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Le juge constitutionnel peut-il se faire législateur ? À propos de la décision de la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud du 2 décembre 1999

Didier RIBES - Allocataire de recherche - Moniteur à l'université d'Aix-Marseille III, GERJC - CNRS

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 9 (Dossier : Afrique du sud) - février 2001

Des juges législateurs(1) La question ainsi posée de l'existence d'un pouvoir créateur des juges a longtemps été controversée. Aujourd'hui, le rôle de la jurisprudence dans la création du droit n'est plus véritablement contesté. Seules subsistent peut-être encore des discussions sur le degré de créativité, ses modes et ses limites. En tout état de cause, il est généralement admis que les juges peuvent être conduits, par le jeu de l'interprétation, à énoncer des normes générales.

Une toute autre question est celle de savoir si un juge peut créer des normes dont l'énonciation paraît relever de la compétence exclusive ou primaire d'un autre organe constitutionnel. Plus précisément, il convient de se demander si le juge constitutionnel a le pouvoir de se substituer au législateur dans sa fonction propre d'édiction des normes de rang législatif. Cette question pose le problème de la validité de la norme ainsi créée par le juge dans le cadre d'une hiérarchie dynamique des normes. Elle se place également dans le cadre de la problématique relative à la légitimité des moyens d'action du juge constitutionnel. La Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud a récemment apporté un certain nombre d'éléments de réponse dont l'intérêt dépasse le caractère national de la décision.

La Haute juridiction sud-africaine a, en effet, dû juger en appel(2) de la constitutionnalité de la loi de 1991 (révisée en 1996) sur l'entrée et le séjour des étrangers. Le recours visait plus précisément l'article 25 (5) de la loi, lequel prévoyait la possibilité pour l'époux ou l'épouse d'un résident permanent sud-africain de se voir octroyer de façon automatique un permis de résidence. Les requérants estimaient que cette disposition était discriminatoire dès lors qu'elle ne pouvait bénéficier aux personnes étrangères ayant une relation homosexuelle stable avec un ressortissant sud-africain. Après avoir logiquement refusé d'interpréter le terme « époux » comme incluant les couples homosexuels, la Cour constitutionnelle a jugé que l'article 25 de la loi constituait une discrimination injustifiée à l'encontre des personnes homosexuelles limitant leur droit à l'égalité et à la dignité. Elle a donc conclu que l'omission des relations homosexuelles stables dans la loi était contraire à la Constitution sud-africaine. Si elle ne fait que confirmer, sur le fond, la jurisprudence de la Cour(3) , cette décision du 2 décembre 1999, National Coalition for Gays and Lesbians Equality and others v. Minister of Home Affairs and others(4), est particulièrement intéressante par la procédure suivie pour sanctionner l'inconstitutionnalité de la loi. En effet, la Haute juridiction a décidé de compléter l'article 25 de la loi en y insérant, après le terme « époux », les mots « ou partenaire du même sexe dans une relation stable ». La Cour constitutionnelle sud-africaine paraît ainsi s'être transformée en co-législateur pour assurer la correction d'une inconstitutionnalité par omission.

Cette décision, rédigée par le juge L. W. H. Ackermann(5) et rendue à l'unanimité, est remarquable en ce qu'elle constitue l'affirmation d'un véritable pouvoir normatif du juge constitutionnel sud-africain (I). Mais l'acceptabilité de ce mode d'action juridictionnelle repose sur une auto-limitation de la Cour constitutionnelle affirmée et formalisée dans la décision (II).

I. L'affirmation d'un pouvoir normatif du juge constitutionnel

Le juge constitutionnel sud-africain se reconnaît la capacité de compléter la loi. Distinct de l'interprétation, ce pouvoir normatif doit lui permettre de sanctionner efficacement les omissions législatives inconstitutionnelles. Face à ce type particulier de violation de la Constitution, ce mode de sanction s'avère, par ailleurs, plus respectueux des prérogatives du Parlement que les techniques traditionnelles.

A. Un objectif poursuivi : la sanction des omissions législatives inconstitutionnelles

Les constitutions contemporaines ne se limitent plus à définir un cadre constitutionnel à l'intérieur duquel le législateur peut librement développer son action. Elles contiennent aussi des normes positives qui ordonnent au Parlement de réaliser des missions précises ou de poursuivre des fins déterminées. De nombreuses dispositions constitutionnelles, notamment celles protectrices des droits fondamentaux, requièrent du législateur des prestations normatives. L'exercice de la compétence législative se trouve ainsi conditionné par des « obligations positives » destinées à assurer la concrétisation des principes constitutionnels et l'effectivité des droits et libertés fondamentaux. Ces normes impératives sont particulièrement importantes dans la Constitution sud-africaine de 1996, laquelle repose sur l'engagement de l'État à « respecter, protéger, promouvoir et développer » les droits fondamentaux.

L'inertie, la carence du législateur peut dès lors générer une violation des normes constitutionnelles. La face normative du silence, la norme implicite qui en est déduite, constitue une omission législative inconstitutionnelle lorsqu'elle crée ou conserve une situation juridique contraire à la Constitution. Le constitutionnalisme moderne a ainsi transformé, à l'égal de l'action positive, l'abstention du législateur en source potentielle d'atteinte à la Constitution(6).

La difficulté réside pour le juge constitutionnel dans l'établissement d'un remède approprié à cette pathologie particulière de la loi. En effet, la disposition est inconstitutionnelle, non en raison de ce qu'elle prévoit, mais en raison de ce qu'elle omet. Elle peut être trop limitative dans l'application d'un traitement juridique ou dans l'octroi d'un droit ou d'un avantage. En l'espèce, la disposition législative, en ne visant que les conjoints, comporte une norme implicite d'exclusion des couples homosexuels.

