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La procédure parlementaire et le Conseil constitutionnel

Damien CHAMUSSY - Conseiller des services de l'Assemblée nationale, Chef de la division de la séance, Ancien membre du service juridique du Conseil constitutionnel

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 38 (Dossier : Le Conseil constitutionnel et le Parlement) - janvier 2013

Résumé : Le Conseil constitutionnel a affirmé d'emblée sa compétence pour contrôler la régularité de la procédure parlementaire. De ses décisions, il résulte une jurisprudence, nécessairement complexe, qui régit les conditions d'exercice du droit d'amendement, le déroulement du débat parlementaire et la compétence du législateur. La jurisprudence s'est encore étoffée avec la mise en place, sur le fondement de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, des nouveaux outils de la procédure parlementaire.

La présente contribution a pour objet de présenter l'état de cette jurisprudence. Elle fait ressortir la volonté du Conseil constitutionnel de se rapprocher, au cours de la période récente, des règles classiques du droit parlementaire. Dans le même temps, elle révèle une intensification de son contrôle, cette tendance résultant peut-être de l'impossibilité pour lui d'être saisi des questions de procédure dans le cadre du contrôle a posteriori désormais consacré par l'article 61-1 de la Constitution.


Le Conseil constitutionnel a très tôt manifesté sa volonté de contrôler la régularité de la procédure parlementaire. Dès le 15 janvier 1960, il s'assure que les règles de procédure prévues par l'article 46 de la Constitution ont bien été respectées pour l'adoption de la loi organique portant promotion des Français musulmans dans la magistrature (1). L'année suivante, dans sa décision n° 60-11 DC du 20 janvier 1961, il censure, pour méconnaissance de l'irrecevabilité financière prévue par l'article 40 de la Constitution, plusieurs dispositions de la loi relative aux assurances sociales des exploitants agricoles. Quinze ans plus tard, dans sa décision n° 75-57 DC du 23 juillet 1975, statuant de nouveau sur une question de recevabilité financière, le Conseil considère « qu'il (lui) appartient, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution d'une loi votée par le Parlement et en instance de promulgation, non seulement de se prononcer sur la conformité des dispositions de cette loi à la Constitution, mais encore d'examiner si elle a été adoptée dans le respect des règles de valeur constitutionnelle relatives à la procédure législative » (cons. 1).

Tout au long des années 1970, le Conseil abordera ainsi des questions de procédure : droit d'amendement (2), fonctionnement des commissions mixtes paritaires (CMP) (3), lien entre un amendement et le texte auquel il se rapporte (4), consultation des assemblées territoriales d'outre-mer (5). Par sa décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, le Conseil déclare contraire à la Constitution l'ensemble de la loi de finances pour 1980, reprochant à l'Assemblée nationale de n'avoir pas respecté les obligations résultant de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances en commençant à discuter de la seconde partie alors que l'article évaluant les recettes et fixant les plafonds des charges n'avait pas été adopté.

Au début des années 1980, le Conseil s'engage dans un contrôle plus étroit du droit d'amendement. Récusant la théorie dite de « l'entonnoir » (6), il juge que le droit d'amendement du Gouvernement n'est soumis à aucune restriction, ni en deuxième lecture (7) ni même après la CMP (8). Il considère que les adjonctions ou modifications apportées à un texte en discussion ne doivent pas dépasser, par leur objet et leur portée, des « limites inhérentes au droit d'amendement » (9). Mais cette jurisprudence a depuis été remise en cause.

Après une phase de décrue relative, la procédure retrouve, à partir de 1998, une place déterminante dans les décisions du Conseil constitutionnel, qui va progressivement faire application de règles plus proches de la pratique et du droit parlementaire.

Sous la XIIe législature, le Conseil se montre moins clément envers les cavaliers législatifs, budgétaires ou sociaux. Le caractère absolu de l'irrecevabilité financière est réaffirmé. La logique de « l'entonnoir » est poussée à son terme. Au contrôle de la procédure s'ajoutent des interventions répétées sur le terrain de la qualité de la législation.

Sous la XIIIe législature, enfin, les décisions antérieures sont prolongées. L'entrée en vigueur des règles de la procédure parlementaire issues de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 - engagement de l'examen de la plupart des textes en séance sur la base des conclusions des commissions, ordre du jour davantage « partagé » entre le Parlement et le Gouvernement, régulation du droit d'amendement par les règlements des assemblées dans le cadre déterminé par une loi organique... - offre aux requérants des motifs de saisine renouvelés. La mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) semble inciter le Conseil à renforcer, par le contrôle a priori, son emprise sur la procédure parlementaire. Comme le montre le tableau suivant, les questions de procédure prennent une place inégalée.

DÉCISIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ABORDANT DES QUESTIONS DE PROCÉDURE :

Nb de décisions (1) dont décisions traitant de questions de procédure (2) %
Ve législature (1973-1978) 22 9 40,9
VIe législature (1978-1981) 25 9 36,0
VIIe législature (1981-1986) 66 30 45,5
VIIIe législature (1986-1988) 26 7 26,9
IXe législature (1988-1993) 48 20 41,7
Xe législature (1993-1997) 50 21 42,0
XIe législature (1997-2002) 48 23 47,9
XIIe législature (2002-2007) 70 32 45,7
XIIIe législative (2007-2012) 66 41 62,1
(1) Ne sont prises en compte que les décisions rendues sur des lois ordinaires, hors lois organiques, traités et règlements des assemblées. (2) Ne sont pas prises en compte les questions tenant à la compétence du législateur (incompétences négatives ou empiètements sur le domaine de la loi organique.

De fait, la procédure échappe au nouveau contrôle a posteriori. L'article 61-1 de la Constitution ne mentionne, comme le prévoyaient déjà les projets engagés en 1990 et 1993, que les seuls droits et libertés que la Constitution garantit. Ce point a été formellement jugé lorsqu'un requérant mit en cause les modalités d'adoption d'un article de la loi de finances rectificative pour 2008. L'affaire fut considérée comme suffisamment sérieuse pour justifier des observations de la part du président de l'Assemblée nationale : celui-ci fit valoir, en invoquant la lettre de la Constitution et les travaux préparatoires de la révision constitutionnelle et de la loi organique du 10 décembre 2009, que cette référence aux « droits et libertés » avait bien pour objet d'exclure les règles de procédure du champ de la QPC. Dans sa décision n° 2010-4 QPC du 18 juin 2010, le Conseil considéra, en effet, que « le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d'adoption d'une loi ne peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité » (cons. 7).

Le cadre du contrôle de la procédure parlementaire n'est donc pas appelé à évoluer. Quant au fond, si le Conseil continue à juger que les règlements des assemblées n'ont pas par eux-mêmes valeur constitutionnelle, et que leur méconnaissance ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre une procédure législative contraire à la Constitution, il demeure que, au cours des dernières années, il s'est efforcé de se rapprocher des règles classiques du droit parlementaire. On peut penser, dès lors, qu'il ne devrait pas s'en affranchir de nouveau.

I - Les conditions d'exercice du droit d'amendement

En vertu du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement ». Si ce droit doit pouvoir s'exercer « pleinement », pour reprendre un adverbe émanant du Conseil lui-même, notamment au cours des premières lectures, il fait néanmoins l'objet de règles inhérentes à la navette parlementaire et qui ont donné lieu à de nombreuses décisions. La Constitution précise, d'ailleurs, depuis 2008, qu'il est mis en oeuvre « selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ».

Le Conseil a récapitulé, aux considérants 24 à 27 de sa décision n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006 (10), les limites opposables au droit d'amendement. Trois irrecevabilités, dites de l'article 40, du lien et de l'entonnoir, sont susceptibles de s'appliquer successivement.

A - La recevabilité financière

Aux termes de l'article 40 de la Constitution : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Il s'agit d'une irrecevabilité de caractère absolu (11).

Certes, en 2007, le Conseil a réaffirmé la nécessité d'un « préalable parlementaire », considérant que « la question de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire doit avoir été soulevée devant la première chambre qui en a été saisie pour que le Conseil constitutionnel puisse en examiner la conformité à l'article 40 ». Mais, introduisant des critères précis, il ajoutait que « cette condition est subordonnée, pour chaque assemblée, à la mise en oeuvre d'un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt de tels amendements » (12). Après avoir relevé qu'une telle procédure n'avait pas été instaurée au Palais du Luxembourg, il a constaté, d'office, que deux articles de la loi de financement de la sécurité sociale, introduits par amendement à l'initiative de sénateurs, avaient été adoptés en méconnaissance de l'article 40 de la Constitution.

Ainsi, le Conseil agit, en ce qui concerne l'article 40, comme un juge d'appel des décisions prises par les instances propres à l'Assemblée nationale et au Sénat. Mais encore faut-il, pour cela, que ces instances interviennent de façon effective. Depuis lors, le Sénat a mis en oeuvre un contrôle préalable de la recevabilité financière des amendements.

Le Conseil a réaffirmé ces exigences, le 25 juin 2009, lorsqu'il eut à connaître des modifications apportées à leur règlement par les assemblées parlementaires. Dans sa décision n° 2009-581 DC il considère « que le respect de l'article 40 de la Constitution exige qu'il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité, au regard de cet article, des propositions et amendements formulés par les députés et cela antérieurement à l'annonce de leur dépôt et par suite avant qu'ils ne puissent être publiés, distribués et mis en discussion, afin que seul soit accepté le dépôt des propositions et amendements qui, à l'issue de cet examen, n'auront pas été déclarés irrecevables ; qu'il impose également que l'irrecevabilité financière des amendements et des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies puisse être soulevée à tout moment » (cons. 38). Il est ainsi précisé qu'il n'y a pas de distinction, du point de vue de l'article 40, entre les amendements et les propositions de loi, d'une part ; entre les amendements et la notion - induite par la nouvelle règle d'examen des textes sur la base des conclusions des commissions - de « modifications apportées par les commissions aux textes qu'elles adoptent », d'autre part.

