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Les interactions entre saisine parlementaire et contrôle des finances publiques

Éric OLIVA - Professeur des Universités, Agrégé des facultés de droit, Université d'Aix-Marseille, Faculté de droit et de science politique, Membre de l'ILF-GERJC (UMR DICE 00007318), Associé au CEFF, responsable du programme ANR, FCBB, Directeur du Master 2 Finances publiques et fiscalité.

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 49 (dossier : 10 années de saisine parlementaire) - octobre 2015 - p. 93 ,à 114

« Une saisine parlementaire indispensable malgré des effets relatifs »

Il y a trente ans, à l’occasion de l’anniversaire des dix premières années de la saisine parlementaire et dans la première livraison de l’AIJC, Loïc Philip insistait déjà sur l’importance de la saisine parlementaire en matière financière en rappelant que la première saisine portait sur la loi de finances pour 1975(2) et qu’elle avait abouti à la censure de 5 millions de crédits(3) . La première saisine parlementaire faite par les députés est curieusement liée à la tragique actualité qui bouleverse notre Nation puisqu’elle se termine ainsi : « Vous concevrez que je sois fondé à m’adresser à vous pour obtenir le respect de la loi organique par le Gouvernement, s’agissant non seulement des droits des Assemblées, mais également, sur ce point particulier de la Délégation générale, du financement anormal d’un organisme qui risque de porter de graves atteintes à la liberté de la presse et de l’information et donc aux libertés fondamentales des citoyens, telles qu’elles sont garanties par le Préambule de la Constitution »(4) .

L’importance des saisines dans le domaine financier n’a, depuis cette époque, jamais été démentie. Les lois financières constituent en effet une composante importante et singulière du contrôle de constitutionnalité. Une composante importante non seulement car les décisions du Conseil constitutionnel en matière financière sont nombreuses et souvent longues, mais aussi parce que ces décisions, portant sur les finances publiques et le droit fiscal, sont immédiatement assorties de conséquences concrètes sur la vie de la Nation et sur les citoyens. Une composante singulière d’une part parce que la première loi ordinaire contrôlée par le Conseil constitutionnel fut une loi de finances(5) et que le contrôle de constitutionnalité qui s’est développé depuis dans le domaine financier est un contrôle spécifique concret et modulé faisant largement appel à la technique de proportionnalité et d’autre part parce que les lois financières initiales (lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale) font l’objet d’un contrôle quasi-systématique.

Dans la décision du 25 juillet 2001 relative à la LOLF(6) le Conseil a précisé que « l’examen des lois de finances constitue un cadre privilégié » pour la mise en œuvre du principe de libre consentement à l’impôt exprimé par l’article 14 de la Déclaration de 1789. En effet, la saisine parlementaire est une forme moderne d’expression du libre consentement à l’impôt car l’impôt ne peut être consenti que dans le respect de la Constitution et notamment des droits fondamentaux. Certains considèrent que l’impôt est « confisqué » par le Conseil constitutionnel qui dans la dernière décennie aurait considérablement étendu son champ de contrôle au point de sortir de sa mission et de transformer la démocratie en gouvernement des juges et en aristocratie(7) . Certes le débat n’est pas nouveau, mais il est vrai que les décisions récentes du Conseil ont suscité une gêne chez les fiscalistes qui découvrent soudainement que la loi fiscale peut aussi avoir un juge. Or rien de plus normal, et les expériences étrangères(8) le montrent avec évidence. Le libre consentement à l’impôt n’est autre qu’une modalité d’expression de la volonté générale et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’impôt doit être établi par la loi. Or, depuis l’établissement du contrôle de constitutionnalité des lois, « la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution »(9) . Aucun motif ne permet d’exclure les lois financières et fiscales du respect du principe de constitutionnalité car, comme le soulignait le Doyen Louis Favoreu, le principe formulé par le Conseil constitutionnel dans la décision évolution de la Nouvelle-Calédonie, signifie que « la majorité quelle qu’elle soit, n’exprime la volonté générale que si elle respecte la Constitution »(10) . Or, si le libre consentement à l’impôt constitue une forme privilégiée d’expression de la volonté générale, il doit s’exprimer dans le respect de la Constitution. Autrement dit l’impôt n’est véritablement consenti et juridiquement parfait que et seulement s’il respecte la Constitution, car s’il en était autrement l’impôt ne constituerait que l’expression de la majorité politique et la démocratie, si chère aux détracteurs du Conseil constitutionnel, ne serait autre que la confusion des pouvoirs au profit de la majorité politique. Bien plus, en matière fiscale, plus de 90 % des textes sont d’origine gouvernementale et préparés par les fonctionnaires de Bercy. Par conséquent, ce que certains appellent le consentement à l’impôt est en réalité initié par des fonctionnaires et avalisé par des Parlementaires soumis à la discipline de groupe. Derrière la « démocratie » se dissimule, dans le domaine de la fiscalité, une technocratie administrative confortée par la discipline majoritaire. Dans ces conditions, la saisine parlementaire est bien la manifestation du consentement à l’impôt car les représentants du contribuable ont le droit de faire invalider une mesure fiscale qui ne respecterait pas la Constitution. Cela est d’autant plus vrai que la fin de la période qui nous intéresse est inédite sous la Ve République puisque tous les pouvoirs sont concentrés dans la même majorité politique avec le basculement historique du Sénat à gauche le 25 septembre 2011. Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel est bien, grâce à la saisine de la minorité, le dernier rempart des contribuables. De surcroît, le dernier mot n’a jamais signifié que le Parlement dispose du dernier mot(11) car celui-ci n’est plus souverain, la théorie du doyen Georges Vedel, signifie que la Constitution peut être révisée si l’on souhaite passer outre à une éventuelle décision du Conseil constitutionnel car seule une loi constitutionnelle peut déroger à une autre loi constitutionnelle(12) .

L’objet de cette étude est de traiter des effets de la saisine sur le contrôle des finances publiques et du droit fiscal durant la période 2004-2014. L’étude a entendu au sens large la notion de contrôle sur les finances publiques qui au sens strict ne pourrait concerner que le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques au sens de l’article 42 de l’ordonnance de 1959(13) et de l’article 35 de la LOLF. Il s’agit de l’apport de la saisine parlementaire au contrôle de constitutionnalité des lois financières. L’étude s’est limitée aux seules lois financières, c’est-à-dire aux lois de finances comprenant, les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives et les lois de règlement des comptes et aux lois de financement de la sécurité sociale incluant les lois rectificatives de financement. Ont été exclues les saisines portant sur les lois ordinaires fiscales en particulier la saisine des sénateurs de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale(14) . Malgré cette exclusion, la période 2004/2014, rassemble au total 54 saisines parlementaires sur 231 saisines au total(15) . Les saisines des parlementaires en ce qui concerne les lois financières représentent ainsi 23,3 % des saisines parlementaires soit un peu moins d’un quart, ce qui est considérable pour une catégorie particulière de lois spéciales. La décennie étudiée a connu 62 lois financières et 33 lois ont été déférées par les parlementaires au Conseil constitutionnel ce qui représente plus de 50 % des lois, la saisine porte donc sur une loi financière sur deux !

Pour examiner les caractéristiques de la saisine parlementaire durant la période considérée, il importera de voir dans un premier temps que la saisine parlementaire s’est réalisée dans un cadre complètement renouvelé dans une période « historique » tant le droit des finances publiques et le droit fiscal ont connu durant ces dix ans de profondes mutations (I). Dans un second temps il conviendra de montrer que la dernière décennie a révélé, avec quelques nuances, l’influence des saisines parlementaires, notamment grâce à ce nouveau cadre constitutionnel, sur le contrôle de constitutionnalité des lois financières (II).

I – Le cadre renouvelé de la saisine parlementaire dans le contrôle de constitutionnalité des lois financières

La dernière décennie a été le témoin d’une transformation historique du droit des finances publiques et, dans une moindre mesure peut-être, du droit fiscal. Les saisines parlementaires ont été bien entendu affectées par ces importantes mutations tant dans leur contenu que dans leur structure.