Le juge constitutionnel peut se limiter à déclarer la nullité partielle de la disposition, dans la partie où elle ne prévoit pas quelque chose qui, constitutionnellement, devrait l'être. De manière inédite, la déclaration de non-conformité se réalise sans altération du texte normatif car elle touche une norme implicite. Mais la sanction de l'inconstitutionnalité n'est en réalité que virtuelle. En effet, l'annulation de la norme négative ne crée pas, par elle-même, une norme positive mais un vide juridique qu'il revient à l'autorité normative compétente de combler. Ainsi, pour remédier à une inconstitutionnalité par omission, un acte positif, la création d'une norme de rang législatif est nécessaire. La sanction implique, de façon originale, une action normative du législateur ou de toute autre autorité pouvant se substituer à lui(7).

Or, la juridiction constitutionnelle ne peut avoir la garantie qu'interviendra la législation appropriée au processus de correction de l'inconstitutionnalité. Au-delà des contraintes qui pèsent sur le travail du Parlement, son inertie persistante peut assurer une immunité de fait aux omissions législatives inconstitutionnelles. Dès lors, l'intervention du juge de la loi ne doit pas se limiter à la seule destruction des normes non conformes. Une action normative positive du juge constitutionnel s'impose pour sanctionner ce type particulier d'inconstitutionnalité.

Le rejet de cet instrument décisoire ne pourrait conduire le juge qu'à traiter différemment une même norme législative inconstitutionnelle, selon qu'elle est explicite ou implicite. Rien ne justifie, sur un plan logique, une telle différenciation. Le juge Rowles de la Cour suprême du Canada a parfaitement mis en lumière ce fait : "Lorsqu'une personne a établi qu'une loi particulière porte atteinte aux droits que lui garantit la Charte, la façon dont la loi est rédigée ou libellée ne devrait pas être pertinente lorsqu'il s'agit de déterminer la réparation fondée sur la Constitution. Prétendre le contraire serait établir une disposition législative prescrivant l'interprétation de la Constitution. Par ailleurs, lorsque le droit de B au [même] bénéfice en vertu de la Charte est établi, il importe peu que la loi visée précise : (1) que A a droit aux bénéfices ; ou (2) que tous ont droit aux bénéfices, sauf B.

Dans le premier cas, le tribunal devrait donner une « interprétation large » au libellé de la loi afin d'inclure « B » ; dans le second, le tribunal devrait « retrancher » les termes « sauf B ». Dans les deux cas, le résultat serait le même.

En conséquence, que le tribunal donne une « interprétation large » à une loi contestée ou décide d'en « retrancher » les parties fautives, il doit mettre l'accent sur la réparation appropriée dans les circonstances et non sur la qualification de la réparation utilisée pour arriver au résultat" (8).

Par ailleurs, l'absence de sanction effective des silences du législateur, lorsque ceux-ci sont incompatibles avec les prescriptions constitutionnelles, est de nature à porter atteinte à la suprématie de la Constitution. Pour quelle raison, en effet, le législateur pourrait-il faire librement par ses silences ce qu'il ne peut pas faire par ses actes, à savoir violer la Constitution ? L'action positive apparaît donc, aux yeux de la Cour constitutionnelle de Johannesburg, comme une technique juridictionnelle nécessaire pour éviter, dans certains cas, un véritable déni de justice constitutionnelle. Le recours à ce mode de sanction s'impose d'autant plus qu'il permet de respecter les prérogatives du Parlement.

B. Un mode de sanction légitime : le respect des prérogatives du Parlement

La Cour constitutionnelle sud-africaine a recours, comme les autres juridictions constitutionnelles, à l'annulation partielle(9) , ou à la dissociation, pour reprendre la terminologie canadienne, de façon à s'ingérer le moins possible dans les lois adoptées par le Parlement. En effet, il n'est pas nécessaire, ni surtout légitime, d'annuler des parties de loi qui ne sont pas en soi inconstitutionnelles. La véritable limite à toute action du juge constitutionnel se trouve dans cet impératif de ne pas faire disparaître de l'ordre juridique des dispositions législatives qui, en elles-mêmes, ne violent pas la Constitution. Le juge veille donc à déterminer précisément la mesure de l'incompatibilité de la loi examinée avec les exigences de la Constitution afin que la censure ne puisse toucher que les éléments inconstitutionnels du texte. Il se limite à invalider la seule partie irrégulière de la loi ainsi que toute autre partie du texte que le législateur n'aurait pas adoptée sans la partie inconstitutionnelle. La détermination des dispositions inséparables de celle qui est déclarée non-conforme est fondée sur la logique et l'intention du législateur.

L'action positive doit être conçue comme un moyen équivalent à l'annulation partielle pour empêcher un empiètement injustifié de la juridiction constitutionnelle sur le domaine législatif. En effet, l'annulation totale du texte remet en cause la concrétisation normative des intentions légitimes du législateur. Tout un dispositif législatif, en lui-même constitutionnel, est annulé pour ses insuffisances. En préservant ce dispositif, l'action positive conduit donc à mieux assurer le respect par le juge constitutionnel des prérogatives du Parlement. À l'instar de l'annulation partielle, elle permet au juge de la loi « d'être aussi fidèle que possible, dans le cadre des exigences de la Constitution, au texte législatif adopté par le législateur » (10) . Le complément juridictionnel de la loi évite les conséquences préjudiciables qui peuvent naître de la suppression d'une mesure légale pour la seule raison qu'elle est ex silentio discriminatoire.

Ainsi, le juge Ackermann considère, en l'espèce, qu'annuler la loi et supprimer par là même les avantages aux personnes qui en bénéficient déjà constituerait un empiètement beaucoup plus important qu'octroyer ces bénéfices à la faible minorité de personnes qui ont établi qu'elles y avaient droit. L'annulation totale priverait les conjoints de l'avantage sans l'accorder, par ailleurs, aux couples homosexuels(11).