Le nouvel article 89 du règlement de l'Assemblée nationale - qui a confié aux présidents des commissions saisies le contrôle de la recevabilité financière des amendements présentés en commission - ayant intégré les exigences du Conseil, son examen ne fut qu'une formalité. Il n'en fut pas de même avec le règlement du Sénat. Signe d'une certaine défiance, la nécessité d'un contrôle de recevabilité effectif et préalable au dépôt est exprimée, dans la décision n° 2009-582 DC, sous la forme d'une réserve d'interprétation (cons. 25 et 28). Par ailleurs, sont déclarées contraires à la Constitution des dispositions qui permettaient aux commissions de se réunir « pour examiner les amendements du rapporteur ainsi que les amendements déposés au plus tard l'avant-veille de cette réunion » sans exiger un examen préalable de recevabilité (cons. 20).

Le Conseil semble donc particulièrement vigilant. Pour autant, il se satisfait, en l'état, des contrôles désormais opérés dans les deux assemblées. La règle du préalable parlementaire a ainsi pu être réaffirmée, de façon rigoureuse, le 9 août 2012 (13).

B - Le lien avec le texte examiné

L'exigence d'un lien entre un amendement et le texte auquel il se rapporte, qui figure depuis 1935 dans le règlement de l'Assemblée nationale, a été reprise par le Conseil : celui-ci censure les dispositions étrangères à l'objet de la loi. Toutefois, le Conseil considérait, initialement, comme en matière financière, que, pour pouvoir être saisi sur ce fondement, encore fallait-il que les requérants aient contesté, en séance, la recevabilité des dispositions en cause (14).

Cette condition ayant été abandonnée, l'absence de lien a pu servir de motif de censure, notamment lorsqu'elle se cumulait avec un dépassement des « limites inhérentes » au droit d'amendement (15). Mais ce n'est qu'au tournant des années 2000 qu'elle devint un motif régulier de censure : cette année-là, le Conseil déclara contraires à la Constitution cinq cavaliers, les premiers depuis 1994. À partir de sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, le Conseil ne fait plus référence aux « limites inhérentes » et se contente de vérifier que les amendements « ne sont pas dépourvus de tout lien » avec les autres dispositions du texte initial. Cette approche est jugée plus respectueuse des prérogatives parlementaires.

En 2006, alors que le rythme s'était abaissé entre 2001 et 2005, ce sont de nouveau cinq cavaliers législatifs qui sont censurés, dont deux à l'initiative du Conseil (16) ce qui n'était pas arrivé depuis plus de dix ans (17). En 2007, dix cavaliers sont censurés (18).

C'est dans ce contexte que, lorsque fut discuté le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, l'Assemblée nationale adopta un amendement faisant figurer à l'article 45 de la Constitution le principe selon lequel « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Au cours de la deuxième séance du 9 juillet 2008, le président de la commission des lois justifiait cette initiative dans les termes suivants : « Nous voulons remettre en cause la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, ces dernières années, a restreint notre liberté d'amendement en première lecture ».

La disposition en cause fut âprement discutée, le Sénat la supprimant en première lecture et ne s'inclinant en deuxième lecture que « pour ne pas prolonger la navette », selon les termes du président de sa commission des lois. Celui-ci estimait que le droit d'amendement était « garanti, sous une forme peut-être plus satisfaisante, par la jurisprudence désormais bien établie du Conseil constitutionnel ». Le « signal » qui devait être adressé au Conseil n'était dès lors plus d'une clarté évidente.

De fait, quatre ans plus tard, il ressort de ses décisions que le Conseil a d'abord retenu de la réforme de 2008 la constitutionnalisation de la notion de lien. S'il rejette fréquemment les griefs fondés sur l'absence de lien direct, il n'en a pas moins réaffirmé sa vigilance, et ce, dès l'examen des modifications apportées aux règlements des assemblées.

Le nouvel article 98, alinéa 5, du règlement de l'Assemblée nationale ne posait pas de difficulté, sa rédaction reprenant les termes de la Constitution. En revanche, dans sa décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, à propos de celui du Sénat, le Conseil censura une disposition qui pouvait être interprétée comme réservant un sort plus favorable aux amendements ne portant pas articles additionnels (cons. 27). Il s'agissait pour le Conseil, selon les termes du commentaire mis en ligne sur son site internet, de « lever toute ambiguïté ».

Quelques semaines auparavant, alors que les requérants s'étaient contentés de faire valoir que des dispositions n'ayant pas leur place dans la loi portant réforme de l'hôpital avaient été adoptées, le Conseil avait censuré son premier cavalier législatif sur le fondement de la nouvelle rédaction de l'article 45 de la Constitution, entrée en vigueur le 1er mars 2009 (19).

En octobre de la même année, le Conseil identifia de nouveaux cavaliers dans la loi tendant à favoriser l'accès au crédit des petites et moyennes entreprises (20). En juin 2010, il censura trois cavaliers, dont un d'office, insérés par amendement dans la loi relative à l'entrepreneur individuel, relevant en outre - de façon sibylline - que les dispositions en cause avaient été adoptées en méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire (21).

L'année 2011 marquera, néanmoins, un nouveau tournant. Sur les quatre décisions rendues qui censurent des cavaliers, deux retiennent l'attention.

Tout d'abord, dans sa décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011, le Conseil censura, pour absence de lien, quatre articles relatifs à la Nouvelle-Calédonie insérés par amendement dans la loi organique relative à la Polynésie (cons. 21 et 22). Jusqu'alors, le Conseil avait, pour les lois organiques, une conception plus souple du lien entre l'amendement et l'objet du projet ou de la proposition de loi : aucune censure n'avait jamais été prononcée pour ce motif.

La décision n° 2011-640 DC du 4 août 2011, sur la loi modifiant la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital, ne peut pas davantage être considérée comme une décision d'inconstitutionnalité parmi d'autres du fait de l'ampleur des censures prononcées pour méconnaissance du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : au-delà des cinq cavaliers contestés, trente dispositions sont soulevées d'office.

Huit autres cavaliers furent censurés en 2011 (22), puis quatre au début de l'année 2012 (23).

Selon les mêmes principes, le Conseil censure les dispositions étrangères au domaine organique des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Sous la XIIIe législature, toutes les décisions rendues par le Conseil sur des lois de finances ont ainsi donné lieu à la censure de « cavaliers budgétaires », à la demande des requérants ou d'office. La première loi de finances de la XIVe législature n'a pas fait exception (24). S'agissant des « cavaliers sociaux », le Conseil est devenu plus rigoureux à partir de l'année 2000 (25) et a encore renforcé sa vigilance après le vote de la nouvelle loi organique du 2 août 2005. Ainsi a-t-il censuré dix cavaliers dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, douze dans la loi de financement pour 2007, seize dans la loi de financement pour 2008, dix-neuf dans la loi de financement pour 2009, dix dans la loi de financement pour 2010, treize dans la loi de financement pour 2011 et six dans la loi de financement pour 2012.

La « traque » des cavaliers est donc une composante emblématique du contrôle de la procédure parlementaire. Elle se revendique désormais, y compris pour les cavaliers législatifs, d'un fondement textuel. Elle entend contribuer à la cohérence des textes de loi et protéger le Parlement lorsqu'elle sanctionne - ce qui n'est pas rare - des amendements gouvernementaux déposés par ce biais pour contourner la consultation du Conseil d'État, la délibération du conseil des ministres et le passage devant la commission compétente.

Il demeure que, pour les assemblées, le contrôle du lien est difficile. L'exemple de la loi relative à l'entrepreneur individuel est révélateur : la commission des lois du Sénat supprima une disposition résultant d'un amendement, déposé par deux députés, relatif aux ventes de médicaments, en estimant qu'il était, « compte tenu de son objet, manifestement contraire à l'article 45 de la Constitution » ; elle adopta, dans un même mouvement, un article additionnel relatif à la création de l'établissement public OSEO (26) qui, pour ce même motif, fut censuré par le Conseil dans sa décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010. Si des évolutions restent possibles, le Conseil restera sans doute longtemps la seule instance susceptible d'exercer, sur ce terrain, un contrôle strict et sans appel.

C - La règle de l'entonnoir

L'une des plus fortes inflexions jurisprudentielles s'est produite le 19 janvier 2006, lorsque le Conseil a poussé à son terme la logique dite de « l'entonnoir » (27).

Le fait que les parlementaires ne puissent pas introduire des dispositions nouvelles après la première lecture figurait dans le règlement des assemblées mais, malgré ces dispositions, déclarées conformes à la Constitution, le Conseil avait admis cette pratique à tous les stades de la procédure. En 1998, il la prohiba à partir de la réunion de la CMP (28).

Le 19 janvier 2006, le Conseil annonce qu'il fera désormais prévaloir « l'entonnoir » dès la deuxième lecture. En se fondant sur l'économie générale de l'article 45 de la Constitution, notamment son premier alinéa (« Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique »), il juge que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ». Ne demeurent admises, implicitement, que les dérogations déjà acceptées après la CMP, au profit des amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.

