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Le recours direct entre protection juridique et constitutionnalité objective

Otto PFERSMANN - Professeur à l'Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, Directeur adjoint de l'Institut de droit européen et comparé, University of Oxford

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 10 (Dossier : L'accès des personnes à la justice constitutionnelle) - mai 2001

L'accès des personnes au juge constitutionnel est un des sujets les plus âprement débattus en politique constitutionnelle, les moins étudiés en droit comparé. Que l'individu puisse s'adresser sans intermédiaire à l'instance qui peut anéantir la loi, « expression de la volonté générale », emblème normatif de la volonté politique, que quiconque puisse, dira-t-on, mettre en question la norme générale par excellence, semble donner le vertige, exaltant pour les uns, angoissant pour les autres. Que le problème soit important est indiscutable : montrer que les métaphores passionnelles s'inspirent généralement d'une présentation trop rapide et trop réductrice constitue la motivation et la thèse critique et négative de la présente livraison des Cahiers du Conseil constitutionnel.

À partir de l'analyse de trois expériences nationales (Allemagne, Autriche, Espagne) et d'une réflexion prospective (France), échantillon certes incomplet, mais très significatif, l'on pourra verser au débat quelques éléments d'une thèse positive ; chaque système opère un choix entre plusieurs aspects de l'État de droit compréhensif et ce choix résulte soit de l'organisation des contraintes factuelles non prévues ou non admises ou bien d'une décision délibérée.

Un tableau vraiment compréhensif(1) aurait évidemment dû intégrer la Belgique, système fort original où les personnes peuvent assez facilement contester la loi, mais elles ne peuvent se prévaloir que de très peu de droits fondamentaux. Le Portugal, liant un système de contrôle diffus à un système très particulier de contrôle concentré, permet aux personnes de s'adresser au Tribunal constitutionnel en vue de contester des décisions de justice impliquant une question de constitutionnalité, fait heureusement l'objet d'une présentation indépendante dans cette même livraison. Il aurait fallu contraster les expériences européennes avec celles du système américain, où les personnes sont certes parties au procès, mais où l'admission des dossiers devant la Cour suprême est strictement discrétionnaire. Et il aurait fallu rendre compte de la diversité grandissante qu'apportent les systèmes de justice constitutionnelle dans les États d'Europe centrale et orientale (2). Si le tableau que l'on lira ici est loin d'être exhaustif, il permet néanmoins de se faire une idée des principales orientations et des problèmes que l'on rencontre aujourd'hui.

Les trois rapports concernant les systèmes où les personnes physiques et morales ont accès au juge constitutionnel permettent de mieux en saisir le profil concret et limité. La présentation française, se situant par hypothèse dans un contexte où cela n'existe pas, explore les possibilités de son éventuelle introduction. Les rapports allemand, autrichien et espagnol suivent une démarche qui permet de prendre connaissance de la structure exacte des dispositions constitutionnelles et législatives régissant les recours des individus en montrant quels sont les actes qui peuvent être contestés (actes administratifs, décisions juridictionnelles, règlements, lois, traités) selon quelles conditions de recevabilité et d'admission. Le dispositif normatif est ensuite confronté à la pratique, situé dans le débat doctrinal et les propositions de réformes, enfin soumis à un jugement personnel du présentateur.

Le polylemme de la justice constitutionnelle

Une précision conceptuelle et terminologique s'impose au départ. Premièrement, ce que l'on appelle ici « recours direct » est un acte de procédure par lequel une personne (physique ou morale saisit, sans intermédiaire, le juge constitutionnel en vue de contrôler la constitutionnalité d'un acte. Le renvoi préjudiciel par un juge ordinaire n'est donc pas un recours direct. Deuxièmement et par conséquent, un tel recours ne concerne pas nécessairement une loi, certains systèmes le prévoient dans une certaine mesure, d'autres l'excluent absolument. C'est la diversité de ces situations qu'il s'agit d'analyser et de situer dans l'architecture des principes constitutionnels.

L'on sait que la justice constitutionnelle connaît un nombre toujours croissant de variantes. L'on pourrait se contenter, et ce serait déjà beaucoup, de recenser celles qui concernent les actes par lesquels des personnes peuvent s'adresser à une Cour constitutionnelle, puis procéder, en connaissance de cause, à une confrontation des coûts et des avantages.

Mais plus fondamentalement, chacune des configuration particulières de la justice constitutionnelle résulte d'une articulation différente de principes structurants de l'ordre juridique et leur satisfaction intégrale et simultanée est logiquement ou empiriquement impossible. La place de l'individu devant le juge constitutionnel en est un résultat, non le point de départ. D'un point de vue interne, chaque cour constitutionnelle apparaîtra comme une donnée homogène, sinon comme une évidence. D'un point de vue comparatiste et par conséquent externe, on verra que chaque système de justice constitutionnelle résulte d'un assemblage de données parfois extrêmement diverses : une certaine idée de l' « État de droit », la garantie de « droit fondamentaux », un principe « démocratique ». Ces éléments sont souvent confondus dans une conception globale de la « démocratie constitutionnelle » contemporaine. L'étude des cas nationaux permettra de comprendre qu'une telle conception est erronée, en tout cas beaucoup trop générale.

