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Loi et contrat collectif de travail: variations à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Bernard TEYSSIÉ - Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Président honoraire de l'Université

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 17 (Dossier : Loi et contrat) - mars 2005

1. - Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, huitième alinéa : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». À cette « détermination collective », rangée au nombre des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps, traduction est donnée via la négociation collective, source, dès l2ors qu'elle connaît un heureux dénouement, de conventions et accords collectifs soumis aux dispositions des articles L. 131-1 et suivants du code du travail(1). Susceptibles de recevoir un champ d'application territorial national, régional ou local, ces contrats collectifs peuvent être interprofessionnels, professionnels ou de branche ; ils peuvent aussi ne concerner qu'un groupe d'entreprises (ou une fraction de groupe), une entreprise, un établissement (ou un groupe d'établissements). Mais tous, à des degrés divers, emportent production de normes appelées à gouverner une collectivité, susceptibles d'être assorties de sanctions pénales(2). Loi d'essence contractuelle, le contrat collectif de travail constitue un outil d'organisation sociale et économique (tant il est vrai qu'il n'est point d'organisation sociale qui n'ait d'incidences économiques... comme il n'est point d'organisation économique qui n'appelle un effort d'organisation sociale). Prenant place aux côtés des normes édictées par les pouvoirs publics ou unilatéralement arrêtées par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, il ne pouvait manquer d'alimenter des contentieux portés devant le Conseil constitutionnel par la grâce de recours qui, loin de n'intéresser que le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, sollicitent parfois d'autres principes de valeur constitutionnelle contribuant à dessiner les fonctions, et les entrelacs, de la loi (I) et du contrat (II), sur fond d'enjeux de pouvoir.

I. Les fonctions de la loi

2.- La négociation des contrats collectifs - parce qu'il s'agit d'abord de contrats - se déploie dans le cadre général, qu'il appartient au législateur de respecter et faire respecter, que trace le principe de liberté contractuelle (A). Mais parce qu'ils ont aussi un caractère collectif, ils ont moins pour négociateurs, singulièrement sur le versant salarial, des individus que des groupements dont l'autorité constitue la meilleure des garanties d'un débat équilibré. Ouvrir le jeu afin de permettre, même en leur absence, le déploiement de la négociation collective ne va point sans quelques risques sur le délicat terrain de l'autorité du contrat (B).

A. Le jeu du contrat

3. - Qu'il soit conclu pour une période déterminée ou indéterminée, un contrat collectif s'inscrit dans la durée. Passé le cap de son élaboration (1), la question de son devenir est essentielle. À la pérennité du contrat le principe de sécurité impose d'être attentif (2).

1) Élaboration du contrat

4. - Conclus par un ou plusieurs employeurs ou groupements d'employeurs avec, en principe, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés reconnues représentatives dans leur champ d'application (qu'il s'agisse de représentativité prouvée ou présumée)(3), les conventions ou accords visés aux articles L. 131-1 et suivants du code du travail, pour avoir un caractère collectif, n'en sont pas moins des contrats. Ils ne pouvaient donc échapper aux débats inhérents au principe de liberté contractuelle tel que tiré de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'autant qu'il est permis d'en déceler l'écho - qui contribue à son renforcement - dans l'affirmation selon laquelle " tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail(4). La liberté proclamée - qui trouve assise constitutionnelle dans les textes précédents(5) - exclut l'adoption, par le législateur, de dispositions de nature à porter à la négociation des contrats collectifs des atteintes qui ne seraient pas justifiées par un motif d'intérêt général. Participe d'un tel motif la volonté d'assurer le développement de la négociation collective - outil majeur d'organisation pacifique des rapports sociaux - via la création d'obligations de négocier (dont la plus connue est assurément l'obligation annuelle de négocier dans l'entreprise inscrite à l'article L. 132-27 du code du travail); encore faut-il que lesdites obligations - même si elles doivent être exécutées avec la volonté sérieuse d'aboutir, ce qui implique loyauté et bonne foi(6) - demeurent des obligations de moyens ; la fulmination d'une obligation de résultat (outre qu'elle révélerait une sérieuse méconnaissance de l'essence du débat contractuel) porterait à la liberté contractuelle, niée dans son principe même, une atteinte d'une gravité telle qu'elle serait exposée à la censure du Conseil constitutionnel.

5. - Aux injonctions formulées par le législateur pour que des négociations soient ouvertes s'ajoute toujours, à des degrés divers, une immixtion dans le contenu de la négociation. Il n'est point, en effet, d'injonction de négocier qui ne s'accompagne de l'indication de l'objet de la négociation : salaires, temps de travail, etc. Mais s'il est des thèmes à aborder, que des motifs d'intérêt général peuvent justifier de soumettre à discussion, les partenaires sociaux doivent demeurer libres de déterminer les réponses à apporter à chacun des points en débat. Le législateur ne peut, au mieux, qu'éclairer leur choix ou confier le soin au gouvernement de l'éclairer, par exemple en leur indiquant par avance le type d'engagement qui conduirait à refuser l'extension d'une convention ou d'un accord collectif répondant pourtant, a priori, à l'ensemble des conditions requises pour qu'une telle mesure soit prise. Encore faut-il que cet éclairage qui, ne serait-ce qu'indirectement, cantonne le jeu de la négociation, trouve justification dans des motifs d'intérêt général(7).

2) Pérennité du contrat

6. - Le principe de liberté contractuelle a pour corollaire celui de sécurité contractuelle. Outre le respect dû au principe inscrit à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, s'agissant de contrats collectifs de travail, à la volonté des travailleurs exprimée en vue de « la détermination collective des conditions de travail »(8), le précepte gravé à l'article 16 de la Déclaration de 1789 selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée... n'a point de constitution », impose d'y être particulièrement attentif. Le législateur ne saurait donc « porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant »(9). Une telle atteinte ne saurait être relevée lorsque la loi adoptée « a pour seule portée de rendre insusceptibles d'être contestés à l'avenir devant la juridiction compétente les accords antérieurs qui n'étaient pas conformes à la législation applicable lors de leur signature, mais seraient conformes aux dispositions » de la loi nouvelle(10). Dès lors qu'elle ne confère pas « aux accords antérieurs d'autres effets que ceux que leurs signataires ont entendu leur attacher »(11), elle est à l'abri de la censure du juge constitutionnel. Mais la réserve exprimée souligne le risque de censure auquel est exposé le texte qui donne une portée nouvelle - le cas échéant en les offrant au jeu de dérogations, jusqu'à présent exclues, opérées par voie d'accords de niveau inférieur(12) - aux contrats collectifs précédemment conclus. Le risque peut toutefois être écarté, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les contrats visés ont, ou non, été conclus à l'instigation des pouvoirs publics(13), s'il est établi que la loi nouvelle améliore la situation des salariés, tout au moins, à s'en tenir au texte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, au regard d'un droit - tel le droit au repos - qui leur est constitutionnellement reconnu(14). Certains pourraient être tentés d'aller au-delà : en ce qui concerne les contrats, collectifs mais aussi, le cas échéant, individuels, intéressant les relations de travail, l'amélioration de la situation des salariés constituerait un principe général de sauvegarde de la loi nouvelle donnant à des contrats en cours d'exécution d'autres effets que ceux que leurs signataires avaient entendu leur attacher. À cette thèse, l'histoire du droit du travail, d'abord construit pour assurer la protection du salarié, pourrait offrir appui. Une réserve, cependant, s'impose d'emblée, que l'amélioration apportée à la situation des salariés concerne, ou non, un droit constitutionnellement reconnu : la sauvegarde de la loi nouvelle n'est admissible que si les effets nouvellement attachés aux contrats en cours n'emportent pas une charge excessive pour le partenaire contractuel, donc l'employeur (ou les employeurs). À défaut, l'impératif de « garantie des droits » exprimé à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen impose la censure du texte. Mais la difficulté qu'il y a, en pratique, à tracer la frontière séparant la charge excessive de celle n'appelant pas ce qualificatif, justifierait que le Conseil constitutionnel s'en tienne au principe formulé et condamne tout texte législatif donnant une portée nouvelle aux contrats collectifs précédemment conclus.