De fait, le 16 mars 2006, le Conseil déclarait contraires à la Constitution quatre articles de la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, tous issus d'amendements adoptés en deuxième lecture en méconnaissance de la règle de « l'entonnoir » (29). Trois des quatre articles en cause furent soulevés d'office.

Le 3 mars 2007, le Conseil censurait, d'office, pour le même motif, une disposition de la loi relative à la prévention de la délinquance (30). Il s'agissait, pour la première fois, non pas d'un article mais d'un paragraphe additionnel.

Le Conseil n'a pas relâché la pression sous la XIIIe législature. Ainsi, en 2011, quatre décisions aboutirent à la censure, souvent d'office, de paragraphes additionnels considérés comme des dispositions nouvelles, adoptés par amendement après la première lecture : deux par la décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 (loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 79 à 82) ; sept par la décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012 (loi relative à la simplification du droit, cons. 22 à 30) ; quatre, dont l'un transposait pourtant un article d'une directive européenne, par la décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011 (deuxième loi de simplification du droit, cons. 25 à 28) ; deux, introduits en nouvelle lecture, par la décision n° 2011-645 DC du 28 décembre 2011 (loi de finances rectificative pour 2011, cons. 14 et 15).

Le Conseil a également confirmé son approche en refusant de censurer des dispositions contestées au regard de l'entonnoir lorsque les mesures en cause pouvaient, selon lui, se revendiquer des exceptions consacrées par sa jurisprudence.

Ainsi, par sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 (loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, cons. 8 et 9), le Conseil a écarté un grief fondé sur le fait que l'Assemblée nationale avait successivement, après la réunion de la CMP, repoussé une motion de rejet préalable fondée sur l'inconstitutionnalité du projet de loi puis adopté un amendement destiné à corriger une inconstitutionnalité. Il confirme que l'adoption, après la première lecture, d'un amendement destiné à assurer le respect de la Constitution, est toujours possible.

Surtout, par sa décision n° 2011-642 DC du 15 décembre 2011 (loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, cons. 2 à 5), le Conseil a écarté un grief fondé sur une prétendue méconnaissance de l'entonnoir en considérant que les dispositions en cause avaient pour objet d'assurer, par un surcroît de ressources, la sincérité des conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base tel que déterminé dans le projet initial.

À l'occasion de la réforme de 2009, l'Assemblée nationale a aligné les termes de l'alinéa 5 de l'article 108 de son règlement, relatif aux exceptions possibles à la règle de l'entonnoir, sur ceux du considérant de principe applicable en l'espèce, lequel n'a pas varié dans sa rédaction depuis la décision précitée du 19 janvier 2006.

« CAVALIERS » ET « MÉCONNAISSANCES DE L'ENTONNOIR » CENSURÉS PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

CAVALIERS BUDGÉTAIRES CAVALIERS SOCIAUX CAVALIERS LÉGISLATIFS ENTONNOIR (8)
1997 (1) 2 - - -
1998 - - - 5
1999 1 2 - 4
2000 3 6 5 6
2001 7 4 - 2
2002 - - - -
XIe législature 13 12 5 17
2002 (1) 7 5 - -
2003 6 (4) 4 2 -
2004 (1) 1 6 1 2
2005 2 10 - -
2006 (2) - 12 5 4
2007 (2) - - 10 1
XIIe législature 16 37 18 7
2007 16 1 -
2008 (3) 5 19 (6) - -
2009 6 10 12 (7) -
2010 7 19 3 1
2011 13 (5) 6 47 8
2012 - - 4 7
XIIIe législature 31 70 67 16
(1) Le Conseil n’a pas été saisi de la loi de finances rectificative. (2) Le Conseil n’a été saisi ni de la loi de finances initiale, ni de la loi de finances rectificative. (3) Le Conseil n’a pas été saisi de la loi de finances initiale, mais l’a été de la loi de finances rectificative. (4) Dont 4 pour empiètement sur le domaine de la loi organique (2003-488 DC du 29 décembre 2003, cons 21 à 25, et 2003-489 DC du 29 décembre 2003, cons 42 à 45). (5) Dont 2 pour empiètement sur le domaine de la loi organique (2011-638 DC du 28 juillet 2011, cons 34 et 35). (6) Dont 6 pour empiètement sur le domaine de la loi organique (2010-620 DC du 16 décembre 2010, cons 21 et 22). (7) Dont 1 pour empiètement sur le domaine de la loi organique (2009-577 DC du 3 mars 2009, cons 32 à 34). (8) Recensement effectué sur le fondement de la jurisprudence issue de la décision 98-402 DC du 25 juin 1998 (entonnoir après la CMP) puis de la décision 2006-532 DC du 19 janvier 2006 (entonnoir après la première lecture).

II - Le débat parlementaire et la qualité de la législation

Au-delà du droit d'amendement, le Conseil veille au bon déroulement de la « navette ». Il requiert du débat parlementaire qu'il soit clair et sincère, considérant qu'un débat de qualité est une exigence pour l'élaboration d'une bonne législation.

De fait, les intrusions du Conseil sur le terrain de la légistique sont une autre constante de ses décisions récentes.

A - Les relations entre les deux assemblées

Les règles de procédure qui s'imposent dans le cours de la navette ont trait au dépôt de certains projets de loi et aux conditions de leur adoption.

  • Les règles de dépôt applicables à certains projets de loi : En vertu de l'article 39, alinéa 2, de la Constitution, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale.

Le Conseil veille au respect de ce droit de priorité qui est connu depuis les origines du régime parlementaire. Il en a déduit que le Gouvernement ne pouvait pas introduire des mesures nouvelles au Sénat dans la discussion des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale (31). Cette règle a cependant acquis, en 2006, une portée nouvelle, sept articles étant alors censurés pour méconnaissance du droit de priorité (32). Elle repose sur un double ancrage constitutionnel : la règle de dépôt fixée par le second alinéa de l'article 39 de la Constitution mais aussi, pour cette catégorie de lois, depuis la décision du 14 décembre 2006, les conditions d'urgence particulières prévues par ses articles 47 et 47-1.

À l'inverse, depuis la révision du 28 mars 2003 et en vertu du même alinéa de l'article 39 de la Constitution, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.

Dans sa décision n° 2009-594 DC du 3 décembre 2009, le Conseil a rappelé que, selon les termes de la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 39, c'est sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, relatif au droit d'amendement, que les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. En conséquence, un article inséré par amendement à l'Assemblée nationale ne saurait méconnaître les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 39 de la Constitution (33).

La décision n° 2011-632 DC du 23 juin 2011 a cependant fait de la notion d'« organisation des collectivités territoriales » une interprétation dont la portée n'avait pas été anticipée : saisi de la loi fixant le nombre des conseillers territoriaux des départements et des régions, le Conseil juge que cette fixation n'est pas d'abord une question de droit électoral, mais a trait à une caractéristique fondamentale de l'organisation des collectivités territoriales ; en conséquence, il juge que c'est à tort que le projet initial n'a pas été soumis en premier lieu au Sénat et déclare la loi dans son ensemble contraire à la Constitution.

  • Les lois relatives au Sénat : En vertu de l'article 46, alinéa 4, de la Constitution, « les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées ». Lorsque seules certaines dispositions sont propres au Sénat, le Conseil vérifie si leur adoption a pris en compte cette exigence.

Ainsi, en 2007, dans ses décisions n° 547 et n° 559 DC, à propos de lois organiques portant sur l'outre-mer, le Conseil relève, avant de valider la procédure, que les dispositions relatives au Sénat que ces textes contenaient ont bien été votées dans les mêmes termes. Dans la première décision, il admet, par ailleurs, implicitement mais nécessairement, qu'une telle loi puisse faire l'objet d'une commission mixte paritaire, puisque tel avait été le cas en l'espèce.

Cette obligation de procédure a fait l'objet, le 3 mars 2009, d'une décision qui en a diminué la portée supposée. Dans sa décision n° 2009-576 DC, le Conseil a jugé, en effet, que la loi organique relative à la nomination des présidents de l'audiovisuel public n'était pas relative au Sénat, alors même que ce texte étendait les compétences de la commission des affaires culturelles de cette assemblée, qui était conduite à se prononcer sur les propositions de nomination du Président de la République. Le commentaire de la décision justifie ce point par le fait que chaque assemblée était concernée par les mêmes dispositions : ne sont relatives au Sénat, en conséquence, que les dispositions qui le concernent exclusivement (34).

On pourrait débattre du point de savoir si cette décision se situe ou non dans le prolongement de décisions antérieures. En 1985 et en 2000, le Conseil avait jugé que les lois relatives au cumul des mandats, qui portaient sur des incompatibilités applicables tant aux députés qu'aux sénateurs, avaient été adoptées dans le respect des règles de procédure fixées par l'article 46 de la Constitution (35). Il en avait été déduit qu'il s'agissait de lois relatives au Sénat. Quoi qu'il en soit, le Conseil a tranché la question, limitant corrélativement la portée du quatrième alinéa de l'article 46 de la Constitution.

La confirmation est venue quelques semaines plus tard lorsque, par sa décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009, le Conseil a considéré que la loi organique portant application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution n'était pas relative au Sénat.

  • Les commissions mixtes paritaires : En vertu du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, une commission mixte paritaire, réunissant des représentants des deux assemblées, peut être convoquée par le Premier ministre ou, désormais, s'agissant des propositions de loi, conjointement par les présidents des deux assemblées, en cas de désaccord entre les députés et les sénateurs. La CMP est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ».