De telles conséquences pourraient théoriquement être évitées par la suspension temporaire des effets de la décision d'annulation totale. Le législateur devrait alors intervenir pour combler les lacunes de la loi. La Cour constitutionnelle sud-africaine n'a cependant pas retenu cette solution en raison du caractère incertain de l'intervention parlementaire. Mais au-delà, la suspension permet que se perpétue pendant un certain temps une situation qui a été jugée contraire à la Constitution. Lorsqu'elle est juridiquement possible, l'action complétive permet de mettre immédiatement fin à la violation de la Constitution. Par ailleurs, s'il est établi que l'action normative est préférable à l'annulation, il n'y a pas lieu de croire que la suspension de l'effet de la décision d'annulation serait une meilleure option. En effet, la suspension entraîne un renvoi de la question au législateur à un moment qu'il n'a pas choisi et lui impose(12) de prendre des mesures à l'intérieur de délais qui ne seraient pas normalement les siens. Ceci conduit à un empiètement important sur le pouvoir reconnu au Parlement. Après une action complétive du juge, le législateur peut examiner la question au moment où il le juge opportun et prendre les mesures qu'il désire, dans le respect des exigences constitutionnelles.

L'action positive est donc une mesure corrective légitime semblable à l'annulation partielle d'une disposition. Elle doit pouvoir être utilisée dans tous les cas où elle constitue une technique appropriée pour, tout à la fois, garantir le respect de la Constitution et réduire au minimum l'ingérence juridictionnelle dans les parties de la loi qui ne sont pas contraires au texte constitutionnel.

Une investigation comparatiste, par ailleurs préconisée par la Constitution, permet au juge Ackermann d'appuyer cette conclusion. En effet, les juridictions constitutionnelles dont l'influence est la plus marquante sur la jurisprudence constitutionnelle sud-africaine, les Cours suprêmes du Canada (13) et des États-Unis(14) ainsi que la Cour constitutionnelle fédérale allemande(15), ont déjà affirmé leur aptitude à produire des normes législatives pour sanctionner les omissions inconstitutionnelles du législateur. Elles ont également souligné les limites du recours à cette technique décisionnelle. Son utilisation légitime est, en effet, conditionnée par une auto-limitation de la juridiction constitutionnelle.

II. L'auto-limitation du juge constitutionnel

Si la protection de la Constitution fonde la légitimité de l'action positive du juge constitutionnel, celle-ci ne peut être maintenue sans l'auto-limitation de cette capacité normative. La Cour constitutionnelle définit, en conséquence, un certain nombre de limites encadrant toute intervention normative, auxquelles viennent s'ajouter les contraintes générales pesant sur le juge constitutionnel dans un État de droit démocratique.

A. Les limites à l'intervention normative du juge constitutionnel

Ces limites sont inspirées, dans une large mesure, de celles dégagées par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Schachter(16) . La Cour constitutionnelle définit dans cette décision des lignes directrices qui doivent aider les autres juridictions du pays à déterminer si l'action complétive constitue, dans chaque cas d'espèce, une solution appropriée. La « doctrine » de la Cour en la matière s'exprime à travers six principes :

L'action positive du juge sur la loi doit, tout d'abord, être conforme à la Constitution et à ses principes fondamentaux. Il est particulièrement évident que la production normative du juge, à l'instar de celle du législateur, est soumise au respect de la hiérarchie des normes et ne doit méconnaître, en conséquence, aucune prescription constitutionnelle.

Par ailleurs, le résultat atteint doit interférer le moins possible avec les textes adoptés par le Parlement. En effet, l'intégration du complément juridictionnel au droit existant peut générer des interactions problématiques, des contradictions de normes législatives. Le respect de la volonté du Parlement impose donc au juge de veiller à limiter les implications de ses décisions sur des normes qui n'ont pas été soumises à son examen. Cependant, la portée de cette limite se trouve immédiatement atténuée par la considération, exprimée par le juge Ackermann, selon laquelle de nombreuses dispositions du droit positif ont été adoptées en Afrique du Sud par un Parlement alors si peu soucieux de la protection des droits de l'homme. Dès lors, le principe de l'interférence minimale ne saurait trop faire obstacle à la mission, dévolue aux juges, de transformer l'ordre juridique dans un sens conforme aux nouvelles valeurs constitutionnelles.

Pour que l'opération additive soit possible, le juge doit également être capable de définir avec une précision suffisante comment la loi doit être complétée pour se conformer à la Constitution. Dès lors qu'il n'est pas possible, à partir d'une analyse fondée sur la Constitution, de déterminer précisément la nouvelle configuration de la disposition litigieuse, il revient au seul législateur, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, de combler la lacune. En effet, il n'appartient pas au juge constitutionnel de choisir entre plusieurs options normatives dont aucune ne ressort clairement de l'interaction de la loi avec les exigences constitutionnelles. Une limite incontournable à l'action positive des cours se présente ainsi lorsque la Constitution ouvre une possibilité de choix entre plusieurs normes, correspondant à des options politiques ou techniques différentes, pour remplacer la norme implicite inconstitutionnelle. Le juge constitutionnel se substitue à l'auteur primaire de la loi, sans néanmoins empiéter sur ses prérogatives, uniquement lorsque l'apport normatif prescrit est, sur le plan constitutionnel, sans alternative. Il ne crée pas librement la norme en question mais se limite à individualiser un norme logiquement déductible du droit existant, du contexte normatif dans lequel elle s'insère. Ainsi, la décision additive du juge ne constitue, selon l'expression du constitutionnaliste italien Vezio Crisafulli, qu'une « législation à rimes obligées » (17) . Elle résulte d'une opération mécanique d'extension ou d'application d'une norme dont le contenu est prédéterminé par le système normatif.

