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Le contrat administratif, un contrat hors-la-loi

Yves GAUDEMET - Professeur de droit public à l'Université de Paris II, Panthéon-Assas

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 17 (Dossier : Loi et contrat) - mars 2005

Les contrats administratifs sont-ils des contrats ? On croyait la controverse d'un autre âge. Sans doute, ils ne sont pas nés tels, et les marchés de l'Ancien Régime, sous des dénominations et avec un contenu variables, ne présentaient ordinairement pas les caractères du contrat et n'étaient pas vécus comme tels, en particulier pas le marché de travaux publics, la concession ou la ferme. Aujourd'hui encore, on chercherait vainement l'entrée « contrats » dans les tables du Recueil Lebon (le terme n'y apparaît que sous la rubrique « marchés et contrats »).

Mais on avait le sentiment que tout l'effort de la jurisprudence et de la doctrine, depuis le XIXe siècle, avait tendu - avec succès - à dégager de ces pratiques juxtaposées une catégorie générique du contrat administratif, appartenant elle-même à la grande famille du contrat, et singularisée simplement - comme c'est le cas d'autres contrats -, outre la référence organique à la présence d'une personne publique, par certaines spécificités d'objet ou de régime. On croyait la discussion sur la nature véritablement contractuelle du contrat administratif définitivement close, au moins depuis les travaux de Charles Eisenmann. Et on pouvait même avancer, avec de bons arguments, que, parce qu'institutionnelle, la théorie du contrat administratif était davantage aboutie que celle du contrat de droit privé, laquelle part d'une vision analytique, « atomiste » - directement reprise du droit romain - qui décompose le contrat en une collection d'obligations, sans existence ni réalité juridique propre autre que d'être le cadre de celles-ci(1).

Comme la propriété des personnes publiques sur leurs biens est de la nature de la propriété des personnes privées et bénéficie de la même protection constitutionnelle (Cons. const., 25-26 juin 1986, Rec. p. 61), les contrats des personnes publiques sont de la nature de ceux conclus par les personnes privées, quand bien même certains d'entre eux - les contrats administratifs - relèvent d'un régime juridique et d'un traitement contentieux spécifiques. Mais alors comment expliquer qu'ils ne bénéficient pas du même traitement constitutionnel ? Comment expliquer que - malgré de nombreux textes législatifs en la matière - le droit des contrats administratifs soit considéré comme en principe de compétence réglementaire ?

C'est cette interrogation qu'on voudrait reprendre ici, même si, ce faisant, je réponds bien mal à l'hospitalité des Cahiers du Conseil constitutionnel; car cette interrogation, ce questionnement s'adresse aussi à la jurisprudence la plus récente du Conseil. Qu'on en juge.

Établissement d'une jurisprudence

A. C'est le Conseil d'État, il est vrai, qui a d'abord consacré la construction - qui ne s'imposait pas avec évidence - selon laquelle le droit des marchés publics (mais uniquement celui-là, parmi l'ensemble des contrats administratifs) serait de caractère réglementaire.

Et il est exact que la matière des marchés publics a été historiquement traitée par voie réglementaire, sur la base de quelques textes législatifs d'habilitation, tel l'article 12 de la loi de finances du 31 janvier 1833 ou les ordonnances du 4 décembre 1836 et du 14 novembre 1837 organisant la procédure d'adjudication, puis, par la suite pour codifier les solutions de la jurisprudence. Le code des marchés publics de 1964 a encore été établi par voie réglementaire.

Quant aux marchés des collectivités locales, la jurisprudence administrative a consacré et repris en 1981 une construction qui fonde la compétence réglementaire en la matière sur deux lois d'habilitation de 1938 et 1957 : « les dispositions du décret du 12 novembre 1938 prises en vertu de la loi du 5 octobre 1938 et relatives aux marchés des collectivités locales et des établissements publics et, en ce qui concerne les marchés de travaux, celles de l'article 21 de la loi du 7 août 1957 tendant à favoriser la construction de logements et les équipements collectifs, ont donné compétence au pouvoir réglementaire pour étendre aux marchés des collectivités locales, sous réserve des adaptations nécessaires, les dispositions applicables aux marchés de l'État ; les prescriptions de l'article 34 de la Constitution n'ont pas eu pour effet de transférer au législateur la compétence attribuée au gouvernement par les textes susvisés qui sont de nature législative » (CE, 29 avr. 1981, Ordre des architectes, Rec. Lebon p. 198).