La discussion théorique s'est longtemps penchée, et se penche toujours, sur la question de la compatibilité entre justice constitutionnelle et démocratie (3). Cette problématique est abordée, surtout dans la littérature récente, sous un angle politique et normatif. Du point de vue de l'analyse des systèmes juridiques, l'on pourra, au moins provisoirement accepter que la justice constitutionnelle constitue en effet une limitation de la démocratie majoritaire, directe ou représentative, par laquelle certaines décisions relevant de la majorité simple peuvent être annulées par un organe juridictionnel en raison d'une contradiction avec les prescriptions émanant d'une majorité qualifiée, quel que soit le mode de qualification et quel que soit le mode de désignation (démocratique ou non) des membres de cette juridiction. Peu importe la marge des variantes possibles, l'examen auquel procède le juge concerne par hypothèse la conformité entre plusieurs catégories de normes d'un même ordre juridique, dont l'une est considérée en ce sens comme « supérieure » à l'autre qu'une contradiction avec ses prescriptions permet et exige la destruction de ce qui apparaît ainsi comme fautif. La généralisation de l'idée que ce qui est « inférieur » dans l'ordre de la production des normes doit non seulement être conforme à ce qui lui est supérieur, mais qu'il doit aussi y avoir des mécanismes de contrôle juridictionnel, c'est-à-dire soumis à une obligation de justification juridiquement argumenté de leurs conclusions, constitue l'un des éléments de ce qu'on appellera ici l'État de droit (4).

L'État de droit exige un juge de la constitutionnalité comme il exige un juge de la légalité ou de la « réglementarité » et ainsi de suite. Mais il ne commande nullement, en tant que tel, que les destinataires individuels des normes du système puissent s'adresser au juge de la constitutionnalité. Pourtant le plus ancien système de justice constitutionnelle à l'européenne, le système autrichien, prévoit dès les origines un recours ouvert aux personnes. Historiquement en effet, la Cour constitutionnelle succède au Tribunal d'Empire qui accueillait depuis la Constitution de décembre 1867 les requêtes contre des actes administratifs contraires aux dispositions de la loi fondamentale d'État sur les droits généraux des citoyens, l'un des éléments de cette même Constitution. Les décisions de cette juridiction sont uniquement déclaratives. C'est cet organe qui sera renommé « Cour constitutionnelle » par la jeune République, ses compétences seront rapidement étendues et comprendront celle de casser des actes administratifs contraires aux droits garantis par un texte constitutionnel, enfin elle sera entièrement redessinée par la loi constitutionnelle fédérale du 1er octobre 1920 qui lui conférera l'attribution exclusive de tout litige impliquant une question de constitutionnalité, mais aussi de tout litige concernant la légalité d'un règlement. Le contentieux constitutionnel des actes administratifs individuels est maintenu et systématisé, mais les personnes ne peuvent pas attaquer directement ni les lois, ni même les règlements. Il reviendra à d'autres organes, notamment aux juridictions de deuxième ou dernière instance ainsi qu'à la Cour administrative ou à la Cour constitutionnelle elle-même d'introduire un recours aux fins de contrôle concret, alors que seuls des organes politiques pourront saisir abstraitement ce juge en vue d'examiner une loi. Ce qui deviendra le modèle autrichien résulte en réalité de l'assemblage de concrétisations de l'État de droit et de la protection des droits des individus.

Si l'on généralise en effet l'idée que la détermination des libertés des destinataires de l'ordre juridique doit être non seulement intégrée formellement dans la Constitution, mais que ces libertés doivent être garanties contre des violations de la part d'organes de l'« État », l'on construit le principe de ce qu'on appellera ici « droits fondamentaux » (5). L'État de droit n'implique en soi nullement l'existence de droits fondamentaux, mais s'il existe des droits fondamentaux, ils constituent par définition, en dehors de leur contenu spécifique, un enrichissement de l'État de droit puisqu'ils font partie des normes supérieures et que celles-ci doivent prévaloir sur les normes inférieures. Mais il ne s'ensuit rien en ce qui concerne les voies par lesquelles des personnes lésées dans leurs droits pourraient trouver remède. Les droits fondamentaux entendus en ce sens encore faible où ils sont formulés dans des textes de rang constitutionnel et protégés contre des violations imputables à l'administration agissant par la voie d'actes (ou d'exercice d'un pouvoir de contrainte individuels ne requièrent donc pas, en tant que tels, une garantie par un juge habilité à annuler des lois (même si un tel juge annulera entre autres des lois contraires aux dispositions constitutionnelles contenant ces droits. Mais c'est justement en cela que consiste l'originalité du premier (6) modèle autrichien : il articule la protection des droits fondamentaux avec celle de l'État de droit constitutionnel en attribuant ces deux compétences à une juridiction unique.