A - Les effets de la « reconstitution historique » du droit constitutionnel financier sur les saisines parlementaires

Le droit constitutionnel financier s’est reconstitué(16) durant les dix dernières années de telle sorte que pratiquement tout le corpus normatif et jurisprudentiel a été complètement renouvelé. C’est une véritable révolution du droit constitutionnel financier qui a véritablement influencé les saisines parlementaires. Pour l’essentiel cette influence peut se voir d’une part dans l’enrichissement des normes de référence (1), et d’autre part, depuis peu dans l’orientation du contrôle de constitutionnalité vers les exigences imposées par la « règle d’or » (2).

1 - L’enrichissement des normes de référence a) L’enrichissement du corpus constitutionnel. La Constitution a fait l’objet de deux révisions importantes pour les finances publiques. En 2003, les finances locales ont été véritablement constitutionnalisées en dehors du seul principe de libre administration des collectivités territoriales par l’introduction de l’article 72-2 de la Constitution qui garantit l’autonomie financière des collectivités. Les saisines se sont vite adaptées à ces nouvelles règles constitutionnelles même parfois de manière précipitée comme en témoigne la décision relative à la loi de finances pour 2004 qui a forcé le Conseil constitutionnel à rejeter le moyen en l’attente de la future loi organique complétant l’article 72-2 de la Constitution(17) . La révision de 2008, a introduit dans l’ordre juridique la catégorie des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ainsi que certains principes de comptabilité publique (équilibre et sincérité des comptes des administrations publiques, art. 34 C et 47-I C). Pour la première fois l’expression « finances publiques » est employée par la Constitution avec la révision de 2008 et les lois de programmation des finances publiques. La révision de 2008 a également introduit la QPC qui connaîtra de nombreuses applications dans le domaine fiscal. Les saisines ont été bien entendu influencées par cet enrichissement sans précédent des normes constitutionnelles encadrant le droit des finances publiques et le droit fiscal. Cet enrichissement s’est également accéléré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Tous les principes budgétaires hormis le principe de spécialité et certains principes comptables ont désormais une valeur constitutionnelle(18) . De plus le Conseil a progressivement dégagé des exigences(19) ou des objectifs(20) encadrant l’exercice des compétences financières du Parlement.

b) L’enrichissement du corpus des lois organiques financières. La période considérée a également vu le renouvellement ou la mise en place de toutes les lois organiques financières. La LOLF, qui date du 1er août 2001, n’est entrée totalement en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2005 ce qui signifie que la loi de finances pour 2006 a été la première loi de finances présentée intégralement en mode LOLF. Cette loi de finances a été déférée au Conseil constitutionnel par les députés dans une saisine très motivée de 26 pages(21) . La loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, complétant l’article 72-2 de la Constitution (ressources propres), a été adoptée le 29 juillet 2004 et si l’on excepte la décision loi de finances pour 2004, la première application de l’article 72-2 par le Conseil constitutionnel sur saisine des députés concerne la loi de finances pour 2005(22) . La LOLFSS introduite en 1996 dans le droit positif des finances a été totalement modifiée par la loi organique du 2 août 2005 qui s’est appliquée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 qui a également été déférée au Conseil par les députés et les sénateurs(23) .

Les saisines parlementaires n’ont pas été indifférentes à ces changements affectant les lois organiques car la Constitution délègue au législateur organique le soin de préciser l’exercice de la compétence financière et donc la loi organique se situe en ce domaine à un degré élevé de délégation constitutionnelle car en l’occurrence notamment en ce qui concerne la LOLF et la LOLFSS le constituant délègue « la compétence de la compétence », c’est-à-dire une part importante d’expression de la souveraineté au plan de la distribution des compétences normatives au sein de l’État de droit constitutionnel. Or, en la matière la saisine du Conseil est effectuée par le Premier ministre sur le fondement de l’article 61 al. 1 de la Constitution. Par conséquent les saisines parlementaires vont tenter de contester la constitutionnalité des lois organiques à l’occasion de leur application dans le cadre du contrôle prévu par l’article 61 al. 2 de la Constitution. Le corpus constitutionnel des règles financières s’est encore renforcé avec la crise financière de 2008-2009.

2 - Le renforcement du contrôle de constitutionnalité dans le cadre du respect de la « règle d’or » La crise financière de 2008-2009 a montré, en Europe et dans le monde, la nécessité d’un encadrement des déficits publics par des normes de rang élevé. La fin de la période considérée est marquée par l’affaire du Traité de stabilité de coordination et de gouvernance au sein de l’UEM (TSCG).

a) Le TSCG et le nouvel ordonnancement des normes financières. Le traité de Bruxelles de 2012 a généré, suite à la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012(24) , un nouvel ordonnancement des règles financières basé sur la technique de la programmation pluriannuelle et sur la définition des objectifs et de la trajectoire des finances publiques sur trois ans par le moyen de la loi de programmation des finances publiques. Le régime de la loi de programmation est défini par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques(25) . La loi organique institue le Haut conseil des finances publiques dont l’une des missions est de se prononcer sur les objectifs retenus pour la maîtrise des déficits. Le Conseil a précisé qu’il tiendrait compte de l’avis du Haut conseil des finances publiques dans le cadre de l’examen de la sincérité des lois de finances. Par conséquent, les récentes décisions du conseil constitutionnel visent expressément cet avis. Les saisines prennent elles aussi en considération ledit avis afin de démontrer l’insincérité des lois de finances. Il convient également de rappeler qu’il avait été proposé par certains d’instaurer un contrôle obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale ce qui aurait considérablement réduit voire supprimé la saisine parlementaire en la matière(26) .

b) La normativité de la « règle d’or ». Cette évolution récente pose la question de la normativité des limites aux déficits publics excessifs ainsi que celle de la protection des droits fondamentaux en particulier économiques et sociaux qui supposent une prestation (droits-créances) mais plus largement tous les droits fondamentaux car dans leur dimension objective (sociale) les droits-libertés ou les droits-garanties supposent une action positive de la puissance publique. La réforme pose également la question de la séparation des pouvoirs et de son respect. Plus loin, les déficits publics excessifs ont également une incidence sur le contentieux constitutionnel fiscal puisque les gouvernements sont appelés à réduire les déficits ainsi que la dette par des surcroîts de recettes fiscales. La normativité de ces règles de bonne gestion financière reste discutable et pour l’instant aucune décision n’a censuré une loi de finances pour ce grief malgré les saisines répétées en ce sens. Les saisines parlementaires des dernières années montrent l’hostilité des parlementaires de l’opposition aux réformes fiscales motivées par des besoins de ressources supplémentaires. Le durcissement du contentieux constitutionnel fiscal n’aurait sans doute pas eu lieu si la crise financière n’était survenue.

C’est ainsi dans un contexte renouvelé que se situent les saisines parlementaires dont la place est devenue déterminante.

B - La place des saisines parlementaires dans le contrôle de constitutionnalité des lois financières

La place des saisines parlementaires dans le contrôle de constitutionnalité des lois financières est bien entendu capitale tant en ce qui concerne la pratique des saisines que leur structure qui montre l’architecture du contentieux constitutionnel financier.