La cour doit aussi essayer de donner plein effet aux intentions du législateur dans les limites imposées par la Constitution. Dès lors qu'un choix est ouvert entre plusieurs mesures correctives de l'inconstitutionnalité, le juge doit, dans la mesure du possible, choisir celle qui permet de préserver la volonté légitime du législateur exprimée dans la disposition critiquée. Elle permet également, dans le cadre d'un contrôle a posteriori, de ménager la sécurité juridique. Cette directive d'action juridictionnelle est en fait la traduction d'un principe général présent dans la common law comme dans les droits romano-germaniques, le principe de conservation des actes juridiques. Pour assurer un exercice à la fois effectif et raisonnable du contrôle de constitutionnalité, toutes les juridictions constitutionnelles appliquent ce principe expressément ou implicitement(18).

En outre, même lorsque l'action positive est par ailleurs justifiée, cette intervention ne doit pas être réalisée lorsqu'elle va imposer à l'État de supporter des dépenses supplémentaires non prévues. Le juge doit procéder à un examen des répercussions financières de l'action positive. En effet, un impact important de la décision juridictionnelle sur les charges publiques est de nature à porter atteinte au pouvoir financier du législateur, et plus précisément à la compétence exclusive du Parlement en matière budgétaire. Déjà dans sa décision Tsotetsi(19), la Cour constitutionnelle avait jugé qu'elle ne pouvait pas rendre une décision dont les effets financiers seraient démesurés.

Enfin, lorsque l'action positive conduit à la protection accrue d'une politique de long terme ou constitutionnellement encouragée, en l'étendant par exemple à de nouvelles catégories de personnes, elle doit être préférée à celle qui déboucherait sur une suppression complète de cette protection. Cette préservation de l'acquis législatif permet en l'espèce de maintenir au profit des conjoints une mesure appliquée depuis près de soixante-dix ans et destinée à promouvoir la vie familiale.

Ainsi, l'ensemble des orientations définies permettent d'éviter au juge d'empiéter excessivement sur le domaine du législateur. Dans tous les cas, l'action complétive du juge, si elle implique une co-génération de la disposition législative, ne produit pas une co-détermination de la loi dans la mesure où le contenu de la norme complémentaire ne dépend pas de la libre volonté du juge mais de contraintes constitutionnelles. Au surplus, la Cour constitutionnelle sud-africaine ajoute que le Parlement reste libre, dans les limites posées par la Constitution, de modifier ultérieurement la mesure en réduisant, modifiant, modulant voire en supprimant les avantages ou en prévoyant de nouveaux avantages. La décision additive établit donc un droit transitoire applicable tant que le législateur ne souhaite pas modifier l'ampleur et la nature des avantages.

Le juge dispose inévitablement, malgré les critères posés par la Cour constitutionnelle, d'une marge d'appréciation dans le choix de la réparation appropriée. Le recours éventuel à l'action positive doit donc être examiné, dans chaque cas, au regard du rôle du juge constitutionnel dans un État de droit démocratique.

B. Le rôle du juge constitutionnel dans un État de droit démocratique

(20)

La Cour constitutionnelle et les autres juridictions d'Afrique du Sud doivent assurer la protection de la Constitution et des droits fondamentaux de tous les individus. Mais au-delà, elles doivent participer à la concrétisation des normes et à la promotion des « valeurs » (21) contenues dans le texte constitutionnel. Cette dimension axiologique des droits fondamentaux extrêmement forte en Afrique du Sud favorise une dynamique juridictionnelle.

Ainsi, une préoccupation majeure dans l'esprit de la Cour de Johannesburg est d'assurer au système de sauvegarde et aux droits garantis une véritable effectivité. Pour reprendre les termes de la Cour européenne des droits de l'homme(22), la Cour constitutionnelle entend « protéger des droits non pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs ». Compte tenu du contexte historique et notamment de la violation massive des droits fondamentaux qu'a connue l'Afrique du Sud, la Cour estime avoir « un devoir particulier d'assurer que, dans les limites de la Constitution, une réparation effective soit accordée en cas de violation de tout droit qu'elle garantit. Dans [ce] contexte, un remède approprié signifie un remède effectif, car sans remèdes effectifs pour une violation, les valeurs sur lesquelles la Constitution est fondée ainsi que les droits qu'elle garantit ne peuvent être convenablement confirmés ou améliorés. Particulièrement dans un pays où si peu de gens ont les moyens de faire valoir leurs droits par des actions judiciaires, il est essentiel que, chaque fois que les tribunaux constatent qu'une violation d'un droit protégé s'est produite, il y ait une sanction efficace » (23).

La garantie juridictionnelle de la Constitution peut se trouver compromise par l'inefficacité du recours constitutionnel à réaliser les droits des requérants. Dans la détermination de la sanction impliquée par une déclaration d'inconstitutionnalité, le juge doit donc se fonder sur la nécessité d'offrir au justiciable une protection concrète et effective de ses droits fondamentaux.

Ainsi, face à une omission inconstitutionnelle, l'extension du dispositif légal ou son annulation ne sont pas des remèdes équivalents pour le requérant. Celui-ci ne souhaite pas que l'avantage soit accordé à tous ou à aucun. Il demande à bénéficier de cet avantage. Et alors même que l'exclusion du requérant du bénéfice d'une disposition a été déclarée inconstitutionnelle, l'annulation ne lui permet pourtant pas d'obtenir ce bénéfice. Seule l'action positive du juge constitue, pour le justiciable, un mécanisme opérationnel de correction de l'inconstitutionnalité par omission.