7. - La grille de lecture précédente est susceptible d'être appliquée lorsque la loi nouvelle prive prématurément d'effets tout ou partie des contrats collectifs en cours d'exécution. Ainsi, s'« il était loisible au législateur de tirer les enseignements des accords collectifs conclus à son instigation », en application de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, « en décidant, au vu de la teneur desdits accords, soit de maintenir les dispositions législatives existantes, soit de les modifier dans un sens conforme aux accords », il ne pouvait, « sauf à porter à ces conventions une atteinte contraire » aux exigences constitutionnelles résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « dans les circonstances particulières de l'espèce, remettre en cause leur contenu que pour un motif d'intérêt général suffisant ». En l'occurrence, « le législateur ne pouvait décider... d'une telle remise en cause que si celle-ci trouvait sa justification dans la méconnaissance par les accords des conséquences prévisibles de la réduction de la durée du travail inscrite à l'article 1er de la loi du 13 juin 1998 susvisée ou dans leur contrariété avec des dispositions législatives en vigueur lors de leur conclusion ». Or, « certaines des dispositions introduites par la loi déférée dans le code du travail modifient ce dernier dans un sens contrariant l'application de clauses substantielles figurant dans plusieurs accords conclus en vertu de la loi du 13 juin 1998 susvisée, alors que ces clauses n'étaient contraires à aucune disposition législative en vigueur lors de leur conclusion et ne méconnaissaient pas les conséquences prévisibles de la réduction de la durée du travail décidée par le législateur en 1998 ». D'où il résulte « qu'en n'écartant pas du champ d'application de telles dispositions les entreprises couvertes par les accords collectifs contraires, pendant toute la durée de ceux-ci, la loi déférée a méconnu les exigences constitutionnelles sus-rappelées »(15).

Le motif d'intérêt général suffisant pour que puissent être remis en cause les contrats collectifs ici visés est strictement cantonné. A sans doute pesé dans la décision du Conseil constitutionnel, qui n'a pas manqué de le relever, l'engagement pris dans l'exposé des motifs du projet d'où est née la loi du 13 juin 1998, selon lequel le texte à venir ne remettrait pas en cause les accords passés « dans le cadre légal actuel ». Aux exigences constitutionnelles tenant au respect dû aux contrats légalement conclus s'ajoutait le poids de la parole donnée. Moyennant quoi le Conseil constitutionnel n'admet comme motif d'intérêt général justifiant qu'il soit porté atteinte aux « clauses substantielles » de plusieurs des accords conclus (ce qui suggère que l'analyse aurait été - ou aurait pu être - différente si seules des clauses secondaires avaient été affectées) que la violation des dispositions légales en vigueur au moment de la conclusion des contrats visés, ce qui apporte peu au concept de « motif d'intérêt général », et la méconnaissance des conséquences prévisibles de la réduction de la durée du travail, ce qui est, en pratique, très difficile à évaluer. Éviter la censure aurait supposé que la loi nouvelle écarte de son champ d'application les entreprises couvertes par un contrat collectif contraire à ses dispositions mais conclu conformément à celles de la loi du 13 juin 1998, et ce « pendant toute la durée » de celui-ci.

B. L'autorité du contrat

8. - Du face à face employeur (au singulier ou au pluriel) et groupements de salariés naît une négociation équilibrée, clé (parmi d'autres, mais en bon rang) de l'autorité des contrats collectifs. L'affirmation, sur le versant salarial, de la primauté des syndicats pour les négocier et les conclure ne surprend pas (1). Mais parce qu'un groupement professionnel ne s'exprime que par l'entremise de personnes physiques parfois exposées au jeu de pressions, il n'est point dépourvu d'intérêt, même lorsque la négociation relève de tels groupements, de se préoccuper de l'indépendance de ceux qui traiteront en leur nom. Le propos vaut avec un surcroît de vigueur lorsque le droit de négocier est donné à d'autres que des syndicats. À la protection de l'indépendance des négociateurs le législateur doit prêter attention (2).

1) La primauté des syndicats

9. - Si les syndicats ont une vocation naturelle à assurer la défense des droits et intérêts des salariés (a), nul monopole ne leur est constitutionnellement reconnu pour négocier les contrats collectifs de travail (b).

a) Une vocation naturelle

10. - S'appuyant à la fois sur les dispositions du sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale... » et du huitième alinéa selon lequel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises », le Conseil constitutionnel, conjuguant liberté syndicale et principe de participation, décide qu'est conférée « aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs »(16). Les « délégués » mentionnés au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 sont compris comme visant les organisations syndicales et, au-delà, ceux de leurs membres habilités à négocier et conclure, en leur nom, des conventions ou accords collectifs.

Le propos rejoint les dispositions du point 12 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs du 9 décembre 1989 - d'où il ressort que « les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, ont le droit, dans les conditions prévues par les législations et les pratiques nationales, de négocier et de conclure des conventions collectives » - et de l'article 6 de la Charte sociale européenne, adoptée dans le cadre du Conseil de l'Europe, qui, tant dans sa version initiale, du 18 octobre 1961, que dans sa version révisée, du 3 mai 1996, dispose qu'« en vue d'assurer l'exercice effectif du droit de négociation collective », les parties s'engagent, entre autres, « à promouvoir, lorsque cela est nécessaire et utile, l'institution de procédures de négociation volontaire entre les employeurs ou les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler les conditions d'emploi par des conventions collectives ». La règle posée par le Conseil constitutionnel rejoint enfin les prescriptions de la convention n° 98 de l'Organisation internationale du travail.

11. - De la référence opérée par le Conseil constitutionnel aux « organisations syndicales », sans que mention soit faite d'une quelconque exigence de représentativité, il ne faut pas, pour autant, déduire une condamnation implicite des dispositions légales réservant le droit de négocier des conventions et accords collectifs de travail aux seules organisations syndicales représentatives(17). D'une part, eu égard à la profondeur de l'ancrage de ladite réserve dans le droit du travail français, du silence gardé ne saurait être déduite une condamnation. D'autre part, dans la suite de son propos, le Conseil constitutionnel fait référence aux « organisations syndicales représentatives » pour souligner que l'ouverture éventuellement donnée à d'autres modes de négociation ne saurait faire obstacle, sur ce terrain, à l'intervention desdites organisations(18).

b) Une absence de monopole

12. - Si les organisations syndicales ont vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, ne leur est pas, pour autant, attribué « un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective »(19). Le droit de conclure un contrat collectif peut être reconnu par le législateur :

- à « des salariés désignés par la voie de l'élection »(20), formule suffisamment large pour renvoyer aussi bien aux membres des instances élues de représentation du personnel visées par le code du travail, à commencer par les délégués du personnel et les membres du comité d'entreprise, qu'à des salariés spécialement élus en vue de négocier un ou plusieurs conventions ou accords collectifs ;

- à des salariés non investis d'un mandat électif mais « titulaires d'un mandat assurant leur représentativité »(21), cette dernière précision impliquant qu'il leur soit donné par une organisation syndicale représentative.

Qu'elles soient arrêtées par voie législative ou conventionnelle - le législateur ayant, par exemple, renvoyé cette tâche aux accords de branche - les conditions d'exercice du mandat de négociation doivent être précisément fixées : « compte tenu des conséquences attachées à l'existence même d'un mandat, notamment à l'obligation qui pèse sur le mandant d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné, la détermination des conditions d'exercice du mandat de négociation doit nécessairement comporter les modalités de désignation du salarié, la fixation précise par le mandant des termes de la négociation ainsi que les obligations d'information pesant sur le mandataire et préciser les conditions dans lesquelles s'exerce la possibilité pour le mandant de mettre fin à tout moment au mandat »(22).

Même si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996, ne vise que la négociation conduite par des salariés désignés par la voie de l'élection ou titulaires d'un mandat assurant leur représentativité (mais ces deux éventualités étaient seules en débat), il n'exclut pas pour autant - et l'avait d'ailleurs implicitement admis dans la décision n° 94-348 DC du 3 août 1994 - que la norme jaillisse de l'adhésion donnée par la collectivité des salariés à un projet d'accord présenté par le chef d'entreprise, selon un schéma retenu en matière d'intéressement et de participation aux résultats de l'entreprise(23). Mais ce mode de production normative ne relève point du périmètre de la négociation collective : s'il n'est pas exclu que le projet soumis au vote des salariés ait fait l'objet de discussions préalables avec ces derniers, rien ne l'impose et, en tout état de cause, le texte en définitive soumis au suffrage des électeurs est le fruit de la seule décision de l'employeur. La norme qui naîtra de son approbation relève d'une catégorie singulière, non assimilable aux conventions et accords collectifs de travail(24).

13. - En pratique, les modes alternatifs de détermination collective des conditions de travail ne sont guère utilisables que pour la conclusion de conventions ou accords collectifs d'établissement, d'entreprise ou de groupe, avec une nuance pour la technique du mandat dont il est concevable qu'elle soit appliquée à la négociation d'accords intéressant une branche d'activité. Encore faut-il compter avec la condition générale posée par le Conseil constitutionnel : l'intervention d'autres acteurs que les syndicats pour la détermination collective des conditions de travail n'est admissible que si elle n'a « ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations syndicales représentatives »(25).