Mais pourquoi ces droits fondamentaux devraient-ils être protégés uniquement contre des actes ou actions imputables à l'administration ? Une généralisation du principe que certaines libertés devraient bénéficier d'une formulation et d'une protection constitutionnelle appellerait aussi des mécanismes assurant que n'importe quelle violation puisse être corrigée. Les droits fondamentaux seraient alors entièrement intégré dans l'État de droit. Toutefois, même ainsi, aucune nécessité conceptuelle ne commande l'attribution de tous ces contrôles à une instance juridictionnelle unique qui serait par ailleurs en même temps compétente en matière d'examen de constitutionnalité des lois. C'est la concentration et la distribution de ces exigences qui fait l'originalité des modèles de recours introduits par les personnes présentés ici à titre d'exemple : le système espagnol inclut le contrôle des actes juridictionnels, mais exclut celui des règlements et des lois, le système autrichien inclut les actes administratif, les lois, les règlements et des traités, mais exclut les actes juridictionnels, le système allemand inclut « tout acte de la puissance publique » et se présentera, de ce point de vue, comme le plus compréhensif. Le système français a, quant à lui, entièrement séparé ces deux aspects : les droits garantis par la Constitution sont assurément des droits que devra respecter le législateur, mais ce ne sont pas des droits dont les personnes qui s'estiment lésées pourront saisir le juge qui contrôle la loi, l'accès des individus est exclu (7).

Ce n'est pourtant pas la seule spécificité du système français. Tout ajustement entre État de droit et droits fondamentaux suppose jusqu'ici une conception corrective de l'État de droit : s'il existe une norme qui rend obligatoire, permis ou interdit autre chose que ce que la norme qui en règle la production lui permet de prévoir, alors une procédure juridictionnelle doit permettre de l'éliminer du système. Mais on peut à l'inverse introduire des mécanismes préventifs afin d'éviter la production de nouvelles normes fautives. Une telle conception peut être à son tour plus ou moins compréhensive, et elle peut être plus ou moins articulée avec une conception corrective de l'État de droit. Cependant, un système préventif n'implique nullement, en tant que tel, un quelconque système correctif. En revanche un système strictement préventif exclut évidemment des droits fondamentaux correctifs. Le système français constitue un tel modèle.

Toutefois quelque soit la conception adoptée, elle demeure dans tous les cas largement abstraite. Qu'il existe une exigence de conformité préventive ou corrective, qu'il existe ou non des droits fondamentaux plus ou moins forts, même le fait qu'il existe un contrôle juridictionnel laisse entièrement indéterminé l'obligation de mise en conformité. La mise en conformité n'est pas, en tant que telle, la conséquence immédiate du principe de l'État de droit, elle constitue un ensemble d'opérations plus ou moins complexes et soumises à des contraintes factuelles plus ou moins lourdes. Il ne peut y avoir État de droit sans procédures correctives ou préventives, mais il ne peut y avoir de telles procédures, si l'on ne prévoit pas les moyens de les réaliser. Or c'est là qu'interviennent nécessairement des choix, car toutes les exigences ne peuvent être réalisées simultanément. Si l'on considère qu'il convient d'adopter une conception fortement compréhensive et d'attribuer le contrôle à un seul organe juridictionnel et si l'on estime qu'un tel organe doit être composé d'un petit nombre de personnes afin de préserver une certaine unité dans sa jurisprudence (appelons cela la conception « monomicrodicastique », alors le maintien de la conception compréhensive imposera que le temps de liquidation des dossiers sera une fonction du nombre de cas introduits. Si l'on veut éviter ce résultat, alors il faut soit renoncer au principe monomicrodicastique, soit renoncer à la conception compréhensive. Or si on renonce à la conception compréhensive, on limite par hypothèse l'État de droit et plus particulièrement l'État de droit intégrant les droits fondamentaux. Si l'on renonce à la conception monomicrodicastique, on ne maintien pas non plus la conception compréhensive puisque celle-là conditionne celle-ci par hypothèse. Tant un principe polydicastique qu'un principe macrodicastique affecteront la compréhensivité, donc l'État de droit. En d'autres termes, on a simplement le choix entre différentes manières de limiter l'État de droit.

Tous les systèmes sont confrontés à ces polylemmes : quel aspect du modèle convient-il de privilégier par rapport aux autres et la nécessité factuelle de ce choix est d'autant plus dramatique que tous les systèmes, sauf un, se sont d'abord dirigés vers des conceptions plus compréhensives, liant fortement l'État de droit et les droits fondamentaux. Paradoxalement donc, les instruments organiques concrets de la réalisation de l'État de droit compréhensif font apparaître les limitations de cet État de droit ; ou bien sa réalisation s'évanouit dans la durée, ou bien elle n'est plus compréhensive soit par ce qu'elle est limité en tant que telle soit parce qu'elle devient sélective soit parce qu'elle perd son unité.