Si l'article 172 (1) (b) de la Constitution définitive habilite chaque cour ayant compétence en matière constitutionnelle à « prendre toute décision qui lui apparaisse juste et équitable », la décision de la Cour constitutionnelle de compléter la loi peut, malgré tout, apparaître audacieuse. Mais elle est justifiée par la responsabilité particulière qui incombe à l'autorité judiciaire dans la garantie effective des droits fondamentaux. Si, comme l'a affirmé le juge Ackermann, « pour atteindre ce but, de nouveaux outils doivent être forgés et des solutions innovantes développées, cela doit être fait » (24). Il convient d'ailleurs de souligner que les cours constitutionnelles européennes ont également dû procéder, de manière prétorienne, à une diversification de leurs techniques de sanction(25) pour remédier aux inconstitutionnalités par omission. L'action positive du juge constitutionnel assure en Afrique du Sud, comme ailleurs, une optimisation du système juridictionnel de protection de la Constitution et des droits fondamentaux.

Cependant, le rôle de la Cour constitutionnelle dans la garantie des droits ne doit pas la conduire à méconnaître un autre principe structurel de la nouvelle démocratie constitutionnelle sud-africaine, le principe de séparation des pouvoirs. Si elle veut préserver la légitimité de son action, elle doit veiller, avec les autres juridictions, à ne pas se substituer au législateur.

À cet égard, le recours à l'action complétive paraît se démarquer, s'écarter de la fonction négative traditionnellement attribuée aux juridictions constitutionnelles. Or, la compatibilité de la justice constitutionnelle et de la démocratie repose encore très largement sur la conception kelsenienne d'un juge constitutionnel législateur négatif. Dans ce schéma, toute décision additive doit être condamnée dans la mesure où elle est la manifestation d'une usurpation par la juridiction constitutionnelle de la fonction normative réservée au législateur.

En réalité, l'action positive du juge constitutionnel n'est pas contraire à la séparation des pouvoirs si elle repose sur le maintien de la différence existant, du point de vue méthodologique, entre fonction législative et fonction de justice constitutionnelle. En effet, le législateur est le seul constitutionnellement habilité à exercer la fonction d'innovation de l'ordre juridique. Il dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'appréciation, lui permettant de statuer largement en opportunité. Pour citer le Tribunal constitutionnel espagnol, « la Constitution, comme champ normatif, laisse au législateur des marges plus ou moins importantes au sein desquelles il peut convertir en loi ses préférences idéologiques, ses options politiques et des jugements d'opportunité » (26).

Les règles qui gouvernent le contrôle de constitutionnalité sont très différentes des principes qui régissent les décisions parlementaires. La fonction de justice constitutionnelle est en effet servo-régulatrice(27). Le juge constitutionnel est soumis à des contraintes de nature juridique tenant notamment à l'objet de sa mission, aux conditions de son intervention et à la procédure suivie. Son action se limite à étalonner et sanctionner un état d'adéquation des normes légales à la norme supérieure, la Constitution.

En apportant à une disposition législative le substrat normatif nécessaire à sa constitutionnalité, le juge constitutionnel ne légifère pas s'il ne dispose pas alors d'un pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Ce « travail législatif complémentaire » (28) du juge constitutionnel ne méconnaît pas le principe de la démocratie représentative dès lors que la nécessité et la détermination de l'apport normatif sont fondées uniquement sur une analyse juridique des impératifs constitutionnels en présence.

Il apparaît finalement que le véritable pouvoir du juge réside moins dans l'action positive elle-même que dans le choix de la réparation appropriée. Le respect du principe de séparation des pouvoirs et la nécessité d'une garantie effective des droits fondamentaux doivent alors le guider pour trouver la « bonne solution » au sens dworkinien. Le choix procédural, conditionné par ces données constitutionnelles, doit apparaître, notamment en termes de motivation, comme le résultat d'un comportement juridictionnel de l'organe de justice constitutionnelle.

La détermination par la Cour constitutionnelle de Johannesburg de lignes directrices devrait aider les autres juridictions à réaliser efficacement, dans chaque cas concret, une pondération entre la garantie des valeurs constitutionnelles et le respect des prérogatives du Parlement. Cette appréciation formalisée de la proportionnalité du degré d'ingérence du juge dans la législation offre une légitimité procédurale au pouvoir normatif affirmé par le juge constitutionnel.

Conclusion : Le juge constitutionnel sud-africain, un juge qui gouverne ?

(29)

A l'instar de nombreuses autres juridictions constitutionnelles, la Cour constitutionnelle sud-africaine a pu s'abstraire du schéma décisionnel classique et forger un instrument contentieux adapté aux exigences les plus contemporaines du contrôle de constitutionnalité. En effet, le recours aux décisions additives s'impose aujourd'hui comme une nécessité pour sanctionner les omissions inconstitutionnelles du législateur.

Cette technique décisoire du juge constitutionnel renforce l'intrication institutionnelle de fonctions que l'on distinguait auparavant plus nettement du point de vue de la théorie constitutionnelle. Mais, cette « expérience de législation sans législateur » (30) ne doit pas pour autant donner lieu à un nouveau procès de la justice constitutionnelle pour illégitimité démocratique. En effet, l'affirmation d'un pouvoir normatif juridictionnel limité ne constitue pas un empiètement illégitime sur les compétences du législateur, « un élargissement des marges décisionnelles des juges qui risquent de déséquilibrer l'édifice normatif de l'État de droit classique(31) ». Elle impose simplement de concevoir une représentation modifiée de la fonction du juge constitutionnel et de ses rapports avec le législateur [32] .

La Cour constitutionnelle sud-africaine a la mission tout à fait particulière d'asseoir l'État de droit dans un pays encore profondément marqué par les injustices du passé. A l'instar de la Cour constitutionnelle fédérale allemande après la deuxième guerre mondiale(33) , la Cour de Johannesburg apparaît comme une « cour rédemptrice » (34) . Sa volonté de promouvoir une living Constitution peut la conduire à un certain « activisme judiciaire ».

