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Textes à l'appui - Sélection de décisions de la Cour constitutionnelle de Hongrie (résumés)

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 13 (Dossier : Hongrie) - janvier 2003

Décision 8/1993 - Liberté de conscience et de religion

Le requérant a demandé une décision sur la constitutionnalité de l'article 9.1.a de la loi sur la liberté de conscience et de religion et sur les Églises. Il a fait valoir qu'en vertu de l'article 9.1.a, la condition requise pour l'enregistrement d'une Église, à savoir être constituée d'au moins 100 personnes physiques, était contraire à l'article 60.2 et 60.3 de la Constitution, qui garantit l'exercice collectif des convictions religieuses et proclame la séparation de l'Église et de l'État. Ce dernier ne peut s'informer du nombre de membres de l'Église ni fixer des conditions spéciales pour l'obtention de la personnalité juridique. Du fait de l'exigence posée par la loi, les communautés religieuses de moins de 100 membres ne peuvent pas bénéficier de l'exercice collectif et sont en permanence désavantagées par rapport aux grandes Églises enregistrées.

Selon la Cour constitutionnelle, le fait d'exiger 100 personnes physiques comme préalable à l'enregistrement en tant qu'Église n'est pas contraire au droit à l'exercice commun d'une religion des communautés religieuses dont le nombre de membres fondateurs est inférieur à ce seuil légal. La liberté d'exercer collectivement des convictions religieuses prévue par l'article 60.2 de la Constitution est conférée à toute personne, indépendamment du fait que cet exercice a lieu ou non dans un cadre juridiquement réglementé et de ses modalités d'organisation. Étant donné que le droit à la pratique collective peut être exercé non seulement par les membres d'une Église mais aussi par quiconque souhaite participer à une communauté religieuse, l'article 9.1.a est constitutionnel. Qui plus est, la loi ne fait naître aucune discrimination en matière de réglementation juridique entre les formes d'organisation ni aucun obstacle à la pratique de la religion par chacun. En fait, le choix de la forme d'organisation juridique par laquelle elle acquiert un statut juridique est laissé à l'appréciation de la communauté religieuse concernée. Toute communauté religieuse peut donc revêtir la forme juridique d'une Église, à l'origine caractérisée par son instauration historique pour l'exercice collectif de convictions religieuses, pour autant qu'elle satisfait à la condition des 100 membres.

De surcroît, la condition n'est pas contraire au principe de la séparation de l'Église et de l'État. La séparation énoncée à l'article 60.3 de la Constitution faisant partie du droit à la liberté de religion ne peut être réduite aux dispositions de la loi relative aux communautés religieuses fonctionnant en tant qu'Églises. L'État ne peut empiéter sur l'autonomie des communautés religieuses pour ce qui concerne leur existence et leurs caractères fondamentaux ; il le peut seulement pour réglementer la forme d'organisation selon laquelle ces communautés fonctionnent. De plus, à l'exception d'une plus vaste autonomie organisationnelle qui leur est accordée, la loi ne garantit pas aux Églises des droits supplémentaires dont les autres communautés religieuses ne peuvent pas jouir. Étant donné que les activités définies à l'article 17.1 de la loi ne sont pas exclusivement réservées à l'État mais peuvent être menées par chacun, y compris notamment les communautés religieuses qui ne fonctionnent pas en tant qu'Églises, l'exercice légal de telles activités ne dépend donc pas du fait qu'une telle communauté soit une Église.

La seule différence entre les Églises et les autres communautés religieuses réside dans la plus grande autonomie interne des premières et dans leur droit à un enseignement religieux facultatif dans les écoles publiques conformément à l'article 17.2 de la loi. La plus large autonomie organisationnelle de l'« Église » telle que régie par la loi est conforme, du point de vue historique, à la séparation de l'État et des Églises « historiques » et à leurs relations. La condition posée dans la loi visée accepte la conception traditionnelle des Églises ayant un grand nombre de membres tout en acceptant en même temps des communautés religieuses plus restreintes en tant qu'Églises. De surcroît, en vertu de l'article 9.1.d de la loi, l'État doit s'en remettre à l'affirmation d'une communauté qu'elle exerce vraiment une religion. L'État peut assujettir le droit à l'instruction religieuse dans les écoles publiques à l'énoncé des doctrines religieuses pertinentes. Toutefois, l'État impose seulement l'obligation d'une reconnaissance sociale minimum avant de garantir un tel droit. En conséquence, le fait que seules les Églises d'au moins 100 membres fondateurs aient droit à la mise en place d'une instruction religieuse ne constitue pas une discrimination arbitraire.

Décision 53/1993 - Suppression rétroactive de la prescription

L'Assemblée nationale a adopté en février 1993 une loi relative aux « procédures concernant certains crimes commis lors de la révolution de 1956 ». Cette loi tendait à instituer une sorte de « justice historique », et à permettre ainsi de poursuivre les communistes reconnus coupables d'avoir enfreint cette loi. Les trois tentatives précédentes allant dans ce sens n'avaient pas satisfait au contrôle de constitutionnalité. Cette fois encore, le président de la République, refusant de promulguer ce texte, a saisi la Cour constitutionnelle pour un contrôle a priori de constitutionnalité.

