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La jurisprudence des cours constitutionnelles européennes en droit des personnes et de la famille

Laurence BURGORGUE-LARSENN - Professeur à l'École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES)

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 39 - avril 2013

Résumé : La jurisprudence des Cours constitutionnelles européennes concernant le droit de la famille et l'état des personnes reflète, très clairement, un double mouvement de retenue et d'activisme judiciaire. La retenue est celle du juge face au législateur sur les grandes questions de société. Ainsi, quand les représentants du peuple décident d'instituer des modes alternatifs au mariage (qui prennent le nom générique de « partenariats ») ou quand ils optent pour la consécration du mariage entre personnes de même sexe, ces choix sont respectés et avalisés par les Cours constitutionnelles. Si les législateurs ne sont pas désavoués, ils ne sont pas non plus devancés. L'interprétation constructive des Codes civils traditionnels n'a pas eu lieu ; les gardiens des Constitutions se sont logiquement fait attentistes en considérant que le lieu pour décider d'une adaptation du droit au fait était l'hémicycle et non le prétoire. L'activisme a en revanche étreint l'office des Cours constitutionnelles quand elles ont été confrontées aux droits des personnes comme tel. Les Cours se sont inscrites dans un vaste mouvement en provenance du droit international et européen des droits de l'homme qui induit l'éradication de la moindre trace discriminatoire dans le traitement des individus, qu'ils soient jeunes ou vieux, marié ou célibataire, homosexuel ou hétérosexuel, étranger ou national etc... Elles se firent ici les alliées du concert égalitaire.


Métamorphose civilisationnelle. Ainsi pourrait être synthétisée la profonde mutation vécue par le droit de la famille et celui de l'état des personnes en Europe depuis environ une vingtaine d'années. Alors que ce droit avait été bâti sur la légitimité des inégalités et leur institutionnalisation corrélative, le vent égalitaire et libéral - propre à la philosophie des droits de l'homme - ne l'épargna pas. Les inégalités fondatrices du droit de la famille ne sont plus, balayées par l'oeuvre des législateurs et des juges nationaux, influencés les uns et les autres - pour ne pas dire 'contraints' - par la dynamique harmonisante du droit international et européen des droits de l'homme. La métamorphose est unanimement reconnue, tantôt pour être déplorée, tantôt pour être louée. Le sujet est somme toute explosif car il s'agit en réalité d'une véritable « question de civilisation » ; en effet, « c'est toute une conception de la famille et de la société qui s'écroule » (1) pour laisser place à une nouvelle ère, celle de l'individualisme et du pluralisme (2).

À la conception holistique du droit de la famille où le groupe l'emportait sur l'individu, où la figure du pater familias structurait - en la hiérarchisant - la cellule familiale, a succédé le primat de l'individu : du « sentiment du 'nous' de la communauté familiale », on est passé au « sentiment du 'je' de l'individu libre et solitaire » (3). Les intérêts de la personne, de toutes les personnes - des femmes jusqu'aux enfants - finirent par être pris au sérieux. L'égalité des sexes remodelait radicalement les rapports entre les hommes et les femmes tandis que l'égalité des personnes engendrait la prise au sérieux de l'enfant. Auparavant simple objet de protection, il devenait sujet de droits au point qu'un « droit de la famille pédocentrique » prit son envol. La Convention de New York de 1989 - dont les principes régulateurs ont été importés par la Cour européenne dans sa jurisprudence - a été l'aiguillon principal d'une telle transfiguration.

À la sacralisation d'un modèle familial unique basé sur la famille légitime, qui avait in fine pour dessein d'assurer la stabilité du corps social par la transmission orchestrée du patrimoine, a succédé la valorisation d'autres structures familiales, notamment la famille naturelle. Du coup, en mettant sur le même pied familles légitimes et familles naturelles, « les législateurs nationaux ont cessé de privilégier le mariage comme mode d'organisation de la vie de famille et ont corrélativement refusé d'imposer aux individus un modèle de famille » (4). Le « pluralisme conjugal » (5) a fini par triompher avec la fin - ou à tout le moins l'effacement - de la nécessité reproductive qui découlait du mariage hétérosexuel (6).

Ce passage d'une ère familiale centrée sur l'autorité patriarcale, la famille légitime et le mariage bourgeois, à une ère axée sur l'évanescence hiérarchique et les structures familiales et conjugales multiples, s'est déroulé avec l'aval des cours constitutionnelles et des cours suprêmes ayant des compétences en matière constitutionnelle (7). Pris entre la volonté des législateurs et/ou la force persuasive des droits de l'homme, qui arbore plus spécifiquement en Europe l'autorité de chose interprétée de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, les juges constitutionnels ont le plus souvent accompagné cette métamorphose civilisationnelle. Toutefois, cet accompagnement n'a pas pris la même allure contentieuse. Une vue d'ensemble permet de dégager une tendance lourde révélatrice d'une approche à géométrie variable concernant le rôle du juge face aux choix de société.

S'agissant des questions relatives au pluralisme conjugal, les cours constitutionnelles n'ont pas joué la carte de l'activisme judiciaire. Et de considérer en général que la reconfiguration des structures conjugales était des questions qui devaient être réglées à coup de débats démocratiques au sein des hémicycles. Les juges constitutionnels témoignèrent à cet égard du plus grand respect pour les choix des législateurs qui, seuls, doivent décider du moment et des modalités pour prendre acte de l'évolution des moeurs (I). Cette retenue toute stratégique ne fut pas la marque de la jurisprudence des cours constitutionnelles concernant les droits des individus comme tels. Ici, la prégnance du droit international et européen des droits de l'homme comme celle de la nécessité de transposer le droit dérivé de l'Union associée à l'existence de dispositions constitutionnelles permettant les interprétations évolutives, fut à l'origine de véritables politiques jurisprudentielles, toutes marquées par la nécessité de traquer la moindre trace discriminatoire à l'endroit des femmes (mais aussi des hommes), des enfants, des étrangers, des homosexuels ou des transsexuels, des personnes âgées, des concubins, des conjoints survivants, etc. Très souvent ici, les choix du législateur comme les interprétations des juges ordinaires furent désavoués sur l'autel de l'égalité ou de la dignité (II).

I - La retenue constitutionnelle

Si la jurisprudence des cours constitutionnelles sur les évolutions des formes de conjugalité est topique de la montée en puissance du principe d'égalité et de son corollaire la non-discrimination en matière de droits fondamentaux, on constate également que ce processus ne se fait pas en prenant à la légère la volonté des représentants du peuple. Le législateur est toujours respecté, jamais bafoué. Pour en prendre la mesure, déroulons rapidement le fil de son action en matière « conjugale », ce qui permettra de mesurer la portée des interventions des cours constitutionnelles.

L'édification de l'Union européenne est propice à la circulation des modèles législatifs et des solutions jurisprudentielles. La synergie comparative a ainsi conduit quinze États membres de l'Union européenne à reconnaître aux couples homosexuels un statut spécifique sans que tous les droits issus du mariage leur soient reconnus : le « partenariat enregistré » naissait (8). Cette dénomination générique - qui arbore des dénominations diverses selon les États (9) - est l'emblème des nouvelles formes de conjugalité (10). Si rapprochement il y a, l'harmonisation n'est pas de mise puisque l'on décèle tout à la fois les partenariats « institutionnels » et « contractuels ». Si les premiers sont strictement réservés aux couples homosexuels et permettent une reconnaissance officielle dont les conditions et modalités « sont calquées sur celles du mariage » (11), les seconds sont ouverts quant à eux aux couples homosexuels et hétérosexuels ; du coup, les formalités et les effets qui y sont attachés diffèrent sensiblement de ceux du mariage (12). Évolution des moeurs oblige, six pays membres de l'Union - parmi lesquels cinq avaient déjà adopté une législation sur le partenariat enregistré - jouèrent la carte de la révolution législative en décidant d'accorder aux personnes homosexuelles les mêmes droits que ceux issus du mariage ; bref, en décidant de pousser la logique égalitaire à son maximum (13). Ainsi, les Pays-Bas (2001), la Belgique (2003), l'Espagne (2005), la Suède (2009), le Portugal (2010) et le Danemark (2012) sont les fers de lance en Europe d'un mouvement qui est en réalité planétaire. En plus de la Norvège (2009) et de l'Islande (2010) - pays européens mais non membres de l'Union - le processus égalitaire s'est en effet manifesté dans des contrées lointaines où, à l'instar de l'Espagne et du Portugal notamment, la prégnance de la religion catholique ne laissait guère présager une telle évolution, ainsi de l'Argentine (2010), de certains États fédérés du Mexique comme de plusieurs États fédérés des États-Unis d'Amérique - auxquels il faut ajouter l'Afrique du Sud (2006) et le Canada (2005). Un processus est donc manifestement en marche au point que d'autres pays démocratiques placent cette question au coeur de leur agenda politique (14).