La règle formulée exclut que le législateur confie la négociation de conventions ou accords collectifs à d'autres qu'à des syndicats représentatifs dès lors qu'au moins un syndicat investi de cette qualité est présent dans l'établissement, l'entreprise, le groupe ou le secteur d'activité dans lequel est envisagée la négociation d'un contrat collectif. Eu égard à cette exigence, il n'est point sûr que s'il avait à connaître d'un dispositif du type de ceux inscrits aux articles L. 441-1 et L. 442-10 du code du travail, plaçant sur un pied d'égalité négociation avec les organisations syndicales représentatives, adoption d'un accord au sein du comité d'entreprise et ratification d'un projet d'accord par la collectivité des salariés, le Conseil constitutionnel ne le censurerait pas. La ligne de défense consistant à soutenir - ce qui est acquis pour les projets ratifiés par voie référendaire et ce qu'autoriserait un texte libellé à la manière des deux articles susvisés en ce qui concerne les accords conclus au sein du comité d'entreprise - que les actes issus de ces processus particuliers de décision ne doivent pas être analysés en d'authentiques accords collectifs de travail, au sens des articles L. 131-1 et suivants du code du travail, mais constituent des accords de type particulier, ne résisterait sans doute pas longtemps. Le Conseil constitutionnel exige en effet que l'irruption d'autres acteurs que les organisations syndicales représentatives ne mette pas obstacle à leur intervention pour la « détermination collective des conditions de travail », au sens du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Cette formule couvre tous types de « détermination collective », et non la seule négociation de conventions ou accords collectifs.

2) L'indépendance des négociateurs

14. - Tout contrat constitue un exercice d'équilibre en quête de conciliation d'intérêts contradictoires, d'où chacun retire un avantage. Mais il n'est point d'équilibre contractuel s'il n'est d'abord, en amont, d'équilibre entre les négociateurs. Plusieurs facteurs peuvent y contribuer. S'agissant de la négociation de contrats collectifs de travail, il faut que soit assurée l'indépendance des négociateurs salariés face aux négociateurs patronaux. Elle n'est pas nécessairement acquise lorsque la négociation met en présence un employeur et des négociateurs qui sont, par ailleurs, ses salariés, situation banale lorsqu'est discuté un accord d'entreprise. Assurer leur indépendance est une nécessité : relève des garanties légales de principes constitutionnels « la détermination d'un statut de nature à permettre aux personnes conduites à conclure des accords collectifs l'exercice normal de leurs fonctions en toute indépendance par rapport à leur employeur »(26). Le statut protecteur conféré aux délégués syndicaux et aux élus du personnel répond à cette exigence. Il acquiert, au passage, une dimension singulière : la protection dont ils bénéficient n'est pas seulement mise en place dans leur intérêt « mais aussi dans l'intérêt même des institutions représentatives »(27).

La question de « la nécessaire indépendance du négociateur à l'égard de l'employeur »(28) se pose, en revanche, avec une particulière acuité lorsque ouverture est donnée à la négociation de contrats collectifs par des salariés « ordinaires » mandatés par des organisations syndicales représentatives afin de conclure des accords collectifs. Or, les modalités de leur protection « touchent à l'exercice même de leur mission de négociation »(29).

15. - Parce qu'il appartient, en principe, au législateur - investi par l'article 34 de la Constitution du pouvoir de déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical - de « fixer les conditions et garanties de la mise en oeuvre des dispositions à valeur constitutionnelle »(30), la tâche de définir le statut protecteur apte à assurer l'indépendance des négociateurs salariés relève normalement de lui.

Le Conseil constitutionnel admet cependant que « la détermination des modalités concrètes » de ladite mise en oeuvre peut « faire l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives »(31). La formule est vaste : l'expression « concertation appropriée » va fort au-delà de la seule négociation collective(32); la référence à une concertation entre « les employeurs et les salariés » ouvre la voie à un statut protecteur défini sans intervention d'une organisation syndicale.

16. - Mais il convient que la protection assurée soit d'un certain niveau. Si « le législateur a conféré compétence aux partenaires sociaux... pour définir une protection conventionnelle particulière des salariés mandatés par les organisations syndicales représentatives », ce renvoi au contrat n'est admissible que dans la mesure où il « a entendu » (volonté qui peut ressortir des travaux préparatoires de la loi) que « la protection à instituer assure, sous le contrôle du juge, des garanties au moins équivalentes à la garantie légale » prévue au profit des délégués syndicaux(33). Si le vecteur de la protection importe peu, son niveau est un élément-clé du dispositif établi.

17. - Sur la question du niveau de la protection à assurer aux salariés investis de fonctions particulières dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs, le Conseil constitutionnel a précisé, à l'adresse du législateur, que les règles édictées par ce dernier afin « de doter ces personnes d'un statut destiné à leur permettre un exercice normal de leurs fonctions... peuvent soumettre à certaines limites les droits et libertés des employeurs dès lors qu'il n'est pas porté atteinte à leur substance »(34). De celle-ci relève le pouvoir de l'employeur, « responsable de l'entreprise », de « choisir ses collaborateurs »(35). Le statut protecteur accordé aux salariés susvisés ne saurait donc mettre totalement obstacle à leur licenciement : celui-ci peut être soumis à autorisation préalable mais doit demeurer possible, ce qui implique, d'ailleurs, que la décision prise par l'autorité chargée de donner l'autorisation sollicitée puisse être contestée. Ainsi, les dispositions qui subordonnent le licenciement d'un salarié à l'autorisation de l'inspecteur du travail « ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux droits et libertés de l'employeur dans la mesure où ce dernier a la faculté de contester devant le juge de l'excès de pouvoir la décision par laquelle l'autorité compétente refuse l'autorisation de procéder au licenciement »(36).

Mais les propos précédents ne s'adressant qu'au seul législateur, lorsque ce dernier a confié aux partenaires sociaux le soin de fixer le contenu du statut protecteur accordé à certains salariés, rien n'exclut que soit retenu un degré de protection plus élevé... même s'il est permis de douter que le ou les employeurs parties à l'accord soient prêts à y consentir.

II. Les fonctions du contrat

18. - Les partenaires sociaux ont, sur le législateur, lorsque vient le temps de forger quelque norme, un avantage : une connaissance intime de la réalité sociale dans les entreprises. A priori adaptée à celle-ci, la norme qu'ils adoptent a une vertu supplémentaire : née d'un contrat, elle a toutes chances de connaître une application effective... et de ne point susciter de mouvements de protestation. Ces avantages peuvent inciter les pouvoirs publics à puiser dans les conventions et accord conclus les matériaux à partir desquels la loi sera forgée (A). Ils peuvent aussi, une fois la loi adoptée, les inciter à laisser au contrat le soin d'en fixer les modalités d'application (B).

A. L'irrigation de la loi

19. - Les contrats collectifs de travail peuvent constituer, pour le législateur, une source d'inspiration... voire plus s'il se borne à reprendre les termes d'un accord (1) dont la présence peut contribuer à faciliter la compréhension du texte adopté (2). Les partenaires sociaux trouvent assurément intérêt à irriguer ainsi la production législative : sur le plan technique, la norme adoptée sera le reflet de leurs décisions ; sur le plan politique, ils y puisent un surcroît d'autorité. Pour le législateur, le bilan est plus nuancé : adopter un texte qui n'est que l'écho de quelque accord collectif permet d'espérer qu'il sera adapté aux réalités qu'il a vocation à régir et qu'il ne suscitera pas trop de turbulences ; mais le risque est grand de passer d'une forme de coopération entre acteurs politiques et sociaux à une réelle subordination, ces derniers exerçant des pressions, susceptibles de croître au fil du temps, pour que le législateur ne prenne plus de texte majeur en matière sociale sans les avoir au préalable invités à négocier sur le thème considéré et, à supposer un accord conclu, afin qu'il en reprenne les termes sans rien y changer. Peut en résulter une forme d'abaissement du Parlement dont il n'est point sûr qu'elle mérite d'être encouragée.

1) L'intégration du contrat dans la loi

20. - Le législateur peut trouver dans les accords conclus par les partenaires sociaux une source d'inspiration. Il peut la trouver dans des documents négociés hors de toute initiative de sa part. Ainsi l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, relatif au développement de la négociation collective(37), fut-il nourri de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995 et le volet « dialogue social » de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004(38) est-il largement l'écho des dispositions de la position commune - d'essence contractuelle même si elle n'avait point rang d'accord collectif au sens des articles L. 131-1 et suivants du code du travail - arrêtée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001. Dans les deux cas, d'ailleurs, le législateur a puisé dans le texte de contrats collectifs largement conçus contra legem et qui n'auraient donc pu, sans son intervention, recevoir application. Il s'alimente de leurs suggestions mais devient, par là même, leur relais.