Le président de la République a demandé à la Cour d'examiner la conformité de cette loi avec la Constitution et les dispositions de deux accords internationaux, l'article 7.1 de la CEDH et l'article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. S'agissant de la deuxième partie de cette requête, la Cour devait d'abord s'assurer qu'elle avait bien compétence pour examiner des questions de droit international en vue de statuer sur la constitutionnalité d'une loi non encore promulguée. La Cour a confirmé cette compétence, étant donné que l'article 7.1 de la Constitution lui fait obligation de s'assurer, lors du contrôle de la constitutionnalité d'une loi, de la compatibilité entre le droit interne et les obligations souscrites dans le cadre du droit international.

S'agissant du fond de l'affaire, la Cour a réaffirmé son point de vue, à savoir que tout amendement rétroactif à la loi de prescription en matière pénale était inconstitutionnel. La Cour a accepté deux exceptions à ce principe : a) lorsque la loi hongroise en vigueur au moment du délit ne comportait aucune disposition en matière de prescription ; b) lorsque le délit est un crime contre l'humanité ou un crime de guerre, et que la non application du principe de prescription constitue une obligation de la Hongrie aux termes d'un accord international.

La Cour a conclu à l'inconstitutionnalité du premier article de la loi objet du contrôle, dans la mesure où celui-ci se rapportait exclusivement aux délits tels que définis par le droit interne et supprimait rétroactivement la prescription pour les crimes commis durant la révolution de 1956.

La Cour a en revanche conclu à la constitutionnalité du second article, lequel concerne les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité définis par les conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes de guerre. La Cour s'est également référée à cet égard à la Convention de New York de 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, signée et ratifiée par la Hongrie. La Convention de New York stipule que « les crimes suivants sont imprescriptibles, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis ». En signant cette convention, la Hongrie s'est engagée à ne pas appliquer sa propre loi de prescription aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité.

Décision 2/1994 - Effet rétroactif de la loi pénale

La convention d'armistice conclue entre la Hongrie et les puissances alliées fut signée à Moscou le 20 janvier 1945. Le 25 janvier 1945, le gouvernement provisoire hongrois a promulgué un décret instaurant les tribunaux dits « du peuple ». Par loi du 16 septembre 1945 ce décret, modifié, a été promulgué sous forme législative. Les tribunaux du peuple avaient pour tâche de juger les crimes de guerre. Ils furent abolis en 1950, mais certaines dispositions de cette loi restent en vigueur. Après la période de transition, un Comité permanent de l'Assemblée nationale et un député ont contesté la constitutionnalité des dispositions demeurées en vigueur.

Par la décision susmentionnée, la Cour constitutionnelle a jugé inconstitutionnelles certaines dispositions de la Loi sur les tribunaux du peuple (en particulier l'article 11, alinéas 1-4 et 6, et l'article 13, alinéas 1 et 3-7). La Cour a estimé que celles-ci constituent une législation pénale de caractère rétroactif, violant le principe nullum crimen sine lege et nulla poena sine lege. Par une décision antérieure (11/1992) la Cour constitutionnelle avait déjà prohibé toute législation pénale rétroactive, soulignant qu'une condamnation ou sanction ne pouvait être prononcée qu'en vertu d'une loi en vigueur au moment où l'acte délictueux avait été commis. Selon les considérants de cette décision, les dispositions de la loi sur les tribunaux du peuple demeurées en vigueur, représentent une législation pénale à effet rétroactif. La Cour a également jugé qu'au lendemain de la deuxième guerre mondiale la Hongrie avait contracté des obligations internationales comportant la poursuite des criminels de guerre et que leur mise en oeuvre entraînant des sanctions à effet rétroactif relevait de la souveraineté de l'État hongrois. Les actes commis en vertu des dispositions abrogées de la loi sur les tribunaux du peuple, désormais jugés criminels, ne constituent pas des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité au regard du droit international (aux termes des statuts du Tribunal militaire international de Nuremberg).

Cependant la décision de la Cour constitutionnelle ne porte aucune atteinte aux jugements définitifs prononcés avant le 23 octobre 1989. Dans une décision antérieure (10/1992) la Cour avait énoncé ses conceptions sur les conséquences de ses décisions pour certaines condamnations. La Cour a souligné l'importance de la sécurité juridique et de la prévisibilité du droit. L'inconstitutionnalité d'une loi doit être appréciée essentiellement d'après ses répercussions sur la sécurité juridique. Ce principe a servi de référence pour déterminer les effets d'une décision constatant qu'une loi est contraire à la Constitution, notamment ses répercussions sur certains rapports de droit ainsi que les jugements fondés sur cette loi. La Cour constitutionnelle ne peut pas déclarer inconstitutionnelle une loi appliquée avant l'adoption en 1989 de l'amendement substantiel de la Constitution (considéré généralement comme une nouvelle Constitution). De même, la Cour constitutionnelle a trouvé illégitime l'annulation des jugements rendus avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. Les principes classiques du droit pénal faisant partie intégrante depuis le 23 octobre 1989, de la Constitution hongroise, ce n'est qu'à partir de cette date que les dispositions de la loi sur les tribunaux du peuple sont devenues inconstitutionnelles. S'inspirant du principe fondamental de sécurité juridique, la Cour constitutionnelle a ordonné uniquement la révision des jugements rendus après la promulgation de la nouvelle Constitution. L'arrêt de la Cour constitutionnelle ne se prononce pas sur le fond des autres jugements inspirés par les dispositions inconstitutionnelles de la loi sur les tribunaux du peuple.