On pouvait penser que cette jurisprudence serait abandonnée et que le droit des marchés publics rejoindrait la sphère de compétence du législateur, dès lors que, ces dernières années, une réforme d'ensemble du droit de la commande publique a été annoncée puis mise en chantier ; surtout qu'au même moment de nombreux textes législatifs sont intervenus, ayant rapport avec le droit des contrats publics ou même visant spécifiquement celui-ci : loi du 31 décembre 1975 modifiée sur la sous-traitance ; loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique ; loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché ; loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption ; ou plus récemment la loi du 11 décembre 2001 (ou loi MURCEF) qui qualifie de contrats administratifs les marchés passés en application du code des marchés publics ; et encore limite-t-on l'énumération aux principaux parmi ces textes de loi organisant le droit de marchés. S'agissant de contrats administratifs autres que les marchés, c'est sans hésitation que la voie législative s'est imposée : bail emphytéotique administratif de la loi de 1988 ou, pour un exemple très actuel, ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat public-privé.

Et pourtant au contentieux, s'agissant spécialement de droit des marchés publics, la compétence générale et de principe de l'autorité réglementaire est encore réaffirmée à la fin des années quatre-vingt-dix, toujours sur la base du raisonnement de la jurisprudence Conseil de l'Ordre des architectes de 1981 (CE, 9 févr. 1994, Préfet de Seine-et-Marne, Rec. Lebon p. 60 ; 13 janv. 1995, Sté Baudin-Châteauneuf, Rec. _Leb_on p. 22 ; D. 1996, som. p. 142, note P. Terneyre ; 30 juin 1999, Département de l'Orne c/ Sté Gespace-France, BJCP 1999, n° 7, p. 622, concl. C. Bergeal).

B. C'est encore la compétence réglementaire qui a été retenue pour la refonte d'ensemble du code des marchés publics, réalisée par le décret du 7 mars 2001 qui, d'autre part, abrogeait expressément l'ancien code. Et le Conseil d'État dans un arrêt du 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris (BJCP 2003, n° 28, p. 209), confirme cette compétence réglementaire de principe, suivant en cela les conclusions du commissaire du gouvernement Piveteau pour lequel « le code des marchés publics est en définitive, pour l'essentiel, un code de procédure administrative. L'État peut certainement se l'imposer à lui-même par voie réglementaire ». L'arrêt juge en effet que « ni l'article 34 de la Constitution ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'exige que les conditions de passation des marchés passés par l'État soient définies par la loi ».

Quant aux marchés de collectivités locales, c'est toujours l'habilitation tenue par le gouvernement du décret du 12 novembre 1938 qui justifie la compétence réglementaire (et bien que le commissaire du gouvernement Piveteau ait tenu ce décret pour illégal): « Le Premier ministre tenait des dispositions du décret du 12 novembre 1938... compétence pour étendre aux collectivités locales les règles nouvelles qu'il édictait pour les marchés publics de l'État. »

La cause semble entendue et, quelques mois plus tard, c'est toujours par la voie réglementaire que sera adopté un « nouveau » code des marchés publics, code annexé au décret du 7 janvier 2004(2).

Il en résulte que les marchés sont ainsi singularisés, au sein de la catégorie des contrats administratifs ; et l'on croit comprendre que la compétence réglementaire maintenue à leur égard, dictée largement par des considérations historiques, est aujourd'hui formellement - et approximativement - justifiée en droit par le fait qu'il s'agirait de textes de pure procédure, limités à la passation des marchés et n'ayant que la partie publique pour destinataire(3).

Cette doctrine a été généralement mal reçue au nom tant de considérations théoriques que pratiques (v. not. Y. Gaudemet, Traité de droit administratif, t. 1, nos 1433 et s.; et la dernière édition de L. Richer, Droit des contrats administratifs, nos 484 et s.): au moins discutable en droit, elle présente en outre l'inconvénient pratique d'une certaine incohérence formelle des sources du droit des contrats et fait du marché un contrat « à part » parmi les contrats administratifs, une procédure davantage qu'un « générateur d'obligations ». Le projet d'une loi générale sur le contrat administratif, envisagé en 1997, s'en est trouvé définitivement abandonné.