1 - La pratique des saisines parlementaires des dix dernières années a) L’importance du contentieux financier constitutionnel. Il a déjà été relevé que la période étudiée a connu 54 saisines parlementaires et 33 décisions du Conseil constitutionnel. La place du contentieux constitutionnel financier dans la saisine parlementaire est ainsi importante car les saisines financières représentent un peu moins du quart du total des saisines recensées durant la période. Cette importance peut s’expliquer par le particularisme des lois financières. Gaston Jèze écrivait dans la préface de son ouvrage de 1922 que le budget est essentiellement un acte politique. La place des saisines financières dans l’ensemble des saisines parlementaires confirme l’intérêt politique que suscitent les lois de finances ou les lois de financement de la sécurité sociale. De surcroît compte tenu de l’impact quasi immédiat, puisque les lois de finances et de financement entrent généralement en vigueur le 1er janvier, sur les citoyens, le débat parlementaire est fortement médiatisé. Les citoyens électeurs et contribuables ne comprendraient pas qu’une mesure fiscale lourde de conséquences pour leur portefeuille ne soit pas déférée au Conseil constitutionnel.

b) La dimension formelle des saisines parlementaires en matière financière. Les saisines financières ont donné naissance à un ensemble documentaire de 473 pages en incluant les saisines identiques. La moyenne globale des saisines financières est ainsi de 9 pages. La saisine la plus courte comporte 10 lignes environ(27) tandis que la plus longue compte 30 pages(28) . Il convient toutefois de préciser que 38 saisines parlementaires, soit 71,6 % des saisines comportent moins de 9 pages. L’essentiel de l’argumentation des parlementaires est ainsi concentré sur 15 lois financières seulement. Ce pur constat de fait conduit à relativiser, quant à l’argumentation juridique, les effets réels de la saisine parlementaire sur les décisions du Conseil constitutionnel. Il est vrai cependant, que parmi les 15 saisines les plus développées certaines sont extrêmement motivées et détaillées et ont d’ailleurs donné lieu à d’importantes décisions du Conseil constitutionnel(29) .

Sur le plan formel, une irrecevabilité assez classique a d’abord été prononcée par le Conseil au sujet d’une saisine individuelle d’un sénateur(30) . De nombreuses lois ont fait l’objet de saisines doubles des sénateurs et des députés(31) . Au total 16 décisions ont fait l’objet d’une double saisine, c’est-à-dire presque 50 % des décisions du Conseil. Parfois les saisines sont strictement identiques(32) à tel point qu’une saisine des sénateurs a maintenu les députés dans le texte sans même corriger la saisine(33) ! Le Conseil a ainsi été saisi à 8 reprises par des saisines doubles mais strictement identiques, la moitié des saisines doubles comporte en réalité une même saisine et dans cette hypothèse les saisines peuvent difficilement être considérées comme double car elles sont purement et simplement copiées en général par les sénateurs sur la saisine des députés. En ce qui concerne le formalisme, il est intéressant de relever que les saisines comportent parfois des tableaux ou schémas illustrant l’argumentation juridique(34) .

Sur la base de ces généralités, le contentieux constitutionnel financier des dix dernières années révèle une structure particulière par rapport aux autres années.

2 - La structure du contentieux constitutionnel financier. Durant la période considérée 53,9 % des lois financières ont été déférées au Conseil constitutionnel soit plus d’une loi sur deux.

a) Le contentieux systématique des lois de financement de la sécurité sociale. Les lois de financement de la sécurité sociale ainsi que les lois de financement rectificatives ont, à l’exception d’une seule(35) , toutes été soumises à l’examen du Conseil constitutionnel. Il est vrai que depuis leur création et la première loi de financement de 1997, aucune loi de financement de la sécurité sociale n’a échappé à l’examen du Conseil. Le taux de contrôle de ces lois est ainsi de 100 % et pour reprendre la formule de Dominique Turpin, ce contentieux est ainsi « quasi-rituel »(36) . Une seule loi de financement rectificative n’a pas été soumise au contrôle du Conseil la loi de financement rectificative pour 2011(37) .

b) Le contentieux inexistant des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques. En revanche, en passant d’un extrême à l’autre, aucune loi de programmation pluriannuelle n’a été pour l’instant déférée au Conseil alors que cinq lois de programmation ont été adoptées(38) . Cette absence résout une question d’ordre méthodologique qui sera celle de savoir si les saisines éventuelles sur les lois de programmation pourront être considérées comme des saisines financières alors que ces lois ne sont pas des lois financières à proprement parler. Il semble raisonnable toutefois de les intégrer dans le contentieux constitutionnel financier compte tenu de leur particularisme et de leur incidence sur les finances publiques, alors surtout que le Conseil constitutionnel a déjà intégré ces lois en considérant dans la décision du 9 août 2012 que « le Conseil constitutionnel est chargé de contrôler la conformité à la Constitution des lois de programmation relatives aux orientations pluriannuelles des finances publiques, des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale »(39) . Pour l’instant la question ne se pose pas. Cette absence, qui a été récemment soulignée à Bercy par Madame Jobert, sous-directrice du budget, appelle des explications. Certains ont pu y voir un désintérêt des parlementaires pour des questions aussi techniques que la trajectoire à moyen terme des finances publiques. Cette explication ne paraît pas véritablement pertinente à l’aune des débats parlementaires soit en hémicycle soit en commissions et en particulier au sein de la commission des finances. Il est possible d’expliquer cette absence de saisine par plusieurs raisons. Une première raison tient peut-être à la faible normativité des lois de programmation qui n’ont pas d’autorité supérieure aux lois de finances ou de financement et dont les lignes ne constituent en définitive que des objectifs. Une deuxième raison pourrait être le faible impact en comparaison de celui des lois de finances et de financement presque immédiatement applicables avec des effets sociaux importants. Une troisième raison, peu probable, tient à la nouveauté de ces lois. La prise de conscience que les dotations de l’État aux collectivités territoriales sont diminuées sur la base de cette loi pourrait faire changer d’avis certains parlementaires. Enfin, on peut se plaire à rêver, la loi de programmation suscite peut-être un consensus à tout le moins sur la question de ne pas entraver la politique économique du gouvernement par une saisine parlementaire. En tout état de cause l’absence de saisine permet d’éviter un hypothétique(40) conflit entre le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de l’Union européenne qui pourrait contrôler les mesures de trajectoire de l’équilibre en vertu de l’article 8 du Traité de Bruxelles.

c) Le contentieux des lois de finances. De manière exceptionnelle, au regard de la pratique institutionnelle de la Ve République, plusieurs lois de finances initiales n’ont pas été soumises au Conseil durant cette décennie. Il en va ainsi des lois de finances pour 2007, 2008 et 2009. En ce qui concerne la loi de finances pour 2007, l’explication de l’absence de saisine, qui tient à l’approche d’une échéance électorale majeure, peut être invoquée puisque l’année 2007 correspond à l’année d’élection du Président Nicolas Sarkosy. A contrario, la loi de finances pour 2012 a bien été soumise à l’examen du Conseil. Les deux autres exercices 2008 et 2009 laissent planer plus de mystère. Certains ont expliqué l’absence de saisine par la présidence de la commission des finances par un membre de l’opposition. Or, du 28 juin 2007 au 23 février 2010, la Commission des finances de l’Assemblée nationale était présidée par l’actuel Premier Président de la Cour des comptes, initiateur de la LOLF : Didier Migaud. La présidence de la Commission des finances par Didier Migaud expliquerait ainsi l’absence de saisine du Conseil d’autant plus que son successeur Jérôme Cahuzac ne freinera plus la saisine du Conseil. Une explication moins politique peut également être avancée. En 2005, lors de la première application de la LOLF, le Conseil constitutionnel qui a été saisi de la constitutionnalité de la loi de finances avait émis une réserve « pro futuro » en indiquant que certaines dispositions de la loi de finances n’étaient pas en accord avec la LOLF mais que compte tenu du caractère nouveau de ce texte il ne sanctionnerait pas pour cette fois les irrégularités mais n’y manquerait pas lors de la prochaine loi de finances(41) . Il est fort probable que l’adaptation à la réforme ait été plus longue et que l’absence de saisine s’explique par ce retard mais sans doute aussi par la présidence de Didier Migaud.

La saisine parlementaire sur les autres lois de finances est loin d’être systématique. Ainsi 11 lois de finances rectificatives, ont été soumises au Conseil sur un total de 23 lois adoptées pendant la période soit 47,8 % des lois de finances rectificatives. Les lois de règlement, sont celles qui sont le moins déférées au Conseil constitutionnel mais cela n’a rien de nouveau car rares sont les lois de règlement à avoir fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Seule deux lois de règlement sur 10 (20 %) ont fait l’objet d’une saisine parlementaire, en l’occurrence des députés : les lois concernant les exercices 2005 et 2008(42) .