L'élargissement aléatoire du recours contre des actes individuels

Si les personnes peuvent introduire des recours, on notera d'abord que le concept de « personne » est généralement entendu de manière généreuse, comprenant tant les personnes physiques que morales, les citoyens et les étrangers. Les limites reculent sans disparaître entièrement, les droits de citoyenneté active étant par hypothèse refusés aux étrangers, les questions les plus problématiques, mais ne concernant pas notre propos étant évidemment liées au droit d'accès au territoire. Les personnes morales sont limitées dans leurs droits uniquement par leur caractère artificiel. La question la plus problématique concerne ici le statut des personnes morales de droit public. La doctrine allemande nie le bénéfice des droits fondamentaux en invoquant leur nature étatique, mais le système allemand admet qu'il ne s'agit que d'une question de degré et institue même un recours spécifique pour les communes qui n'est toutefois pas développé ici.

La protection de droits est historiquement première et conceptuellement seconde dans l'émergence des systèmes de justice constitutionnelle concentrée. Si la constitution protège des droits et si elle le fait en permettant aux personnes de s'adresser au juge constitutionnel, les bénéficiaires sont alors également titulaires, c'est-à-dire qu'ils ont un droit de second ordre de réclamer eux-mêmes la protection de leurs droits de premier ordre. Mais un tel accès ne concerne par hypothèse qu'une partie de la constitution. Or par ailleurs, plusieurs options sont possibles selon les normes contestables et selon les modalités de saisine : le recours peut être admis contre des actes administratifs, il peut l'être contre des décisions de justice, il peut l'être contre des normes générales : des règlements, des lois, des traités. La diversité des situations apparaît très nettement dans le système autrichien. Le recours devant le juge constitutionnel est d'abord celui contre les actes administratifs, la « requête individuelle » contre des normes générales porte un autre nom et suit d'autres règles de procédure, beaucoup plus sévères.

C'est le recours contre les actes administratifs qui marque d'abord le système autrichien. Né dans le contexte de la monarchie, c'est l'exécutif qui est considéré comme une menace potentielle des droits fondamentaux, et non, jusqu'en 1975, le législateur en tant que tel. La mise en question de la loi demeure en principe réservée aux juridictions ou aux autorités politiques. Ce n'est pas non plus le juge qui est conçu comme un danger pour les droits. L'idée traditionnelle est au contraire que l'administration est soumise au pouvoir d'injonction, alors que le juge décide de manière indépendante et en droit, qu'il faut par conséquent un juge protégeant les droits là où il faisait jusqu'alors défaut et non là où il intervenait déjà. Le système autrichien exclut par conséquent toujours les décisions de justice des actes pouvant faire l'objet d'un recours.

La situation est en cela entièrement différente en Allemagne et en Espagne. La justice constitutionnelle y est plus récente et l'intention constituante y est d'emblée plus compréhensive. Ce principe est très clairement exprimée par la loi fondamentale qui entend protéger la personne par le recours constitutionnel contre la violation de ses droits par la « puissance publique », quelle que soit la forme organique sous laquelle elle agit. Le rapport espagnol montre l'importance de la conception du recours contre le juge comme l'une des perceptions dominante de la justice constitutionnelle. Le recours contre les actes administratifs n'est évidemment pas exclu, mais les prérogatives du juge administratif sont plus fortes et les actes juridictionnels de dernier ressort sont contestable devant le juge constitutionnel. Mais cela veut dire que les cours constitutionnelles y sont intégrés dans l'organisation judiciaire, alors que les deux sont simplement articulées dans le système autrichien ou italien par la voie du recours des juridictions en vue d'un contrôle concret. Le recours contre les actes juridictionnels, certes limités aux questions de constitutionnalité, devient fonctionnellement l'ouverture d'un nouveau degré de juridiction.

Alors que les systèmes pondèrent ainsi de manière très différentes la contestation de constitutionnalité, les trois systèmes se rejoignent sur deux éléments. D'abord, tant en Allemagne qu'en Autriche ou Espagne, l'immense majorité des dossiers et, partant de la jurisprudence en matière de droits fondamentaux, concerne la contestation d'actes individuels. La justice constitutionnelle est ici justice administrative ou justice judiciaire extraordinaire. En deuxième lieu, c'est dans ce domaine de la justice extraordinaire qu'apparaissent d'abord les procédures d'admission ou de refus. Il s'agit de la plus forte limitation de l'État de droit compréhensif puisque les recours ne sont pas seulement à des conditions de recevabilité, mais que des sous-formations de la Cour constitutionnelle en question peuvent décider (certes, sous certaines conditions) sans motivations ou à l'issue d'une motivation entièrement stéréotypée.