21. - Au lieu d'attendre que soient spontanément conclus des contrats collectifs sur un thème susceptible de donner lieu à l'adoption de quelque texte législatif nourri des accords intervenus, il est concevable que le législateur prenne lui-même l'initiative. Celle-ci peut adopter, ponctuellement, la forme de « lois expérimentales » encourageant les partenaires sociaux à conclure, sur un thème déterminé, des contrats collectifs mettant en pratique les innovations introduites par lesdites lois. Illustration en est offerte par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail. Aux termes de son article 2, « les organisations syndicales d'employeurs, groupements d'employeurs ou employeurs ainsi que les organisations syndicales de salariés reconnues représentatives sont appelés à négocier d'ici les échéances fixées à l'article 1er [1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif est de plus de vingt salariés] les modalités de réduction effective de la durée du travail adaptées aux situations des branches et des entreprises ». Et l'article 13 d'ajouter : « Au plus tard le 30 septembre 1999, et après concertation avec les partenaires sociaux, le gouvernement présentera au Parlement un rapport établissant le bilan de l'application de la présente loi. Ce bilan portera sur le déroulement et les conclusions des négociations prévues à l'article 2 ainsi que sur l'évolution de la durée conventionnelle et effective du travail et l'impact des dispositions de l'article 3 [créant un lien entre la réduction du temps de travail par voie d'accord collectif et la réalisation d'embauches ou la préservation d'emplois] sur le développement de l'emploi et sur l'organisation des entreprises. Le rapport présentera les enseignements et orientations à tirer de ce bilan pour la mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail prévue à l'article 1er, en ce qui concerne notamment le régime des heures supplémentaires, les règles relatives à l'organisation et à la modulation du travail, les moyens de favoriser le temps partiel choisi, la place prise par la formation professionnelle dans les négociations et les modalités particulières applicables au personnel d'encadrement ». L'exposé des motifs du projet de loi précisait que le texte à venir ne remettrait pas en cause les accords passés dans le cadre de celui adopté en 1998. Indépendamment de l'engagement moral ainsi pris à l'égard des partenaires sociaux, le législateur avait mis en place un dispositif certes riche d'avantages en termes d'expérimentation (et de gestion, à la fois politique, économique et sociale d'un dossier complexe) mais aussi porteur des contraintes inhérentes au respect dû aux contrats en cours. Le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de souligner que s'il « était loisible au législateur de tirer les enseignements des accords conclus à son instigation en décidant, au vu de la teneur desdits accords, soit de maintenir les dispositions législatives existantes, soit de les modifier dans un sens conforme ou non aux accords », il ne pouvait, dans les circonstances particulières de l'espèce, " sauf à porter à ces conventions une atteinte contraire aux exigences constitutionnelles [résultant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946]... remettre en cause leur contenu que pour un motif d'intérêt général suffisant(39).

22. - L'appel à négocier lancé par les pouvoirs publics peut aussi être non point ponctuel mais systématique. L'exemple vient de Bruxelles : l'article 138 du traité instituant la Communauté européenne, issu de l'accord sur la politique sociale joint au traité du 7 février 1992 sur l'Union européenne, impose à la Commission, avant de présenter des propositions dans le domaine de la politique sociale, de consulter les partenaires sociaux sur l'orientation possible d'une action communautaire puis, si elle décide d'aller plus avant, sur le contenu de la proposition envisagée ; à l'occasion de cette consultation les partenaires sociaux peuvent informer la Commission - décision qui paralyse la procédure engagée par celle-ci pendant neuf mois - de leur volonté de négocier, sur le thème en débat, un accord collectif de niveau communautaire.

Ce dispositif trouve écho dans l'une des propositions formulées dans le rapport « Pour un code du travail plus efficace » présenté le 15 janvier 2004 par la Commission présidée par M. de Virville(40) et dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social d'où est née la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004(41).

23. - Une invitation systématique à négocier - que rien, constitutionnellement, n'impose(42) - présente pour le législateur le risque, si les partenaires sociaux s'engagent effectivement dans la voie de la négociation et parviennent à un accord, d'être largement dépossédé du pouvoir de construire la norme en matière sociale. La pratique communautaire le démontre : une fois un accord conclu, lorsque ses signataires demandent que la mise en oeuvre en soit assurée par « décision » du Conseil, ni la Commission, chargée de formuler une proposition en ce sens, ni le Conseil, appelé à trancher, ne se sont, jusqu'à présent, écartés des termes de l'accord conclu, purement et simplement annexé à la décision adoptée.

Les circonstances dans lesquelles a été opérée, dans le cadre français, la transfusion d'un accord collectif dans un texte législatif établissent également la difficulté qu'il peut y avoir pour le législateur à s'écarter du texte conventionnel. Outre qu'il peut arriver que ce dernier comporte une clause résolutoire pour le cas où le législateur aurait l'outrecuidance de s'y hasarder(43) ou une clause de suivi par laquelle les partenaires sociaux demandent expressément à être associés à l'éventuelle métamorphose du contrat en loi(44), il est politiquement très difficile au Parlement de s'écarter des termes de l'accord : le risque d'un affrontement avec les partenaires sociaux, source de tensions et de conflits, n'est pas négligeable(45).

24. - Le Conseil constitutionnel fait néanmoins obstacle à ce que le législateur se borne à annexer au texte de la loi - comme il l'avait fait naguère, sans susciter alors de remarque de la part du Conseil(46), en matière de mensualisation(47) - un contrat collectif ainsi doté de force légale sans que la moindre virgule en ait été déplacée(48). Cette exigence, qui oblige le législateur à intégrer les éléments du contrat collectif dans le corps même de la loi, ne peut qu'être approuvée : elle trouve justification dans les dispositions de l'article 34 de la Constitution aux termes desquelles « la loi détermine les principes fondamentaux » du droit du travail et du droit syndical ; elle permet aux membres du Parlement d'exercer leur droit d'amendement(49). Mais, en pratique, la réécriture sera fidèle. Le volet « formation professionnelle tout au long de la vie » de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004, issu de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, le démontre.

2) La compréhension de la loi par le contrat

25. - « Il appartient au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie l'article 34 de la Constitution ; à cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques(50). La loi qui a été nourrie de l'accord des partenaires sociaux pourra trouver dans cet accord et les déclarations, communiqués, prises de position qu'il a pu susciter, des éléments de nature à assurer clarté, intelligibilité et accessibilité. Tel fut le cas de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 dont le volet » dialogue social « a profondément bouleversé le droit de la négociation collective. Qu'il ait été largement inspiré de la position commune du 16 juillet 2001 a contribué au rejet du grief de méconnaissance des exigences constitutionnelles de clarté et d'intelligibilité : » si les dispositions critiquées rendent plus complexe l'articulation entre les différents accords collectifs, elles définissent de façon précise les rapports entre les différents niveaux de négociation ; ainsi le législateur, qui a entendu se référer à la position commune adoptée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001, n'a pas méconnu les exigences d'intelligibilité et de clarté de la loi(51).

B. L'adaptation de la loi

26. - Le gouvernement, dans ses observations en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel dirigées contre le texte qui allait devenir la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, avait souligné « qu'il est de la nature même du droit du travail, placé sous les auspices du »principe de participation« découlant du Préambule de 1946, de conjuguer l'intervention du législateur, à qui incombe la détermination des principes fondamentaux, avec une ample marge d'initiative confiée à l'activité conventionnelle des partenaires sociaux(52). De l'attribution à ces derniers d'une » ample marge d'initiative " les risques sont connus : un paysage social éclaté, la norme variant, au gré des accords conclus, d'une branche à l'autre, d'une entreprise à l'autre, voire, au sein d'une même entreprise, d'un établissement à l'autre ; des ruptures d'égalité, en termes de droits pour les salariés, de charges pour les entreprises ; la tentation de celles-ci, si l'opportunité leur en est donnée, de tirer la norme sociale vers le bas afin de réduire des coûts de production jugés trop élevés. Mais les avantages ne sont pas moindres : une adaptation de la norme à la situation économique et sociale de chaque branche, entreprise ou établissement, assurant au mieux la protection des intérêts de chacun et contribuant, par là même, à éviter, dans le cercle couvert, tensions et conflits. Ils expliquent la tendance observée depuis plus de vingt ans, singulièrement depuis l'adoption de la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982, à ouvrir la voie au jeu du contrat collectif, notamment dans le cadre de l'entreprise, voire de l'établissement, pour assurer la mise en oeuvre de la norme légale (1), éventuellement y apporter des dérogations (2)(53)

1) Mise en oeuvre des dispositions de la loi

27. - La mise en application de la loi peut être subordonnée à la conclusion de contrats collectifs (a). De manière moins radicale, mais le résultat n'est pas, en pratique, très différent de celui procédant de la situation précédente, le législateur peut confier aux partenaires sociaux le soin de fixer les modalités d'application du texte par lui adopté (b).

a) Mise en application de la loi

28. - Le législateur entend, parfois, conduire une expérimentation. Il fixe l'objectif mais laisse le soin aux partenaires sociaux de lui donner traduction. Sans accord collectif pour lui servir de relais, la norme légale demeurera, en pratique, sans effet (1). Mais le renvoi à l'accord ne relève pas nécessairement de la volonté de tester quelque dispositif nouveau. Il peut aussi constituer l'acte condition déclenchant l'application de dispositions conçues comme définitives (pour autant que ce qualificatif puisse être appliqué à la norme légale) (2).