Décision 45/1994 - Indépendance de la justice à l'égard du pouvoir exécutif

L'une des dispositions d'un décret du ministre de la Justice avait été contestée car elle permettait à ce ministre, membre de l'exécutif, de conférer des distinctions honorifiques à des magistrats ou de recommander des magistrats à cet effet, et ce au titre de leur activité judiciaire. La Cour a estimé que cette disposition violait le principe constitutionnel de l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans son exposé des motifs, la Cour a rappelé certaines de ses décisions antérieures relatives à l'indépendance du pouvoir judiciaire. Dans sa décision 38/1993, par exemple, la Cour constitutionnelle s'est exprimée de façon approfondie sur les principes constitutionnels régissant l'indépendance du pouvoir judiciaire en matière de nomination des présidents de juridictions. Cette décision souligne la nécessité de contrebalancer la nomination de juges par un pouvoir autre que le pouvoir judiciaire (exécutif ou législatif). En cas d'intervention du pouvoir judiciaire, son avis doit être déterminant dans la procédure de nomination.

Dans la présente affaire, la Cour a conclu à l'inconstitutionnalité de la disposition permettant au ministre de la Justice d'accorder des distinctions honorifiques à des magistrats sans participation substantielle du pouvoir judiciaire. La reconnaissance discrétionnaire, par un représentant du pouvoir exécutif, de l'oeuvre judiciaire accomplie par un magistrat menace l'impartialité du pouvoir judiciaire.

Décision 60/1994 - Droit à l'information

En 1994 l'Assemblée nationale a adopté une loi aux termes de laquelle le passé de personnes détenant certains postes clés doit faire l'objet d'une enquête — à la suite de quoi plusieurs requêtes ont été introduites devant la Cour constitutionnelle au motif que certaines dispositions de la loi en question seraient inconstitutionnelles.

Cette loi exige que certains fonctionnaires et autres responsables occupant des postes clés dans la vie publique, soient soumis à une enquête sur leur passé. Cette enquête vise à déterminer si les personnes en question ont mené des activités pour les organes de sécurité de l'État ; si elles ont obtenu, de la part des services de sécurité de l'État, des informations destinées à faciliter leurs décisions ; ou si elles ont été membres du parti nazi des Croix-Fléchées. Si l'enquête fait apparaître que la personne en question entre dans l'une de ces catégories, les résultats doivent être publiés, sauf si l'intéressé démissionne de son poste. L'enquête est menée par une commission spéciale composée de magistrats. La personne soumise à une telle enquête peut introduire un recours devant un tribunal d'instance, qui examine la décision de la commission. Ces deux procédures se déroulent à huis clos.

En effet, la loi hongroise n'introduit pas une incompatibilité d'office entre des fonctions passées et présentes, pas davantage qu'elle ne se propose de dévoiler l'ensemble du système de renseignement politique du régime précédent. La Cour a, par conséquent, procédé à l'examen de cette affaire en tenant compte du fait que, dans un État démocratique, le droit fondamental à la liberté d'information présuppose la transparence des activités de l'État pour les citoyens.

La Cour a estimé que les requêtes étaient en partie justifiées, et a prononcé l'inconstitutionnalité de plusieurs dispositions de cette loi. L'annulation qui en est résultée s'appuyait sur le fait que la violation du droit à l'information s'apprécie au regard de la qualité des personnes pouvant avoir accès aux dossiers constitués par les services secrets, afin de savoir si le régime précédent a influencé leur sort. Une telle question ne peut être résolue que par la levée de la confidentialité des dossiers constitués par les services de renseignement d'alors. C'est le caractère indéfectiblement secret des données figurant dans les dossiers mentionnés par la loi examinée qui a été déclaré inconstitutionnel.

La constatation d'inconstitutionnalité s'appuyait par ailleurs sur le champ des informations et des personnes couvert par la loi. À cet égard, la Cour a estimé que, par cette loi, le législateur avait outrepassé ses compétences et que, même dans les limites de ses compétences, il n'avait pas appliqué un critère unique et cohérent qui permît de distinguer entre les informations de caractère privé et les informations d'intérêt général.