Ce rapide panorama législatif était nécessaire pour mesurer le sens de l'intervention des cours constitutionnelles. Les contentieux constitutionnels relatifs aux diverses formes de conjugalité démontrent l'extrême respect (pour ne pas dire prudence) des juges pour les choix de société décidés par les représentants du peuple. Ainsi, quand ces derniers décidèrent de ne pas « franchir le Rubicon » et de s'en tenir à l'établissement de « partenariats enregistrés » - qui instituèrent, en les assumant, des différences (plus ou moins importantes) avec l'institution du mariage - celles-ci furent validées (A). Quand ils optèrent pour l'extension de tous les bénéfices du mariage aux couples homosexuels en décidant de franchir un pas important en termes culturel, social, psychologique ; bref, en termes « civilisationnels » - pour reprendre la formule liminaire de cette étude - ce choix fut tout autant respecté (B). Cette révérence à l'égard des choix des législateurs se manifeste également au niveau de la politique jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l'homme (15). Les juges sont donc sur la même longueur d'onde quand il faut « raison garder » et ne pas oublier l'identité du détenteur ultime, au sein des démocraties, des choix de société.

A - Le respect des différences instituées

Face aux « partenariats enregistrés », les cours constitutionnelles ont respecté les différences instituées par les législateurs ; elles ont ce faisant entériné des différences de traitement avec le mariage et/ou le concubinage en les considérant comme légitimes. Ainsi, en France - qui a été avec la Belgique et le Luxembourg un pays qui a opté pour une formule particulièrement différentielle d'avec le mariage - le Conseil constitutionnel a validé la loi instituant le PACS en 1999 (16). Bien qu'elle ait été pour beaucoup « réécrite » sur la base de nombreuses réserves d'interprétation, les différences de situations, qui générèrent des différences de régime, furent avalisées. Sur cette base, le juge constitutionnel, à plusieurs reprises, valida les différences découlant du statut des couples « pacsés » et « mariés ». La décision du 6 octobre 2010 est sans doute la plus révélatrice de cet état de fait (17). Le Conseil y rappelle sa jurisprudence classique en matière d'égalité qui « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Partant, il valide les différences en termes d'adoption instituées par l'article 365 du code civil. Tant le considérant n° 9 de la décision que son commentaire ne laissent aucun doute sur les raisons majeures qui ont poussé le Conseil à être « prudent » (18). Le Conseil ne peut et ne veut se substituer au législateur sur des questions comme l'homoparentalité, « archétype de la question de société » (19).

Le Tribunal constitutionnel allemand, dans sa décision du 17 juillet 2002, valida également certaines différences instituées par le législateur quand ce dernier décidait, le 16 février 2001, de créer la loi sur le partenariat pour la vie en commun (20). Face à l'argument d'une atteinte à l'article 6 al. 1 de la Loi fondamentale - qui interdit au législateur de porter atteinte à la liberté du mariage - le Tribunal de Karlsruhe martela l'idée que le mariage comme tel ne s'en trouvait pas dévalorisé, non seulement parce que la nouvelle institution ne réduisait pas les droits des personnes mariées ni ne retirait au mariage un quelconque de ses avantages, mais encore parce qu'elle visait des situations différentes, i.e. des couples formés exclusivement de personnes de même sexe. Un autre argument dut être écarté - à l'instar de ce qui s'est passé devant le Conseil constitutionnel français en 1999 - celui d'une atteinte au principe d'égalité. Il avait été mobilisé dans la mesure où la loi allemande excluait les personnes déjà mariées comme les proches parents (ascendants, descendants, frères et soeurs, demi-frère et soeurs) de l'institution du partenariat (21). D'une manière générale, la jurisprudence constitutionnelle allemande tente constamment de trouver un équilibre entre le principe général d'égalité et celui de la protection du mariage consacré à l'article 6 selon lequel « le mariage et la famille sont placés sous la protection particulière de l'État ». Dans ces conditions, le juge de Karlsruhe n'hésite pas - quand l'égalité des enfants n'est pas en jeu, v. infra - à décerner des brevets de constitutionnalité à des différences de traitement entre personnes mariées et les autres (22).

Dans ce concert des décisions constitutionnelles, il y eut bien une dissonance, on n'ose parler de dissidence, le mot serait exagéré. Le Tribunal constitutionnel hongrois fut saisi (23) - dans le cadre d'une grande réforme du code civil et du code de la famille - de la loi n° 148/2007 sur le partenariat enregistré. Le législateur avait opté pour l'ouverture (du partenariat à des couples hétérosexuels comme homosexuels) et pour l'identité (des effets juridiques comparativement à ceux du mariage, mis à part essentiellement l'adoption et le nom (24)). La décision du juge constitutionnel (25) pourrait se résumer en utilisant la figure d'une danse à deux temps, le paso doble par exemple. Premier temps : le juge ne désavoue pas le principe de la création de l'institution du partenariat enregistré qui est, ce faisant, constitutionnel ; deuxième temps : la loi de 2007 est in casu déclarée inconstitutionnelle et annulée (26). Jouant la carte du droit comparé, mettant à l'honneur les décisions constitutionnelles étrangères allemandes et françaises, le juge constitutionnel hongrois pointa du doigt les différences entre un travail législatif consistant à détailler les différents droits et obligations afférents à l'institution du partenariat (Allemagne, Belgique, France), et celui qui consiste à rester évasif. La loi hongroise avait en effet considéré que « les règles relatives au mariage s'appliquaient mutatis mutandis au partenariat enregistré, sauf disposition contraire de la loi ». Or, au regard de la protection constitutionnelle accordée au mariage par l'article 15 (27) de l'ancienne Constitution hongroise de 1949, le tribunal considéra que le « législateur n'était pas habilité constitutionnellement à étendre par un renvoi général la quasi totalité des droits, obligations et institutions différents liés actuellement au mariage » (28). Bref, si la censure fut celle d'une technique législative - certes commode car rapide, celle du renvoi - elle visait par ricochet les effets de celle-ci : une assimilation trop rapprochée avec l'institution du mariage (29). L'adoption par le régime de l'ultraconservateur Victor Orban d'une nouvelle Constitution le 25 avril 2011 (30) - dont la teneur a provoqué un vent d'opprobre (31) - ne va pas de sitôt permettre que le métier soit remis sur l'ouvrage (32). Quoi qu'il en soit, l'exception hongroise confirme la règle : le respect en général de la volonté des législateurs, quelle que soit la forme de partenariat qu'ils ont décidé d'instituer.

B - Le respect des ressemblances revendiquées et validées

Face au mariage entre personnes de même sexe, les cours constitutionnelles européennes ont respecté les ressemblances revendiquées par les homosexuels et validées par les législateurs ; leur révérence à leur égard a été maximale. Toutefois, avant que ces derniers n'aient décidé de modifier radicalement l'état classique des relations conjugales basées sur le mariage entre un homme et une femme, les juges constitutionnels n'ont pas voulu contourner et dépasser les dispositions des codes civils.

Les saisines ayant eu pour but de déclarer inconstitutionnelles les dispositions « classiques » des codes civils fondant le mariage entre un homme et une femme (et les droits subséquents qui en découlent notamment en matière de filiation) n'ont pas prospéré (Portugal, France), tandis que les lois qui ont reconnu le mariage pour les personnes de même sexe et qui ont été déférées devant les juges constitutionnels ont été déclarées constitutionnelles. Dit autrement, avant l'intervention du législateur, l'interprétation évolutive des dispositions issues des codes civils n'a pas eu lieu, tandis que les choix de société, une fois décidés par les représentants du peuple n'ont pas été désavoués. Prudence et attentisme en amont ; respect et enregistrement en aval. Égrenons quelques exemples emblématiques où un pays (le Portugal) opta pour les deux attitudes (prudence et respect), tandis que d'autres (au regard de la configuration politique et constitutionnelle de leur pays à un moment donné), ont opté pour l'attentisme (Italie, France) et pour le respect (Espagne).