1. Le contrat collectif, acte relais

29. - Du contrat collectif conçu comme un acte relais au service d'une expérimentation, l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, relatif au développement de la négociation collective (lui-même issu de l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995), fournit illustration : « à titre expérimental, pour atteindre l'objectif de développement de la négociation collective », la voie est ouverte à la signature d'accords de branche, négociés et conclus avant le 31 octobre 1998, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, autorisant, dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux (ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical), dans des conditions strictement déterminées, la négociation d'accords collectifs par les représentants élus du personnel ou des salariés expressément mandatés, pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives. Même si l'expérimentation conduite n'a donné que d'assez modestes résultats (mais il est vrai qu'elle était enfermée dans une période très courte) et ne connut pas de suite dans l'immédiat, elle contribua à acclimater l'idée que le développement de la négociation collective en France passait par un élargissement du cercle des négociateurs potentiels. La position commune adoptée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001 la reprit. La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 lui apporta consécration.

30. - Le caractère expérimental de la norme légale est de nature à inciter le Conseil constitutionnel à l'indulgence. Illustration : le Conseil estime que « la fixation des seuils d'effectifs, eu égard à ses conséquences sur le champ d'application des procédures de conclusion d'accords collectifs de travail, relève en principe de la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution en matière de principes fondamentaux du droit du travail(54). Or, l'article 6 de la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996 dispose que les accords de branche donnant ouverture à la conclusion d'accords collectifs par des représentants élus du personnel ou des salariés mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives » détermineront... le seuil d'effectifs en deçà duquel les formules dérogatoires de négociation qu'ils retiennent seront applicables ". Cette délégation de compétence aux partenaires sociaux est validée : le législateur « pouvait..., sans méconnaître sa compétence, renvoyer aux accords de branche la détermination de ces seuils, sous la réserve que les procédures nouvelles de négociation ne pourraient intervenir qu'en l'absence de délégués syndicaux ou de délégués du personnel faisant fonction de délégué syndical, dès lors que la latitude ainsi laissée aux acteurs de la négociation collective devrait lui permettre d'adopter par la suite des règles nouvelles appropriées au terme d'une durée réduite d'expérimentation et d'une évaluation des pratiques qui en sont résultées(55). Le caractère expérimental du texte assure la sauvegarde d'un dispositif qui, à défaut, aurait été censuré. Le Conseil constitutionnel prend soin, néanmoins, de cantonner la portée de sa jurisprudence en soulignant que la durée d'expérimentation prévue par le texte examiné était » réduite ". Mais quand appelle-t-elle ce qualificatif ? La période d'expérimentation doit, à notre sens, être appréciée en fonction du temps nécessaire pour que puissent être tirés de l'expérimentation décidée des enseignements pertinents en vue de forger, le cas échéant, quelque dispositif à caractère définitif. Elle doit être considérée comme « réduite » lorsqu'elle correspond au temps minimum nécessaire pour que puissent en être tirés les enseignements sus-évoqués. S'agissant de tester de nouveaux modes de négociation collective par application d'un mode opératoire du type de celui retenu par la loi du 12 novembre 1996, il est permis de penser qu'il est de l'ordre de cinq ans eu égard aux délais qu'appellent, d'abord la négociation des accords de branche donnant ouverture aux nouveaux modes de négociation, ensuite la mise en oeuvre de ces derniers. Les moins de deux ans prévus par la loi du 12 novembre 1996 constituaient donc effectivement un délai « réduit ». L'expérience a d'ailleurs démontré qu'il l'était trop pour que l'expérimentation lancée puisse se développer pleinement. Mais peut-être un délai plus long, même objectivement justifié, aurait-il retenu le Conseil constitutionnel de trancher dans le sens par lui adopté le 6 novembre 1996. Rien n'exclut qu'aujourd'hui, sa jurisprudence « loi expérimentale » ayant eu tout le temps de s'installer, il soit prêt à admettre des durées d'expérimentation correspondant effectivement au temps nécessaire pour que des enseignements pertinents puissent en être tirés.

2. Le contrat collectif, acte condition

31. - La mise en application de la norme légale peut être subordonnée, sans esprit d'expérimentation, à la conclusion d'un contrat collectif. Après la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 qui avait subordonné l'octroi d'aides à la conclusion d'accords collectifs portant, par anticipation, réduction du temps de travail(56), illustration en a été offerte par les dispositions de l'article 19 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail(57) qui subordonnaient également le bénéfice d'allégements de cotisations sociales à la conclusion d'accords collectifs, répondant à certaines exigences, relatifs à la durée du travail. Qu'un contrat collectif soit érigé en condition d'application d'un dispositif légal ne heurte point, en soi, quelque précepte constitutionnel dès lors que le texte législatif est suffisamment précis pour qu'il ne puisse être reproché au législateur de n'avoir pas pleinement exercé la compétence, que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution, de déterminer " les principes fondamentaux... du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale(58).

32. - Pourrait-il, néanmoins, être reproché à pareil dispositif de porter atteinte à la liberté d'entreprendre (admise au rang des droits et libertés fondamentaux dont le respect s'impose au législateur)(59) en ce qu'il aurait « pour effet de déposséder le chef d'entreprise de son pouvoir de gestion et d'organisation compte tenu des prérogatives [reconnues] aux organisations syndicales dans la conclusion des accords d'entreprise ouvrant droit aux allégements de cotisations sociales » ? Une réponse négative, a priori, s'impose. Outre qu'" il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles, à la condition que lesdites limitations n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée(60), la négociation collective constitue l'une des modalités d'exercice de ladite liberté : la liberté de contracter, qu'il s'agisse de contrats individuels ou collectifs, est, en soi, inhérente à la liberté d'entreprendre, l'une et l'autre trouvant d'ailleurs leur assise constitutionnelle dans le même texte, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Seul le constat que des contraintes excessives sont imposées par le législateur au chef d'entreprise pour le conduire à conclure des accords dont, a priori, il ne voudrait pas, caractériserait une telle atteinte.

33. - Mais subordonner le bénéfice de certains avantages, tel un allégement des charges sociales, à la conclusion d'un accord n'a-t-il pas pour effet de créer, « entre entreprises, une discrimination injustifiée, dans la mesure où certaines d'entre elles seraient dans l'impossibilité de conclure un tel accord, à défaut d'interlocuteur habilité à négocier ou disposé à le faire » ? La critique est écartée par le Conseil constitutionnel : il est " loisible au législateur, afin de favoriser la négociation collective dans le domaine de la détermination de la durée du travail, de subordonner le bénéfice de l'allégement de cotisations sociales à la conclusion d'un accord collectif(61). L'argument trouvé dans la volonté de favoriser la négociation collective renvoie, en filigrane, aux prescriptions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Au-delà, tout renvoi au contrat, dès lors qu'il s'accompagne de la proclamation du principe de liberté contractuelle, est porteur de différences. Elles sont, de ce principe, l'inéluctable conséquence.

34. - Une difficulté particulière apparaît néanmoins lorsque le dispositif légal dont le déclenchement est subordonné à la conclusion d'un contrat collectif emporte des avantages financiers qui se traduiront par un accroissement des dépenses publiques. En laissant aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier le montant de celles-ci, le Parlement ne se dessaisit-il pas partiellement de son pouvoir budgétaire ? Posée à l'occasion de l'examen du texte qui allait devenir la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, la question a reçu une réponse prudente de la part du Conseil constitutionnel. Ce dernier se borne, en effet, à faire valoir que « les conséquences des allégements de cotisations sociales réservés aux entreprises ayant conclu un accord collectif de réduction du temps de travail, compte tenu de leur incidence sur l'équilibre général des régimes obligatoires de base, ont été prises en compte dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000...; ... par ailleurs, les conséquences budgétaires de ces nouvelles mesures législatives, en particulier la contribution de l'État au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, l'ont été par la loi de finances pour 2000...(62). Sont ainsi formellement respectées les exigences formulées à l'article 34 de la Constitution, singulièrement la règle selon laquelle » les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État ".