Décision 22/1996 - Prohibition de la différence de traitement entre groupes de victimes

La Cour constitutionnelle s'est prononcée, dans sa décision 1/1995, sur la constitutionnalité de la loi 32 de 1992 qui réglemente la question de l'indemnisation des personnes privées pour des actes ayant attenté à leur vie ou à leur liberté pour des raisons politiques. Dans cette décision elle avait notamment obligé le pouvoir législatif à compléter la loi sur l'indemnisation, essentiellement au motif que la loi précédente restreignait la possibilité d'indemnisation des personnes dont les droits avaient été violés arbitrairement à l'occasion d'une procédure pénale formelle. De plus, le corps législatif avait été contraint de remplacer certaines autres dispositions inconstitutionnelles de la loi.

Le pouvoir législatif a établi la version définitive du texte du projet de loi modifiant la loi sur l'indemnisation que la Commission permanente pour les droits de l'homme de l'Assemblée nationale a soumis, avant le vote final, à la Cour constitutionnelle pour qu'elle procède à un contrôle préliminaire.

Dans sa décision la Cour a reconnu que le pouvoir législatif avait réparé son erreur faite en créant un nouveau groupe ayant droit à une indemnisation. Il s'agissait de personnes déportées en Allemagne sous le régime nazi ou en Union soviétique, car la déportation, comme la Cour l'avait déjà expliqué dans sa décision 1/1995, n'est pas simplement une forme de privation de liberté.

La Cour a toutefois estimé qu'il était inconstitutionnel que le projet de loi établisse des critères très différents à l'égard de griefs analogues, à savoir la privation de la vie. La privation de la vie est une atteinte si grave qu'elle « absorbe » toutes les injustices précédentes. Il serait arbitraire de faire une distinction entre les différentes façons de perdre la vie, et cela constituerait en même temps une violation de la dignité de la personne.

La Cour constitutionnelle a ajouté que si, à la suite de cette modification, le corps législatif devait accroître le nombre de groupes de personnes pouvant prétendre à indemnisation (en raison des exigences constitutionnelles susmentionnées), il ne serait pas inconstitutionnel de procéder à une nouvelle répartition du budget global prévu à cette fin, ce qui réduirait le montant de l'indemnité initiale versée à chaque personne.

Décision 37/1996 - Inconstitutionnalité en manquement (non-exécution d'un traité international)

Aux termes de l'article 49.1 de la loi sur la Cour constitutionnelle, si celle-ci estime que le législateur a manqué à ses obligations découlant d'une norme juridique et a ainsi provoqué une situation inconstitutionnelle, elle prie l'organe défaillant de remplir lesdites obligations en lui fixant un délai à cet effet.

L'article 7.1 de la Constitution dispose que l'ordre juridique de la République de Hongrie reconnaît les règles de droit international généralement acceptées et met son droit interne en conformité avec les obligations souscrites en droit international.

En vertu de l'article 29.3 du traité de paix de Paris, l'État hongrois est tenu d'indemniser les Hongrois dont les biens ont été confisqués illégalement et sans indemnisation en incorporant les normes pertinentes au droit interne. L'État hongrois ne s'étant pas encore acquitté de cette obligation, la Cour constitutionnelle a appelé l'Assemblée nationale à remplir ses obligations législatives avant la fin juin 1997.

Décision 1042/B/1997 - Prohibition de la discrimination

Les requérants avaient demandé le contrôle constitutionnel de certaines dispositions de la loi relative à l'enseignement public. Selon eux, en régissant de manière différente le mécanisme de financement des écoles d'État et des écoles religieuses, d'une part, et des écoles privées, d'autre part, la loi était contraire à l'article 70/A de la Constitution, qui interdit toute discrimination.

La Cour constitutionnelle a jugé cet argument mal fondé. Elle a fait remarquer que ceux qui créent et gèrent des écoles privées ont aussi droit à la contribution budgétaire obligatoire définie par la loi. Cependant, si la contribution budgétaire obligatoire ne couvre qu'une partie des dépenses de fonctionnement des écoles, le reste de ces dépenses doit être pris en charge par le fondateur lui-même. Pour les écoles qui n'appartiennent pas à l'État, il est possible de conclure avec le gouvernement un contrat d'enseignement public afin d'obtenir des subventions supplémentaires pour le fonctionnement de tels établissements. Cette solution n'est pas contraire à la Constitution.

Selon les requérants, les dispositions de la loi selon lesquelles seules les écoles primaires publiques sont gratuites, sont inconstitutionnelles elles aussi, car elles font peser une charge disproportionnée sur les personnes qui souhaitent fréquenter une école privée.

En vertu de l'article 70/F de la Constitution, l'État doit rendre effectif le droit à l'instruction en développant et en généralisant l'enseignement public, en assurant la gratuité de l'enseignement obligatoire, en rendant accessible à chacun, en fonction de ses aptitudes, l'enseignement secondaire et supérieur et en accordant, en outre, des subventions à la formation. La loi relative à l'enseignement public va cependant plus loin en déclarant que l'enseignement supérieur est gratuit. Selon la Cour, l'obligation qui incombe à l'État consiste seulement à créer et gérer des établissements scolaires laïques. L'État n'est donc pas tenu d'assurer la gratuité de l'enseignement dans toutes les sortes d'établissements scolaires.