C. Et pourtant c'est cette doctrine que le conseil constitutionnel semble avoir voulu reprendre à son compte pour l'étendre même à tous les contrats administratifs.

Dans sa décision du 22 août 2002 relative à la loi de programmation pour la sécurité intérieure, le Conseil tranche, alors que la question n'était pas spécialement débattue par la saisine, que « ni l'article 34 de la Constitution ni aucune autre règle de valeur constitutionnelle n'exigent que les conditions de passation des marchés et contrats passés par l'État soient définies par la loi » (Cons. const., 22 août 2002, Rec. p. 198).

Deux interprétations sont concevables qui conduisent à interroger l'avenir ; et à souhaiter que le Conseil soit amené à des précisions qui réduiraient la compétence réglementaire aux seules règles de procédure interne, y compris pour le droit des marchés. Si en revanche - ce qu'on ne peut exclure - il fallait comprendre la décision du Conseil constitutionnel comme mettant tout le droit des contrats passés par les personnes publiques (et non plus les seuls marchés publics) dans la compétence réglementaire, c'est sur un renversement radical de cette jurisprudence qu'il faudrait s'interroger.

Préciser ou changer la jurisprudence

A. La décision du Conseil constitutionnel de 2002 peut justifier d'abord une interprétation que je dirai « minimisante » ou « minimaliste ». Le Conseil n'a voulu traiter que du droit de la passation des contrats, ce droit de la passation du contrat étant même limité à l'édiction des règles de procédure interne dans lesquelles se situe l'intervention des personnes publiques dans leurs activités de commande publique.

En ce sens, on a fait observer que la décision du Conseil constitutionnel ne mentionne que le droit de « la passation » des contrats « passés » par l'État (sic). Cette redondance serait-elle une façon d'insister pour signifier que la compétence réglementaire ne vaut que pour les règles de passation du contrat et non pour l'ensemble des règles déterminant le régime juridique de deux-ci ?

Cela irait aussi dans le sens de l'analyse de M. Piveteau, dans l'arrêt du Conseil d'État de 2003, analyse selon laquelle l'habilitation de l'autorité réglementaire est justifiée parce qu'il s'agit de règles de pure procédure, d'une sorte de « code de procédure administrative » pour la passation des contrats administratifs.

Et il est vrai encore que, dans la décision du Conseil constitutionnel de 2002, la compétence réglementaire est affirmée à propos du seul point de savoir si le choix du cocontractant doit être précédé d'une mesure de publicité et de mise en concurrence, pour la passation des contrats spécialement réglementés par la loi examinée.

Si cette interprétation est la bonne, elle situe la compétence réglementaire, dans le cas des marchés publics, très en deçà de ce qui résulte de la jurisprudence du Conseil d'État réaffirmée en 2003 par l'arrêt Ordre des Avocats à la cour d'appel de Paris: ce n'est pas le droit des marchés dans son ensemble et par principe qui échappe à la compétence du législateur, mais exclusivement - comme pour les autres contrats administratifs - quelques règles internes de procédure organisant l'action des personnes publiques dans leurs activités de commande publique.

Visiblement ce n'est pas ainsi que les Pouvoirs publics, ni le Conseil d'État lorsqu'il a examiné le nouveau code des marchés de 2004 ont compris la décision du Conseil constitutionnel de 2002 : la voie réglementaire a été conservée, et pour l'ensemble du code dont on a déjà dit qu'il va bien au-delà d'un simple guide de procédure interne pour les personnes publiques acheteuses.

B. On a ainsi des raisons de penser - et de craindre - que, au-delà des seules règles de « passation » des marchés, ce soit la réglementation d'ensemble du droit des contrats publics, et aujourd'hui de tous les contrats administratifs qui est ainsi désignée par la décision du Conseil constitutionnel comme relevant de la compétence réglementaire.