Le Portugal réussit le tour de force de démontrer - dans un laps de temps particulièrement rapproché - sa capacité à être attentiste d'un côté et respectueux de l'autre. Le 9 juillet 2009, le Tribunal constitutionnel rejetait un recours présenté contre une décision de justice ordinaire qui avait refusé à deux requérantes de contracter un mariage civil (33). La question revenait à savoir si l'article 1577 du code civil (qui limite le mariage à l'union entre un homme et une femme) était conforme à l'article 36 de la Constitution portugaise (34). La réponse, positive, s'articula autour de trois arguments. Tout d'abord, si le législateur avait voulu modifier le libellé du code civil en introduisant une modification dans la définition du mariage pour y inclure les personnes de même sexe, il l'aurait fait et aurait profité des nombreuses occasions qui se sont présentées pour ce faire, notamment la réforme de 2004 (35). Ensuite, « si le mariage ne présuppose pas la possibilité, ni même la volonté de procréer, il n'en demeure pas moins qu'il existe un lien entre mariage et procréation » (36). Enfin, une éventuelle déclaration de non conformité serait une manière de créer une « décision additive » - i.e qui modifie par la voie jurisprudentielle l'institution du mariage - et ce serait alors sa légitimité qui serait douteuse. Cet argumentaire mit un terme momentané au débat, tout en laissant une porte entrouverte à une possible évolution, le Tribunal rejetant l'interprétation selon laquelle la Constitution ne serait limitée qu'à une seule définition du mariage (point 10). Cette ouverture fut de bon augure puisqu'à peine un an plus tard (2010), le législateur portugais décidait d'ouvrir le mariage aux homosexuels (37), un choix de société qui fut avalisé par le Tribunal constitutionnel le 9 avril 2010 (38). Les juges estimèrent à onze voix contre deux que le mariage était un « concept ouvert » susceptible de diverses options politiques, sociales ou éthiques et que leur rôle se limitait à faire respecter les « conceptions dominantes » du moment.

La Cour constitutionnelle italienne s'en tient, pour l'heure, à une démarche attentiste et prudente. Il faut dire que l'Italie n'a pas rallié les États européens qui légalisèrent le mariage homosexuel et ne dispose pas non plus de législation sur les formes alternatives de conjugalité comme le PACS. Alors que la Cour constitutionnelle fut saisie par le Tribunal de Venise d'une question de constitutionnalité concernant l'adéquation du code civil italien (qui réserve le mariage aux couples hétérosexuels) avec l'article 3 de la Constitution qui prohibe toute forme de discriminations, la Cour n'hésita pas à affirmer que l'exclusion par le code civil du mariage pour les personnes de même sexe n'était pas inconstitutionnelle (39), une solution confirmée par la Cour de cassation (40). La Cour constitutionnelle se basa notamment sur l'article 29 de la Constitution italienne selon laquelle la famille est la « société naturelle sur laquelle se base le mariage ». Aux côtés de l'argument « naturaliste », la Cour fit également appel à la volonté des « pères fondateurs » de la Constitution de 1947 qui, à aucun moment, ne pensèrent au cas de figure des couples homosexuels. Le Conseil constitutionnel français arrivait à la même solution en n'utilisant point toutefois le même argumentaire. Dans l'affaire du 28 janvier 2011 traitée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) (41), le Conseil dans son considérant 5 - qu'il faut lire de façon combinée avec le considérant 9 in fine - mit très clairement en évidence la prévalence du législateur et le confinement de son propre rôle (42). Du coup, il put considérer - en s'arrimant stratégiquement à la jurisprudence judiciaire (43) - que les articles 75 et 144 du code civil étaient conformes à la Constitution. En valorisant voire sacralisant le rôle du législateur sur de telles questions de société, il a laissé la porte ouverte aux conséquences d'un éventuel changement de perspective législative sur le mariage entre personnes de même sexe. Si le législateur est souverain quand il ne consent pas au mariage homosexuel, ne l'est-il pas tout autant quand il décide de le consacrer ?

En Espagne, un cas de figure passablement inédit s'est présenté où l'écoulement du temps comme l'évolution du droit dans d'autres pays à travers le monde jouèrent un rôle important. Alors que la majorité socialiste menée par le gouvernement de José Luis Zapatero légalisait le mariage homosexuel en 2005 (44), ce n'est que sept ans plus tard - dans une importante et très fouillée décision du 6 novembre 2012 (45) - que le Tribunal constitutionnel confirma l'option égalitaire du législateur. Alors que l'article 32 de la Constitution du 27 décembre 1978 affirme en son premier paragraphe que « l'homme et la femme ont le droit de contracter mariage en pleine égalité juridique », le législateur utilisa toutes les potentialités offertes par le second paragraphe de ladite disposition, « la loi détermine les formes du mariage, l'âge et la capacité requis pour le contracter, les droits et les devoirs des conjoints, les causes de séparation et de dissolution et leurs effets » pour contourner cette référence explicite à l'altérité sexuelle (46). À l'époque de la promulgation de cette loi qui généra de grandes disputatio au sein de la communauté des juristes (47), on s'était interrogé sur la démarche à venir du juge constitutionnel en émettant une piste de réflexion (48) dont on constate aujourd'hui qu'elle s'est confirmée : l'optimisation des 'formidables' potentialités de l'article 10 § 2 relatif à l'obligation d'interpréter des droits fondamentaux constitutionnels à la lumière du droit international des droits de l'homme (49). S'inscrivant résolument dans une démarche dynamique, celle du « droit vivant », interprétant le droit constitutionnel espagnol à la lumière du droit international des droits de l'homme (comme l'y incite cette disposition), se prêtant à un état des lieux comparé à travers toutes les situations existant de par le monde en matière de partenariats et de mariages homosexuels, prenant acte du passage du temps depuis l'adoption de la loi qui vit la célébration de milliers de mariages de couples de même sexe, le juge constitutionnel conclut à la constitutionnalité de la loi de 2005.

Ces schémas constitutionnels (prudents et respectueux) ne se retrouvent qu'en partie ailleurs dans le monde. Si les lois ayant consacré le mariage pour tous ont passé sans encombre, comme au Canada (50) ou encore au Mexique (51) leur « brevet » de constitutionnalité, des solutions disparates peuvent être recensées quand le législateur n'est pas encore intervenu pour « toiletter » le code civil. Alors que le Tribunal constitutionnel chilien décidait d'esquiver, le 3 novembre 2011 (52), la question de l'applicabilité de l'article 102 du code civil (qui définit le mariage entre un homme et une femme) aux couples de même sexe, ce ne fut pas le cas de la Cour constitutionnelle sud-africaine (53) qui interpréta de façon évolutive - en se basant sur les principes d'égalité et de dignité - les articles pertinents du code civil national...

II - L'activisme constitutionnel

Si les droits constitutionnels nationaux n'ignorent certes pas les principes d'égalité et de non-discrimination, il faut bien avouer que c'est sous l'impulsion des droits européens que les législateurs nationaux ont réformé, pour les transformer, des pans entiers du droit des personnes et de la famille. En réalité, très souvent ici, ce furent les cours constitutionnelles qui activèrent le mouvement de réforme en censurant nombre de lois qui ne cadraient pas avec les standards européens (A). Dans certaines circonstances, on constate également les vertus modificatrices (certains diraient subversives) du 'droit-principe', à tout le moins du concept matriciel par excellence, la dignité (B). Ainsi, l'égalité et la non-discrimination d'un côté et, dans une moindre mesure, le concept de dignité de l'autre, ont été les vecteurs du bouleversement des ordres juridiques constitutionnels, perméables à l' « air du temps », celui d'un monde où les caractéristiques y afférentes aux personnes ne peuvent plus être à l'origine, par principe, de traitements discriminatoires.