Le tout suggère un enseignement et peut susciter une interrogation. Un enseignement : le législateur ne peut laisser aux partenaires sociaux la possibilité de faire varier la dépense publique qu'à la condition de prendre en compte, dans le texte même qui leur ouvre cette faculté, les incidences budgétaires de leurs décisions. Une interrogation : les conséquences budgétaires des décisions des partenaires sociaux ne peuvent donner lieu qu'à évaluation ; or, celle-ci est particulièrement difficile, la conclusion de contrats collectifs étant fonction de nombreux paramètres dont tous ne présentent pas un caractère objectif. Même s'il est acquis que les prévisions effectuées " doivent être appréciées au regard des informations disponibles à la date du dépôt et de l'adoption du texte... et compte tenu des aléas inhérents à leur évaluation (63), le risque que puisse être décelé un défaut de sincérité ne saurait être sous-estimé.

b) Détermination des modalités d'application de la loi

35. - La détermination des modalités d'application d'un texte législatif relève, en principe, du pouvoir réglementaire. Dans le champ du droit du travail, le législateur peut éprouver la tentation de laisser aux partenaires sociaux le soin de les déterminer eux-mêmes. L'argument est connu : permettre l'adoption de dispositifs adaptés aux « réalités de terrain ». Selon le degré d'adaptation auxdites réalités souhaité par le législateur, celui-ci peut réserver le soin de déterminer les modalités d'application du texte adopté aux seuls négociateurs des accords de branche ou aller au-delà et le confier aussi aux signataires des accords d'entreprise, voire d'établissement, avec alors un risque, non négligeable, d'extrême diversité... et d'affaiblissement de la « partie salariale », un syndicat local n'ayant pas nécessairement le degré d'indépendance à l'égard de la « partie patronale » que peut avoir la fédération constituée au niveau d'une branche d'activité.

36. - Le Conseil constitutionnel admet néanmoins qu'" il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions et aux relations de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, le soin de préciser, notamment par la voie de la négociation collective, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte(64). À des situations différentes peuvent être appliquées des solutions différentes sans que le principe d'égalité soit pour autant méconnu(65). Or, d'une branche, d'une entreprise, d'un établissement à l'autre, il est toujours des différences.

La faculté ouverte au législateur trouve son fondement dans le jeu croisé du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 34 de la Constitution : il lui revient de déterminer les conditions et garanties de la mise en oeuvre du principe selon lequel " tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises(66).

La détermination par les partenaires sociaux des modalités concrètes d'application de la norme légale a « notamment » vocation à emprunter « la voie de la négociation collective ». Le renvoi à celle-ci sans autre précision autorise le législateur à abandonner la détermination des modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte à tout type de convention ou accord collectif : professionnel, interprofessionnel, de branche, de groupe, d'entreprise, d'établissement.

L'adverbe « notamment » laisse, en outre, la porte ouverte à d'autres modes de détermination desdites modalités(67). Cette ouverture était, au demeurant, déjà présente, en filigrane, dans la formule selon laquelle le législateur peut « laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives », le soin de préciser les modalités en question. La référence aux « employeurs et aux salariés », sans qu'il soit exigé de ces derniers qu'ils soient investis d'un quelconque mandat, fruit de quelque élection ou désignation, autorise le recours à toute formule de détermination collective des modalités concrètes d'application de la norme légale, référendum par exemple.

37. - Le renvoi aux employeurs et aux salariés, ou à leurs organisations représentatives, ne peut concerner, toutefois, que « les modalités concrètes d'application » de la norme légale. Relèvent des modalités d'application l'ensemble des dispositions autres que les principes fondamentaux confiés, aux termes de l'article 34 de la Constitution, à la compétence exclusive du législateur. La portée de la précision selon laquelle sont visées les modalités « concrètes » d'application ne doit pas être surestimée. Elle ne doit pas, à notre sens, être lue par opposition à des modalités « abstraites » (dont la détermination serait l'apanage du gouvernement opérant par voie réglementaire ?). Elle traduit uniquement le haut degré d'adaptation (du moins est-il permis de l'espérer) des modalités retenues par les partenaires sociaux à la situation de l'établissement, de l'entreprise, du groupe ou de la branche concerné (sachant que le pluriel pourrait, le cas échéant, être substitué au singulier).

La nécessité de ne point s'enfermer dans une définition étroite du concept de « modalités concrètes d'application » trouve confirmation dans les propos du Conseil constitutionnel lorsque ce dernier décide que " le législateur peut en particulier laisser les partenaires sociaux déterminer, dans le cadre qu'il a défini, l'articulation entre les différentes conventions ou accords collectifs qu'ils concluent au niveau interprofessionnel, des branches professionnelles et des entreprises(68). D'évidence, la question de l'articulation des conventions ou accords collectifs de travail n'est pas une question subalterne. Pas plus que n'est subalterne la question voisine de l'éventuelle dérogation par voie conventionnelle à la norme légale.

2) Dérogation aux dispositions de la loi

38. - Au-delà de la seule détermination de ses modalités d'application, est-il concevable qu'il soit apporté dérogation, par voie conventionnelle, à la norme légale ? La question ne se pose pas lorsque ladite norme n'a qu'un caractère supplétif : elle n'a, par essence, vocation à s'appliquer qu'à défaut de convention contraire. Il en va différemment dès lors qu'elle présente un caractère impératif, situation habituelle en droit du travail. Sauf règle d'ordre public absolu, de laquelle il ne saurait être question de s'écarter, dans quelque sens que ce soit, « la convention et l'accord collectif de travail peuvent emporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur(69). L'inverse, en revanche, est en principe exclu. De cette exclusion la portée a donné lieu à débat. L'opinion fut avancée que le principe, baptisé principe de faveur, selon lequel une convention ou un accord collectif ne pourrait qu'ajouter à la norme légale par introduction de dispositions plus favorables aux salariés que celles prévues par cette dernière, constituerait un principe fondamental reconnu par les lois de la République excluant que le législateur autorise qu'il soit dérogé dans un sens défavorable aux salariés, par voie de convention ou accord collectif, aux lois et règlements en vigueur mais aussi aux conventions et accords de niveau supérieur. Cette thèse n'a pas été accueillie par le Conseil constitutionnel : » le principe en vertu duquel la loi ne peut permettre aux accords collectifs de travail de déroger aux lois et règlements ou aux conventions de portée plus large que dans un sens plus favorable aux salariés ne résulte d'aucune disposition législative antérieure à la Constitution de 1946, et notamment pas de la loi du 24 juin 1936 [modifiant et complétant le chapitre IV bis du titre II du livre Ier du code du travail « De la convention collective de travail »]; ... dès lors, il ne saurait être regardé comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens du Préambule de la Constitution de 1946(70). Il ne constitue qu'" un principe fondamental du droit du travail au sens de l'article 34 de la Constitution, dont il appartient au législateur de déterminer le contenu et la portée(71).

39. - Mais à la faculté reconnue au Parlement de permettre aux partenaires sociaux de déroger, y compris dans un sens défavorable aux salariés, à la norme légale une double limite est posée. Son exercice doit, tout d'abord, être strictement encadré : " lorsque le législateur autorise un accord collectif à déroger à une règle qu'il a lui-même édictée et à laquelle il a entendu conférer un caractère d'ordre public, il doit définir de façon précise l'objet et les conditions de cette dérogation(72). Son propos doit être précis, d'abord en ce qui concerne l'objet de la dérogation : chacune des règles auxquelles il entend permettre que dérogation soit apportée doit être expressément visée ; le ou les points sur lesquels elle peut porter et l'ampleur qui peut lui être donnée (à supposer que la règle ne puisse pas être complètement écartée) doivent être indiqués. La précision s'impose aussi en ce qui concerne les conditions de la dérogation : il importe notamment d'indiquer si la norme légale peut supporter dérogation par le jeu de tout contrat collectif ou uniquement de certains d'entre eux (conventions et accords de branche étendus, par exemple)(73) ou encore si l'accord dérogatoire doit répondre à certaines conditions de majorité ou peut faire l'objet, de la part de ceux qui ne l'ont pas signé, d'un droit d'opposition. Le Conseil constitutionnel introduit ici, cependant, un élément de souplesse en admettant que les conditions dans lesquelles la faculté de dérogation peut être mise en oeuvre peuvent être renvoyées par le législateur - sous réserve qu'il ne méconnaisse pas l'étendue de sa compétence - au pouvoir réglementaire(74).

À la faculté reconnue au Parlement de permettre aux partenaires sociaux de déroger, y compris dans un sens défavorable aux salariés, à la norme qu'il a édictée une autre limite est posée : s'« il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l'article 34 de la Constitution, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité... l'exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel(75). Le propos vaut, par exemple, pour les prescriptions du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lesquelles la nation » garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ". Mais la portée de la règle formulée doit être précisément appréciée : seule est exclue l'adoption de dispositions qui aboutiraient à « priver » de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. La modification, sur certains points mais sans qu'il soit porté atteinte à l'essentiel, des garanties existantes, la substitution de garanties nouvelles à celles jusqu'à présent retenues, sous réserve qu'elles apportent effectivement garantie aux exigences de caractère constitutionnel concernées, sont concevables.