Le Conseil a précisé, dès 1976, que les dispositions restant en discussion sont celles qui n'ont pas été adoptées dans les mêmes termes par l'une et l'autre assemblée au moment de la réunion de la CMP (36). En 2004, il revint sur cette notion en se saisissant d'office de deux dispositions de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz. Il s'oppose alors à l'introduction en CMP d'un paragraphe complétant un article en discussion ; le complément ainsi apporté avait pourtant un lien avec l'objet du projet de loi et modifiait, dans l'un des deux cas, une loi antérieure déjà modifiée par le reste de l'article (37). Le fondement n'est pas le même que pour l'entonnoir, mais le résultat est analogue.

Une décision de même nature fut prise, en 2008, à propos d'une disposition introduite dans la loi pour le logement et la lutte contre l'exclusion (38).

La même année, à propos de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, le Conseil juge qu'une CMP peut être convoquée pour proposer un texte commun lorsque le texte en discussion a été rejeté par l'une ou l'autre des deux assemblées, y compris s'il n'a pas fait l'objet du même nombre de lectures devant chacune d'entre elles : la convocation peut intervenir dès lors qu'une lecture au moins a eu lieu en cas d'engagement de la procédure accélérée, deux lectures dans le cas contraire (39).

Pour autant, le Conseil semble ne pas vouloir contrôler excessivement le fonctionnement même des CMP. Saisi, en 2010, du fait qu'une disposition de la loi de réforme des collectivités territoriales aurait fait l'objet de votes successifs en CMP, il se borne à constater qu'un accord a bien été trouvé et que, dès lors, l'article 45 de la Constitution n'a pas été méconnu (40).

  • Le renouvellement des assemblées et la poursuite de la « navette » : Le Conseil a eu à juger, récemment, des conséquences du renouvellement de l'Assemblée nationale sur la poursuite de la navette, en particulier pour les propositions de loi adoptées par elle et transmises au Sénat. Le Sénat ne faisant l'objet que de renouvellements partiels, le Gouvernement n'est jamais tenu de redéposer ses projets de loi devant cette assemblée à la suite des élections.

En ce qui concerne les initiatives parlementaires, le Président du Sénat adresse, au début de chaque législature, au Président de l'Assemblée nationale, la liste des propositions de loi antérieurement transmises par le Sénat et non devenues définitives, à l'exception des propositions d'initiative sénatoriale que les commissions précédemment saisies au fond déclarent être devenues sans objet.

Restait la question des propositions de loi adoptées par l'Assemblée nationale. Depuis 1894, la pratique est que le Sénat peut se prononcer sur des propositions de loi adoptées par l'autre chambre postérieurement au renouvellement de celle-ci. De fait, il était déjà arrivé que la navette se poursuive sur de tels textes d'une législature à l'autre, et même que des propositions de loi soient adoptées en termes conformes par le Sénat sans que l'Assemblée dans sa composition renouvelée ait eu à en délibérer. Pour autant, aucun de ces textes n'avait été déféré au Conseil constitutionnel.

Cette pratique ayant été contestée à l'issue du vote de la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée du souvenir à la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc, adoptée par l'Assemblée nationale sous la XIe législature et par le Sénat, dans les mêmes termes, sous la XIVe, le Conseil a validé, le 29 novembre 2012, la procédure ayant conduit à son adoption. (41)

Ainsi, le fait que le Sénat demeure saisi des propositions de loi adoptées par l'Assemblée sous une précédente législature ne méconnaît aucune disposition ou exigence constitutionnelle. La lettre de l'article 45 de la Constitution, et les moyens dont dispose l'Éxécutif pour s'opposer à l'adoption conforme par le Sénat d'une proposition de loi déjà votée par l'Assemblée (notamment le vote bloqué prévu par l'article 44), plaidaient dans ce sens.

B - La clarté et la sincérité du débat parlementaire

Apparu dans la jurisprudence le 21 avril 2005 (42), puis explicitement dégagé le 13 octobre suivant, le principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire est présenté comme une garantie nécessaire pour assurer le respect des règles énoncées à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (« La loi est l'expression de la volonté générale ») et au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ») (43).

Ce principe a d'abord été interprété comme ayant vocation à tempérer un usage débridé du droit d'amendement, et ce dès la première lecture. En octobre 2005, il s'agissait, d'ailleurs, de justifier l'instauration d'un délai pour le dépôt des amendements à la seconde partie du projet de loi de finances de l'année. Il faisait écho à des formulations antérieures moins précises : en 2003, le Conseil avait ainsi considéré que « le bon déroulement du débat démocratique et, partant, le bon fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels supposent que soient pleinement respecté le droit d'amendement... et que parlementaires comme Gouvernement puissent utiliser sans entrave les procédures mises à leur disposition à ces fins ; que cette double exigence implique toutefois qu'il ne soit pas fait un usage manifestement excessif de ces droits » (44).

L'examen des décisions rendues sous la XIIIe législature montre que le principe de clarté et de sincérité s'impose, en réalité, au débat parlementaire dans son ensemble ; il protège la minorité contre les abus éventuels de la majorité mais permet également aux assemblées de mettre en oeuvre des procédures destinées à garantir le bon déroulement de leur travail.

De fait, le Conseil a intégré le principe de clarté et de sincérité parmi les normes de référence des décisions rendues, le 25 juin 2009, sur le règlement des assemblées (45). Dans la décision n° 2009-581 DC le principe est ensuite mobilisé à six reprises (aux cons. 12, 20, 25, 29, 35 et 44), pour des questions aussi diverses que le caractère exhaustif du compte rendu des commissions, la durée maximale pouvant être assignée à l'examen de l'ensemble d'un texte, la durée des prises de parole ou les délais de dépôt opposables aux amendements.

Ces décisions ont sans doute contribué au succès du principe de clarté et de sincérité, invoqué à de nombreuses reprises par les requérants, dont trois fois, en juin 2011, au titre de griefs différents, pour la seule saisine afférente à la loi relative à l'immigration. Le moyen n'a d'ailleurs guère été opérant, le Conseil se contentant, dans la plupart des cas, de juger de façon laconique que la clarté et la sincérité du débat n'avaient pas été altérées ou méconnues.

Dans deux cas, néanmoins, le Conseil a fondé des censures sur le principe de clarté.

Le premier concernait une disposition insérée dans le règlement de l'Assemblée nationale qui prévoyait la clôture automatique de la discussion d'un article dès lors que quatre orateurs seraient intervenus. Dans sa décision précitée, le Conseil considère que cette clôture « pourrait avoir pour effet d'interdire aux membres d'un groupe d'opposition d'intervenir dans la discussion » et « méconnaît, par suite, les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire » (cons. 29).

Au considérant 6 de sa décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010, le Conseil a jugé, par ailleurs, que les articles 9 (statut de l'établissement OSEO), 12 (régime d'indexation de certains loyers) et 13 (habilitation du Gouvernement à transposer une directive par ordonnance) de la loi relative à l'entrepreneur individuel « ont été adoptés en méconnaissance de la clarté et de la sincérité du débat parlementaire ». Sans doute le Conseil a-t-il voulu ainsi stigmatiser le dépôt tardif et l'adoption précipitée des amendements à l'origine des dispositions contestées, par ailleurs dénuées de tout lien avec l'objet du projet de loi.

C - La qualité de la législation

Les interventions du Conseil sur le terrain de la qualité de la législation ont été particulièrement fréquentes entre 2004 et 2007. Elles tendent à sanctionner des imperfections dont certaines recouvrent des enjeux de procédure.

C'est le cas des méconnaissances de l'objectif d'intelligibilité de la loi, consacré le 27 juillet 2006 comme la norme de référence en matière de contrôle de la législation (46). Le Conseil a d'ailleurs jugé que cet objectif ne constituait pas un droit ou une liberté garanti par la Constitution et que sa méconnaissance ne pouvait donc, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une QPC (47). Il a certes restreint sa portée en considérant, dans ses dernières décisions, « que la complexité de la loi et l'hétérogénéité de ses dispositions ne sauraient, à elles seules, porter atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » (48), mais des censures ont néanmoins été prononcées sur ce terrain, notamment par la décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, à propos de la loi relative aux contrats de partenariat (cons. 38 à 40) (49).

Plus encore, le fait pour le législateur de ne pas respecter les domaines respectifs des différentes catégories de normes peut être considéré comme une erreur de procédure.

  • L'insertion dans la loi organique de dispositions ordinaires : Les lois organiques étant soumises à des règles de procédure particulières, il incombe au Conseil de s'assurer que les dispositions qui y figurent ont effectivement ce caractère. Il s'agit, d'ailleurs, d'une règle prévue par le règlement des assemblées. Le premier alinéa de l'article 127 du règlement de l'Assemblée nationale dispose ainsi que « les projets et propositions de loi tendant à modifier une loi organique ou portant sur une matière à laquelle la Constitution confère un caractère organique... ne peuvent contenir de dispositions d'une autre nature ». Aux termes de son troisième alinéa : « Il ne peut être présenté aucun amendement ou article additionnel tendant à introduire dans le projet ou la proposition des dispositions ne revêtant pas le caractère organique ».

De fait, des irrecevabilités sont opposées sur le fondement de cet article 127. En 2009, 433 amendements furent ainsi écartés à l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (50).

Le Conseil a récemment donné à sa jurisprudence selon laquelle une loi organique « ne peut intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement énumérés par la Constitution » (51) une ampleur nouvelle en précisant que « l'introduction dans un texte de loi organique de dispositions n'ayant pas cette nature pourrait en fausser la portée » (52). Certes, il ne censure pas de telles dispositions, mais en relève la nature, mentionnant le déclassement dans le dispositif de sa décision. Les cas ont encore été nombreux sous la XIIIe législature (53).