Ainsi la saisine parlementaire en matière de lois financière s’est exercée au cours des dix dernières années dans un contexte renouvelé et a affirmé sa place au sein du contentieux constitutionnel des lois. La saisine parlementaire a bien entendu exercé une influence conséquente sur le contrôle de constitutionnalité des lois financières.

II – L’influence conséquente de la saisine parlementaire sur le contrôle de constitutionnalité des lois financières

L’influence des saisines parlementaires sur le contrôle de constitutionnalité des lois financières est, bien entendu importante, si l’on considère que la moitié des lois financières a été déférée au Conseil par les parlementaires. Pour ce qui concerne les années 2004-2014, il est loisible de constater que les saisines parlementaires dans le domaine financier se sont essentiellement concentrées sur les droits fondamentaux (A), mais l’impact des saisines parlementaires sur les décisions du Conseil doit être tempéré par les pouvoirs étendus du juge constitutionnel (B).

A - La décennie des droits fondamentaux financiers et fiscaux

L’étude des moyens et conclusions soulevés dans les saisines montre que les parlementaires « font flèche de tout bois » pour augmenter leur chance de censure et emporter la conviction du juge. Les 54 saisines font cependant une large place aux droits fondamentaux. Le phénomène n’est pas nouveau, et Loïc Philip observait déjà en 1984 qu’« il y a ainsi dans le contrôle de constitutionnalité des lois de finances, une jurisprudence très importante, qui concerne le respect des libertés et droits fondamentaux »(43) . Les saisines sont cependant très hétérogènes et hétéroclites, les parlementaires soulèvent ainsi des moyens d’inconstitutionnalité (1), mais aussi des moyens extra-constitutionnels (2).

1 - Les moyens d’inconstitutionnalité. a) La déclaration de 1789 : le texte de loin le plus souvent invoqué. Les parlementaires ont invoqué majoritairement des violations de la déclaration de 1789 et en particulier les violations du principe d’égalité dans ses multiples et parfois originales acceptions. Les parlementaires ont invoqué le principe d’égalité à plus de 100 reprises et avec succès, puisque, ce moyen a provoqué la censure de 19 dispositions et la conformité sous réserves de deux dispositions. Le principe d’égalité est ainsi (comme du reste en QPC) le moyen qui obtient le plus de succès. La période étudiée a d’ailleurs, grâce à la saisine, fait considérablement évoluer la jurisprudence constitutionnelle en matière d’égalité devant les charges publiques puisque les saisines ont permis de développer la notion d’impôt excessif probablement confiscatoire(44) et désormais la rupture d’égalité ne s’apprécie pas seulement à l’intérieur d’un même impôt mais aussi globalement par rapport à la charge de l’ensemble des impôts qui peut peser excessivement sur les contribuables. C’est ce qui a permis d’invalider la taxe sur les retraites chapeaux dans la décision du 29 décembre 2012 (662 DC).

D’autres moyens issus de la déclaration de 1789 sont utilisés par les parlementaires. Les saisines invoquent souvent la violation de l’article 16 de la Déclaration de manière encore très diverse, telle que la garantie des droits, la qualité de la loi, la rétroactivité, la sécurité juridique La violation de l’article 16 est utilisée plus de 30 fois et a fondé 5 censures, la plupart des moyens étant du reste invoqués à partir de 2012. Cet engouement peut s’expliquer peut-être par la redécouverte de l’article 16 par le Conseil constitutionnel et les décisions rendues sur question prioritaire de constitutionnalité. En effet, l’utilisation de ce moyen s’est intensifiée avec l’entrée en vigueur de la QPC. La liberté d’entreprendre est également assez fréquemment utilisée dans les saisines (8 fois), ainsi que le droit de propriété (9 fois) et la liberté contractuelle (7 fois). Le principe de proportionnalité de l’article 8 de la déclaration de 1789 et la rétroactivité en matière de sanctions fiscales a été invoqué une dizaine de fois. Enfin, les saisines utilisent parfois, surtout s’agissant de la répression fiscale et de manière assez récente, le respect de la vie privée (3 fois).

Il est loisible de constater que les violations de la déclaration de 1789 sont particulièrement invoquées dans le contentieux des lois de finances, ce moyen est plus rarement utilisé dans celui des lois de financement de la sécurité sociale qui concernent davantage le préambule de 1946.

b) Le préambule de 1946 : un texte réservé aux LFSS. Le préambule de 1946 est le plus souvent invoqué dans le contentieux des lois de financement de la sécurité sociale essentiellement dans ses alinéas 10 et 11 (protection de la santé, vie familiale) qui sont d’ailleurs souvent invoqués ensembles. Au total les 10e et 11e alinéas ont été invoqués 18 fois sans donner lieu à aucune censure mais en provoquant sur la décennie deux réserves d’interprétation. Les autres alinéas sont invoqués de manière plus exceptionnelle, l’alinéa 13 sur la gratuité de l’enseignement à une reprise comme l’alinéa 9 et la protection contre les situations de monopole.

c) La Constitution de 1958 : un texte plutôt réservé au contentieux des lois de finances. Les saisines financières invoquent la Constitution de 1958 essentiellement dans trois domaines qui sont le respect de la procédure législative (art. 39, 44 et 47 C) et en particulier du droit d’amendement, l‘incompétence négative du législateur en matière fiscale (art. 34 C) et l’autonomie financière ainsi que la libre administration des collectivités territoriales (art. 72 et 72-2 C). En ce qui concerne la procédure législative, l’article 39 de la Constitution a été invoqué à quatre reprises (priorité de l’Assemblée nationale, défaut de consultation du Conseil d’État) et sa violation a provoqué une censure en 2007 (544 DC). Les violations de l’article 44 relatif au droit d’amendement et de l’article 45 (puisque les lois financières sont adoptées selon la procédure d’urgence) ont également été invoquées. L’incompétence négative, compte tenu de la forte densité de la compétence législative en matière financière, a été sans doute le moyen tiré de la violation de la Constitution de 1958 qui a été le plus soulevé dans les saisines de la décennie. Le respect de l’article 34 a en effet été utilisé à 18 reprises mais sans véritable succès car les censures pour incompétence négative ont été soulevées d’office par le Conseil alors que les saisines n’avaient pas soulevé ce moyen. Enfin les articles 72 et 72-2 sont également utilisés par les parlementaires qui, souvent élus locaux, sont vigilants au respect de l’autonomie financière des collectivités locales. Ce moyen a été invoqué 21 fois mais il n’a donné lieu qu’à une réserve d’interprétation en 2005 en ce qui concerne la taxe professionnelle (530 DC). Les articles 47, 47-1 et 47-2 qui intéressent précisément les lois financières font l’objet de peu de développements dans les saisines parlementaires puisqu’ils n’ont été invoqués qu’à 6 reprises sans jamais donner lieu à censure et essentiellement au début de la décennie. Des observations similaires peuvent être formulées à propos des lois organiques financières.

d) Les lois organiques financières : un net recul des invocations de ces textes. Les lois organiques financières occupent dans le contentieux constitutionnel une place singulière car elles font partie, sur habilitation constitutionnelle, des normes de référence utilisées par le Conseil constitutionnel. Elles peuvent par conséquent être invoquées dans les saisines parlementaires. À l’étude des 54 saisines il apparaît que les parlementaires font peu référence à ces textes si l’on compare avec les décennies précédentes. Il y a net un recul de la jurisprudence strictement budgétaire au sens large du terme au profit du respect des droits fondamentaux.