Le recours contre la loi ou plus largement contre les normes générales violant des droits fondamentaux n'existe pas dans le système espagnol, même si le rapport montre les tendances jurisprudentielles visant élargir le domaine en ce sens. La contestation de la loi est admise en Autriche et en Allemagne, mais elle est nettement distincte du recours contre les actes administratifs en Autriche, elle l'est par le renforcement des exigences de recevabilité en Allemagne. Dans les deux cas, il s'agit d'un recours strictement subsidiaire au sens où il ne peut être introduit qu'après tous les autres moyens prévus. Cela montre à quel point prédomine la conception selon laquelle les droits fondamentaux sont violés par des actes individuels et peuvent être défendus par des recours contestant les concrétisations des normes générales et non les normes générales elles-mêmes. En effet, la violation d'un droit par une norme générale doit être immédiate dans le temps et directe sur le plan normatif. C'est-à-dire que pour être attaquable, une norme générale doit ne pas être abstraite, mais être en tant que telle, une violation concrète d'une liberté constitutionnellement protégée. Pour le dire encore autrement, il faut qu'une norme générale et abstraite ne soit justement pas abstraite en tant qu'elle affecte directement ses destinataires sans concrétisation. Une loi ou un règlement est attaquable lorsqu'il se rapproche jusqu'à s'y confondre avec un ensemble d'actes de concrétisation inconstitutionnels. Une règle strictement abstraite, une loi au sens strict et matériel du terme, ne peut par conséquent faire l'objet d'un recours. Le principe est donc celui de ne permettre un recours que contre des normes générales de statut formellement législatif ou réglementaire qui s'écartent de l'exigence constitutionnelle d'abstraction.

Le système allemand qui paraît être le plus compréhensif, est ici plus restrictif encore puisqu'il impose des délais que ne connaît pas le modèle autrichien. C'est particulièrement frappant puisque selon la conception allemande, une loi n'est pas simplement annulée pro futuro en cas d'inconstitutionnalité, mais déclarée nulle et non avenue, donc privée de validité ab initio (8).

L'exige de concrétisation semble à tel point sévère que l'on peut se demander si un tel recours peut avoir une quelconque réalité et certains y verront quelque chose de tellement insignifiant et limité qu'ils douteront de l'utilité ou même de l'existence juridique d'une telle procédure. Pareilles interrogations rejoignent d'ailleurs les jurisprudences extrêmement sévères des Cours allemande et autrichienne qui ne reconnaissent la recevabilité qu'à un nombre infime de requêtes et ne font droit au fond qu'à une infime partie des bienheureux qui ont passé le premier cap.

Ces considérations appellent trois remarques. Premièrement, le recours existe bel et bien en termes juridiques, ce qui n'est pas affecté par la fréquence empirique de son utilisation et que la construction de la requête, pour être restrictive, n'est pas non plus la simple description d'un objet impossible. En deuxième lieu, certains de ces recours ont eu une incidence considérable sur l'ordre juridique : la législation sur les horaires d'ouverture des exercices de commerce ou sur l'interdiction des ventes à un prix inférieur au prix d'achat(9) en constituent des exemples célèbres. Troisièmement, la tradition française, fondamentalement opposée à l'introduction de la possibilité d'une telle mise en question de la loi promulguée d'une manière générale et du recours individuel en particulier, connaît depuis bien plus longtemps et de manière tout à fait régulière (empiriquement) la mise en question, par les personnes, de normes générales réglementaires, parfois très importantes, par la voie du recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif. Enfin, l'appréciation du recours direct contre les normes générales (loi, règlement, traité) en termes de politique constitutionnelle constitue un choix entre les données compossibles de l'État de droit compréhensif. De ce point de vue, le recours subsidiaire contre la loi violant directement les droits constitutionnellement garantis des personnes constitue bien une concrétisation du principe de l'État de droit compréhensif correctif. Les risques liés à sa réalisation sont en outre limités aux cas où la législation produit des effets immédiats et concrets sur les situations juridiques des personnes ; ils sont structurellement faibles puisque les normes générales et abstraites présentent rarement de tels effets concrets.