Sous une forme plus originale, le Conseil protège le domaine de la loi organique en s'opposant à ce qu'elle méconnaisse l'étendue de la compétence qui lui a été attribuée par la Constitution. Sur ce fondement ont été censurées deux dispositions de la loi organique du 15 avril 2009 qui renvoyaient au règlement des assemblées la question de l'examen en commission des résolutions prévues par l'article 34-1 de la Constitution ou de la soumission à des études d'impact de certains amendements gouvernementaux (54).

  • L'insertion dans la loi ordinaire de dispositions organiques : L'insertion dans la loi ordinaire de dispositions organiques est également proscrite par le règlement des assemblées. Le quatrième alinéa de l'article 127 du règlement de l'Assemblée nationale vise spécifiquement ce cas. Mais la sanction est plus grave puisque, saisi de telles dispositions, le Conseil les censure en considérant, de façon explicite, qu'elles ont été adoptées « au terme d'une procédure contraire à la Constitution ».

Récemment, le Conseil a ainsi protégé le contenu des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, que seule une loi organique peut fixer (55) ; il a également rappelé que la répartition des compétences entre l'État et les collectivités d'outre-mer relève de la loi organique en vertu de l'article 74 de la Constitution (56).

  • La méconnaissance par le législateur de son domaine de compétence : Le Conseil sanctionne, enfin, le fait, pour le législateur, de rester « en deçà » de sa compétence et, ce faisant, de laisser au pouvoir règlementaire le soin de réglementer des dispositions qui relèvent du domaine de la loi.

Sous la XIIIe législature, le grief d'incompétence négative, fréquemment invoqué, a été le plus souvent rejeté, mais davantage de censures ont été prononcées par rapport à la législature précédente, souvent à propos de dispositions également jugées inintelligibles (57).

Ce contrôle s'exprime dans le considérant suivant, qui guide la démarche du Conseil depuis 2006 (58) et qui a été réaffirmé, encore récemment, dans des termes identiques : « Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques » (59).

Le Conseil a fait preuve d'une préoccupation du même ordre, sur un fondement certes différent, en matière d'expérimentations, en jugeant que le législateur ne pouvait, sans méconnaître l'article 37-1 de la Constitution, autoriser celles-ci tout en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin d'en fixer la durée (60).

Il doit être relevé que si, comme toutes les questions de procédure, l'incompétence négative ne fait pas a priori partie du champ de la QPC, le Conseil peut accepter d'en connaître : à un requérant qui soulevait ce grief à l'encontre d'une disposition du code général des impôts sur le fondement duquel il avait fait l'objet de rappels de TVA, le Conseil a opposé, dans sa décision 2010-5 QPC du 22 juillet 2010, que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (cons. 3) (61). Dans le prolongement de cette décision, il censura, le 22 septembre, par sa décision n° 2010-33 QPC, un cas d'incompétence négative, la loi qu'il examinait n'instituant pas les garanties permettant qu'il ne fût pas porté atteinte au droit de propriété.

Le Conseil protège, enfin, le domaine de la loi en s'opposant à ce que des dispositions relevant de celle-ci soient insérées dans le règlement des assemblées. Deux articles de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 27 mai 2009 ont ainsi été déclarés contraires à la Constitution : le premier avait trait aux modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d'enquête pourraient prendre connaissance du compte rendu de leur audition ; le second prévoyait les conditions dans lesquelles le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques pourrait solliciter l'assistance de la Cour des comptes (62).

  • L'insertion dans la loi de dispositions réglementaires : Le caractère réglementaire d'un amendement est un motif d'irrecevabilité qui, en vertu de l'article 41 de la Constitution, peut être opposé par le Gouvernement ou, depuis 2008, par le président de l'assemblée saisie. La méconnaissance de cette règle de procédure n'est cependant pas sanctionnée par le Conseil : ce point a été confirmé en 2012.

Le Conseil avait certes déjà jugé, il y a trente ans, « que, par les articles 34 et 37, alinéa 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi » (63). Mais certains dénonçaient l'influence que cette solution aurait exercée sur le volume et la qualité de la législation.

Ce débat a trouvé un prolongement dans la décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005. Répondant aux requérants, le Conseil a constaté le caractère manifestement réglementaire de quatre articles de la loi (cons. 23), sans pour autant les déclarer contraires à la Constitution. Ce constat autorisait le Gouvernement à les modifier par décret en Conseil d'État sans avoir à saisir préalablement le Conseil constitutionnel sur le fondement du second alinéa de l'article 37. Mais le fait de relever un empiètement du législateur sur le domaine réglementaire dans une décision rendue au titre de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, fut qualifié, au mieux, d'original.

Dans un délai remarquablement bref, le Conseil a tiré les conséquences des critiques formulées à l'encontre de la décision du 21 avril 2005 en abandonnant formellement la solution retenue au considérant 23. Alors que les requérants, invoquant sa décision de 2005, soutenaient que la loi relative à la simplification du droit comportait des dispositions qui ne relèvent pas du domaine de la loi et lui demandaient de les « requalifier d'office », il a réaffirmé, dans sa décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, sa position de 1982, en jugeant « que, si l'article 34 et le premier alinéa de l'article 37 de la Constitution établissent une séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement, et si l'article 41 et le deuxième alinéa de l'article 37 organisent les procédures spécifiques permettant au Gouvernement d'assurer la protection du domaine réglementaire contre d'éventuels empiètements de la loi, la Constitution n'a pas pour autant entendu frapper d'inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi ; que, par suite, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que le législateur est intervenu dans le domaine réglementaire pour soutenir que la disposition critiquée serait contraire à la Constitution ou pour demander que soit déclaré son caractère réglementaire » (cons. 10).

Dans le commentaire de cette décision, il est indiqué que « [la] décision de 2005 constitue une décision d'espèce, rendue dans le contexte particulier d'un débat sur la qualité de la loi. Elle n'avait pas de précédent et le Conseil constitutionnel n'a pas estimé nécessaire de lui donner une suite. La jurisprudence du Conseil constitutionnel reste fondée sur la décision n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 ».

III - Les règles applicables aux nouveaux outils de la procédure parlementaire

Le Conseil a eu à connaître des nouveaux instruments de la procédure parlementaire mis en place par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. De ses décisions il ressort une volonté de donner toute sa portée à la réforme mais aussi de veiller au respect des prérogatives respectives du Gouvernement et de chacune des assemblées.

A - Les études d'impact

Dans le prolongement d'une réflexion engagée de longue date, la France s'est dotée, en 2009, d'un dispositif d'évaluation préalable de la législation. Les études d'impact sont présentées comme pouvant contribuer à des prises de décisions plus objectives et à l'élaboration d'une législation de qualité.

La Constitution et la loi organique du 15 avril 2009 imposent au Gouvernement de déposer ces études d'impact en même temps que la plupart des projets de loi. Le document, mis en ligne et publié à la suite du texte auquel il se rapporte, justifie le recours à la loi et présente les objectifs poursuivis et les résultats escomptés. La Conférence des présidents de l'assemblée devant laquelle le projet a été déposé peut, dans un délai de dix jours, s'opposer à l'inscription du texte à l'ordre du jour si l'étude ne lui paraît pas conforme aux prescriptions organiques ; en cas de désaccord avec le Gouvernement, le Conseil peut être saisi.

Ce n'est pas au titre de ce dispositif mais en application de l'article 61 que le Conseil a déjà eu à se prononcer, à plusieurs reprises, sur le régime des études d'impact. Il a cherché à cantonner cet instrument à son statut d'outil mis à la disposition des parlementaires, sans conférer à sa nature juridique une portée excessivement contraignante.

Cette orientation était déjà présente dans la décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009, qui a censuré une précision de la loi organique relative à l'application de l'article 39 de la Constitution selon laquelle l'étude d'impact devait être engagée « dès le début de l'élaboration » d'un projet de loi. Dans une première réserve, le Conseil a précisé que l'exigence de procéder à une étude correspondant à chacune des rubriques énumérées par la loi organique ne s'imposait que pour les rubriques pertinentes au regard de l'objet de la loi. Dans une deuxième réserve, il a estimé que, dans le cas où un projet de loi serait déposé sans être accompagné d'une étude d'impact satisfaisant aux prescriptions organiques, il apprécierait le respect de ces dispositions au regard des exigences de la continuité de la vie de la Nation. Enfin, il a censuré une disposition imposant que l'étude d'impact expose les « orientations principales » des textes d'application nécessaires « et le délai prévisionnel de leur publication » (64).

Dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil a interprété strictement le délai précité de dix jours. Répondant aux requérants qui estimaient que l'étude d'impact se rapportant au projet de loi relatif à l'immigration n'avait pu être contestée « du simple fait qu'aucune Conférence des présidents n'a été convoquée dans les dix jours suivants son dépôt », le Conseil a constaté que le projet avait été enregistré à la présidence de l'Assemblée le 31 mars 2010 puis mis en ligne avec l'étude d'impact dès le vendredi 2 avril, et qu'une réunion de la Conférence des présidents s'était tenue le 6. Il a jugé, dès lors, que, contrairement à ce que faisaient valoir les requérants, une réunion à l'occasion de laquelle l'étude d'impact aurait pu être contestée avait eu lieu dans le délai de dix jours (cons. 2 à 4).