A - Le jeu du binôme égalité/non-discrimination

La montée en puissance de l'individu et de ses droits s'est réalisée sous les coups de boutoir de la jurisprudence de Strasbourg (CEDH) qui traque depuis longtemps toutes les différences discriminatoires de traitement qui ne répondent pas à un objectif légitime (article 14 combiné avec une disposition substantielle ; article 1 du protocole n° 12) (54). Quant au droit de l'Union, s'il s'est construit sur le principe de non-discrimination au regard de la nationalité en matière économique, il prit véritablement son 'envol égalitaire' quand l'article 19 TFUE (ex-article 13 TCE) fut adopté et mis en oeuvre. La transposition des fameuses directives « anti-discrimination » bouleversèrent de nombreux systèmes juridiques en y interdisant, en plus des discriminations formelles et directes, les discriminations matérielles et indirectes. Si on ajoute à cela la force contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE) dont les motifs prohibés de discrimination sont particulièrement étendus, on pourrait s'aventurer à dire que le XXIe siècle sera « égalitaire ou ne sera pas » pour paraphraser une formule célèbre. Partant, la force du principe non-discriminatoire s'est distillée dans les moindres recoins des questions de l'égalité des sexes et des personnes, et nonobstant leur âge (enfants/personnes âgées), leur nationalité (étrangers/étrangers en situation régulière ou irrégulière/demandeurs d'asile), leur orientation sexuelle (homosexuel/transsexuel), leur situation professionnelle (travailleur/chômeurs - civil/militaire) et/ou personnelles (mariées, pacsées, en concubinage, célibataires, etc.).

Égrenons quelques-uns des thèmes où les cours constitutionnelles ont accompagné ce mouvement en censurant le travail des législateurs comme en invalidant les décisions des juges ordinaires qui, à un moment donné, n'ont pas pris suffisamment au sérieux ces évolutions. Il ne s'agira certes pas ici de dresser un tableau exhaustif - impossible vu l'ampleur du domaine (55) - mais simplement de présenter en guise de 'pointillisme doctrinal' quelques références 'impressionnistes'.

Commençons par le contentieux de l'égalité des sexes. Des rapports hommes-femmes dans le champ professionnel, en passant par ceux qui s'y nouent dans l'univers du couple et de la famille - avec la question du nom, de l'autorité parentale, des pensions de réversion, du statut des enfants etc.), le champ d'étude est immense. On tentera simplement d'esquisser à grands traits quelques tendances de fond. Le droit de l'Union a été précurseur dans la valorisation de l'égalité homme/femme dans le champ professionnel (rémunération, travail à temps partiel, congé maladie, congé maternité) (56). La jurisprudence de la Cour de justice a consisté à débusquer les systèmes où la discrimination - bien qu'inexistante prima facie - peut se trouver en embuscade derrière des textes qui cachent des discriminations indirectes : elles sont en effet très souvent dissimulées derrière une mesure, une pratique ou un critère apparemment neutre mais qui désavantage en réalité les membres d'un groupe considéré comme 'vulnérable'. Certaines Cours constitutionnelles se sont emparées sans sourciller d'un tel concept, aidées pour certaines d'entre elles, il est vrai, par l'ouverture exceptionnelle de leur droit au droit international et européen des droits de l'homme. L'Espagne constitue l'archétype d'un tel cas de figure avec son fameux article 10 § 2. Le Tribunal constitutionnel n'a pas hésité à censurer le législateur (i.e. la loi de 1995 sur le statut des travailleurs) quand il introduisit un système de calcul de cotisation à la sécurité sociale spécifique pour les travailleurs à temps partiels. Apparemment neutre, ce critère cachait en réalité une discrimination indirecte dans la mesure où ces salariés étaient en général, dans les faits (et ils le sont encore), majoritairement des femmes (57). Le critère est pris au sérieux également au Royaume-Uni : ainsi dans l'affaire R. v. Secretary of State for Employment, ex parte Equal Opportunities Commission, les Lords ont jugé qu'une disposition de l'Employment Protection (Consolidation) Act 1978 - qui n'incitait pas les travailleurs à temps partiel à revendiquer leur droits - était indirectement discriminatoire à l'égard des femmes et ne pouvait plus s'appliquer car elle était incompatible avec le droit de l'Union (58).

Le juge constitutionnel n'est pas toujours « suiviste » (i.e. par rapport aux exigences européennes) ; il peut être également l'aiguillon qui assurera à l'échelle constitutionnelle un standard de protection particulièrement élevé qui sera repris, in fine, à l'échelle européenne. Ainsi, le juge constitutionnel espagnol était précurseur quand il déclarait inconstitutionnelle en 1983 une disposition de la loi sur la sécurité sociale en ce qu'elle excluait les hommes de l'accès à une pension de survivant, cette dernière étant exclusivement réservée aux femmes (59). Estimant qu'elle arborait plus l'allure d'une mesure « paternaliste » que d'une action positive, le Tribunal se fit égalitaire jusqu'au bout (60). Il est intéressant de remarquer que la Cour de justice arrivait à cette solution un an plus tard (61), tandis que la Cour européenne, dans une affaire concernant le droit au congé parental des militaires, s'attaquait expressis verbis au combat contre les « stéréotypes » entre hommes et femmes (au détriment des hommes en l'espèce) en 2012 (62), même si bien évidemment sa jurisprudence antérieure décelait, dès 1985, la volonté de parvenir à une égalité des sexes (63).

Qui ne connaît l'arrêt Marckx (64) qui mit fin à une distinction - très commune dans de nombreuses législations européennes - entre enfants légitimes et adultérins ? Ce que l'on sait sans doute moins concerne la manière dont la Cour d'arbitrage belge (avant qu'elle n'arbore le nom de Cour constitutionnelle) tira les conséquences de ce désaveu. C'est elle qui - sur le fondement de cet arrêt de condamnation contre la Belgique, combiné avec les articles 10 et 11 de la Constitution concernant le principe de non-discrimination - déclara inconstitutionnel l'article 107 de la loi du 31 mars 1987 maintenant une différence de traitement entre ces deux types d'enfants en matière successorale (65). Elle réitéra sans sourciller cette ligne jurisprudentielle dans plusieurs affaires ultérieures (66), n'hésitant pas à prendre le « relais » du législateur quand celui-ci n'allait pas jusqu'au bout de la logique égalitaire (67). La Cour constitutionnelle italienne fut exactement sur la même longueur d'onde quand elle censura - sur la base du principe d'égalité - des dispositions du code civil qui non seulement utilisaient le terme d' « enfants incestueux » (68), mais en outre établissaient une différence de traitement entre enfants légitimes et enfants naturels (69). Aujourd'hui, tant sur la base de la force persuasive de la jurisprudence européenne que sur la base de certaines constitutions (les plus récentes) qui prohibent les différences de traitement entre enfants, on peut considérer qu'il s'agit là d'un élément contemporain important du statut des enfants en droit de(s) famille(s)...