La Cour a examiné d'office certaines dispositions des traités internationaux pertinents, à savoir l'article 14 CEDH et l'article 2, protocole 1, CEDH, les articles 2.1 et 2.2 de la Convention de 1989 relative aux droits de l'enfant, ainsi que les articles 1, 2 et 5 de la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans l'enseignement, adoptée par la Conférence générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. Elle a jugé qu'il ne découlait pas de ces instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, l'obligation pour l'État d'assurer la gratuité de l'enseignement dans toutes les sortes d'écoles primaires.

En outre, la Cour a déclaré qu'il n'était pas inconstitutionnel que l'État fournisse aux écoles appartenant à l'Église une aide financière venant s'ajouter à la contribution budgétaire obligatoire, car ces écoles assument des fonctions dont, à défaut, l'État devrait se charger. La Cour a jugé que cette discrimination positive était nécessaire dans l'intérêt de la mise en oeuvre de l'article 60 de la Constitution, c'est-à-dire pour garantir la liberté de religion.

Décision 48/1998 - Avortement

Un groupe de requérants cherchait à contester la constitutionnalité de la loi LXXIX de 1992 sur la protection de la vie du foetus (ci-après, la loi sur l'avortement). Les requérants soutenaient que certaines dispositions de cette loi, ainsi que la loi dans son ensemble, étaient inconstitutionnelles. Les partisans du droit à la vie demandaient à la Cour de juger que le foetus était un sujet de droit dès le moment de sa conception. La Cour constitutionnelle a rejeté ces requêtes, rappelant sa décision antérieure 64/1991, dans laquelle elle avait déjà précisé que sa tâche n'est pas de déterminer si un foetus était une personne au sens de la Constitution. C'était à l'Assemblée nationale qu'il incombait de légiférer à ce sujet. La décision en l'espèce était fondée sur les principes et lignes directrices déterminés par la décision antérieure, par laquelle la Cour avait annulé pour vice de forme l'arrêté du ministre de la Santé concernant la réglementation de l'avortement qui était en vigueur à ce moment-là. Selon la Cour, s'agissant de droits fondamentaux, ils auraient dû être régis par une loi, et la Cour s'était abstenue de statuer au fond sur la constitutionnalité des dispositions relatives à l'avortement. La Cour avait cependant établi des principes directeurs pour la future loi relative à l'avortement.

En s'appuyant sur ces principes directeurs, l'Assemblée nationale a adopté en 1992 la loi sur l'avortement, qui ne reconnaissait pas la personnalité juridique du foetus dès sa conception, permettant ainsi l'avortement pour certains motifs pendant les premiers mois de la grossesse.

Dans sa décision, la Cour a examiné la constitutionnalité de l'article 6.1.d de la loi sur l'avortement, qui autorisait celui-ci au cours des douze premières semaines de grossesse si l'intéressée se trouvait dans une situation de crise ; la Cour s'est aussi penchée sur les requêtes concernant le statut juridique et le droit à la vie du foetus.

Selon l'article 12.6 de la loi sur l'avortement, une situation de crise est celle dans laquelle une femme enceinte se trouve dans une situation mentale, physique ou sociale désespérée, ce qui compromet le bon développement du foetus. Pour prouver qu'il existe une situation de crise, la femme concernée doit signer la demande d'avortement.

Selon les requérants, cette loi sur l'avortement ne protège pas suffisamment le foetus, parce qu'aucune personne ayant à l'esprit l'intérêt du foetus ne supervise la procédure qui permet de déterminer si la femme enceinte réunit les conditions requises par la loi. En outre, il n'est pas d'usage actuellement en Hongrie que le public ou une personne garantissant les intérêts du foetus ait la faculté de procéder à une telle appréciation.

La question à laquelle devait répondre la Cour constitutionnelle était de savoir si l'État, en adoptant la loi sur l'avortement, avait respecté les obligations liées à son devoir de protéger la vie du foetus comme elle protégeait le droit de la femme au choix et à la dignité en lui permettant d'avorter, lors d'une situation de crise. La notion de situation de crise est floue puisqu'il s'agit en fait d'un argument en faveur du droit de choisir de la femme et contre la protection de la vie de l'enfant à naître, alors que, d'après la loi, il semble que l'avortement soit autorisé, paradoxalement, dans l'intérêt du foetus. Selon la Cour, cela constitue une violation du principe constitutionnel de sécurité juridique, car le motif invoqué pour permettre les avortements est contradictoire. Il s'agit donc de savoir s'il est inconstitutionnel que le motif de l'interruption de grossesse soit la situation de crise de la femme. En vertu de la loi sur l'avortement, celui-ci ne peut être effectué que si l'intéressée affirme qu'elle est en situation de crise, sans avoir à prouver l'existence de motifs réels ni à faire l'objet d'un contrôle destiné à vérifier leur existence. Il s'agit de protéger le droit de la femme au respect de sa vie privée. La Cour constitutionnelle a cependant déclaré en l'espèce que la loi ne restreindrait pas exagérément le droit de la femme au choix et à la dignité en exigeant qu'elle justifie l'avortement. Les dispositions pertinentes de la loi sur l'avortement qui sont actuellement en vigueur satisfont en pratique au droit de choisir de la femme mais pas à l'obligation qui incombe à l'État de protéger la vie humaine. Par conséquent, l'équilibre constitutionnel entre le droit de la femme à la dignité et l'obligation qui incombe à l'État de protéger la vie est rompu. Cette disposition de la loi sur l'avortement est inconstitutionnelle car un équilibre n'a pas été établi entre le droit fondamental de la femme et le devoir constitutionnel de l'État.

