi sur l'exercice des droits politiques du canton du Tessin : contributions de tiers au financement de la campagne électorale des candidats aux élections cantonales ; liberté de vote et d'élection ; principe de l'égalité des chances ; art. 4 Cst.

Liberté de vote et d'élection, principe d'égalité et interdiction de toute discrimination (cons. 2a). Intervention de tiers dans les votations et élections : résumé de la jurisprudence et de la doctrine (cons. 2b).

Admissibilité de principe des restrictions au financement des campagnes électorales ? Question laissée indécise en l'espèce (cons. 2c).

La disposition de la loi sur l'exercice des droits politiques du canton du Tessin, qui limite à 50000 F les contributions de tiers au financement de la campagne électorale d'un candidat aux élections cantonales, viole tant le principe de l'égalité des chances que le principe de la proportionnalité (cons. 3a-b). Peut rester ouverte la question de savoir si la peine prévue en cas de violation de cette disposition serait propre à sauvegarder l'indépendance du candidat (cons. 3c).

(1) Le Conseil d'État est le gouvernement du canton de Genève ; il exerce donc le pouvoir exécutif.
(2) Cet arrêt a été rendu sous l'empire de l'ancienne Constitution fédérale, du 29 mai 1874. C'est à ce texte que renvoie l'abréviation « Cst. ».
3. On indiquera d'abord la référence au recueil officiel (ATF), avec le numéro du volume, le tome et la pagination ; il sera ensuite fait mention de la date de l'arrêt et du nom des parties.