L'affaiblissement de l'État de droit compréhensif

Les différents recours directs constituent des droits accessoires des droits fondamentaux des personnes dans les systèmes d'État de droit compréhensif-correctif. Ils sont par hypothèse absents des systèmes préventifs et par conséquent du système français. Tout en accusant lui aussi une augmentation sensible des dossiers au cours des années, le Conseil constitutionnel français actuel ne peut être confronté à l'ensemble des applications fautives possibles d'exigences constitutionnelles que promettent en principe d'accueillir les systèmes correctifs. La surcharge du juge constitutionnel français est matériellement limitée par la capacité de légiférer du Parlement et jusqu'à présent, il a pu tenir les délais stricts qui lui sont impartis sans altérer fondamentalement son mode de fonctionnement. En revanche, toutes les cours du modèle correctif sont confrontées à des phénomènes d'engorgement qui peuvent aller jusqu'au court-circuit total comme cela s'est produit en Autriche lorsque la Cour a du accueillir onze mille recours en quelques jours (10). Il est évidemment impossible de savoir ce qui se passerait exactement si l'on introduisait des éléments correctifs dans le modèle français et encore moins ce qui se passerait si les personnes pouvaient directement présenter des requêtes contre des normes inconstitutionnelles législatives. Il est revanche certain qu'une telle modification est incompatible avec le système monomicrodicastique actuel comme il est certain que ce système est, en tant que tel, incompatible avec un principe d'État de droit compréhensif dans un ordre juridique de complexité égale ou supérieure à celle des exemples étudiés dans cette livraison.

Les cours correctives se trouvent toutes dans une situation d'asphyxie structurelle qui n'a toutefois pas encore atteint de point culminant mais qui transforme insensiblement le système de protection juridique. La situation présente du recours individuel, dans ses diverses variantes, présente trois propriétés : affaiblissement et « aléatorisation » du droit fondamental accessoire de recourir, abandon progressif du principe monomicrodicastique, maintien idéologiquement affaibli de l'État de droit compréhensif correctif.

Par rapport à la construction originaire, le droit fondamental accessoire de recourir s'affaiblit progressivement dans la mesure où se renforcent les mécanismes d'acceptation discrétionnaire parfois qualifiés de « filtrage ». Or c'est ce droit qui constitue l'un des deux éléments fondateurs de la justice constitutionnelle européenne. L'accès au juge ne résulte plus de l'application stricte de règles de recevabilité, mais d'une évaluation subjective de l'importance ou du préjudice qui le rend largement aléatoire (11). Le résultat est curieusement, mais à première vue seulement, plus favorable dans le cas du recours direct contre la loi en Autriche, où les conditions de recevabilité sont, comme en Allemagne, fort sévères, mais où il n'existe pas, pour ce type de litiges, en outre une procédure d'admission ou de refus. Le caractère aléatoire résulte ici de l'absence relative de cohérence jurisprudentielle, tantôt plus généreuse, tantôt plus restrictive, même si certaines grandes lignes se dégagent néanmoins d'une application des règles constitutionnelles depuis plus de vingt ans.

Le principe monomicrodicastique est également affaibli dans la mesure où toutes les cours se sont dotées d'infrastructures de division verticale du travail, où les juges gardent seuls la fonction de décider, mais où la préparation des dossiers est, de plus en plus, déléguée à des juristes qui n'ont pas le statut de juge (12). En Allemagne, ce processus a déjà franchi une importante limite : la décision d'admission, elle-même prise par une simple Section de trois juges, sans motivation en cas d'unanimité, est à son tour précédée d'un examen par des fonctionnaires non juges qui notifient au requérant que son recours est dépourvu de chances de succès, 185 814 (!) cas ayant été éliminés de la sorte de 1951 à 1997. La dissociation entre la préparation extrajuridictionnelle et la décision juridictionnelle peut être poussée très loin, mais on ne saurait se cacher le fait que toute préparation à effet sélectif relève fonctionnellement de la mission juridictionnelle et que sa délégation constitue par conséquent un abandon du principe monomicrodicastique. Qu'on le veuille ou non, un maintien du principe monomicrodicastique formel accompagne une évolution insensible vers le modèle américain (non pas, évidemment, en ce qui concerne la distinction entre contrôle concentré et contrôle diffus) de sélection de grandes causes dont la solution pourrait alors se renforcer d'effets structurants plus important, ce qui modifierait à terme fondamentalement le système de protection juridique constitutionnel européen.

Ces deux glissements progressifs coexistent avec le maintien des textes constitutionnels fondateurs, promettant toujours, surtout dans les cas allemands et espagnols, un État de droit intégralement compréhensif et un droit fondamental accessoire au recours en principe inaltéré. On assiste ainsi à de modifications qui ne sont pas clairement assumées dans la formulation des normes constitutionnelles. Or les problèmes résultant de l'incompatibilité entre les exigences des différents aspects de l'État de droit ne vont évidemment pas diminuer, mais au contraire augmenter jusqu'à l'atteinte de nouveaux seuils de dysfonctionnement. Il y aura par conséquent un contraste de plus en plus important entre l'affirmation du principe compréhensif et le profil concret de l'État de droit.

Préciser les préférences

Est-il alors indiqué, d'un point de vue de politique constitutionnelle, de relancer les projets de réforme français en vue d'introduire et des éléments correctifs et des recours directs, sévèrement encadrés, contre les lois ? Peut-on lancer des pistes pour l'interminable débat sur le désengorgement dans les systèmes d'État de droit compréhensif-correctif ?