Dans son raisonnement, la Cour a aussi établi des principes directeurs à l'intention de l'Assemblée nationale. La Cour fait valoir qu'il y a deux manières envisageables par l'État pour protéger le droit à la vie d'un foetus. La première possibilité serait que le législateur ne modifie pas la loi sur l'avortement mais qu'il rétablisse l'équilibre en adoptant des dispositions destinées à protéger la vie des foetus (par exemple, coopération avec la femme enceinte, fourniture à la femme enceinte d'une assistance adéquate en matière psychologique, médicale, sociale et financière). La seconde consisterait à définir la notion de situation de crise en déterminant quelques cas envisageables pour être habilitée à avorter.

Décision 12/1999 - Liberté d'expression

Les requérants souhaitaient faire établir l'inconstitutionnalité de l'article 269 du code pénal, aux termes duquel une personne qui incite la population à la haine ou commet un acte susceptible de l'inciter à la haine contre la nation hongroise ou tout groupe national, ethnique, racial ou autre se rend coupable d'un délit pénal. Dans l'optique des requérants, la partie de cette disposition en vertu de laquelle des actes susceptibles d'inciter à la haine sont répréhensibles, viole le principe constitutionnel de la sécurité juridique et le droit fondamental à la liberté d'expression.

La Cour, se référant à une décision précédente (30/1992), a souligné que les principes constitutionnels du droit pénal exigent que toute disposition définissant un comportement pénalement répréhensible soit explicite et clairement définie. La définition doit être claire, de manière à ce que toute personne sache qu'elle commet une infraction punie par le droit pénal. Il appartenait donc à la Cour d'examiner si l'article 269 était suffisamment précis et ne définissait pas en termes trop vagues le type de comportement passible de sanctions pénales.

Ne parvenant pas à déterminer précisément quel acte était illégal, la Cour a considéré que cette disposition du code pénal violait le principe de l'État de droit et de la sécurité juridique et qu'elle restreignait de manière inutile et disproportionnée la liberté d'expression garantie par l'article 61.1 de la Constitution. La disposition contestée a donc été déclarée inconstitutionnelle.

Décision 28/1999 - Droit à la liberté

Par cette décision la Cour constitutionnelle a déclaré incompatible avec la Constitution une disposition du code de procédure pénale, selon laquelle la mise en détention provisoire peut être ordonnée si la personne est accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement et que l'on peut raisonnablement penser qu'elle commettrait une autre infraction si elle était libérée, en ce qu'elle restreint de manière inutile et disproportionnée le droit à la liberté garanti par l'article 55.1 de la Constitution.

Selon la Cour, la détention provisoire en soi n'est pas contraire à la Constitution et elle est assurément indispensable dans certains cas. S'agissant d'une mesure préventive et non d'une forme de peine, la détention provisoire ne viole pas le principe constitutionnel de la présomption d'innocence, consacré à l'article 57.1 de la Constitution aux termes duquel nul ne pourra être considéré comme coupable jusqu'à ce qu'une décision du tribunal ayant force de chose jugée ait constaté sa responsabilité pénale.

En vertu de l'article 55.2 de la Constitution, tout individu soupçonné d'une infraction pénale et gardé à vue doit être soit libéré soit traduit devant un juge dans le plus court délai possible. Le juge est tenu d'entendre la personne traduite devant lui et de statuer sans retard sur sa mise en liberté ou son arrestation par une décision écrite motivée.

En vue de protéger la société, il est parfois justifié de placer en détention provisoire une personne accusée d'une infraction. Cela procède de l'article 55.2 de la Constitution, qui prévoit implicitement la possibilité d'ordonner la mise en détention provisoire.

Selon la Cour, il n'est pas en soi contraire à la Constitution de prévoir, dans le code de procédure pénale, la possibilité d'ordonner la mise en détention provisoire d'une personne accusée d'une infraction passible d'une peine d'emprisonnement. Il est toutefois disproportionné, par rapport à l'objectif recherché par le législateur (c'est-à-dire l'intérêt public) et, partant, contraire à l'article 55.2 de la Constitution, que l'article 92.1.c du code de procédure pénale autorise la mise en détention d'une personne pour l'empêcher de commettre une autre infraction.