Or cette analyse est lourde de conséquences : les contrats administratifs, privés du fondement commun de l'article 34 de la Constitution qui place dans la domaine de compétence de la loi les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales, n'appartiennent plus évidemment à la famille du contrat ; ils sont et sont exclusivement des procédures, une réglementation destinée aux parties publiques pour s'assurer le concours d'un partenaire ; ils ne sont plus le lieu d'obligations souscrites, résultant d'un accord de volonté et faisant la loi des parties.

Car tel est bien l'enjeu, derrière un problème de compétence normative qui ne peut être réduit à son aspect technique : ou bien les contrats administratifs sont des contrats, générateurs d'obligations civiles et commerciales au sens de l'article 34 de la Constitution, et les principes fondamentaux de leur régime n'appartiennent qu'à la loi. Ou bien ils sont autres choses, une réglementation parmi d'autres, une règle que l'administration se donne à elle-même ; le règlement est sans doute habile à le faire ; mais cela ne conduit pas au contrat.

Or on a de solides raisons de considérer que les contrats administratifs sont bien des contrats au sens de l'article 34 de la Constitution, de telle sorte que l'aménagement de leur régime, au moins quant aux principes, appelle le support de la loi. Rappelons ces considérations d'un mot, encore qu'elles n'aient pas été entendues.

1) Et d'abord un argument de cohérence interne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel lui-même. On sait que le Conseil a reconnu, dès 1980, qu'en matière fiscale, la réglementation de la compensation qui peut être opposée à l'État, comme encore les règles de prescription, touchent aux principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales et relèvent en conséquence de la seule intervention du législateur (Cons. const., 24 oct. 1980, Rec. p. 68 ; RD publ. 1981, p. 625, obs. L. Favoreu); cette décision comporte un motif de principe selon lequel une disposition qui « concerne la responsabilité éventuelle de l'administration en matière fiscale touche aux principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales dont la détermination relève de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ».

Le Conseil constitutionnel considère ainsi que le régime de la responsabilité extracontractuelle de l'administration appartient bien à la matière des obligations civiles et commerciales telle qu'inscrite dans le domaine de la loi par l'article 34 de la Constitution. On ne voit pas pourquoi il en irait autrement des obligations contractuelles. Dès lors que le Conseil a reconnu que le droit de la responsabilité extracontractuelle de l'administration entrait dans les obligations civiles et commerciales de l'article 34 de la Constitution, il doit en être de même pour les obligations nées des contrats administratifs, y compris pour les obligations nées des marchés publics conclus par l'administration.

C'est une première observation ; et qui pèse un certain poids.

2) On doit ensuite considérer en elle-même la question d'une supposée autonomie des obligations nées des contrats administratifs par rapport aux obligations nées des contrats de droit privé. Et on constate alors que la Constitution a bien entendu inclure le régime des contrats passés par les collectivités publiques dans les obligations civiles et commerciales dont la matière est réservée, pour ses principes fondamentaux, à la loi par la Constitution.

L'avant-projet gouvernemental de la Constitution de 1958 comme l'avis du Comité consultatif constitutionnel plaçaient le « droit des obligations » dans sa totalité dans le domaine de la loi (Travaux du comité chargé de la publication des travaux préparatoires des institutions de la Ve République, vol. II, p. 581). Ce n'est que plus tard dans la discussion que le renvoi à été complété aux obligations « civiles et commerciales », mais de toute évidence sans aucune intention d'en exclure celles nées des contrats ou de la responsabilité délictuelle de l'administration.

Un point complet de la question a été fait par M. François Luchaire, dès 1982, dans une importante étude sur les « Fondements constitutionnels du droit civil » donnée à la Revue trimestrielle de droit civil (1982, p. 245).

M. Luchaire, analysant l'article 34 de la Constitution, indique ainsi que « l'obligation civile correspond pour son bénéficiaire à un droit qui peut être évalué en argent ». Il précise encore que l'« adjectif »civile« ajouté à l'obligation n'a pas le même sens que lorsqu'il est ajouté au mot droit ; l'obligation civile est celle qui peut s'évaluer en argent, ce n'est pas celle qui résulte du droit civil ; et ceci est très important ». Voila qui est clair et qui aurait dû convaincre. L'obligation civile s'oppose à l'obligation naturelle ou à l'obligation civique. Elle est celle qui est évaluable en argent. Et M. Luchaire de préciser encore « cette définition conduit à placer dans le régime des obligations civiles tout le droit de la responsabilité civile... la responsabilité de l'administration évaluable en argent fait partie de la responsabilité civile ».