Cette problématique ne saurait, sérieusement, être abordée en quelques lignes et les informations apportées auront, on l'espère, surtout contribué, à ce qu'un tel débat, évidemment nécessaire, se développe à partir d'informations juridiques et empiriques assurées. L'on se contentera de deux remarques conclusives, la première résultant de l'analyse des expériences nationales, la seconde n'étant qu'une thèse sans démonstration, en vue de futures discussions :

Toute proposition de modification des mécanismes de protection constitutionnelle doit tenir compte des contraintes pesant sur la compatibilité des exigences normatives. Or au regard de l'impératif de réalisation concrète de la conformité de l'ordre juridique à ses principes structurants, cela implique une articulation explicite et non idéologique des préférences que l'on entend retenir et que l'on assume sincèrement le deuil d'un État de droit intégral factuellement irréalisable.

Si l'on considère, sous ces conditions, que l'un des apports principaux du contrôle de constitutionnalité correctif consiste en ce qu'il dispense le citoyen de faire confiance en ce que d'autres respecteront ou feront respecter ses droits (l'illusion du « ne peut mal faire ») et qu'il lui accorde un droit accessoire et subsidiaire, même faible et strictement encadré, de mettre lui-même en cause la conformité de la loi dont les autres ont négligé de se préoccuper, le recours direct contre la loi (sans délai, car ce sont souvent les lois anciennes qui s'écartent des exigences constitutionnelles plus récentes), constituerait un renforcement des droits fondamentaux et une démocratisation civique de la justice constitutionnelle. Son maintien paraît nécessaire dans le cas allemand et autrichien où le droit fondamental accessoire au recours s'affaiblit nécessairement en ce qui concerne le contrôle de constitutionnalité des actes individuels (administratifs ou juridictionnels. Son introduction pourrait être bénéfique en France où les droits fondamentaux dissocient strictement bénéficiaires et titulaires (les autorités de saisine à condition que l'on assume sans ambages les conditions de sa réalisation.


Remarque terminologique :

« Polylemme » est utilisé pour un dilemme à plus de deux alternatives contradictoires.

Une cour est dite « monomicrodicastique » lorsqu'un organe juridictionnel décide en formation plénière et lorsqu'il est composé d'un petit nombre de personnes, elle est en revanche « polydicastique » lorsqu'elle est composée de plusieurs sous-formations (chambres, sections etc.) et « macodicastique » lorsqu'elle comprend un grand nombre de personnes (les juridictions ordinaires suprêmes sont en général polymacrodicastiques).

Une juridiction peut donc également être monomacrodicastique ou polymicrodicastique.

L'État de droit (entendu comme l'exigence d'un ordre juridique cohérent, relativement déterminé, précis et à concrétisation relativement prévisible ainsi qu'à celle de la possibilité d'un contrôle, confié à des organes juridictionnels, de la conformité des normes inférieures par rapport aux normes supérieures) est « compréhensif » lorsque ce principe s'applique à tous les éléments d'un ordre juridique, il est « correctif », lorsqu'il s'applique aux normes (individuelles ou générales) déjà en vigueur, « préventif » quand il s'applique à des normes en cours de production, avant leur entrée en vigueur.

Des données sont « compossibles » lorsqu'elles sont simultanément réalisables dans un ensemble donné.