La LOLF a été invoquée à 32 reprises, c’est-à-dire 3 fois moins que la Déclaration de 1789. Mais le plus souvent la LOLF est invoquée à propos des cavaliers budgétaires et du respect du domaine de la loi de finances. Ce moyen a été utilisé en effet dans 21 cas ce qui signifie que dans 65 % des cas la LOLF est utilisée pour assurer le respect de la compétence du législateur financier alors surtout que ce moyen est soulevé d’office par le Conseil constitutionnel. Les autres cas d’invocation de la LOLF apparaissent plus ponctuels. La sincérité (art. 32 LOLF) a été utilisée à 8 reprises, mais le principe de sincérité a ensuite été constitutionnalisé par le Conseil et rattaché aux articles 14 et 15 de la Déclaration de 1789. Cela signifie toutefois que 90 % des cas d’invocation de la LOLF portent sur le domaine et la sincérité des lois de finances.

La LOLFSS obéit au même schéma. Elle a fait l’objet durant ces dix dernières années de 14 invocations donnant lieu à 6 censures. Les cavaliers sociaux et l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale sont majoritairement invoqués et ont fondé la plupart des censures par le Conseil. Le domaine de la loi de financement de la sécurité sociale constitue 11 cas d’ouverture de la saisine sur le fondement de l’article LO 111-3 CSS, c’est-à-dire 78,7 % des cas d’invocation de la LOLFSS.

La loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales (art. LO 1114-1 à LO 1114-4 CGCT) a été invoquée une seule fois, les parlementaires préférant le recours direct à l’article 72-2 de la Constitution. La seule utilisation concernait en fait la loi de finances pour 2010 (décision 599 DC) et la suppression de la taxe professionnelle. Le Conseil avait précisé qu’aucune disposition de la Constitution ne garantissait l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Depuis cette décision la loi organique n’a plus jamais été invoquée.

Enfin, la récente loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publique du 17 décembre 2012 est indirectement invoquée à travers la sincérité des lois financières au regard de l’avis du Haut conseil des finances publiques. Depuis 2014, l’avis a été utilisé à trois reprises déjà par les saisines.

e) La jurisprudence constitutionnelle est de mieux en mieux connue. Les saisines font également une large part à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire à l’interprétation des normes fondamentales qui sont invoquées. Les saisines se « professionnalisent » en ce sens qu’elles rejoignent sur l’utilisation de la jurisprudence au soutien des prétentions les requêtes devant les juges ordinaires. Certaines saisines utilisent une abondante jurisprudence. Par exemple la saisine de la loi de finances pour 2015 par les sénateurs (707 DC) refait l’historique de la jurisprudence relative au principe de sincérité budgétaire et mentionne de surcroît 15 décisions du Conseil. Les saisines s’appuient d’ailleurs aussi bien sur les décisions DC que, depuis qu’elles existent, sur les décisions QPC. Il y a ainsi une alimentation des deux recours par la jurisprudence indistinctement.

Au demeurant contrairement à l’idée répandue, il n’est pas possible de constater un ralentissement ou une limitation des saisines parlementaires pour « préserver » une éventuelle question prioritaire. Cela peut s’expliquer par plusieurs raisons. D’abord les questions de procédure strictement financière et de compétence législative ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une question prioritaire, seules les dispositions véritablement fiscales peuvent vraiment être affectées et celles qui touchent aux droits économiques et sociaux dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Les dispositions fiscales sont appelées à entrer en vigueur très rapidement et le Conseil constitutionnel s’est montré très prudent dans les effets des décisions d’abrogation de sorte qu’il est plus facile sans doute d’obtenir une censure a priori qu’une abrogation a posteriori. Enfin la question prioritaire n’est pas figée quand bien même la disposition aurait déjà été examinée elle peut être ouverte si la question est entièrement nouvelle. Par conséquent il est difficile d’affirmer que les parlementaires s’autolimiteraient pour « préserver » une future question prioritaire de constitutionnalité.

Si les saisines parlementaires font largement appel à des moyens issus du bloc de constitutionnalité, elles invoquent assez fréquemment et curieusement des moyens extra-constitutionnels.

2 - Les moyens extra-constitutionnels : « faire flèche de tout bois ». Les saisines parlementaires ne s’appuient pas seulement sur des motifs d’inconstitutionnalité, elles invoquent des dispositions extra-constitutionnelles qui sont sans doute utilisées afin d’emporter définitivement la conviction du Conseil. De ce point de vue la saisine du Conseil se rapproche de la saisine d’un juge ordinaire dans la mesure où à côté des moyens déterminants, il est bon de citer d’autres arguments juridiquement non recevables (documents interprétatifs, rapports et doctrine universitaire ) qui viendront étayer et appuyer les arguments strictement juridiques ou recevables. En ce qui concerne les saisines parlementaires financières 5 moyens extra-constitutionnels prédominent.

a) Les moyens tirés de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit européen. Les saisines parlementaires citent assez fréquemment la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour. Par exemple, la saisine des sénateurs pour la loi de finances pour 2014 cite deux décisions de la Cour européenne des droits de l’homme(45) et l’article 6 de la Convention(46) . Les saisines utilisent également le droit de l’Union européenne ainsi que la jurisprudence de la CJUE. Ainsi la saisine des députés sur la loi de finances rectificative pour 2011 mentionne l’article 48 du traité sur le fonctionnement de l’UE qu’elle lie aux articles 55 et 88-1 de la Constitution à propos de l’extension de la CSG et de la CRDS aux revenus tirés de biens immobiliers de source française par des non-résidents(47) . De même la saisine des sénateurs sur la loi de finances pour 2014 cite la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)(48) en invoquant le non-respect par la France de l’autorité des décisions de la Cour. Le phénomène est toutefois limité et il montre qu’au-delà des divergences, le droit européen des droits de l’homme et le droit de l’Union européenne peuvent être invoqués à titre accessoire au soutien des motifs invoqués par les parlementaires. Cela est d’autant plus vrai que parfois les saisines invoquent parfois avec succès, comme la saisine sur la loi de finances rectificative pour 2014, le défaut de transposition de textes européens(49) .

b) Les jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Les saisines parlementaires s’appuient également, et de manière plus fréquente, sur la jurisprudence du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Les mentions de la jurisprudence ordinaire sont souvent liées à des dispositions de validation législative. En effet les lois financières comportent souvent des mesures de validation liées à des décisions du juge ordinaire et la saisine doit naturellement mentionner les décisions visées afin de démontrer (mais cette question n’est pas très claire dans les saisines) que le grief retenu par les juges ordinaires ne peut être couvert par la loi car si la loi peut valider des décisions illégales, elle ne peut pas, selon nous, valider des dispositions inconstitutionnelles car il y aurait alors une violation de la Constitution.

c) Les rapports et avis officiels. Dans le domaine financier, les rapports officiels annexés à la loi déférée sont très importants et les saisines s’appuient également sur ces textes. Les saisines étudiées mentionnent essentiellement des rapports de la Cour des comptes ainsi que depuis 2013, les avis du Haut conseil des finances publiques. Par exemple la saisine des députés sur la loi de règlement pour 2005 est presque entièrement fondée sur rapport de la Cour des comptes(50) . Depuis la saisine de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les saisines se réfèrent à l’avis du Haut conseil des finances publiques que le Conseil constitutionnel a intégré parmi les normes de référence au titre de la sincérité des lois financières. Quatre saisines font référence de manière plus ou moins détaillée à cet avis(51) en prenant ainsi en considération la décision du Conseil du 9 août 2012 relative au TSCG(52) .

d) la doctrine, le parent pauvre des saisines. La doctrine est très peu citée dans les saisines financières sans doute cela peut-il être imputé à l’urgence dans laquelle les saisines sont rédigées et également à la rareté des études constitutionnelles financières et fiscales. La discipline évolue en effet lentement vers ces questions mais est encore assez largement éloignée des considérations constitutionnelles et surtout jurisprudentielles. Quelques saisines citent toutefois de manière exceptionnelle certains auteurs(53) .

Malgré toute l’ingéniosité développée par les saisines parlementaires afin d’obtenir la censure des dispositions contestées, force est de constater que les effets des saisines demeurent relatifs.