Du contentieux de l'égalité entre les sexes, les évolutions contemporaines ont également mis en avant celui concernant l'orientation sexuelle. Les jurisprudences constitutionnelles témoignent toutes d'une volonté d'en finir avec les discriminations se basant à titre exclusif sur l'orientation sexuelle des individus. Si, en matière de transsexualisme, la jurisprudence européenne a encore été un puissant aiguillon (70), il faut toutefois remarquer le caractère précurseur de la jurisprudence constitutionnelle allemande. C'est dans une importante décision du 11 octobre 1978 que le Tribunal de Karlsruhe reconnaissait le droit d'un transsexuel opéré d'obtenir la modification de la mention de son nouveau sexe sur l'acte de naissance (71) - ce que la France soit dit en passant mit en place quinze ans plus tard à la suite d'une condamnation de la Cour européenne (72)... À partir de là, elle traqua la moindre discrimination sur la question. Furent ainsi déclarées inconstitutionnelles certaines dispositions de la loi sur les transsexuels en ce qu'elles réservaient la possibilité de modifier leur état civil (et notamment leur prénom) aux seuls Allemands (ainsi qu'aux apatrides résidant légalement sur le territoire). Le Tribunal y vit une discrimination infondée et injustifiée aux dépens des étrangers qui vivaient en Allemagne et qui n'avaient pas la possibilité de faire modifier leur état civil dans leur pays d'origine (73). La jurisprudence de la House of Lords - désormais Cour suprême du Royaume-Uni - sur le transsexualisme est également significative des effets du processus égalitaire. Le droit au mariage était reconnu aux transsexuels après que le Matrimonial Causes Act de 1973 ait été jugé contraire aux articles 8 et 12 de la Convention dans la célèbre affaire Bellinger v. Bellinger (74), tandis que les discriminations dans le champ professionnel furent en toute logique condamnées (75). L'évolution jurisprudentielle à l'endroit des homosexuels est sans doute encore plus frappante. La décision rendue dans l'affaire Fitzpatrick v. Sterling Housing Association Ltd est le point de départ de ce changement au Royaume-Uni. Les Lords ont décidé qu'un homosexuel pouvait succéder à la location de son défunt partenaire en tant que membre de la famille de l'ancien locataire, mais non en qualité « d'époux » (76). Cinq ans plus tard, avec le Human Rights Act en vigueur (77), un autre groupe de Lords dans l'affaire Ghaidan v. Godin-Mendoza a estimé que l'on pouvait utiliser la Section 3 du Human Rights Act pour considérer le partenaire homosexuel comme « époux ». Autrement dit l'exigence d'interprétation conforme (du droit britannique à la lumière de la Convention européenne (in casu les articles 8 et 14) a permis à la Chambre des Lords d'interpréter de façon compréhensive une disposition du Rent Act 1978 qui permettait uniquement au « conjoint » (au sens de mari ou femme) d'un locataire disparu d'hériter de la location. Une telle interprétation a permis d'éviter toute discrimination entre le conjoint survivant d'un couple hétérosexuel ou homosexuel (78). On sait que si la jurisprudence européenne n'entend pas imposer aux États parties l'obligation d'inscrire le « mariage homosexuel » à l'ordre du jour législatif des États qui ne l'ont pas fait (v. supra), il n'en reste pas moins que le principe de non-discrimination (couplé le plus souvent avec l'article 8) a permis de combattre toutes les différences de traitement non justifiées basées sur le seul critère de l'orientation sexuelle. Il en va d'ailleurs de même à l'échelle de l'Union sur la base du concept de discrimination directe (79). Cette jurisprudence n'a cessé d'innerver le sens des contentieux constitutionnels. Ils portent au grand jour des affaires où, d'un côté, quand le critère de l'orientation sexuelle n'est pas à lui seul l'origine d'une restriction à un droit, celle-ci est validée (80) et où, de l'autre, l'existence d'un critère exclusif de restriction devient discriminatoire (81).

Ce mouvement anti-discriminatoire a rejailli sur les formes de conjugalité et sur la mosaïque des situations familiales. Car de Famille au singulier il n'est plus question ; l'époque est au pluralisme au regard de l'irruption de multiples formes de familles (recomposées, monoparentales, nucléaires, éclatées, élargies, légitimes, adoptives, naturelles...) (82). La Cour européenne ne s'est d'ailleurs point aventurée à définir la « famille » ou encore la « vie familiale » pouvant ainsi y faire entrer une somme importante de situations, toutes révélatrices de l'évolution des sociétés (83). Les cours constitutionnelles quant à elles ont pris acte des faits, de l'évolution des moeurs, de l'irruption d'une quantité extraordinaire de situations et, avec les outils qui sont les leurs, ont dégagé des lignes jurisprudentielles pour faire face à chaque cas de figure. Il n'est pas sûr que la cohérence interne ait été toujours au rendez-vous ; en revanche, ce qui est sûr, c'est qu'elles ont participé, à leur manière, à la transformation de la « famille » et du « couple ».

Quels que soient la nature et l'objectif des différences de traitement entre les nouvelles formes de conjugalité (partenariats) et le mariage, et entre la famille traditionnelle et les autres structures familiales, les cours constitutionnelles ont revu parfois l'oeuvre des législateurs en éradiquant ce qu'elles considéraient être des différences de traitement non justifiées. Ainsi quand le législateur établit une différence de traitement entre couples mariés et non mariés en matière fiscale (au détriment des premiers), le juge constitutionnel censure ce qu'il considère être un traitement discriminatoire. Quand la législation espagnole oblige les couples mariés à faire une déclaration conjointe en matière fiscale, le Tribunal constitutionnel juge un tel dispositif contraire au droit à la protection de la famille (article 39) combiné avec la clause de non-discrimination (article 14) (84). En effet, le taux d'imposition était alors plus élevé que celui qui était applicable aux revenus des couples non mariés, lesquels avaient la possibilité de remplir des déclarations séparées (les barèmes conjoints et séparés des quotients familiaux faisant l'objet d'un fort décalage progressif). De même, quand le législateur décide de favoriser la procréation médicalement assistée seulement pour les couples mariés, le juge constitutionnel estime qu'une telle différence de traitement est justifiée pour des raisons objectives (85).

Le processus non-discriminatoire a conduit, dans certains cas, à « égaliser » des modes de vie en couple qui avaient été conçus à l'origine de façon plus différenciée. L'arrêt du 7 juillet 2009 du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe est topique (86) : il y est affirmé pour la première fois que le législateur n'était pas autorisé à édicter des règles discriminatoires entre « époux » et « partenaires », notamment dans le domaine de la rémunération des fonctionnaires et particulièrement des pensions. Alors que les juridictions ordinaires (y compris une section du Tribunal constitutionnel) avaient jusque-là mis en avant la protection du mariage par l'État (article 6 al. 1) pour valider la différence de traitement, le principe d'égalité ici l'emporta (article 3 de la Loi fondamentale).

B - Le jeu du principe de dignité

« Principe matriciel » (B. Mathieu), « méta-principe » (Luc Heuschling), les qualificatifs ne manquent pas pour cerner l'importance d'un « droit-principe » qui a participé à transfigurer de fond en comble les ordres juridiques après-guerre. Avec lui, le juge peut tout, à tout le moins beaucoup, la jurisprudence constitutionnelle allemande en témoigne à l'envi (87). S'il y a un domaine relatif à l'état des personnes et au droit des « familles » où il fut mobilisé par les cours constitutionnelles, c'est assurément celui relatif aux droits des étrangers. Le contentieux constitutionnel en la matière est particulièrement caractéristique du mouvement de fond, très puissant, qui consiste à prendre en considération la personne humaine quelle que soit sa situation juridique (88). Non pas que cela ait permis d'éradiquer les différences - inscrites au coeur des constitutions et avalisées par la jurisprudence européenne (89) - entre les nationaux et les étrangers, mais cela a participé à atténuer voire effacer, dans certaines circonstances et s'agissant de certains droits, la summa divisio entre Nous (les nationaux) et les Autres (les étrangers) (90).