Dans sa décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil a insisté sur le fait que les études d'impact ne sauraient avoir pour effet de limiter l'exercice du droit d'amendement. Répondant aux requérants qui contestaient l'introduction de nouvelles dispositions, par amendement, dans la loi de réforme des collectivités territoriales, en arguant que ce procédé avait été choisi pour ne pas présenter d'étude d'impact, le Conseil a rappelé que les prescriptions relatives aux études d'impact ne s'appliquent qu'aux projets de loi.

Auparavant, dans sa décision n° 2010-603 DC du 11 février 2010, le Conseil avait jugé que les dispositions organiques relatives aux études d'impact n'interdisent pas qu'une telle étude soit commune à plusieurs projets de loi ayant un objet analogue.

Ces prises de position paraissent d'autant plus raisonnables que le dispositif des études d'impact n'en ressort pas affecté, celles-ci étant devenues un élément à part entière de la procédure législative. Elles garantissent aux parlementaires de disposer, dès le dépôt d'un projet de loi, de beaucoup d'informations qui étaient auparavant l'apanage des rapporteurs, et dans tous les débats des échanges d'arguments sont fondés sur leur contenu (65).

Dans ces conditions, on peut penser que la portée du dispositif de contrôle mis en place à l'article 39 de la Constitution, qui fait du Conseil constitutionnel l'arbitre d'un conflit éventuel entre le Gouvernement et la Conférence des présidents, n'a pas vocation à être d'une utilisation fréquente. On ne saurait pour autant sous-estimer son effet dissuasif : la qualité des études d'impact dépend de l'existence d'un mécanisme de sanction, aussi théorique soit-il.

B - Le travail en commission

En vertu du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision du 21 juillet 2008, « la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission (...) ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie ». De cette règle nouvelle, et déterminante, le Conseil a déduit des conséquences fortes en termes de transparence et de publicité.

Par sa décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009, rendue sur la loi organique n° 2009-403, le Conseil a considéré que les articles 31, 40, 41 et 42 de la Constitution « impliquent que le Gouvernement puisse participer aux travaux des commissions consacrés à l'examen des projets et propositions de loi ainsi que des amendements dont ceux-ci font l'objet et assister aux votes destinés à arrêter le texte sur lequel portera la discussion en séance » (cons. 36). En conséquence, « les dispositions en vigueur des règlements des assemblées restreignant dans ces hypothèses le droit d'accès du Gouvernement aux travaux des commissions sont rendues caduques par l'effet de l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle et, d'autre part, le dernier alinéa de l'article 13 de la loi organique qui limite le droit d'accès du Gouvernement aux travaux des commissions est contraire à la Constitution ».

Cette interprétation était d'abord destinée à alerter le Sénat sur l'inconstitutionnalité de la règle qui figurait à l'article 18 de son règlement, lequel précisait que, si les ministres avaient accès dans les commissions, ils devaient « se retirer au moment du vote ». Dans sa nouvelle rédaction, cet article prévoit, désormais, que « les membres du Gouvernement peuvent assister aux votes destinés à arrêter le texte des projets et propositions de loi sur lequel portera la discussion en séance ». Le Conseil jugea néanmoins utile, lorsqu'il l'examina, de rappeler sa décision du 9 avril 2009 en soulignant que le Gouvernement pouvait participer aux travaux des commissions « quand il le souhaite » et assister à « l'ensemble des votes destinés à arrêter le texte sur lequel portera la discussion en séance » (66).

Une telle difficulté ne se posait pas vis-à-vis de l'Assemblée nationale. L'article 45 de son règlement se bornait à prévoir que « les ministres ont accès dans les commissions » et qu'« ils doivent être entendus quand ils le demandent » ; de ce fait, il ne fut pas même modifié en 2009. La rédaction de la décision du Conseil permit au contraire de consacrer, pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que pour les projets de loi constitutionnelle, ce qui était en réalité une pratique générale pour l'ensemble des textes : le principe d'un examen en séance sur la base du projet initial ayant été maintenu pour ces lois, l'Assemblée a inscrit, à l'article 117-1 de son règlement, la règle selon laquelle, dans leur cas, « les membres du Gouvernement n'assistent pas aux votes en commission ».

Dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 rendue sur le règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil apporta, en revanche, une autre précision en jugeant « que les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, qui s'appliquent aux travaux des commissions, imposent qu'il soit précisément rendu compte des interventions faites devant celles-ci, des motifs des modifications proposées aux textes dont elles sont saisies et des votes émis en leur sein ; qu'il en va notamment ainsi pour les projets et propositions de loi dont la discussion porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie » (cons. 12). Cette exigence fut réaffirmée, et son respect contrôlé, à propos de la loi portant réforme des retraites, au considérant 3 de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010.

Le fait que les nouvelles règles de la procédure doivent se traduire par une publicité accrue des travaux des commissions découlerait « de la logique de la réforme » (67). À l'Assemblée nationale, les salles de réunion ont été équipées en matériels de retransmission. Suivant la voie ouverte par la commission des affaires culturelles sous la XIIIe législature, la commission des lois a décidé, au début de la XIVe, sous l'impulsion de son président, que le droit commun serait désormais l'ouverture à la presse - et donc la diffusion sur internet et sur le canal interne de télévision - de l'ensemble des réunions de la commission, l'exception étant le huis clos. Son président préconisa cette orientation en considérant que le principe de publicité « correspond à l'esprit de la révision constitutionnelle de 2008 » (68).

Tout en contribuant à la transparence des travaux des commissions, le Conseil a cherché à préserver leurs compétences, y compris par rapport à la séance publique.

La censure, par la décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, de l'article 28 bis de la résolution adoptée par le Sénat, qui permettait à la Conférence des présidents d'organiser un débat d'orientation en séance publique sur un projet ou une proposition de loi, est, de ce point de vue, significative. Le Conseil a considéré que les articles 42 et 43 de la Constitution, qui prévoient le renvoi en commission des projets et propositions de loi et leur discussion en séance sur la base du texte adopté par la commission, « excluent que soit organisé sur le projet de texte déposé ou transmis un débat d'orientation en séance publique avant son examen par la commission ».

De ces décisions il ressortait déjà que la nouvelle règle d'examen des textes était de nature substantielle, qu'il ne pouvait s'agir d'une simple faculté dont les assemblées pourraient user au gré des circonstances. Mais ce point a été formellement confirmé à l'occasion de l'examen de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement. Le texte examiné et amendé en séance au Sénat ayant été le projet de loi déposé par le Gouvernement, alors même que la commission s'était réunie et l'avait adopté après l'avoir modifié, le Conseil a, pour ce seul motif, déclaré la loi dans son ensemble contraire à la Constitution par la décision n° 2012-655 DC du 24 octobre 2012.

À cette occasion, le Conseil, s'appuyant s'il en était besoin sur les travaux préparatoires de la révision de 2008, a confirmé que, sous réserve des exceptions prévues par le deuxième alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion ne peut s'engager en séance sur le texte du Gouvernement que dans les cas où la commission a rejeté le texte qui lui était soumis ou lorsqu'elle ne s'est pas prononcée sur l'ensemble des articles avant le début de l'examen en séance.

C - La fixation de l'ordre du jour

Le Conseil s'est prononcé sur l'autre innovation majeure de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : l'« ordre du jour partagé », qui a été substitué à la priorité générale dont le Gouvernement disposait en la matière. Il ressort de ses décisions une volonté de préserver les compétences du Gouvernement, d'une part, et de chacune des assemblées, d'autre part.

Ainsi, examinant le nouvel article 48 du règlement de l'Assemblée nationale, le Conseil, dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, a interprété la formule selon laquelle le Gouvernement, après sa formation ou avant l'ouverture de la session, informe, « à titre indicatif », la Conférence des présidents des semaines qu'il « prévoit de réserver » en considérant « que cette disposition permet au Gouvernement de décider la modification de son choix initial au cours de cette session » (cons. 18). Cette incise, conforme à l'intention de l'Assemblée, a été réaffirmée à propos du règlement du Sénat au considérant 22 de la décision n° 2009-582 DC du 25 juin 2009 : ce n'est que « dans ces conditions » que l'article 17 de la résolution sénatoriale n'a pas été déclaré contraire à la Constitution. Est ainsi consacrée la règle selon laquelle le choix des semaines d'ordre du jour au cours de la session est d'abord une prérogative gouvernementale.

Il restait à savoir si l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article 48 de la Constitution remettrait en question la jurisprudence en vertu de laquelle, « en l'absence de dispositions constitutionnelles l'y autorisant, il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique » : l'article premier de la loi relative à l'immigration, qui prévoyait que le Gouvernement dépose chaque année un rapport sur la politique d'immigration et que son dépôt serait suivi d'un débat, avait été censuré par la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003, une telle obligation pouvant « faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour » (cons. 100). Or, dans sa décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010, le Conseil a jugé qu'en exigeant un débat sur le rapport relatif au Conseil économique, social et environnemental qui serait remis au Parlement, la loi organique « porte atteinte aux modalités de fixation de l'ordre du jour des assemblées parlementaires telles que déterminées par l'article 48 de la Constitution » : l'ordre du jour est une compétence de chacune des deux assemblées.

« L'ordre du jour partagé » ne peut davantage s'exonérer des prescriptions précises qui encadrent les conditions de sa fixation. Ainsi, une séance par semaine au moins, y compris pendant les sessions extraordinaires, doit être réservée aux questions au Gouvernement : le Conseil a jugé, par sa décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, qu'un texte qui aurait été adopté au cours d'une semaine dont l'ordre du jour aurait été établi en méconnaissance de cette obligation serait contraire à la Constitution (cons. 2 et 3).