(1) Les modèles allemand, autrichien, belge, espagnol, portugais et suisse font l'objet d'un colloque organisé en 1991 par le Groupe de Recherche sur la Justice Constitutionnelle, publié in : Annuaire International de Justice Constitutionnelle 1991, PUAM Economican Paris 1993.
(2) À titre d'exemple : l'Albanie, la Hongrie, la Pologne, la Fédération de Russie, la Slovaquie, la Slovénie connaissent des recours directs devant le juge constitutionnel, généralement pour violation des droits fondamentaux.
(3) Pour n'indiquer que quelques éléments d'une bibliographie depuis longtemps immense : a) présentation théorique classique du modèle américain : The Federalist Papers, no. 78 ; b) présentation classique du modèle autrichien de justice constitutionnelle : Hans Kelsen, « Wesen und Entwicklung der Staatsgerichtsbarkeit », « Nature et développement de la justice d'État », Veröffentlichungen der Vereinigung der Deutschen Staatsrechtslehrer 1928, reproduit in : Die Wiener Rechtstheoretische Schule, vol. 2. Vienne 1968, p. 1813 sqs., version française : « La garantie juridictionelle de la constitution », in : Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, 1928 ; contestation classique du modèle autrichien et américain dans une perspective orléaniste et autoritaire : Carl Schmitt, Der Hüter der Verfassung, reprint de l'édition de 1931, Berlin Duncker & Humblot, 1996 (réponse : Hans Kelsen, « Wer soll Hüter der Verfassung sein ? », in : Die Justiz, vol. 6, p. 5-56); un classique du débat américain récent : John Hart Ely, « Democracy and Distrust », A Theory of Judicial Review, Harvard University Press, 1980 ; une contestation du modèle théorique kelsénien dans une perspective « réaliste » : Michel Troper, Pour une théorie juridique de l'État, Paris Presses universitaires de France (coll. Léviathan), 1994 ; tentative de justification « morale » du modèle américain est incidement proposé par Ronald Dworkin, Freedom's Law. The Moral Reading of the American Constitution, Oxford Univerrsity Press 1996 ; cf. pour une critique « démocratique » récente de la justice constitutionnelle, surtout américaine : Jeremy Waldron, Law and Disagreement, Oxford University Press 1999.
(4) L'État de droit comporte d'autres éléments qui importent moins pour ce propos, comme la réduction de la violence en conflits juridiquement réglés et la détermination de l'ordre juridique. J'esquisse une théorie plus complète in : Otto Pfersmann, « Prolégomènes pour une théorie normativiste de »l'État de droit " ", à paraître in : Olivier Jouanjan (dir.), Figures de l'État de droit, Presses universitaires de Strasbourg 2001.
(5) La définition des droits fondamentaux retenue ici est volontairement plus vague et surtout plus faible que celles que nous proposons dans « Esquisse d'une théorie des droits fondamentaux », in : Louis Favoreu et al., Droits des libertés fondamentales, Dalloz 2000, p. 89-140. La distinction essentielle par rapport aux « libertés publiques » est maintenu au sens où ces droits bénéficient d'un fondement constitutionnel et non simplement législatif ou relevant d'ineffables « principes généraux du droit », inventés par le juge administratif, mais toujours conçus comme relevant du droit législatif et non constitutionnel.
(6) Le lien procédural entre les deux consistant en ce que la Cour pourra elle même se saisir du contrôle de constittuionnalité d'une loi, si elle considère que les dispositions législatives ayant servi de fondement à l'acte administratif anticonstitutionnel sont elles-mêmes inconstitutionnelles. Comme on le verra, et comme le présente en détails la contribution autrichienne de Gabriele Kucsko-Stadlmayer, le système actuel n'est plus celui de 1920. Ses compétences ont été étendues à d'autres types de recours (notamment directement contre la loi ou le règlement) ainsi qu'à la possibilité de refuser le traitement de recours contre des actes administratifs, mêmes recevables.
(7) Certes, le Conseil constitutionnel peut être saisi par les citoyens en tant que juge électoral et l'on pourra dire à juste titre que le droit de vote est un droit fondamental. Mais ce n'est pas ce droit constitutionnellement garanti qui peut être invoqué en tant que tel dans cette procédure. Le juge électoral est un juge de la légalité, c'est-à-dire de la concrétisation législative du droit constitutionnel de vote et d'éligibilité.
(8) Ce principe souffre par ailleurs de multiples exceptions et aménagements puisque cette nullité stricte ne s'oppose pas, par exemple, à la validité (qui serait alors rétroactive) des normes individuelles ayant eu les dispositions législatives en question comme fondement. L'ensemble des règles concernant la mise en conformité des normes de degré inférieur constitue le modèle particulier de l'État de droit et non la proclamation d'un principe général qui ne donne qu'une indication concernant les objectifs ou l'idéologie.
(9) Cf. pour des détails notre chronique de jurisprudence constitutionnelle, in : Annuaire International de Justice Constitutionnelle 1990, Paris,1992, p. 461-486.
(10) Cf. le récit du Président Ludwig Adamovich, in : Cahiers du Conseil constitutionnel, 7 (1999), p. 55-60.
(11) L'école réaliste française arguera ici que toute décision est discrétionnaire puisque c'est toujours le juge qui décide discrétionnairement de l'application des régles qui le lient strictement. Cette consiste à nier les différences entre structures normatives différentes en ne regardant comme normatif que les seules décisions d'espèces. Si l'on poursuit le raisonnement, il n'existe, en tant que telle, aucune différence entre différents systèmes de protection juridique. Or, ici, l'on s'intéresse précisément à ces différences entre structures de règles en tant qu'elles encadrent normativement les décisions. De ce point de vue, la question de savoir si ces règles sont appliquées devient une question factuelle dont les résultat peuvent faire l'objet d'une analyse juridique au regard de règles que juges avaient le devoir (juridique) d'appliquer. Si la règle permet de décider sans justification, l'examen se résume à l'anaylse du respect de la règle de production.
(12) Cette évolution peut être suivi en détail pour le cas autrichien dans mon étude « Les méthodes de travail du juge constitutionnel autrichien », in : Annuaire international de justice constitutionnelle, VIII (1992), Paris, Economica 1994, p. 179-214. Ces observations valent largement pour les autres cours correctives. Par contraste, les autres juridictions suprêmes empreintent en général la voie inverse : elles deviennent de plus en plus polymacrodicastiques.