Toutefois, la démarche de la Cour qui consiste à intégrer sa jurisprudence dans l'environnement de celle d'autres cours constitutionnelles atténue sans doute ce risque. Ses décisions montrent globalement un exercice équilibré de ses pouvoirs juridictionnels à l'égard du Parlement.

Malgré des différences organiques et fonctionnelles, il n'est d'ailleurs pas inintéressant de constater que les mêmes problématiques se sont posées aux juges constitutionnels français et sud-africain et que les réponses données, les raisonnements, formulés ou non, sont sensiblement équivalents. Au lieu d'annuler l'ensemble de la loi sur le PACS en raison de ses insuffisances et de s'opposer ainsi à un choix politique de la majorité parlementaire, juridiquement concrétisé et en lui-même conforme à la Constitution, le Conseil constitutionnel a choisi de combler les lacunes du texte en prenant grand soin de se fonder sur les travaux préparatoires et le droit vivant(35). Il a pu compléter l'oeuvre du législateur parce que toutes les précisions qu'il a données se trouvaient déjà, sous une forme ou une autre, dans l'ordonnancement juridique.

Une utilisation maîtrisée de cette technique contentieuse s'impose pour assurer sa compatibilité avec le principe démocratique. La mise en oeuvre d'un véritable pouvoir normatif n'est donc pas exempte de risques pour le juge constitutionnel sud-africain. Néanmoins, le « em>self-restraint[36] , favorable à la protection et au développement des droits fondamentaux en Afrique du Sud.


[Note 1] M. Cappelletti, « Des juges législateurs », in Le pouvoir des juges, Economica, PUAM, coll. « Droit public positif », 1990, pp. 23-113.[Note 2] Les requérants, en application de l'article 172 (2) (d) de la Constitution, ont fait appel d'une décision de la Haute Cour du Cap (juge J. Davis), affaire n° 3988/98.

[Note 3] Notamment National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice, 9 oct. 1998. Cf. S. Motara, « Making the Bill of Rights a Reality for Gay and Lesbian Couples » et R. Louw, « Gay and Lesbian Partner Immigration and the Redefining of Family », South African Journal on Human Rights, 2000, vol. 16, part. 2.

[Note 4] Cf. supra, p. 66, le texte de la décision intégralement traduite en français. Cet arrêt est également disponible sur le site Internet de la Cour constitutionnelle à l'adresse suivante : http://www.concourt.gov.za/ judgments/1999/natcoal.wp.

[Note 5] Avant sa nomination à la Cour constitutionnelle en 1994, Laurie Ackermann a été juge auprès de la section provinciale de la Cour suprême du Transvaal et auprès de la section provinciale de la Cour suprême du Cap. Il a également été membre de la Cour suprême de Namibie. Il a, par ailleurs, enseigné à l'université de Stellenbosch le droit constitutionnel comparé et le droit des libertés fondamentales dont il a inauguré en 1987 la première chaire créée en Afrique du Sud.

[Note 6] Sur la justiciabilité et la sanction des omissions législatives inconstitutionnelles en Europe, qu'il nous soit permis de renvoyer à notre article « Existe-t-il un droit à la norme ? Contrôle de constitutionnalité et omission législative », Revue belge de droit constitutionnel, 1999, pp. 237-274 et in Aspects du nouveau droit constitutionnel, Economica, PUAM, à paraître.

[Note 7] Le juge Ackermann rappelle à ce propos que la Cour constitutionnelle fédérale allemande a affirmé qu'une inconstitutionnalité par omission ne pouvait être corrigée par une simple déclaration de nullité partielle (BVerfGE, 18, 288, 301 ; BVerfGE, 22, 349, 360). Une constatation équivalente peut être trouvée dans les décisions des Cours suprêmes des États-Unis et du Canada.

[Note 8] Knobel c. British Columbia (Medical Services Commission) (1991), 58 BCLR (2d) 356 (CSC-B), p. 388.

[Note 9] La première fois dans les décisions Ferreira v. Levin NO and others et Vryenhoek and Others v. Powell NO and others, CCT 5/95, 6 déc. 1995.

[Note 10] Cour suprême du Canada, Schachter c. Canada, 9 juill. 1992, RCS, 1992, 2, p. 679 et s.

[Note 11] Les conséquences de l'annulation totale sont ainsi souvent très dommageables. Un auteur américain a établi une liste impressionnante d'avantages qui auraient pu être perdus si les cours américaines n'avaient pas adopté l'action positive comme sanction privilégiée de législations sociales inconstitutionnelles par omission d'une catégorie de titulaires : C. Kovacic, « Remedying Underinclusive Statutes » (1986), 33 Wayne State Law Review, 39.

[Note 12] S'il ne veut pas voir disparaître tout un dispositif légal en application.

[Note 13] Après la décision de principe Schachter, préc., Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), 30 sept. 1993, RCS, 1993, 3, 519 ; Miron c. Trudel, 25 mai 1995, RCS, 1995, 2, 418 ; Egan c. Canada, 25 mai 1995, RCS, 1995, 2, 513 ; Vriend c. Canada, 2 avr. 1998, avec l'opinion dissidente du juge L'Heureux-Dubé, RCS, 1998, 1, 493.

[Note 14] Notamment Iowa-Des Moines National bank v. Bennet 284 US 239 (1931); Skinner v. Oklahoma 316 US 535 (1942); Welsh v. United States 398 US 333 (1970); Califano, Secretary of Health, Education and Welfare v. Wescott 443 US 76 (1979); Heckler v. Mathews, 465 US 728 (1984). Sur la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis, voir notamment B. K. Miller, « Constitutional Remedies for Underinclusive Statutes : A Critical Appraisal of Heckler v. Matthews », 20 Harvard Civil Rights – Civil Liberties Law Review (1985) 79 et E. H. Caminker, « A Norm-Based Remedial Model for Under-inclusive Statutes », 95 Yale Law Journal (1985-6) 1185.