D - Le temps législatif programmé

Le temps législatif programmé (TLP) a été institué, en 2009, à l'Assemblée nationale, sur un triple fondement constitutionnel, organique et réglementaire (69). Cette procédure, destinée à améliorer le travail parlementaire et à lutter contre ce que la majorité de l'époque considérait comme une utilisation détournée du droit d'amendement à des fins d'obstruction, consiste à fixer une durée maximale pour l'examen d'un texte ; le temps global, déterminé par la Conférence des présidents, est ventilé entre les groupes à hauteur, approximativement, de 60 % pour l'opposition et 40 % pour la majorité. Les membres d'un groupe peuvent, dans le temps alloué à celui-ci, s'exprimer librement ; lorsque ce temps est expiré, ils ne peuvent plus prendre la parole et leurs amendements sont mis aux voix sans débat.

Cette procédure s'accompagne de mécanismes qui résultent soit de la loi, soit du règlement, soit de décisions de la Conférence des présidents. Tout président de groupe peut obtenir, de droit, en Conférence des présidents, que le temps des groupes soit porté à hauteur de seuils minimums (trente ou cinquante heures selon les cas sous la XIIIe législature) ; lorsque le Gouvernement ou la commission saisie au fond déposent un ou plusieurs amendements après l'expiration des délais opposables aux députés, un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe ; tout député peut prendre la parole, à l'issue du vote du dernier article ou du dernier amendement, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes.

À la fin de la XIIIe législature, le TLP, qui a été mis en oeuvre à trente-deux reprises, est devenu la pratique habituelle pour l'examen des textes importants.

Les décisions rendues à ce propos portent la marque d'un certain pragmatisme : le Conseil entend garder un droit de regard sur les temps de parole alloués aux groupes politiques ; il apprécie la mise en oeuvre du TLP en fonction des conditions générales du débat.

Cette volonté de pouvoir sanctionner une erreur d'appréciation en ce qui concerne la durée du TLP était exprimée dans la décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, par laquelle le Conseil a déclaré conforme à la Constitution le nouvel article 49 du règlement de l'Assemblée nationale. La déclaration de conformité s'accompagnait, en effet, d'une réserve aux termes de laquelle, « lorsqu'une durée maximale est décidée pour l'examen de l'ensemble d'un texte, cette durée ne saurait être fixée de telle manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Le Conseil ajoutait « qu'il en va de même dans la fixation du temps de discussion supplémentaire accordé à la demande d'un président de groupe, aux députés lorsqu'un amendement est déposé par le Gouvernement ou la commission après l'expiration des délais de forclusion (cons. 25).

De fait, les requérants firent valoir, en 2011, à propos de la loi relative à l'immigration, que la fixation, en première lecture, à l'Assemblée nationale, d'un TLP de trente heures était insuffisante. Ils critiquèrent également le fait que la Conférence des présidents n'ait pas jugé utile de l'augmenter par la suite. Le président de l'Assemblée nationale réagit en adressant des observations au Conseil.

Dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil décida de limiter son contrôle aux cas d'« erreur manifeste ». Il jugea « qu'en l'espèce, la fixation à trente heures d'un temps législatif programmé initial n'était pas manifestement disproportionnée au regard des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Puis il rappela que la compétence pour décider d'octroyer un temps supplémentaire appartient à la Conférence des présidents ; ayant relevé qu'une réunion de la Conférence des présidents avait été convoquée, le 6 octobre 2010, pour examiner l'éventuel octroi d'un temps supplémentaire, mais que l'opposition n'avait été ni présente ni représentée, il écarta le second grief (70).

Dans deux autres décisions, le Conseil a manifesté sa volonté de prendre en compte les conditions générales du débat.

La première portait sur la loi ratifiant l'ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés. Avant le vote, en deuxième lecture, du projet de loi, dont la date avait été fixée au mardi 19 janvier 2010 par la Conférence des présidents, le principal groupe de l'opposition avait demandé, par la voix de son président, que ses membres puissent faire des explications de vote individuelles sur le fondement du treizième alinéa de l'article 49 du règlement de l'Assemblée nationale. Le président de l'Assemblée, dénonçant une « manoeuvre concertée », en avait refusé l'application en faisant valoir que cette demande aurait dû être présentée la semaine précédente, à l'issue de l'examen du texte. Dans sa décision n° 2010-602 DC du 18 février 2010, le Conseil, répondant aux protestations des requérants, s'est borné à considérer « que les règlements des assemblées parlementaires n'ont pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle ; que la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article 49, alinéa 13, du même règlement ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution » (cons. 6).

La deuxième portait sur la loi portant réforme des retraites. À l'issue de la discussion des articles, et l'opposition ayant épuisé son temps de parole, 166 de ses membres avaient demandé à faire des explications de vote individuelles. Après que 23 députés se furent exprimés dans ce cadre, le président de l'Assemblée nationale estima, le 15 septembre 2010, que la bonne organisation des travaux exigeait d'interrompre ces explications de vote, la Conférence des présidents ayant décidé que le texte serait voté le jour même à 15 heures. Répondant aux requérants, le Conseil a jugé, de nouveau, dans sa décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010, que les règlements des assemblées parlementaires n'ayant pas par eux-mêmes une valeur constitutionnelle, « la méconnaissance alléguée des dispositions de l'article 49, alinéa 13, du règlement ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution » ; en l'espèce, la décision du président de l'Assemblée nationale n'avait pas porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.

La mise en oeuvre du TLP n'échappe donc pas au contrôle du Conseil. Il est intéressant, d'ailleurs, de relever que, dans sa décision précitée du 25 juin 2009, le Conseil avait formulé une réserve d'interprétation en considérant « que, si la fixation de délais pour l'examen d'un texte en séance permet de décompter le temps consacré notamment aux demandes de suspension de séance et aux rappels au règlement, les députés ne peuvent être privés de toute possibilité d'invoquer les dispositions du règlement afin de demander l'application de dispositions constitutionnelles » (cons. 25).

L'analyse de cette jurisprudence fait ressortir la volonté du Conseil constitutionnel d'exercer un contrôle rigoureux de la procédure. « La forme lie le fond », semblent penser les conseillers de la rue de Montpensier. Cette approche est défendue par ceux qui considèrent que, pour respecter la loi, encore faut-il que le citoyen puisse la lire, et que, dès lors, « la réforme de l'État passe aussi, et surtout, par une procédure législative irréprochable » (71). Dans cette perspective, la démarche du Conseil peut s'appuyer sur de fortes exigences, en particulier la sécurité juridique et la séparation des pouvoirs.

L'introduction, en 2008, de la question prioritaire de constitutionnalité semble inciter le Conseil à prêter une attention encore plus appuyée aux moyens de procédure, ceux-ci ne pouvant faire l'objet d'une contestation lors d'un contentieux ultérieur (72). Les décisions rendues récemment semblent le confirmer. Il n'est d'ailleurs pas anodin que ce soit dans ce contexte que, de façon inédite, le président de l'Assemblée nationale, au printemps 2011, et celui du Sénat, à l'automne 2012, aient adressé au Conseil des observations tendant à justifier la procédure suivie pour l'adoption, respectivement, de la loi relative à l'immigration et, cette fois-ci en vain, de la loi relative au logement, ni d'ailleurs que celui-ci ait fait le choix de les viser expressément dans ses décisions.

Le législateur est d'autant plus fondé à demander de la clarté et de la stabilité dans les règles qui lui sont opposées. De ce point de vue, il est rassurant de constater que, depuis dix ans, le Conseil constitutionnel n'ignore plus, lorsqu'il contrôle la procédure législative, les principes généraux du droit parlementaire et les solutions figurant dans les règlements des assemblées.

(1) Cons. const., déc. n° 60-6 DC du 15 janvier 1960, cons. 1.

(2) Cons. const., déc. n° 75-57 DC du 23 juillet 1975 précitée, cons. 5.

(3) Cons. const., déc. n° 76-74 DC du 28 décembre 1976, cons. 4.

(4) Cons. const., déc. n° 78-97 DC du 27 juillet 1978, cons. 3.

(5) Cons. const., déc. n° 79-104 DC du 23 mai 1979, cons. 5.

(6) Dégagée par la pratique parlementaire et figurant dans les règlements des assemblées, la « théorie de l'entonnoir » signifie qu'au cours de la navette, le débat ne doit plus porter que sur les dispositions sur lesquelles un accord n'est pas déjà intervenu. V. infra.

(7) Cons. const., déc. n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, cons. 3.

(8) V. les décisions n° 81-136 DC du 31 décembre 1981 (échec de la CMP) et n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 (accord en CMP).

(9) Cons. const., déc. n° 86-221 DC du 29 décembre 1986. V., pour une application concrète : n° 86-225 DC du 23 janvier 1987.

(10) Les termes de cette décision ont depuis été réaffirmés : n° 2008-564 du 19 juin 2009, cons. 9 et 10 ; n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, cons. 22.

(11) Cons. const., déc. n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, cons. 28 ; n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, cons. 7.

(12) Cons. const., déc. n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, cons. 12.

(13) Cons. const., déc. n° 2012-654, cons. 66. Le Conseil, examinant l'article 41 de la loi de finances rectificative pour 2012, issu d'un amendement sénatorial, refuse alors de considérer comme un préalable parlementaire applicable à cette disposition, qui fonderait sa compétence pour statuer, un débat ayant précédemment eu lieu en séance à l'Assemblée nationale à propos d'un amendement identique mais déclaré irrecevable, au risque de favoriser de nouveau, en l'absence de « juge », une application différente de l'article 40 dans les deux assemblées.