40. - De la loi et du contrat le dialogue est permanent. Il n'est pas sûr, néanmoins, que, de la première, le rôle, déjà amoindri, n'ait vocation à se réduire encore par l'effet dudit dialogue. Il est loin d'être acquis que le pouvoir politique, même investi de la légitimité que confère l'élection, dispose toujours de l'autorité nécessaire pour que s'exprime pleinement la force de la loi. La tentation de se nourrir de contrats collectifs, de les susciter, d'y renvoyer, tout en prenant les mesures nécessaires pour en assurer le respect, peut submerger progressivement le législateur. Ajoutée à l'amoindrissement de son rôle consécutif à un recours parfois excessif à la technique des ordonnances, à une utilisation quelquefois un peu rapide de la procédure prévue à l'article 49, § 3, de la Constitution, à la difficulté d'amender les projets de loi présentés par le gouvernement, voire à la quasi impossibilité de se livrer à cet exercice lorsque le projet se borne à opérer transposition d'une directive communautaire, cette évolution contribue à un affaiblissement de la place du Parlement dans la Cité. La loi est toujours là mais il n'est plus guère appelé qu'à la voter. L'écriture a eu lieu ailleurs...

(1) La convention collective a vocation à traiter de l'ensemble des matières visées à l'article L. 131-1 du code du travail (conditions d'emploi, de formation professionnelle, de travail et garanties sociales), pour toutes les catégories professionnelles intéressées. L'accord collectif traite un ou des sujets déterminés dans cet ensemble (c. trav., art. L. 132-1).
(2) Cf. Cons. const., 10 nov. 1982 : Dr. soc. 1983, p. 163, obs. L. Hamon, décidant qu'« aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur d'ériger en infractions le manquement à des obligations qui ne résultent pas directement de la loi elle-même ; ... la méconnaissance par une personne des obligations résultant d'une convention ayant force obligatoire à son égard peut donc faire l'objet d'une répression pénale ». (3) C. trav., art. L. 132-2.
(4) Pour la conjonction, dans un même considérant, de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, cf. Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 993.
(5) Après avoir décidé « qu'aucune norme de valeur constitutionnelle ne garantit le principe de la liberté contractuelle » (Cons. const., déc. n° 94-348 DC, 3 août 1994 : JO 6 août 1994) puis - ce qui traduisait déjà un infléchissement du propos - que si « le principe de liberté contractuelle n'a pas en lui-même valeur constitutionnelle », sa méconnaissance peut être invoquée « dans le cas où elle conduirait à porter atteinte à des droits et libertés constitutionnellement garantis » (Cons. const., déc. n° 97-388 DC, 20 mars 1997 : JO 26 mars, p. 4661), le Conseil constitutionnel s'oppose, sauf motif d'intérêt général suffisant, à la remise en cause des conventions, à l'abri d'une « atteinte contraire aux exigences constitutionnelles » ressortant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000, préc. - Rappr. Cons. const., déc. n° 98-4010 DC, 10 juin 1998 : JO 14 juin, p. 9033).
(6) Sur la « loyauté » ou le « sérieux » parfois expressément requis des négociateurs, cf. Observations du gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la réduction négociée du temps de travail : JO 20 janv. 2000, p. 1011. La loyauté dans la conduite de la négociation implique, entre autres, la communication à celui ou ceux avec qui les discussions sont conduites d'informations complètes et exactes sur les éléments en débat. De la formulation d'une telle exigence le Conseil constitutionnel n'est pas très éloigné lorsqu'il décide que « le respect du huitième alinéa de la Constitution de 1946 implique que les représentants des salariés bénéficient des informations nécessaires pour que soit assurée la participation du personnel à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion de l'entreprise » (Cons. const., déc. n° 93-328 DC, 16 déc. 1993 : Dr. soc. 1994, p. 139, obs. X. Prétot, à propos de l'information du comité d'entreprise).
(7) Rappr. Cons. const., déc. n° 2003-486 DC, 11 déc. 2003 : JO 19 déc., p. 21679, où, à propos de dispositions confiant au ministre compétent le soin d'arrêter, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les paramètres d'évolution de la masse salariale pour l'année en cours opposables aux parties négociant les conventions collectives du secteur privé sanitaire et médico-social à but non lucratif, le Conseil constitutionnel admet que le législateur, « en prévoyant d'éclairer les parties à la négociation sur les conditions de l'agrément ministériel », n'a pas porté atteinte à la liberté contractuelle ; mais le Conseil a, auparavant, pris soin de relever que « les dépenses de fonctionnement des établissements de santé, établissements sociaux et médico-sociaux concernés sont principalement supportées par des personnes de droit public et par des organismes de sécurité sociale » et « qu'en vertu de l'article L. 341-6 du code de l'action sociale et des familles, les conventions ou accords sont agréés par le ministre compétent et s'imposent aux autorités compétentes en matière de tarification ». Le Conseil rejoint, sur ce point, les observations formulées par le Gouvernement sur le recours dont il avait été saisi, aux termes desquelles s'il « est vrai que l'objet de la disposition critiquée est de rendre opposables aux parties négociant une convention ou un accord collectif des paramètres d'évolution de la masse salariale déterminés par les ministres chargés de la sécurité sociale et de l'action sociale », il faut « relever que l'article L. 341-6 du code de l'action sociale et des familles soumet ces conventions et accords particuliers à un agrément ministériel qui conditionne leur prise d'effet. Dans ce cadre spécifique où l'autorité ministérielle est déjà investie, dans un but d'intérêt général, d'un pouvoir l'habilitant à paralyser les effets de ces conventions ou accords, l'indication par avance de paramètres d'évolution de la masse salariale susceptibles d'être opposés aux parties à ces conventions et accords... ne porte pas d'atteinte supplémentaire à la liberté contractuelle. Cette indication ne fait qu'expliciter, en amont, les limites susceptibles d'être opposées a posteriori par les ministres au stade de l'agrément ».
(8) Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946, al. 8.
(9) Cons. const., déc. n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003, 4e cons.: JO 18 janv. 2003, p. 1084 ; RJS 3/03, n° 404. - Rappr. Cons. const., déc. n° 98-401 DC, 10 juin 1998 : JO 14 juin 1998, p. 9033 ; RJS 7/98, n° 939, décidant, à propos de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, que « le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté individuelle découlant des dispositions de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ». L'abandon ultérieur par le Conseil constitutionnel du terme « économie » appliqué aux contrats en cours ne peut qu'être approuvé. Le flou qui l'entoure était de nature à alimenter des débats sans fin. Une référence à une éventuelle atteinte aux contrats conclus débarrassée du renvoi à « l'économie » de ces derniers donne un surcroît de clarté et de vigueur aux propos du Conseil.
(10) Cons. const., déc. n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003, préc., 6e cons.
(11) Cons. const., déc. n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003, préc., 6e cons.
(12) Cf. Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avril 2004, 12e cons.: JO 5 mai, p. 7998, qui, à propos de dispositions légales destinées à ouvrir à des accords de niveau inférieur la faculté de déroger à un accord de niveau supérieur, relève, avant d'en admettre la validité, que « ces nouvelles dispositions n'auront pas de portée rétroactive » en ce que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l'entrée en vigueur [de la loi nouvelle] demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs » (L. n° 2004-391, 4 mai 2004, art. 45).
(13) Aucune distinction n'est, en effet, opérée, à cet égard par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2002-465 DC du 13 janvier 2003, contrairement à ce qu'aurait pu suggérer la saisine à l'origine de cette décision (cf. JO 18 janv. 2003, p. 1086, point I-1).
(14) Cons. const., déc. n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003, préc., 11e cons.
(15) Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 992 ; Dr. soc. 2000, p. 257, obs. X. Prétot ; RJS 2/00, n° 175. (16) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996 : JO 13 nov., p. 16531 ; Dr. soc. 1997, p. 25, obs. M.-L. Morin.
(17) Cf. c. trav., art. L. 132-2.
(18) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(19) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(20) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(21) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(22) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(23) C. trav., art. L. 441-1 et L. 442-10. - Adde, c. trav., art. L. 442-11, 3 °.24. Le législateur a d'ailleurs pris soin de distinguer, aux articles L. 441-1 et L. 442-10 du code du travail, l'accord issu d'une procédure de type référendaire des conventions et accords collectifs de travail. La situation ici évoquée doit être distinguée de celle dans laquelle l'entrée en vigueur d'un accord négocié par une ou plusieurs organisations syndicales est subordonnée à son approbation par une majorité de salariés (cf. L. n° 2000-37, 19 janv. 2000, art. 19-V, al. 2 ; c. trav., art. L. 132-2-2, III, réd. L. n° 2004-391, 4 mai 2004). La qualité d'accord collectif de travail doit lui être reconnue.