[Note 15] Décision du 10 nov. 1998, Neue Juristische Wochenschrift, 1999, n° 8, p. 557.

[Note 16] Préc., note 10.

[Note 17] V. Crisafulli, « La Corte ha vent'anni », in N. Occhiocupo (sous la dir.), La Corte costituzionale tra norma giuridica e realtà sociale, Il Mulino, Bologne, 1978, p. 84.

[Note 18] Sur les exemples de l'Italie et de la France, voir T. Di Manno, Le juge constitutionnel et la technique des décisions « interprétatives » en France et en Italie, Economica, PUAM, Paris - Aix-en-Provence, 1997, p. 89 et s.

[Note 19] Tsotetsi v. Mutual and Federal Insurance Co Ltd, 12 sept. 1996.

[Note 20] L'État de droit n'impliquant pas, par lui-même, la démocratie. Cf. la démonstration de M. Troper in « L'État de droit est-il un État limité », Revue hellénique des droits de l'homme, n° 3, 1999, pp. 541-553.

[Note 21] A. Cockrell, « Rainbow Jurisprudence », South African Journal on Human Rights, 1996, p. 1 et s.

[Note 22] Airey c. Irlande, 9 oct. 1979, série A, n° 32.

[Note 23] Fose v. Minister of Safety and Security, 5 juin 1997, § 69.

[Note 24] L.W.H. Ackermann, § 81 de la décision commentée.

[Note 25] D. Ribes, « Existe-t-il un droit à la norme ? Contrôle de constitutionnalité et omission législative », art. cit., p. 260 et s.

[Note 26] Décision 11/1981 du 8 avr. 1981.

[Note 27] J. Pini, Recherches sur le contentieux de constitutionnalité, Thèse, Aix-en-Provence, 1997, p. 349.

[Note 28] F. Mondugno, « La funzione legislative complementare della Corte costituzionale », Giurisprudenza costituzionale, 1981, p. 646.

[Note 29] Cette interrogation a pour référence l'article de J. Rivero, « Le juge administratif français, un juge qui gouverne », D., 1951, chron., p. 6.

[Note 30] A. Pizzorusso, La manutenzione del libro delle leggi ed altri studi sulla legislazione, G. Giappichelli, Turin, 1999, p. 122.

[Note 31] J. Habermas, Droit et démocratie, 1992, Gallimard, 1997, p. 269.

[Note 32] Sur la diversification des processus relationnels entre le juge constitutionnel et le législateur, voir E. Aja (ed.), Las tensiones entre el Tribunal Constitucional y el Legislador en la Europa actual, Arial Derecho, Barcelone, 1998.

[Note 33] Le Président de la Cour constitutionnelle sud-africaine établit lui-même cette comparaison. Voir notamment A. Chaskalson, « The Third Bram Fischer Lecture : Human Dignity as a Foundational Value of our Contitutional Order », South African Journal on Human Rights, 2000, vol. 16, part. 2, p. 193 et s., spéc. p. 198.

[Note 34] B. Ackerman, « The Rise of World Constitutionnalism », Virginia Law Review, vol. 83, 1997, n° 4, p. 795.

[Note 35] B. Mathieu et M. Verpeaux, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle », Petites Affiches, 26 juill. 2000, p. 13 ; G. Drago, « La Constitution en “réserves », Droit de la famille, Editions du Juris-Classeur, hors-série, déc. 1999, p. 46 et s.; N. Molfessis, « La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel », JCP 2000, G, I, 210.