(14) Cons. const., déc. n° 78-97 DC du 27 juillet 1978, cons. 3.

(15) Notion développée de façon prétorienne à partir de la décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986. V. également : n° 88-251 DC du 12 janvier 1989, cons. 2 à 9 ; n° 90-287 DC du 16 janvier 1991, cons. 2 à 8 ; n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, cons. 6 à 12 ; n° 92-317 DC du 21 janvier 1993, cons. 1 à 7 ; n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, cons. 19 à 21 et 33 à 35.

(16) V. la censure de l'article 31 de la loi pour le retour à l'emploi par la décision n° 2006-534 DC du 16 mars 2006, et celle de l'article 22 de la loi pour l'égalité des chances par la décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006.

(17) Il existait deux précédents : n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, cons. 24 ; n° 93-335 DC du 21 janvier 1994, cons. 21.

(18) Cons. const., déc. n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007, cons. 2 à 7 ; 2007-549 DC du 19 février 2007 ; 2007-552 DC du 1er mars 2007 ; 2007-557 DC du 15 novembre 2007, cons. 24 à 29.

(19) Cons. const., déc. n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, cons. 40 à 43 ; le considérant de principe fait référence à la nouvelle rédaction de l'article 45. Les précédentes censures de cavaliers législatifs concernaient des lois adoptées avant le 1er mars 2009 : n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, cons. 30 à 35 ; n° 2009-575 DC du 12 février 2009, cons. 5 à 11.

(20) Cons. const., déc. n° 2009-589 DC du 14 octobre 2009, cons. 1 à 3.

(21) Cons. const., déc. n° 2010-607 DC du 10 juin 2010, cons. 2 à 6.

(22) Deux dans la décision n° 2011-629 DC du 12 mai 2011, cons. 15 à 18 et 24 ; six dans la décision n° 2011-641 DC du 8 décembre 2011, cons. 20 à 25.

(23) Cons. const., déc. n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, cons. 16 à 21.

(24) Cons. const., déc. n° 2012-654 DC du 9 août 2012 (cons. 84 à 88 : censure d'office d'un cavalier budgétaire).

(25) À partir de la décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 l'existence d'un « préalable parlementaire » n'est plus exigée.

(26) V. le rapport n° 362 déposé le 24 mars 2010 par M. Jean-Jacques Hyest.

(27) Cons. const., déc. n° 2005-532 DC du 19 janvier 2006, cons. 24 à 27.

(28) Cons. const., déc. n° 98-402 DC du 25 juin 1998, cons. 2 à 4.

(29) Cons. const., déc. n° 2006-533 DC du 16 mars 2006, cons. 2 à 10.

(30) Cons. const., déc. n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, cons. 31 à 36.

(31) Cons. const., déc. n° 76-73 DC du 28 décembre 1976, cons. 2. V. également les décisions n° 86-221 DC du 29 décembre 1986, cons. 6 ; n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, cons. 22 ; n° 93-320 DC du 21 juin 1993, cons. 10 ; n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002, cons. 15.

(32) Cons. const., déc. n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006, cons. 6 et 7.

(33) V., dans le même sens, la décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, cons. 3.

(34) Ce raisonnement était déjà présent, de façon implicite, dans la décision n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009. Le Conseil avait alors contrôlé la procédure suivie pour la loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution, qui prévoyait que la nomination par le Président de la République du président de la commission indépendante chargée d'examiner les projets de répartition des sièges de députés et de sénateurs suivrait la procédure prévue par le dernier alinéa l'article 13 de la Constitution et désignait, à cet effet, la commission compétente de chaque assemblée.

(35) Cons. const., déc. n° 2000-427 DC du 30 mars 2000, cons. 2 ; n° 85-205 DC du 28 décembre 1985, cons. 2.

(36) Cons. const., déc. n° 76-74 DC du 28 décembre 1976, cons. 4.

(37) Cons. const., déc. n° 2004-501 DC du 5 août 2004, cons. 24 à 26.

(38) Cons. const., déc. n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, cons. 27 à 29.

(39) Cons. const., déc. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 7 et 8.

(40) Cons. const., déc. n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, cons. 10.

(41) Cons. const., déc. n° 2012-657 du 29 novembre 2012. La loi en question avait été adoptée par l'Assemblée nationale le 22 janvier 2002, puis par le Sénat le 8 novembre 2012.

(42) Cons. const., déc. n° 2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 4.

(43) Cons. const., déc. n° 2005-526 DC du 13 octobre 2005, cons. 5. V. également : n° 2006-537 DC du 22 juin 2006, cons. 10.

(44) Cons. const., déc. n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, cons. 3.

(45) Cons. const., déc. n° 2009-581 DC (Règlement de l'Assemblée nationale) et n° 2009-582 DC (Règlement du Sénat) du 25 juin 2009, cons. 3.

(46) Cons. const., déc. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 9. Il n'est alors plus fait référence au principe de clarté, dont les implications sont depuis rattachées à la seule incompétence négative.

(47) Cons. const., déc. n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, cons. 8 et 9.

(48) Cons. const., déc. n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, cons. 8.

(49) V. également la décision n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011, cons. 17 (absence d'intelligibilité et incompétence négative), et la décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, cons. 77 à 89 (absence d'intelligibilité et complexité excessive de la loi fiscale).

(50) V. les observations du Gouvernement se rapportant à la décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009.

(51) Cons. const., déc. n° 87-234 DC du 7 janvier 1988, cons. 1.

(52) Cons. const., déc. n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, cons. 42 à 44.

(53) Cons. const., déc. n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 ; 2011-628 DC du 12 avril 2011 ; 2011-626 DC du 29 mars 2011 ; 2010-619 DC du 2 décembre 2010 ; 2010-616 DC du 10 novembre 2010 ; 2010-611 DC du 19 juillet 2010 ; 2009-576 DC du 3 mars 2009.

(54) Cons. const., déc. n° 2009-579 DC du 9 avril 2009, cons. 2 à 4 et 38 et 39.

(55) Cons. const., déc. n° 2011-638 DC du 28 juillet 2011, cons. 34 et 35 ; n° 2010-620 DC du 16 décembre 2010, cons. 21 et 22.

(56) Cons. const., déc. n° 2009-593 DC du 19 novembre 2009, cons. 8 et 9.

(57) Cons. const., déc. n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, cons. 53 à 58 (atteinte aux secrets protégés) ; n° 2009-578 DC du 18 mars 2009, cons. 2 à 7 (règles concernant l'assiette et le taux d'une imposition) ; n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, cons. 29 à 31 (disposition soulevée d'office, relative à la possibilité pour la Cour des comptes de coordonner la certification des établissements de santé par les commissaires aux comptes) ; n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009, cons. 8 à 15 (motif soulevé d'office, en matière pénale) ; n° 2010-604 DC du 25 février 2010, cons. 19 à 23 (protection de la vie privée des personnes) ; n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011, cons. 1 à 10 (accessibilité des bâtiments) ; n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011, cons. 15 à 17 (fait générateur d'une imposition).

(58) Cons. const., déc. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, cons. 9.

(59) Cons. const., déc. n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011, cons. 16.

(60) Cons. const., déc. n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, cons. 32 à 39.

(61) Depuis la décision n° 2012-254 QPC du 18 juin 2012 (cons. 3), il est précisé que la méconnaissance de la compétence du législateur doit affecter « par elle-même » un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

(62) Cons. const., déc. n° 2009-581 DC du 25 juin 2009 (Règlement de l'Assemblée nationale), cons. 51 à 53 et 60.

(63) Cons. const., déc. n° 82-143 DC du 30 juillet 1982, cons. 11.

(64) Ces deux réserves ont été réitérées dans la décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 sur la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.

(65) Ainsi, l'étude d'impact a été citée, en séance, à neuf reprises durant la discussion du projet de loi relatif à la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique (février 2012) ; à quinze reprises durant la discussion du projet de loi relatif au Défenseur des droits (janvier 2011) ; à vingt-cinq reprises durant la discussion du projet de loi sur les retraites (septembre 2010).

(66) Cons. const., déc. n° 2009-582 DC du 25 juin 2009, cons. 10.

(67) Pierre Avril, « Premier bilan de la réforme de la procédure législative », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 32, juillet 2011, p. 189.

(68) V. le compte rendu n° 2 de la commission des lois, mercredi 4 juillet 2012.

(69) Article 44 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ; articles 17, 18 et 19 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 ; articles 49 et 55 du règlement de l'Assemblée nationale issu de la résolution du 27 mai 2009.

(70) Le président de l'Assemblée nationale, dans ses observations, relève que le nombre d'amendements en discussion, soit 545, était moins important que pour d'autres textes soumis à une durée de trente heures et dont le Conseil avait validé la procédure. Il rappelle, par ailleurs, que les représentants de l'opposition avaient alors décidé de boycotter les instances décisionnelles de l'Assemblée, dont la Conférence des présidents.

(71) Florence Chaltiel, « La loi relative à l'hôpital et aux patients devant le juge constitutionnel : l'occasion de préciser la procédure législative », LPA, 21 décembre 2011, n° 253, p. 7-12.

(72) Sophie Hutier, « Le respect de l'exercice du droit d'amendement, rengaine ou renforcement des exigences ? », RFDC, n° 89, 2012, p. 124.