Alors que la Constitution espagnole consacre d'un côté l'inégalité juridique entre les Espagnols et les étrangers (article 13 § 1), elle affirme également de l'autre l'importance de recourir aux lois et traités internationaux afin de « développer » (à l'égard des étrangers) les « libertés publiques » (sic) consacrées dans la Constitution (article 13 § 2). Ainsi, toute la jurisprudence du Tribunal constitutionnel espagnol consiste à trouver le « juste équilibre » entre les évolutions contemporaines qui tendent à « atténuer » le distinguo (national/étranger), tout en ne dénaturant par son texte de référence (par ailleurs assez ambigu). Ainsi, très tôt (i.e. 1984), sa jurisprudence consista à faire bénéficier les étrangers des droits « indispensables pour la garantie de la dignité humaine » comme le droit à la vie, l'intégrité physique et le droit à l'intimité (91). Il a fallu toutefois attendre l'année 2000 pour que soit étendu, comme tel, le bénéfice de l'article 14 de la Constitution aux étrangers. Et de souligner qu'ils étaient titulaires du droit à ne pas être discriminés en raison de leur naissance, de leur race, de leur sexe, de leur religion, de leur opinion ou de n'importe quelle autre circonstance personnelle ou sociale dans la mesure où le droit de ne pas être discriminé est un droit indispensable pour la « garantie de la dignité humaine » (92). L'avancée fut importante, mais ne participa pas, selon la doctrine espagnole, à reconnaître un droit général à ne pas être discriminé au regard de la nationalité (93). En revanche, c'est au cas par cas, en fonction de la mise en cause de certains droits, que le Tribunal fut en mesure d'atténuer l'inégalité juridique inscrite au coeur de la Constitution. Ainsi, les étrangers, quel que soit leur statut juridique (en situation régulière ou pas), bénéficient du droit à la protection juridictionnelle effective consacrée à l'article 24 de la Constitution espagnole. Dans ce contexte, le tribunal déclara inconstitutionnelle en 2003 une disposition de la loi sur l'assistance judiciaire gratuite en ce que le législateur l'avait limitée aux seuls étrangers demandeurs d'asile et ceux contre lesquels une procédure pénale était engagée. Et de considérer que « le droit à un procès équitable est inhérent à la dignité humaine et, par conséquent, aucune discrimination fondée sur la nationalité n'est acceptable » (94). Cette politique jurisprudentielle était confirmée dans l'importante décision n° 236/2007 (95). Le Tribunal y déclara l'inconstitutionnalité de plusieurs dispositions de la loi organique n° 8/2000 sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et sur leur intégration sociale. Ainsi, le législateur qui avait introduit une distinction assez subtile entre l'existence de certains droits fondamentaux (réunion, manifestation, droit de se syndiquer et de faire grève) et la possibilité pour leurs titulaires de les exercer de façon effective sous réserve de justifier d'une « résidence légale » en Espagne fut désavoué sans état d'âme. En Italie, c'est une combinaison des principes d'égalité et de dignité qui permit à la Cour constitutionnelle de déclarer inconstitutionnelles les dispositions d'une loi pénale excluant les ressortissants de pays tiers (ayant fait l'objet de condamnations pénales) du bénéfice de sanctions alternatives à l'emprisonnement au seul motif de l'irrégularité de leur séjour sur le territoire national (96).

Le mouvement qui consiste à faire tomber les barrières propres au distinguo national/étranger se retrouve - notamment sous l'impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne (97) - en matière sociale. À cet égard, la jurisprudence du Tribunal constitutionnel allemand est instructive et particulièrement « audacieuse » pour ne pas dire « courageuse » vu le contexte économique actuel. Combinant le jeu de la dignité (article 1 al. 1) avec celui de l'État social (articles 20, al. 1 ; 23, al. 1 et 28 al. 1), le Tribunal accorde à chaque individu « un droit subjectif constitutionnel au soutien de l'État afin de jouir d'un niveau de vie minimum qui soit digne d'un être humain » (98). Ainsi, dans sa décision Hartz IV du 9 février 2010 (99), la vaste réforme de « rationalisation » de l'aide sociale lancée par le gouvernement de Gerhard Schröder n'a pu échapper à une inconstitutionnalité partielle. Le Tribunal en profita pour fournir une définition extensive des dépenses incluses dans le minimum vital : elles doivent couvrir non seulement les dépenses relatives à une stricte « survivance physique » mais également celles qui participent à maintenir les individus dans une participation minimale à la vie sociale. Le Tribunal ne nie pas la marge de manoeuvre accordée sur ces éléments au législateur pour déterminer ce minimum vital en fonction du contexte (économique, social, culturel, technologique, etc.), toutefois le couperet constitutionnel peut tomber en cas d'un montant « manifestement » insuffisant. On aurait pu penser que cette dernière incise révélatrice d'un contrôle minimum du juge constitutionnel n'allait pas voir le jour de sitôt. Grave erreur. Le 18 juillet 2012, le Tribunal - s'appuyant sur sa jurisprudence Hartz IV - censura les dispositions les plus importantes de la loi du 30 juin 1993 qui - par dérogation au système d'aide sociale et avec l'objectif à peine voilé de limiter l'immigration - déterminait les prestations fournies par l'État aux demandeurs d'asile et à diverses autres catégories d'étrangers dont les étrangers irréguliers (100). Et de considérer que les aides versées à ce groupe d'étrangers, particulièrement vulnérables, étaient manifestement insuffisantes. La Cour fustigea toute « dilution de l'exigence de la dignité humaine au nom des objectifs de la politique migratoire » (101). Sa fermeté ne fut pas que formelle ; elle décida en effet, à titre transitoire (§ 124 et s.), une revalorisation des aides destinées aux demandeurs d'asile et autres étrangers, en leur appliquant les règles de calcul prévues dans le régime commun d'aide sociale... Grande décision, assurément.

En dépit de la mosaïque constitutionnelle européenne, en dépit de jurisprudences foisonnantes qui dévoilent des différences d'approche, il est clair toutefois que d'importantes tendances de fond émergent. La première est marquée par l'inclinaison à respecter la volonté du législateur sur des sujets où les juges constitutionnels européens ne s'estiment pas suffisamment légitimes pour adapter le droit au fait. Pour cela, les représentants du peuple sont là ; à eux de prendre leur responsabilité au coeur de l'arène démocratique : les hémicycles. La seconde tendance révèle que les juges se font plus audacieux (pour ne pas dire téméraires) quand il s'agit d'aborder les droits des personnes humaines. En dépit de leurs différences d'âge, de sexe, d'orientation sexuelle, de nationalité, de statut personnel, etc., le droit contemporain entend valoriser les principes d'égalité et de dignité pour éradiquer les discriminations. Les cours constitutionnelles participent ici sans sourciller de ce concert égalitaire.

(1) F. Dekeuwer-Défossez, « Conclusions », in F. Sudre (dir.), Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 400.

(2) On doit cette summa divisio à Angélique Thurillet-Bersolle qui l'utilise dans sa thèse intitulée, Droits européens et droit de la famille. Contribution à l'étude de la dynamique du rapprochement, Thèse, Université de Bourgogne, 2011, passim.

(3) M.-T. Meulders-Klein, « Individualisme et communautarisme : l'individu, la famille et l'État en Europe occidentale », Droit et société, 1993, n° 23/24, p. 170.

(4) A. Bersolle, op.cit., p. 451.

(5) D. Borillo, « Pluralisme conjugal ou hiérarchie des sexualités : la reconnaissance juridique des couples homosexuels dans l'Union européenne », Revue de droit de McGill, 2001, p. 875-922.

(6) M. O. Sánchez Martinez, « Constitución y parejas de hecho. El matrimonio y la pluralidad de estructuras familiares », Revista española de Derecho constitucional, enero-abril de 2000, p. 45.

(7) Ainsi de la Cour suprême au Royaume-Uni, qui préserve « une voie médiane à mi-chemin entre souveraineté parlementaire et suprématie constitutionnelle », v. A. Duffy-Meunier, « La Cour suprême du Royaume-Uni après le Constitutional Reform Act 2005 : une juridiction hors norme », RIDC, 3-2012, p. 681-734.

(8) Ainsi, le Danemark (1999), la Suède (1994), les Pays-Bas (1998), la France (1999), la Belgique (2001), l'Allemagne (2001), le Portugal (2001), la Finlande (2001), le Luxembourg (2004), le Royaume-Uni (2005), la Slovénie (2006), la République tchèque (2006), la Hongrie (2007), l'Autriche (2010) et l'Irlande (2011) s'engagèrent dans la voie du « partenariat enregistré ».

(9) Il s'agit en Allemagne du partenariat de vie, en Belgique de la cohabitation légale, en France du Pacte civil de solidarité (PACS) et au Royaume-Uni du partenariat civil.

(10) Qui entraînent une succession de nouveaux problèmes juridiques, notamment sous l'angle du droit international privé, v. H. Fulchiron, « Mariages et partenariats homosexuels en droit international privé français », RIDC, 2006, p. 409-436.

(11) Allemagne, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Royaume-Uni, Suède, Suisse, v. F. Granet-Lambrechts, « La diversité des modes de conjugalité : panorama de droit comparé », in H. Fulchiron (dir.), Mariage-conjugalité, parenté-parentalité, Paris, Dalloz, 2009, p. 6.

(12) France, Belgique, Luxembourg.