(1) M. Cappelletti, « Des juges législateurs », in Le pouvoir des juges, Economica, PUAM, coll. « Droit public positif », 1990, pp. 23-113.
(2) Les requérants, en application de l'article 172 (2) (d) de la Constitution, ont fait appel d'une décision de la Haute Cour du Cap (juge J. Davis), affaire n° 3988/98.
(3) Notamment National Coalition for Gay and Lesbian Equality and Another v. Minister of Justice, 9 oct. 1998. Cf. S. Motara, « Making the Bill of Rights a Reality for Gay and Lesbian Couples » et R. Louw, « Gay and Lesbian Partner Immigration and the Redefining of Family », South African Journal on Human Rights, 2000, vol. 16, part. 2.
(4) Cf. supra, p. 66, le texte de la décision intégralement traduite en français. Cet arrêt est également disponible sur le site Internet de la Cour constitutionnelle à l'adresse suivante : http://www.concourt.gov.za/ judgments/1999/natcoal.wp.
(5) Avant sa nomination à la Cour constitutionnelle en 1994, Laurie Ackermann a été juge auprès de la section provinciale de la Cour suprême du Transvaal et auprès de la section provinciale de la Cour suprême du Cap. Il a également été membre de la Cour suprême de Namibie. Il a, par ailleurs, enseigné à l'université de Stellenbosch le droit constitutionnel comparé et le droit des libertés fondamentales dont il a inauguré en 1987 la première chaire créée en Afrique du Sud.
(6) Sur la justiciabilité et la sanction des omissions législatives inconstitutionnelles en Europe, qu'il nous soit permis de renvoyer à notre article « Existe-t-il un droit à la norme ? Contrôle de constitutionnalité et omission législative », Revue belge de droit constitutionnel, 1999, pp. 237-274 et in Aspects du nouveau droit constitutionnel, Economica, PUAM, à paraître.
(7) Le juge Ackermann rappelle à ce propos que la Cour constitutionnelle fédérale allemande a affirmé qu'une inconstitutionnalité par omission ne pouvait être corrigée par une simple déclaration de nullité partielle (BVerfGE, 18, 288, 301 ; BVerfGE, 22, 349, 360). Une constatation équivalente peut être trouvée dans les décisions des Cours suprêmes des États-Unis et du Canada.
(8) Knobel c. British Columbia (Medical Services Commission) (1991), 58 BCLR (2d) 356 (CSC-B), p. 388.
(9) La première fois dans les décisions Ferreira v. Levin NO and others et Vryenhoek and Others v. Powell NO and others, CCT 5/95, 6 déc. 1995.
(10) Cour suprême du Canada, Schachter c. Canada, 9 juill. 1992, RCS, 1992, 2, p. 679 et s.
(11) Les conséquences de l'annulation totale sont ainsi souvent très dommageables. Un auteur américain a établi une liste impressionnante d'avantages qui auraient pu être perdus si les cours américaines n'avaient pas adopté l'action positive comme sanction privilégiée de législations sociales inconstitutionnelles par omission d'une catégorie de titulaires : C. Kovacic, « Remedying Underinclusive Statutes » (1986), 33 Wayne State Law Review, 39.
(12) S'il ne veut pas voir disparaître tout un dispositif légal en application.
(13) Après la décision de principe Schachter, préc., Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), 30 sept. 1993, RCS, 1993, 3, 519 ; Miron c. Trudel, 25 mai 1995, RCS, 1995, 2, 418 ; Egan c. Canada, 25 mai 1995, RCS, 1995, 2, 513 ; Vriend c. Canada, 2 avr. 1998, avec l'opinion dissidente du juge L'Heureux-Dubé, RCS, 1998, 1, 493.
(14) Notamment Iowa-Des Moines National bank v. Bennet 284 US 239 (1931); Skinner v. Oklahoma 316 US 535 (1942); Welsh v. United States 398 US 333 (1970); Califano, Secretary of Health, Education and Welfare v. Wescott 443 US 76 (1979); Heckler v. Mathews, 465 US 728 (1984). Sur la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis, voir notamment B. K. Miller, « Constitutional Remedies for Underinclusive Statutes : A Critical Appraisal of Heckler v. Matthews », 20 Harvard Civil Rights – Civil Liberties Law Review (1985) 79 et E. H. Caminker, « A Norm-Based Remedial Model for Under-inclusive Statutes », 95 Yale Law Journal (1985-6) 1185.
(15) Décision du 10 nov. 1998, Neue Juristische Wochenschrift, 1999, n° 8, p. 557.
(16) Préc., note 10.
(17) V. Crisafulli, « La Corte ha vent'anni », in N. Occhiocupo (sous la dir.), La Corte costituzionale tra norma giuridica e realtà sociale, Il Mulino, Bologne, 1978, p. 84.
(18) Sur les exemples de l'Italie et de la France, voir T. Di Manno, Le juge constitutionnel et la technique des décisions « interprétatives » en France et en Italie, Economica, PUAM, Paris - Aix-en-Provence, 1997, p. 89 et s.
(19) Tsotetsi v. Mutual and Federal Insurance Co Ltd, 12 sept. 1996.
(20) L'État de droit n'impliquant pas, par lui-même, la démocratie. Cf. la démonstration de M. Troper in « L'État de droit est-il un État limité », Revue hellénique des droits de l'homme, n° 3, 1999, pp. 541-553.
(21) A. Cockrell, « Rainbow Jurisprudence », South African Journal on Human Rights, 1996, p. 1 et s.
(22) Airey c. Irlande, 9 oct. 1979, série A, n° 32.
(23) Fose v. Minister of Safety and Security, 5 juin 1997, § 69.
(24) L.W.H. Ackermann, § 81 de la décision commentée.
(25) D. Ribes, « Existe-t-il un droit à la norme ? Contrôle de constitutionnalité et omission législative », art. cit., p. 260 et s
(26) Décision 11/1981 du 8 avr. 1981.
(27) J. Pini, Recherches sur le contentieux de constitutionnalité, Thèse, Aix-en-Provence, 1997, p. 349.
(28) F. Mondugno, « La funzione legislative complementare della Corte costituzionale », Giurisprudenza costituzionale, 1981, p. 646.
(29) Cette interrogation a pour référence l'article de J. Rivero, « Le juge administratif français, un juge qui gouverne », D., 1951, chron., p. 6.
(30) A. Pizzorusso, La manutenzione del libro delle leggi ed altri studi sulla legislazione, G. Giappichelli, Turin, 1999, p. 122.
(31) J. Habermas, Droit et démocratie, 1992, Gallimard, 1997, p. 269.
(32) Sur la diversification des processus relationnels entre le juge constitutionnel et le législateur, voir E. Aja (ed.), Las tensiones entre el Tribunal Constitucional y el Legislador en la Europa actual, Arial Derecho, Barcelone, 1998.
(33) Le Président de la Cour constitutionnelle sud-africaine établit lui-même cette comparaison. Voir notamment A. Chaskalson, « The Third Bram Fischer Lecture : Human Dignity as a Foundational Value of our Contitutional Order », South African Journal on Human Rights, 2000, vol. 16, part. 2, p. 193 et s., spéc. p. 198.
(34) B. Ackerman, « The Rise of World Constitutionnalism », Virginia Law Review, vol. 83, 1997, n° 4, p. 795.
(35) B. Mathieu et M. Verpeaux, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle », Petites Affiches, 26 juill. 2000, p. 13 ; G. Drago, « La Constitution en “réserves », Droit de la famille, Editions du Juris-Classeur, hors-série, déc. 1999, p. 46 et s.; N. Molfessis, « La réécriture de la loi relative au PACS par le Conseil constitutionnel », JCP 2000, G, I, 210.