B - Des saisines aux effets relatifs

Les effets des saisines parlementaires demeurent relatifs essentiellement à cause de deux raisons, qui tiennent à l’incertitude des moyens invoqués (1) ainsi qu’aux pouvoirs étendus du Conseil constitutionnel (2).

1 - Des moyens assez incertains. Les saisines parlementaires ont évidemment contribué à faire évoluer la jurisprudence financière et fiscale du Conseil constitutionnel et ont ainsi contribué à l’enrichissement du droit constitutionnel financier et fiscal. En droit des finances publiques, les saisines ont par exemple permis au Conseil de préciser que la LOLF n’autorise pas des missions comportant un seul programme ou que l’autonomie financière des collectivités territoriales excluait l’autonomie fiscale qui n’est en rien garantie par la Constitution. Au plan fiscal la saisine sur la loi de finances pour 2013 et la taxation à 75 % a fait faire à la jurisprudence sur l’égalité un progrès gigantesque en faisant sortir le juge de la vision étriquée de l’égalité au sein d’un même impôt. Cependant l’effet des saisines mérite d’être relativisé car peu de moyens obtiennent en réalité gain de cause. Les saisines ont donné lieu en dix ans à une quarantaine de censures d’articles et une dizaine de réserves d’interprétation. Il est parfois difficile de comptabiliser l’effet réel des saisines sur la conviction du juge. À titre d’exemple n’ont ainsi pas été comptabilisées les saisines qui se bornent à demander au juge de vérifier l’appartenance des dispositions de la loi au domaine des lois de finances ou de financement. Ces saisines générales ne comportent aucune argumentation et le Conseil constitutionnel soulève d’office ce moyen lorsque les saisines ne le font pas.

Le succès relatif des saisines parlementaires peut s’expliquer par le caractère incertain des moyens soulevés. Tel est le cas en particulier de la sincérité de la loi. Malgré les avancées du principe de sincérité et notamment son rattachement aux articles 14 et 15 de la Déclaration et 1789 et son enrichissement de l’avis du Haut conseil des finances publiques, le principe de sincérité, presque systématiquement invoqué n’a donné lieu à aucune censure de la part du Conseil constitutionnel. Ce principe est en effet d’un examen délicat car son appréciation, notamment au regard des hypothèses économiques retenues, relève du pouvoir discrétionnaire d’appréciation du législateur. La Cour constitutionnelle allemande a également précisé que contrôler l’exactitude des prévisions macroéconomiques dépassait largement le cadre du contrôle de constitutionnalité(54) .

L’égalité appelle également une appréciation nuancée car elle suppose, comme le rappelle Norberto Bobbio(55) l’examen d’un rapport entre différentes situations. L’égalité n’étant pas un état, comme par exemple le droit au juge, ce principe fait l’objet d’un examen nuancé faisant appel largement à la technique de la proportionnalité.

La procédure budgétaire et le droit budgétaire et comptable, plus généralement, comportent une indéniable dimension technique(56) qui peut rebuter les parlementaires alors surtout que les saisines interviennent dans un bref laps de temps. De plus la LOLF, en ce qui concerne les lois de finances a en réalité fait l’objet d’une double purge en ce qui concerne les risques d’inconstitutionnalité. D’une part, elle a intégré, lors de son élaboration, la jurisprudence constitutionnelle antérieure née de l’ordonnance du 2 janvier 1959(57) . D’autre part, et contrairement à l’ordonnance du 2 janvier 1959, la LOLF a fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité anticipant le cas échéant sur des risques futurs d’inconstitutionnalité des lois de finances(58) . Cela pourrait en partie expliquer l’inexistence des censures prononcées pour violation de la LOLF sur saisine parlementaire si l’on exclut les cas particuliers des cavaliers budgétaires et des moyens soulevés d’office. La LOLF n’a donné lieu sur la période considérée qu’à une seule réserve d’interprétation concernant les missions mono-programme(59) .

L’incertitude quant aux moyens invoqués dans les saisines est sans doute accentuée par les pouvoirs étendus du Conseil constitutionnel particulièrement présents dans le contentieux constitutionnel financier.

2 - Des pouvoirs étendus du Conseil constitutionnel. Le particularisme de la jurisprudence financière et fiscale du Conseil constitutionnel n’est plus à souligner(60) . Le Conseil exerce un contrôle modulé reposant largement sur la technique de la proportionnalité. Par conséquent les chances d’aboutissement des saisines parlementaires se trouvent affectées par ce particularisme de l’office du juge constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois financières et fiscales.

En outre, le domaine financier et fiscal laisse souvent une place non négligeable au pouvoir d’appréciation du législateur(61) , ce qui contribue d’ailleurs à relativiser la prétendue illégitimité du Conseil à bloquer des réformes politiques majeures. Au demeurant, si la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus d’activité a bien été censurée une première fois, elle a ensuite été rétablie en forme de taxe exceptionnelle sur les hautes rémunérations pesant sur l’entreprise versant la rémunération supérieure à 1 million d’euros sans être censurée par le Conseil(62) . Dans ce prolongement, le contrôle du Conseil se borne d’ailleurs, en ce cas, à celui de l’erreur manifeste d’appréciation(63) .

Surtout le Conseil constitutionnel soulève d’office de nombreux moyens et conclusions notamment les cavaliers, budgétaires et sociaux. Les effets de la saisine parlementaire doivent en ce cas être relativisés compte tenu des pouvoirs spécifiques du Conseil constitutionnel qui peut statuer ultra petita. À ce titre, les cavaliers budgétaires et sociaux, qui constituent les cas les plus fréquents de censure des dispositions financières, sont le plus souvent soulevés d’office par le juge (conclusions d’office). De surcroît le Conseil procède parfois à des substitutions de motifs, moyens soulevés d’office, c’est-à-dire qu’il soulève d’autres arguments juridiques que ceux présentés par les auteurs de la saisine(64) . Par exemple, le Conseil a été saisi de la violation de l’article 88-1 de la Constitution au motif que la loi violait une directive européenne qu’elle était censée transposer. Le Conseil censure la disposition en cause pour incompétence négative(65) .

Toutes ces techniques conduisent à relativiser l’interaction entre les saisines parlementaires et le contrôle des finances publiques, dans la mesure où ce dernier est directement effectué par le juge en dehors des termes de la saisine parlementaire. Il n’en demeure pas moins que la saisine parlementaire en matière financière et fiscale est nécessaire car elle permet la réalisation, pleine et entière du consentement à l’impôt et contribue à la perfection de l’impôt ainsi que du contrôle de son usage dans le cadre des lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale. La saisine parlementaire est certes par ses effets toute relative, elle n’en demeure pas moins dans ses fondements absolument indispensable.

(1) Professeur des Universités, Agrégé des facultés de droit, Université d’Aix-Marseille, Faculté de droit et de science politique, Membre de l’ILF-GERJC (UMR DICE 00007318), Associé au CEFF, responsable du programme ANR, FCBB, Directeur du Master 2 Finances publiques et fiscalité.

(2) Cons. const, décis. n° 74-53 DC du 30 décembre 1974, Loi de finances pour 1975, Rec. p. 28, services votés relatifs à la délégation générale à l’information des crédits d’un montant de 5 420 793 francs.

(3) L. Philip, « Le droit budgétaire, Dix ans de saisine parlementaire, L’apport de la jurisprudence intervenue sur saisine parlementaire », AIJC, 1985, p. 162.

(4) Saisine des députés, décision n° 74-53 DC du 30 décembre 1974.

(5) Cons. const., décis. n° 60-8 DC du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960, dite « Redevance radio-télévision », Rec. p. 25 (saisine du Premier ministre sur la question des art. 34 et 37 de la Constitution).

(6) Cons. const., décis. n° 2001-448 DC, 25 juillet 2001, LOLF, consid. 3, L. Favoreu et L. Philip, « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel », 17e éd., Dalloz, Paris, 2013, p. 263, GD, n° 23.

