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Notice bibliographique de Bastien François: « La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Actes du colloque de Rennes (1996)

Bastien FRANCOIS - Professeur à l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 7 - décembre 1999

Actes du Colloque de Rennes

Sous la direction de Guillaume DRAGO, Bastien FRANÇOIS et Nicolas MOLFESSIS

Préface de Georges VEDEL

La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Economica, Études juridiques,
1999, 415 p.


L'ouvrage sur La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui paraît aux Éditions Economica, dans la collection « Études juridiques », reprend sous une forme remaniée et complétée l'essentiel des interventions lors d'un colloque tenu à Rennes les 20 et 21 septembre 1996. Lorsque Guillaume Drago, Nicolas Molfessis et moi-même avons lancé les invitations à cette manifestation, les réactions ont été de deux ordres : une surprise teintée de lassitude – pourquoi revenir, encore une fois, sur cette question que l'on croyait enterrée depuis bien longtemps ? – et un certain enthousiasme – comme si s'ouvrait (enfin ?) un espace de parole échappant au « constitutionnellement correct », selon le mot d'un intervenant au colloque. Nous avons dû apaiser les inquiétudes de certains – il ne s'agissait pas de poser la question de la légitimité de l'institution (question effectivement un peu rabâchée) mais, d'abord, de celle de sa jurisprudence – et tempérer l'esprit frondeur d'autres : il ne s'agissait pas non plus de dénier les acquis d'une évolution jurisprudentielle certes improbable à l'aube de la Ve République mais considérée à juste titre aujourd'hui comme incontournable. Alors, pourquoi poser cette question de la légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ?

On le sait, le Conseil constitutionnel s'est imposé, non sans polémiques et hésitations, comme une institution centrale dans le fonctionnement de la Ve République, apportant sa pierre à la large diffusion de la notion d'État de droit dans l'espace public, renouvelant pour partie les fondements du droit constitutionnel et, plus généralement, du droit public, bouleversant même, selon certains, l'économie de l'ordre juridique dans son entier. Cette évolution, pour être spectaculaire, et sans doute bénéfique, a cependant conduit à une sorte d'enfermement technicien de la réflexion sur le contrôle de constitutionnalité en France. à mesure que le Conseil constitutionnel gagnait en importance, les controverses sur son existence, sur ses fonctions comme sur ses méthodes se sont faites plus rares et moins vivaces, pour ne plus laisser place qu'aux analyses techniques de ses décisions. Le débat (désormais le plus souvent réduit à des grand-messe de célébration) s'est enlisé dans des querelles de détail autour de tel ou tel aspect de la jurisprudence.

Or, toute une série de questions demeure, même si elles ont disparu de l'agenda scientifique. Par exemple, les fondements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sont-ils si certains que les conditions de son insertion dans l'ordre juridique ne doivent plus être discutées ? Faut-il croire réellement que son importance retentit dans l'ensemble des branches du droit ? Est-il avéré que le système juridique ressente les secousses constitutionnelles que le Conseil déclencherait par ses décisions ? La jurisprudence constitutionnelle a-t-elle fait la preuve de sa nécessité, de son caractère indispensable au bon fonctionnement de l'ordre juridique français, mais aussi, plus largement, à la démocratie ? Ces questions, et bien d'autres, pour être parfois un peu iconoclastes, avaient le mérite, au moins aux yeux des organisateurs du colloque, de rompre avec cette sorte de « pensée unique » qui, subrepticement, s'était installée dans le champ des études constitutionnelles.

En réunissant, de façon inédite, des publicistes, des privatistes et des politistes, en organisant un dialogue pacifique, bien que parfois vif, entre les pro et les contra, entre les thuriféraires et les agnostiques, il s'agissait bien alors pour nous d'ouvrir grand un questionnement. Ni bilan, ni catalogue de certitudes ou de solutions, ni tentative de réconcilier les points de vue pour aboutir au meilleur des mondes constitutionnels possible, ce colloque a cherché, avec la complicité active de tous les participants, à délimiter, le plus systématiquement possible, de façon précise, informée, parfois contradictoire, le champ des interrogations que soulève encore la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Au lecteur de dire, une fois refermé ce gros livre, si ses certitudes sont ébranlées, et s'il a gagné par là une intelligence accrue de la montée en puissance du contrôle de constitutionnalité en France et de ses effets. Si c'est le cas, nous aurons réussi notre pari.