L'auteur poursuit en exposant que « le régime des obligations comprend d'abord la formulation des obligations, c'est-à-dire leurs sources ; il peut s'agir de sources volontaires, ce qui place dans cette matière les contrats et les engagements unilatéraux ; il peut s'agir de sources involontaires, ce qui place dans cette matière la responsabilité pour faute (délit, quasi-délit, quasi-contrat et notamment la gestion d'affaires, la répétition de l'indu, l'enrichissement sans cause); il s'agit encore des obligations qui naissent par l'effet de la loi et par exemple l'obligation d'assurance ».

Cette présentation rejoint les termes du langage juridique commun ; les obligations civiles sont bien celles qui naissent des contrats ou d'une responsabilité civile ; que la responsabilité recherchée soit celle d'une personne publique, qu'une partie au contrat soit une personne publique, qu'un régime juridique spécifique s'applique par principe, tout cela n'y change rien ; il s'agit toujours du droit des obligations civiles ; et c'est bien celui-là que désigne l'article 34 de la Constitution (v. aussi Y. Gaudemet, « Prolégomènes pour une théorie des obligations en droit administratif français », Recueil en l'honneur de Jean Gaudemet, Nonagesimo anno, 1999, p. 613).

3) Cette interprétation est encore confirmée si on la ramène à celle qui a finalement prévalu de la formule de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme consacrant le droit au procès équitable pour les « contestations sur les droits et obligations de caractère civil ».

Très rapidement, on le sait, la Cour européenne des droits de l'homme a fait prévaloir l'interprétation uniforme selon laquelle la catégorie des obligations de caractère civil relevait d'une détermination « objective », correspondant à toute contestation ayant « un objet patrimonial » et se fondant sur une atteinte alléguée à des droits eux aussi patrimoniaux. Et le Conseil d'État a rallié cette interprétation en incluant les contestations contractuelles en général dans les contestations portant sur les obligations de caractère civil, sans qu'il y ait lieu de distinguer à cet égard entre les contrats de droit privé et les contrats de droit public.

4) À ceci s'ajoutent des raisons plus subalternes ; comme l'objectif d'épargner, grâce à la loi, à la matière des contrats administratifs, au moins pour leurs principes généraux et fondamentaux, des réformes répétées et partielles, parfois contradictoires, et vulnérables aussi au contentieux dès lors qu'il s'agit de textes réglementaires ; comme aussi la volonté de redonner cohérence aux sources du droit des contrats publics(4).

Mais l'enjeu véritable d'une évolution de la jurisprudence sur ce point est plus grave : il est ni plus ni moins de reconnaître dans le contrat administratif un véritable contrat, nettement dégagé de la gangue des procédures, un accord de volontés générateur d'obligations, et non plus seulement une modalité particulière d'administration.

(1) C'est cette approche « institutionnelle » qui, par exemple, permet un droit de la cession de contrat réaliste et simple, en droit administratif, là où le droit privé construit - laborieusement - une collection de transferts de créances et de transports de dettes.
(2) ... Cependant qu'au même moment ou presque, c'est par voie d'ordonnance (et non de décret) qu'est réglementé le contrat de partenariat public-privé, ordonnance qui n'est pas moins « un code de procédure administrative » que le code des marchés publics et qui organise la passation de contrats qui, pour leur majeure part, seront considérés comme des marchés au sens du droit communautaire. Comprenne qui pourra...
(3) ... Or cela n'est évidemment pas exact, par exemple, de la disposition du code des marchés - traditionnelle depuis 1905 - qui autorise la clause compromissoire ou encore de celles qui imposent l'allotissement du marché ou qui règlent le paiement et plus largement le régime financier de celui-ci, etc.
(4) Y. Gaudemet, Libres propos sur le droit des contrats administratifs, RGEP-CJEG 2004, p. 1.