(7) M. Collet, L’impôt confisqué, éd. Odile Jacob, 2014, p. 96.

(8) En particulier la jurisprudence fiscale de la Cour constitutionnelle allemande limitant l’impôt à 50 % des revenus d’un contribuable au titre de sa participation à la société.

(9) Cons. const., décis. n° 85-197 DC, du 23 août 1985, Évolution de la Nouvelle-Calédonie, consid. 27.

(10) L. Favoreu et L. Philip, « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel », GD 36, 14e édition, 2007, p. 578, § 13.

(11) M. Collet, op. cit., p. 96.

(12) Ch. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute cour constitutionnelle d’Autriche, LGDJ, Paris, 1928, p. 21, Réimp. Economica-PUAM, 1986, coll. Droit public positif ; L. Favoreu, « Le principe de constitutionnalité », Mélanges Ch. Eisenmann, Cujas, 1975, pp. 33-48 et La Constitution et son juge, Economica, Paris, 2014, p. 539.

(13) Cons. const., décis. n° 64-27 DC du 18 décembre 1964, Loi de finances pour 1965, consid. 6, Rec. p. 29.

(14) Loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, Cons. const., décis. n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013.

(15) L’auteur remercie chaleureusement Monsieur Laurent Domingo pour le travail statistique qu’il a effectué et aimablement mis à sa disposition.

(16) E. Oliva, « La “reconstitution” du droit constitutionnel financier », RFDC, n° 100, 2014, p. 1021.

(17) Cons. const., décis. n° 2003-489 DC, du 29 déc. 2003, Loi de finances pour 2004, consid. 21, Rec. p. 487.

(18) E. Oliva, « Les principes budgétaires et comptables à valeur constitutionnelle. Considérations autour de la “vraie” Constitution financière de la France », Mélanges Pierre Bon, Dalloz, Paris, 2014, p. 453.

(19) La continuité de la vie nationale, la clarté des comptes de l’État, l’efficacité du contrôle parlementaire, le bon usage des deniers publics.

(20) Par exemple et surtout l’équilibre de la sécurité sociale et l’équilibre des comptes des administrations publiques et la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et douanière.

(21) Saisine du Conseil constitutionnel du 21 décembre 2005, Cons. const., décis. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Rec. p. 168.

(22) Saisine des députés, Cons. const., décis. n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004, Rec. p. 236.

(23) Saisines des 29 et 30 novembre 2005, Cons. const., décis. n° 2005-528 DC, 15 décembre 2005, Rec. p. 157.

(24) Cons. const., décis. n° 2012-653 DC du 9 août, 2012, TSCG, Rec. p. 453.

(25) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

(26) Voir A. Baudu, « Vers une saisine obligatoire du Conseil constitutionnel sur les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale », Rev. Gestion et finances publiques, n° 3 et 4, mars-avril 2010, pp. 208 et s.

(27) Saisine des sénateurs de la loi de finances rectificative pour 2005, Cons. const., décis. n° 2005-531 DC du 29 décembre 2005, Rec. p. 186.

(28) Saisine des députés de la loi de finances initiale pour 2014, Cons. const., décis. n° 2013-685 DC, du 29 décembre 2013.

(29) Par exemple, pour la décision sur la taxation à 75 % (n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012), les saisines comportaient 17 pages.

(30) Saisine du sénateur Flosse du 9 décembre 2008, LFSS pour 2009, Cons. const., décis. n° 2008-571 DC du 11 décembre 2008, consid. 2, Rec. p. 378.

(31) Saisines du 3 décembre 2008, LFSS 2005, 2004-508 DC ; saisines des 29 et 30 novembre 2005, LFSS 2006, 2005-528 DC ; saisines des 1er et 2 décembre 2006, LFSS 2007, 2006-544 DC ; saisines des 26 et 27 novembre 2007, LFSS 2008, 2007-558 DC ; saisines des 1er et 2 décembre 2008, LFSS 2009, 2008-571 DC ; saisines des 22 et 23 décembre 2009, LFI 2010, 2009-599 DC ; saisines du 23 décembre 2009, LFR 2009, 2009-600 DC ; saisines des 21 et 22 décembre 2010, LFI 2011, 2010-622 DC ; saisines du 6 décembre 2011, LFSS 2012, 2011-642 DC ; saisines du 1er août 2012, LFR 2011, 2012-654 DC ; saisines des 4 et 5 décembre 2012, LFSS 2013, 2012-659 DC ; saisines du 20 décembre 2012, LFR 2012, 2012-661 DC ; saisines des 20 et 22 décembre 2012, LFI 2013, 2012-662 DC ; saisines des 4 et 5 décembre 2013, LFSS 2013, 2012-682 DC ; saisines des 19 et 20 décembre 2013, LFR 2013, 2013-684 DC ; saisines des 19 et 20 décembre 2013, LFI 2014, 2013-685 DC.

(32) Saisines du 3 décembre 2008, LFSS 2005, 2004-508 DC ; saisines des 29 et 30 novembre 2005, LFSS 2006, 2005-528 DC ; saisines des 26 et 27 novembre 2007, LFSS 2008, 2007-558 DC ; saisines des 1er et 2 décembre 2008, LFSS 2009, 2008-571 DC ; saisines des 22 et 23 décembre 2009, LFI 2010, 2009-599 DC ; saisines du 23 décembre 2009, LFR 2009, 2009-600 DC ; saisines des 21 et 22 décembre 2010, LFI 2011, 2010-622 DC ; saisines du 6 décembre 2011, LFSS 2012, 2011-642 DC.

(33) Saisine des sénateurs du 6 décembre 2011, LFSS 2012, 2011-642 DC, saisine maladroite car copiée sur celle des députés à tel point que l’on y trouve : « Les députés auteurs de la présente saisine contestent en particulier les conditions d’adoption de l’article 51 bis B qui vise à accélérer le calendrier de relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite ».

(34) Saisines des 20 et 22 décembre 2012, LFI 2013, 2012-662 DC, les tableaux illustrent notamment la rupture d’égalité provoquée par la taxation exceptionnelle des hauts revenus d’activité, taxation à 75 %.

(35) Loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.

(36) Dominique Turpin évoque en parlant du contentieux des lois de finances d’un contentieux « quasi-rituel », Contentieux constitutionnel, PUF, 1994, p. 442, § 277.

(37) Loi n° 2011-894 du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.

(38) Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ; Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 ; Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ; Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ; Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

(39) Cons. const., décis. n° 2012-653 DC du 9 août 2012, consid. 27.

(40) En rappelant que la compétence de la CJUE repose sur l’article 273 du TFUE et non sur le recours en manquement de l’article 259 du TFUE.

(41) À propos des missions « mono-programme » « Considérant, toutefois, que la présentation du compte d’affectation spéciale critiqué et des autres missions “mono-programme” s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle nomenclature budgétaire ; qu’afin de laisser aux autorités compétentes le temps de procéder aux adaptations nécessaires et de surmonter les difficultés inhérentes à l’application d’une telle réforme, la mise en conformité des missions “mono-programme” et des nouvelles règles organiques pourra n’être effective qu’à compter de l’année 2007 », Cons. const., Décis. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, consid. 26, Rec. p. 168.

(42) Cons. const., décis. n° 2006-538 DC du 13 juillet 2006, Rec. p. 73 et Cons. const., décis. n° 2009-685 DC du 6 août 2009, Rec. p. 159.

(43) L. Philip, op. cit., AIJC, 1985, p. 166.

(44) Cons. const., décis. n° 2014-708 DC du 29 déc. 2014, consid. 10.

(45) La saisine des sénateurs, du 20 décembre 2013 (Cons. const., décis. n° 2013-685 DC) cite ainsi les arrêts CEDH, 14 février 2006, Lecarpentier et autre c. France et CEDH, 3 octobre 2006, Achache c. France.

(46) Principe de prééminence du droit et de la notion de procès équitable, tels que consacrés à l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, art. 92 de la loi déférées relatif aux emprunts structurés des collectivités territoriales.