Décision 13/2000 - Liberté d'expression

Selon les requérants l'application de sanctions à l'égard d'une personne qui, devant une foule, attaque par des propos injurieux ou outrageants l'hymne national, le drapeau ou les armoiries de la Hongrie ou commet d'autres actes comparables, est contraire à la disposition constitutionnelle garantissant la liberté d'expression.

La Cour n'a pas partagé cet avis. Dans ses motifs elle s'est fondée sur les articles 75 et 76 de la Constitution, en vertu desquels les emblèmes nationaux ont une valeur constitutionnelle et sont de ce fait protégés par cette norme. Elle a estimé que ceux-ci avaient une double signification : ils représentent d'une part la souveraineté de l'État hongrois, mais peuvent aussi être utilisés individuellement pour exprimer un sentiment d'appartenance à l'État et au peuple hongrois. Par conséquent, nombre de personnes seraient indignées, choquées et offensées si l'on détruisait des symboles pour lesquels elles ont un grand respect. Parce que l'histoire de la Hongrie de ces dix dernières années a renforcé l'importance des emblèmes nationaux, il est justifié de les protéger, même dans le code pénal. Partant, la Cour a conclu que la disposition pénale contestée était à la fois justifiée et nécessaire. Quant à la proportionnalité de la disposition protégeant les emblèmes nationaux, elle a considéré que les conséquences du comportement incriminé pour la société étaient d'une gravité telle que la recherche d'autres formes de responsabilité telles que la responsabilité civile serait inadaptée à l'objectif poursuivi, à savoir l'adoption de mesures contre les auteurs de tels actes. Les sanctions prévues sont par ailleurs les moins sévères parmi les sanctions pénales existantes.

Par ailleurs la Cour a souligné que la critique ou l'analyse scientifique des emblèmes nationaux du point de vue de leur histoire, de leur valeur ou importance, de leur iconographie ou représentation artistique, de même que les propositions de leur modification, ne tombent pas sous le coup de cette disposition.

Décision 18/2000 - Liberté d'expression

Un juge d'un tribunal de première instance a fait un renvoi préjudiciel devant la Cour constitutionnelle pour que celle-ci se prononce sur la constitutionnalité d'une disposition du code pénal applicable dans l'affaire dont il était saisi.

Dans son renvoi, il affirmait que la disposition du code pénal, qui érige en infraction la diffusion de fausses affirmations ou d'informations véridiques susceptibles de troubler l'ordre public, était contraire à l'article 61 de la Constitution et qu'il y avait en outre un risque d'interprétation subjective de cette disposition en raison de sa formulation trop vague, contrairement au principe d'interdiction de l'arbitraire.

Selon la Cour, le comportement incriminé (diffusion de fausses affirmations ou d'informations véridiques susceptibles de troubler l'ordre public) tombe sous le coup de la disposition relative à la liberté d'expression. La liberté d'expression perdrait une grande partie de sa substance si elle ne protégeait plus les personnes qui diffusent de fausses informations. Le droit à la liberté d'expression protège toutes les opinions, quelle que soit leur valeur ou leur véracité.

La disposition contestée ayant pour but de préserver la paix publique, la Cour a dû déterminer si ce seul risque de trouble justifiait la restriction du droit à la liberté d'expression. La Cour s'est référée à une décision précédente (30/1992) dans laquelle elle avait estimé que la « paix publique » n'était pas dépourvue de lien avec les conditions d'exercice de la liberté d'expression. Lorsque différents avis sont exprimés, l'opinion publique devient plus tolérante. De même, une voix inhabituelle qui se fait entendre dans une société fermée a plus de chances de troubler la paix publique. En outre, lorsque la liberté d'expression est limitée inutilement et de façon disproportionnée, les sociétés se replient sur elles-mêmes. À la lumière de ces considérations, la Cour a jugé qu'en l'espèce l'incrimination en question équivalait à protéger abstraitement l'ordre et la paix publiques et à en faire une fin en soi. Il y aurait ainsi infraction même si, dans les circonstances données, la diffusion d'affirmations mensongères ne risquait pas d'engendrer la violation d'un droit individuel. Cette menace abstraite de trouble de la paix publique n'apparaît toutefois pas comme un motif suffisant pour autoriser, conformément à la Constitution, l'application de sanctions pénales en vue de limiter la liberté d'expression — droit dont l'exercice est indispensable au fonctionnement de la démocratie dans un État de droit.

Décision 6/2001 - Liberté d'association

Le requérant a demandé à la Cour de contrôler la constitutionnalité de l'article 4.1 de la loi II de 1989 sur la liberté d'association. Selon lui, la disposition selon laquelle les associations acquièrent une personnalité juridique au moment de leur enregistrement violait l'article 63.1 de la Constitution (liberté d'association). Cette disposition constitutionnelle garantit à toute personne le droit de constituer des organisations à des fins non interdites par la loi et d'y adhérer.