(13) Pour une analyse de type sociologique et juridique, v. J. Bustillos, « Derechos humanos y protección constitucional. Breve estudio sobre el matrimonio entre personas de mismo sexo en México y en perspectiva comparada », Boletín Mexicano de derecho comparado, 2011, n° 132, p. 1017-1045. Pour une étude de fond sur l'état du droit dans plusieurs pays, v. Homoparentalité ? Approche comparative, Paris, SLC, 2012. De même, on pourra consulter l'étude de droit comparé menée par le Sénat dans le cadre de la préparation du projet de loi sur le mariage des couples de même sexe en France : Étude de législation comparée. Mariage des personnes de même sexe et homoparentalité, n° 229, novembre 2012.

(14) À l'heure où ces lignes finissent d'être écrites (début janvier 2013), Andorre, la France, le Royaume-Uni et l'Uruguay sont en train de discuter de la possible extension de l'institution du mariage aux couples de même sexe.

(15) CEDH, GC, 24 juin 2010, Shalk et Kopf c/ Autriche : « en l'absence de dénominateur commun amplement partagé (.../...) on ne saurait tirer de l'article 12 une obligation faite à l'État de reconnaître aux homosexuels le droit de se marier », § 62 [l'institution du mariage homosexuel est un choix qui relève du seul législateur national, qui peut ou non, décider de le créer].

(16) Cons. const., déc. n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité.

(17) Cons. const., déc. n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d'un couple non marié].

(18) Le considérant no 9 se lit ainsi : « Considérant, en second lieu, qu'en maintenant le principe selon lequel la faculté d'une adoption au sein du couple est réservée aux conjoints, le législateur a, dans l'exercice de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l'intérêt de l'enfant, une différence de traitement quant à l'établissement de la filiation adoptive à l'égard des enfants mineurs ; qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en l'espèce, de la situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté » (italiques ajoutés).

(19) La formule est issue du commentaire : « Le Conseil a donc jugé, en octobre 2010, qu'il en va de l »homoparentalité« comme il en allait, en janvier 1975, de l'interruption volontaire de grossesse ou, en juillet 1994, de la sélection des embryons : cette question constitue l'archétype de la question de société dont la réponse, en France, appartient au législateur », v. commentaire de la déc. n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, site Internet du Cons. const., p. 10 (italiques ajoutés). On rappellera ici que la Cour européenne valida cette position dans l'affaire CEDH, 15 mars 2012, Gas et Dubois c/ France. On relèvera que Jean-Paul Costa dans son opinion concordante fit clairement comprendre qu'il était sans doute temps que le législateur pense à réformer l'article de la discorde (l'article 365 du code civil) ; toutefois il adhéra à la démarche globale de la Cour marquée par une retenue toute conciliante à l'égard des choix de société qui incombent aux représentants du peuple et de conclure : « Puisse donc le législateur français ne pas se contenter de la non-violation à laquelle nous avons conclu, et décider, si je puis dire, de revoir la question. » Formule à méditer...

(20) Tribunal constitutionnel allemand, 17 juillet 2002, BverfGE, tome 105, p. 313, v. M. Fromont, « République fédérale d'Allemagne : la jurisprudence constitutionnelle en 2002 », RDP, 2004, spéc. p. 1136-1138.

(21) On se rappelle que pour la France l'exclusion concernait entre autres les personnes liées par un « lien de parenté » (tel qu'identifié au 1 ° de l'article 515-2 du code civil).

(22) Tribunal constitutionnel allemand, 28 février 2008, BVerfGE, tome 117, p. 316, v. M. Fromont, « Jurisprudence constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne (2007) », RDP, 2008, p. 1701. Ici, le Tribunal valida une disposition du code social selon laquelle « les frais des interventions médicales tendant à provoquer une grossesse n'étaient remboursés par les caisses de sécurité sociale qu'aux personnes mariées ».

(23) La saisine était celle de particuliers, de députés appartenant au parti chrétien-démocrate et d'associations défendant les intérêts des familles.

(24) Il faut y ajouter les conditions de dissolution du mariage (devant un notaire et non devant un juge) et la différence d'âge (18 ans pour le partenariat enregistré sans exception tandis que pour le mariage, sous certaines conditions strictes, l'âge nubile peut descendre jusqu'à 14 ans pour les filles et 16 ans pour les garçons).

(25) Tribunal constitutionnel hongrois, résolution 154/2008 (XII.17) AB, v. P. Kovács, « Hongrie », Table Ronde Constitution et Famille(s), AIJC, 2008, p. 244 et s.

(26) Elle ne put entrer en vigueur le 1er janvier 2009 comme c'était prévu.

(27) Il se lit ainsi : « La République de Hongrie protège l'institution du mariage et de la famille ».

(28) P. Kovács, « Hongrie », Table Ronde Constitution et Famille(s), AIJC, 2008, p. 245.

(29) Il est à noter que la technique du « renvoi, sauf exceptions » fut la règle dans les législations des États scandinaves à l'instar du Danemark, v. T. Groppi, « La nouvelle famille », AIJC 2007, Famille et droits fondamentaux, 2008, p. 538.

(30) La nouvelle Constitution hongroise, adoptée le 18 avril 2011 par l'Assemblée nationale et signée par le Président de la République Victor Orban le 25 avril 2011, est entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

(31) Cette nouvelle constitution a donné lieu à de vifs échanges de vues sur le plan national ainsi qu'international. V. les avis CDL(2011) 016 et CDL (2011) 001 de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (la Commission de Venise), la résolution n° 12490 déposée le 25 janvier à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, les déclarations du Conseil et de la Commission ainsi que la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2011.

(32) Au regard du climat politique régnant en Hongrie, le partenariat semble ne pas être à l'ordre du jour, tandis que la Constitution a été rédigée pour empêcher que soit adoptée une loi sur le « mariage homosexuel ». La teneur de l'article L) se lit ainsi : « 1. La Hongrie défend l'institution du mariage en tant qu'union de vie fondée sur un engagement volontaire entre un homme et une femme, ainsi que la famille comme base de la survie de la nation. 2. La Hongrie soutient la natalité. 3. La défense des familles est réglée par loi organique. » (italiques ajoutés).

(33) Tribunal constitutionnel portugais, 9 juillet 2009, n°359-2009, v. J. Miranda, « Portugal », AIJC 2009, 2010, spéc. p. 810-817.

(34) Il se lit ainsi : « § 1. Toute personne a le droit de fonder une famille et de contracter mariage dans des conditions de pleine égalité» ; « § 2. La loi fixe les conditions et les effets du mariage et de sa dissolution, par décès ou par divorce, indépendamment de la façon dont il a été célébré. »

(35) En effet, sous l'influence de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - et plus particulièrement son article 21 § 2 - l'article 13 § 2 de la Constitution fut modifié pour y inclure un nouveau motif prohibé de non-discrimination, celui de l'orientation sexuelle.

(36) J. Miranda, op.cit., p. 812.

(37) Loi n° 9 du 31 mai 2010. L'article 1577 est libellé désormais comme suit : « Le mariage est le contrat conclu entre deux personnes qui aspirent à constituer une famille au moyen d'une vie commune ».

(38) Tribunal constitutionnel portugais, 9 avril 2010. La loi portugaise était déférée au juge constitutionnel par le Président de la République, le conservateur Anibal Cavaco Silva.

(39) Cour constitutionnelle italienne, avril 2010, n° 138/210.

(40) La confirmation fut agrémentée d'une nuance importante relative au caractère « naturel » du mariage : Cour de Cassation italienne, 15 mars 2012, n° 4184, v. note de F. Laffaille, Constitutions, 2013.

(41) Cons. const., déc. n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011, Mme Corinne C. et autre [Interdiction du mariage entre personnes de même sexe].

(42) Il se lit ainsi : « 5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant «l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ; que l'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que cet article lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés que la Constitution garantit » et considérant 9 in fine : « qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ».

(43) Il cita en effet au considérant n° 3 de sa décision la jurisprudence de la Cour de cassation du 13 mars 2007 qui avait clairement posée l'altérité sexuelle comme condition du mariage en France au regard du droit positif. Ce faisant, la Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux ayant confirmé la décision des premiers juges qui avaient annulé le mariage célébré à Bègles (TGI Bordeaux, 27 juillet 2004 ; CA Bordeaux, 19 avril 2005).