(47) Saisine des députés du 1er août 2001 (Cons. const., décis. n° 2012-654 DC).

(48) La saisine des sénateurs, du 20 décembre 2013 (Cons. const., décis. n° 2013-685 DC) cite ainsi les arrêts CJUE, 21 février 2006, Halifax plc, préc., points 74 et 75 et CJUE, 22 mai 2008, Ampliscientifica Srl et Amplifin SpA c/ Ministero dell’Economia e delle Finanze et Agenzia delle Entrate, aff. C-162/07, point 28 ; 20 juin 2013, Her’s Majesty’s Commissioners of Revenue and Customs, aff. C-653/11 ; CJUE, 15 décembre 1987, Irlande c/ Commission, aff. C-325/85, CJUE, 13 mars 1990, Commission c/ France, C-30/89 ; CJUE, 21 juin 1988, Commission c/ Italie, aff. C-257/86.

(49) Saisine des sénateurs du 22 décembre 2014 sur la loi de finances rectificative pour 2014 (Cons. const., décis. n° 2014-708 DC), art. 88-1 C transposition des directives, art. 72 de la loi de finances rectificative, citant CJCE, arrêts Bavarie Fluggeseleschaft et Germanair c/ Eurocontrol du 14 juillet 1977, nos 9 et 10/77. Mais il convient de souligner que le Conseil constitutionnel a opéré une substitution de motifs et a censuré l’article 72 de la loi pour incompétence négative.

(50) Saisine des députés du 4 juillet 2006 sur la LDR pour 2005, (Cons. const., décis. n° 2006-538 DC) ; voir également la saisine des députés du 21 juillet 2009 relative à la LDR pour 2008, (Cons. const., décis. n° 2008-585 DC).

(51) Saisine des députés sur la LFSS pour 2014 du 5 décembre 2012 (Cons. const., décis. n° 2012-682 DC) ; saisine des députés sur la LFRSS pour 2014 du 24 juillet 2014, (Cons. const., décis. n° 2014-698 DC) ; saisine des députés sur la LFR pour 2014 du 24 juillet 2014, (Cons. const., décis. n° 2014-699 DC) ; saisine des députés du 19 décembre 2014 sur la LFI pour 2015, (Cons. const., décis. n° 2014-707 DC).

(52) Cons. const., décis. n° 2012-653 DC du 9 août 2012, consid. 27.

(53) La saisine des sénateurs du 19 décembre 2014 sur la LFI pour 2015, (Cons. const., décis. n° 2014-707 DC) cite Emmanuel de Crouy-Chanel dans Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel en date d’octobre 2011 sur « le Conseil constitutionnel et l’impôt » ainsi que Discours prononcé par le Président Mazeaud, le 3 janvier 2007, à l’occasion de la rentrée solennelle de l’École de formation des barreaux de la cour d’appel de Paris. Page 6 ; la saisine des députés du 19 décembre 2013 sur la LFI pour 2014 (Cons. const., décis. n° 2013-685 DC), cite L. Favoreu, L. Philip, « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel », Dalloz, Grands arrêts, 17e édition, 2013, p. 260 ; la saisine des sénateurs sur la LFI pour 2014 (Cons. const., décis. n° 2013-685 DC) cite O. Fouquet, « La réforme de l’abus de droit : pour quoi faire ? », FR Francis Lefebvre, 27 septembre 2013 ; la saisine des sénateurs du 20 décembre 2013 sur la LFR pour 2013, (Cons. const., décis. n° 2013-684 DC) cite Olivier Dutheillet de Lamothe, « La sécurité juridique Le point de vue du juge constitutionnel », exposé à l’occasion de l’accueil de hauts magistrats brésiliens, septembre 2005, page 1 ainsi qu’Alexandre Flückiger, Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21, « Dossier : La normativité », janvier 2007 ; la saisine des sénateurs du 4 décembre 2012 sur la LFSS pour 2013, (cons. const., décis. n° 2012-682 DC) cite Dutheillet de Lamothe Olivier, Les normes constitutionnelles en matière sociale, Les Nouveaux__Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 29, octobre 2010.

(54) Voir ainsi M. Fromont, « Jurisprudence constitutionnelle de la République fédérale d’Allemagne (2007) », Revue du droit public, 2008, p. 1707, à propos de la décision du Tribunal de Karlsruhe du 9 juillet 2007 sur la réforme budgétaire allemande de 1969 et la règle d’or.

(55) N. Bobbio, « Eguaglianza e libertà », Einaudi, Turin, 1995.

(56) Par exemple, on lira toujours avec grand intérêt sur la complexité de certaines questions, la contribution de Paul Amselek relative à la distinction des opérations budgétaires et des opérations de trésorerie, P. Amselek, « Opérations budgétaires et opérations de trésorerie », in L’exercice du pouvoir financier du Parlement, sous la dir. de L. Philip, Economica-PUAM, 1996, p. 17.

(57) E. Oliva ; « La prise en considération de la jurisprudence du Conseil constitutionnel au cours de l’élaboration de la Loi organique du 1er août 2001 », in « La formation des textes financiers », RFFP, n° 86, avril 2004, p. 141.

(58) Cons. const., décision n° 2001-448 DC du 29 juillet 2001, LOLF.

(59) Articles 7, 20 et 47 de la LOLF, Cons. const., décis. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2013, consid. 26 : « Considérant, toutefois, que la présentation du compte d’affectation spéciale critiqué et des autres missions “mono-programme” s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’une nouvelle nomenclature budgétaire ; qu’afin de laisser aux autorités compétentes le temps de procéder aux adaptations nécessaires et de surmonter les difficultés inhérentes à l’application d’une telle réforme, la mise en conformité des missions “mono-programme” et des nouvelles règles organiques pourra n’être effective qu’à compter de l’année 2007 ».

(60) Voir P. Lalumière, « Un domaine nouveau de l’intervention du Conseil constitutionnel : les dispositions constitutionnelles à caractère financier et budgétaire », Pouvoirs, n° 13, « Le Conseil constitutionnel », PUF, 1991, p. 55 ; L. Philip, « La spécificité et l’exemplarité du contrôle de la constitutionnalité des lois de finances », Mélanges F. Moderne, Dalloz, 2004, p. 743 ; « Le contrôle de constitutionnalité des lois fiscales en France », RFFP, n° 68, décembre 1999, p. 159

(61) Par exemple dans la mise en place d’un régime dérogatoire, Cons. const., décis. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, consid. 20 ou certains plafonnements, ibid., consid. 67 ; ou encore pour procéder à des rectifications d’une loi de règlement, Cons. const., décis. n° 2009-585 DC du 6 août 2009, consid. 7 ; ou pour apprécier le montant des crédits budgétaires, Cons. const., décis. n° 2009-559 DC du 29 décembre 2009, consid. 7, décis. n° 2010-622 DC du 28 décembre 2010, consid. 18, décis. n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, consid. 6, décis. n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014, consid. 12 ; ou pour contrôler certains objectifs, notamment fiscaux, poursuivis par la loi, ibid., consid. 39, décis. n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, consid. 19, décis. n° 2012-654 DC du 9 août 2012, consid. 32 et 41, décis. n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, consid. 20, décis. 2012-662 DC du 29 décembre 2012, consid. 50, 60, 65 et 79, décis. n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, consid. 12 ; ou pour l’appréciation de la nécessité des peines et sanctions, Cons. const., décis. n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014, consid. 47.

(62) Cons. const., décis. n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, LFI pour 2014, consid. 13 et s.

(63) Ainsi par exemple en ce qui concerne le contrôle de la délimitation des périmètres budgétaires dans le cadre de la définition des missions, Cons. const., décis. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, consid. 14, ainsi de même dans l’appréciation des facultés contributives, Cons. const., décis. n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, consid. 20.

(64) Th. Di Manno, Le Conseil constitutionnel et les moyens et conclusions soulevés d’office, Economica-PUAM, 1994.

(65) Cons. const., décis. n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014, consid. 31.