(24) Le législateur a d'ailleurs pris soin de distinguer, aux articles L. 441-1 et L. 442-10 du code du travail, l'accord issu d'une procédure de type référendaire des conventions et accords collectifs de travail. La situation ici évoquée doit être distinguée de celle dans laquelle l'entrée en vigueur d'un accord négocié par une ou plusieurs organisations syndicales est subordonnée à son approbation par une majorité de salariés (cf. L. n° 2000-37, 19 janv. 2000, art. 19-V, al. 2 ; c. trav., art. L. 132-2-2, III, réd. L. n° 2004-391, 4 mai 2004). La qualité d'accord collectif de travail doit lui être reconnue.
(25) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(26) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc. - Cpr. Cons. const., déc. n° 90-284 DC 16 janv. 1991 : D. 1991, Jur., p. 321, note X. Prétot ; RJS 3/91, n° 349, décidant, à propos du conseiller du salarié, qu'« il est loisible au législateur d'investir des personnes de fonctions particulières dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs et de doter ces personnes d'un statut destiné à leur permettre un exercice normal de leurs fonctions ». Le propos connaît, pour le moins, une importante exception lorsque, parmi les fonctions dont un salarié est investi, figure la négociation de contrats collectifs.
(27) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(28) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(29) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(30) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(31) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(32) Rappr. Cons. const., déc. n° 93-328 DC, 16 déc. 1993 : Dr. soc. 1994, p. 139, obs. X. Prétot, d'où il ressort que si les modalités concrètes de mise en oeuvre du principe inscrit au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 doit faire « l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives », ledit principe « n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer que dans tous les cas cette détermination soit subordonnée à la conclusion d'accords collectifs ».
(33) Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996, préc.
(34) Cons. const., déc. n° 90-284 DC, 16 janv. 1991 : D. 1991, Jur., p. 321, note X. Prétot ; RJS 3/91, n° 349.
(35) Cons. const., déc. n° 88-244 DC, 20 juill. 1988 : RJC 344.
(36) Cons. const., déc. n° 90-284 DC, 16 janv. 1991, préc.
(37) JO 13 nov., p. 16527.
(38) JO 5 mai, p. 7983.
(39) Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 992.
(40) Pour un code du travail plus efficace, proposition n° 43 : Liaisons soc., doctr., n° 3/2004.
(41) Cf. projet de loi n° 1233 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, nov. 2003, p. 15 : « Le gouvernement prend l'engagement solennel de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail. Par conséquent, il saisira officiellement les partenaires sociaux, avant l'élaboration de tout projet de loi portant réforme du droit du travail, afin de savoir s'ils souhaitent engager un processus de négociation sur le sujet évoqué par le gouvernement. »
(42) Cf. Cons. const., déc. n° 98-401 DC, 10 juin 1998 : JO 14 juin, p. 9033, décidant que « ni les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946..., ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'obligent le gouvernement à faire précéder la présentation au Parlement d'un projet de loi comportant des dispositions touchant aux principes fondamentaux du droit du travail d'une négociation entre les partenaires sociaux ».
(43) Cf. accord national interprofessionnel du 24 mars 1990 relatif à l'emploi précaire - d'où sortira la loi n° 90-613 du 12 juillet 1990 - dans lequel avait été introduite une clause aux termes de laquelle l'existence même de l'accord était « subordonnée à l'adoption de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à son application, à l'exclusion de toutes autres modifications du régime du contrat de travail à durée déterminée et du travail temporaire actuellement en vigueur » (art. 47).
(44) Cf. accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, art. 28, al. 2, décidant que « les parties signataires... demandent à être associées à la préparation des dispositifs législatifs et réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre du présent accord ».
(45) Il n'est pas exclu que la menace d'affrontement ne soit déjà présente, en filigrane, lorsqu'il est stipulé que « si les dispositions législatives et réglementaires n'étaient pas en conformité avec celles du présent accord, les parties signataires conviennent de se réunir pour examiner les conséquences de cette absence de conformité » (accord national interprofessionnel du 20 sept. 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, art. 28, al. 1er).
(46) Cf. Cons. const., déc. n° 77-92 DC, 18 janv. 1978 : JO 19 janv.
(47) Cf. L. n° 78-49 du 19 janv. 1978 à laquelle est annexé l'accord national interprofessionnel du 10 déc. 1977 sur la mensualisation.
(48) Cf. Cons. const., n° 96-383 DC, 6 nov. 1996 : JO 13 nov., p. 16531.
(49) Cf. M.-L. Morin, « Le Conseil constitutionnel et le droit à la négociation collective » : Dr. soc. 1997, p. 31.
(50) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avril 2004 : JO 5 mai, p. 7998.
(51) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avril 2004, cons. n° 14, préc.
(52) JO 13 nov. 1996, p. 16539.
(53) Sur « la tendance du législateur à permettre aux syndicats, signataires de conventions collectives, d'intervenir comme législateurs secondaires dans des matières déterminées », cf. L. Hamon, « Le droit du travail dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel » : Dr. soc. 1983, p. 156.
(54) Cons. const., déc. n° 96-983 DC, 6 nov. 1996 : JO 13 nov., p. 16531. - Rappr., à propos d'un texte excluant la prise en compte de certains salariés pour l'application aux entreprises des dispositions législatives ou réglementaires du code du travail qui se réfèrent à une condition d'effectifs, Cons. const., déc. n° 77-79 DC, 5 juill. 1977 : JO 6 juill.
(55) Cons. const., déc. n° 96-983 DC, 6 nov. 1996, préc.
(56) L. n° 98-461 du 13 juin 1998, art. 3.
(57) JO 20 janv. 2000, p. 975.
(58) Rappr. c. trav., art. L. 322-7, al. 1 et 3, réd. L. n° 89-549 du 2 août 1989, subordonnant l'octroi d'aides publiques à la conclusion d'accords d'entreprise prévoyant la réalisation d'actions de formation de longue durée en vue de favoriser l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi dans l'entreprise. - Sur ce dispositif, cf. Cons. const., déc. n° 89-257 DC, 25 juill. 1989 : Dr. soc. 1989, p. 627. - Adde, X. Prétot, « La conformité à la Constitution de la loi relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion » : Dr. soc. 1989, p. 701.
(59) Cons. const., déc. n° 98-401 DC, 10 juin 1998 : JO 14 juin, p. 9033 ; RJS 7/98, n° 939. - Rappr. Cons. const., déc. n° 81-132 DC, 16 janv. 1982 : D. 1982, Jur., p. 169, note L. Hamon.
(60) Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 992.
(61) Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000, préc., qui relève qu'au demeurant la conclusion d'un accord collectif était facilitée, en raison de l'édiction de nouvelles procédures, par la loi soumise à examen.
(62) Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 992.
(63) Cons. const., déc. n° 2003-486 DC, 11 déc. 2003, 4e cons.: JO 19 déc., p. 21679.
(64) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 8e cons.: JO 5 mai, p. 7999. - Adde, Cons. const., déc. n° 99-423 DC, 13 janv. 2000 : JO 20 janv., p. 992. - Rappr. Cons. const., n° 89-257 DC, 25 juill. 1989 : Dr. soc. 1989, p. 629. - Cons. const., n° 96-383 DC, 6 nov. 1996 : JO 13 nov., p. 16531. - Cons. const., déc. n° 97-388 DC, 20 mars 1997 : JO 26 mars, p. 4661.
(65) Cf. Cons. const., déc. n° 96-383 DC, 6 nov. 1996 : JO 13 nov., p. 16531.
(66) Cf. Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 7e cons., préc.
(67) Rappr. Cons. const., déc. n° 97-388 DC, 20 mars 1997, préc.
(68) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 8e cons., préc.
(69) C. trav., art. L. 132-4.
(70) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 9e cons., préc. - Adde, Cons. const., déc. n° 2002-465 DC, 13 janv. 2003, 3e cons.: JO 18 janv., p. 1084. - Pour la défense de l'opinion selon laquelle le principe de faveur devrait être admis au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République, cf. not. saisine du Conseil constitutionnel : JO 13 nov. 1996, p. 16536 et s.
(71) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 9e cons., préc. - Rappr. Cons. const., déc. n° 67-46 L, 12 juill. 1967 : Rec. p. 31.
(72) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 8e cons., préc.
(73) N'autoriser la dérogation que par convention ou accord collectif étendu revient à placer celle-ci sous le contrôle des pouvoirs publics, l'extension supposant un arrêté du ministre du Travail lequel peut exclure de son périmètre, « après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur et celles qui, pouvant être distraites de la convention ou de l'accord sans en modifier l'économie, ne répondraient pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d'application considéré » (c. trav., art. L. 133-8, al. 4).
(74) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 13e cons., préc.
(75) Cons. const., déc. n° 2004-494 DC, 29 avr. 2004, 16e cons., préc.