La Cour l'a débouté de sa requête et a jugé que l'enregistrement des associations n'était pas contraire à la Constitution. La loi sur la liberté d'association prescrit l'enregistrement obligatoire des associations, qui deviennent ainsi des entités juridiques. Dès son enregistrement, une organisation peut commencer à fonctionner comme une association. Le juge décide de l'inscription d'une association dans le registre. Mais la décision du juge ne fait que constater qu'une association satisfait aux conditions officielles prescrites par la loi. L'objectif principal d'un tel système est d'éviter que des associations fonctionnent dans l'illégalité. Puisque le juge ne peut refuser d'enregistrer une association qui satisfait aux conditions officielles prescrites par la loi, l'enregistrement n'est pas une limitation du droit à la liberté d'association. La Cour s'est référée à l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Lavisse c/ France, dans laquelle les organes de Strasbourg avaient jugé que l'article 11 de la CEDH ne garantissait pas la personnalité juridique des associations. Par conséquent, dans les pays où l'enregistrement constitue une condition préalable à l'obtention de la personnalité juridique, le refus des autorités d'enregistrer une association n'implique pas nécessairement une atteinte aux droits de cette association garantis par l'article 11 de la CEDH.

Après avoir débouté le requérant de sa requête, la Cour a examiné ex officio si l'Assemblée nationale avait rempli ses fonctions législatives concernant le droit fondamental à la liberté d'association. Elle a constaté, que ni la procédure préliminaire garantie par la loi sur la liberté d'association, ni la disposition du code de procédure civile qui veut que les procédures civiles doivent être terminées dans un délai raisonnable ne constituent des garanties légales suffisantes de la liberté d'association. Par conséquent, du fait de ce manquement, la Cour a conclu que l'Assemblée nationale n'avait pas rempli ses fonctions législatives concernant la liberté d'association.

Décision 13/2001 - Liberté d'expression des détenus

Le président de la République a refusé de signer un amendement au décret-loi sur l'exécution des peines et autres sanctions répressives, qui obligeait à obtenir l'autorisation du responsable de l'administration pénitentiaire avant de publier ou de diffuser une interview, une conversation ou une simple déclaration d'un détenu. Le responsable de l'administration pénitentiaire peut refuser cette autorisation si cela est nécessaire à la sûreté nationale, à la sécurité publique, à la protection de la réputation et des droits attachés à la personne, à la prévention du crime ou du dévoilement de secrets d'États, de secrets officiels ou d'autres renseignements obtenus à titre confidentiel, et pour maintenir la sécurité et l'ordre dans la prison.

Avant de signer le texte, le président de la République a demandé à la Cour constitutionnelle d'examiner la constitutionnalité des règlements qui restreignent les communications entre les détenus et les médias. D'après le président, le règlement pénitentiaire en cause restreint d'une manière disproportionnée la liberté d'expression des détenus. Au regard de la Constitution, le seul motif légitime pour imposer un tel contrôle pourrait être le maintien de la sécurité et de l'ordre dans les établissements pénitentiaires.

Il n'est pas inconstitutionnel en soi que la communication entre détenus et médias soit soumise à des contrôles. Mais l'incarcération ne doit pas être l'unique raison et l'unique motif pour restreindre la liberté d'expression. À partir du moment où il est incarcéré, un détenu perd uniquement les droits à la liberté d'expression qui vont à l'encontre des objectifs légitimes du système pénitentiaire. Il faut tenir compte de cet aspect lorsque se pose la question de savoir dans quelle mesure les personnes incarcérées peuvent avoir accès aux médias.

Dans son analyse du règlement, la Cour a examiné chacun des aspects de la restriction. La Cour a de ce fait jugé constitutionnelle cette partie de la disposition contestée qui autorise le responsable de l'administration pénitentiaire à refuser son autorisation s'il estime que les déclarations du détenu peuvent mettre en danger la sécurité publique, porter atteinte à la réputation ou aux droits attachés à la personne, ou s'il estime cette mesure nécessaire pour prévenir l'infraction que constitue le dévoilement de secrets d'État. Mais l'amendement soumis au contrôle restreignait la liberté d'expression des détenus d'une manière inutilement large, même lorsqu'il n'existait aucun motif pénal légitime pour ne pas accorder l'autorisation de communiquer avec les médias. La Cour a donc déclaré inconstitutionnel le règlement qui autorise un contrôle étendu de la communication entre les détenus et la presse.

La Cour a jugé que l'amendement en question était également inconstitutionnel pour d'autres motifs. Le règlement comporte des notions floues telles que la définition de la presse ou d'autres renseignements obtenus de manière confidentielle, qui n'ont pas de signification particulière en droit hongrois. Tel que l'avait déclaré la Cour constitutionnelle dans la décision 1/1992, il est porté atteinte au principe de la légalité si la formulation de la loi n'est pas suffisamment claire et dépourvue d'ambiguïté.

Cependant, d'après la Cour, le contrôle de la communication des détenus avec les médias est acceptable quand la sécurité nationale est en jeu, si ce contrôle permet d'empêcher que soient dévoilés des secrets d'État ou vise à assurer la sécurité et l'ordre dans les établissements pénitentiaires.