(44) _Ley n° 13/2005, 1 ° de julio de 2005, por la que se modifica el Código Civil en materia de derecho a contraer matrimonio (_BOE n°157, 2 de julio de 2005). À noter qu'une seconde loi (n°15/2005) a introduit également des modifications importantes au code civil ainsi qu'à la loi de procédure civile en matière de séparation et de divorce. _Ley de Enjuiciamiento Civil en materia de separación y divorcio (_BOE n° 163, 9 de julio de 2005).

(45) Tribunal constitutionnel espagnol, 6 novembre 2012, n° 198/2012 (BOE, n° 286 du 28 novembre 2012). La loi espagnole n° 13/2005 du 1er juillet 2005 - préparée par le ministre de la Justice Fernando López Aguilar du gouvernement de J.-L. Zapatero - a été déférée au Tribunal constitutionnel au moyen d'un recours en inconstitutionnalité activé par 71 députés issus du Parti populaire (PP) dirigé à l'époque par le conservateur José Maria Aznar.

(46) Les effets du mariage sont identiques dans tous les domaines indépendamment du sexe des conjoints. Ainsi, les couples homosexuels jouissent des mêmes droits et obligations que les couples hétérosexuels, et peuvent être partie dans les procédures d'adoption. De cette façon, le mariage entre personnes de même sexe est assimilé à toutes fins au mariage hétérosexuel. À cet égard, la loi a changé la terminologie prévue dans plusieurs dispositions du code civil contenant des références explicites au sexe des contractants. Les indications relatives au mari et à la femme ont été ainsi remplacées par la mention « aux conjoints » ou « aux époux ».

(47) A. Barrero Ortega, « Le débat sur la légalisation du mariage homosexuel », RFDC, n° 70, 2007, p. 249-267.

(48) On écrivait ceci : le Tribunal constitutionnel « optera-t-il pour une interprétation exégétique de l'article 32 en valorisant l'orthodoxie matrimoniale ou décidera t-il de s'emparer des potentialités offertes par l'article 10 § 2 qui l'incite à interpréter les droits fondamentaux à l'aune du droit international ? Si cette deuxième voie dispose de ses faveurs, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne pourrait tenir une place de choix dans son argumentaire. On sait que le Tribunal constitutionnel fut la première juridiction constitutionnelle à s'en emparer... Or, faut-il ici rappeler que l'article 9 de la Charte - déjà utilisé avec audace par la Cour de Strasbourg dans l'affaire Goodwin (avec des répercussions jusqu'à Luxembourg) reconnaît »le droit au mariage pour 'toute personne'" ? », v. L. Burgorgue-Larsen, « Chronique de jurisprudence européenne comparée », RDP, 2006, p. 1132.

(49) L'article de référence sur la question est celle du grand administrativiste E. Garcia de Enterria, « Valeur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en droit espagnol », in Protection des droits de l'homme : la dimension européenne. Mélanges en l'honneur de Gérard Wiarda, Carl Heyman Verlag KG, 1990, p. 221-230, tandis que l'ouvrage incontournable est celui d'A. Saiz Arnaiz, La apertura constitucional al derecho internacional y europeo de los derechos humanos : el artículo 10.2 de la Constitución española, Consejo General del Poder Judicial, Madrid, 1999, 302 p. ; du même auteur, « La interpretación de los derechos fundamentales y los tratados internacionales sobre derechos humanos », in Casas Baamonde María Elena y Rodríguez-Piñero Y Bravo-Ferrer, Miguel (dir.), Comentarios a la Constitución española de 1978. XXX Aniversario, Madrid, Fundación Wolters Kluwer, 2008, p. 193-209. De même, en français, voir l'article d'I. Gómez Fernández, « Droit de l'Union européenne et droit international depuis la perspective du droit constitutionnel espagnol », in L. Burgorgue-Larsen, E. Dubout, A. Maitrot de la Motte, S. Touzé (dir.), Les interactions normatives. Droit de l'Union européenne et droit international, Paris, Pedone, 2012, p. 107-132.

(50) Cour suprême du Canada, 9 décembre 2004. Il faut toutefois signaler qu'il s'agissait de l'avant-projet de loi fédérale sur le mariage qui fut déféré pour avis à la Cour suprême par le gouvernement fédéral en 2003 (sur la base de l'article 53 de la loi sur la Cour suprême). Sur le cheminement politique et législatif qui amena la Cour suprême du Canada à se prononcer,on renvoie à l'article très fouillé d'A. Vallières, « La prohibición del matrimonio entre cónyuges del mismo sexo como discriminación por razón de orientación sexual (un comentario a la sentencia sobre el matrimonio entre personas del mismo sexo del Tribunal Supremo de Canadá) », Revista de Derecho Político, Madrid, n° 68, 2007, p. 297-312.

(51) Cour suprême de Justice de la Nation (Mexique), 16 août 2010, Action en inconstitutionnalité n° 2/2010 engagée par le procureur général de la République. Le recours avait pour objet de déclarer l'inconstitutionnalité des articles 146 et 391 du code civil du District Fédéral de Mexico réformés en décembre 2009 en ce qu'ils reconnaissaient aux couples homosexuels, non seulement le droit de se marier mais aussi d'adopter des enfants. V. L. Burgorgue-Larsen, « ¡Vivan las bodas ! Quand le mariage homosexuel est saisi par l'internationalisation du dialogue des juges », Constitutions, octobre-décembre 2010, n° 4, p. 557-561. V_._ également, E. Rodríguez Martinez, « Los matrimonios homosexuales en el Distrito Federal. Algunas consideraciones en torno a la reforma de los Códigos civil y de procedimientos Civiles », Boletín Mexicano de Derecho Comparado, n° 128, Mayo-Agosto 2010.

(52) Tribunal constitutionnel chilien, 3 novembre 2011, rol n°1881-10 NA. Il rejeta la question en se déclarant incompétent (9 voix sur 10) et en renvoyant la balle au législateur. Toutefois, nombre des membres du Tribunal émirent des opinions séparées, avançant des arguments de fond sur la réglementation civile du mariage au regard des principes et valeurs constitutionnels. Il y eut un vote dissident qui estima qu'il fallait examiner la question afin d'y répondre positivement, v. J. C. Singh, « Matrimonio civil y Constitución política : la sentencia del Tribunal constitucional sobre matrimonio para personas del mismo sexo », Anuario de derechos humanos, 2012, p. 155-164.

(53) Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud, 1er décembre 2005, affaires n° CCT 60/04 et n° CCT 10/05. En se basant sur l'article 9 (3) de la Constitution sud-africaine, la Cour estima que la discrimination au regard de l'orientation sexuelle était inconstitutionnelle. Elle donna un an au législateur (paragraphe 162 de la décision) pour qu'il réforme la loi sur le mariage afin de substituer les mots de « maris » et d' « épouses » par le terme de « conjoints ».

(54) Sudre F., Surrel H., (dir.), Le droit à la non discrimination au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles, Bruylant, 2008, 474 p. V. également, F. Lemaire, B. Gauriau (dir.), Les discriminations, Paris, Éditions Cujas, 2012, 170 p. Pour une approche philosophique, v. A. Renaut, Égalité et discriminations. Un essai de philosophie politique appliquée, Paris, Seuil, 2007, 210 p. (spéc. p. 25-34).

(55) Les thèmes étudiés ont été choisis à la suite d'une sélection discrétionnaire que nous assumons ici. Dans le cadre de cette étude limitée, il n'était évidemment pas possible de parler de tout, dans tous les pays de l'Union européenne... encore moins dans ceux du Conseil de l'Europe.

(56) On rappellera ici que la Cour de justice dans le célèbre arrêt Defrenne II du 8 avril 1976 affirmait que l'ancien article 141 TCE qui consacre l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes ne visait pas uniquement un objectif économique mais possédait une vocation sociale.

(57) Tribunal constitutionnel espagnol, 22 décembre 2004, STC n° 253/2004 [Question d'inconstitutionnalité nº 2045/1998]. Tribunal constitutionnel espagnol, 14 mars 2005, n° 50/2005 ;

(58) House of Lords (HL), [1995] 1 AC 1.

(59) Tribunal constitutionnel espagnol, 22 novembre 1983, STC n° 103/1983 [Question d'inconstitutionnalité nº 301/1982].

(60) Il est intéressant de remarquer qu'ici le Conseil constitutionnel a eu une position quelque peu différente dans la mesure où il valida une mesure de discrimination positive qu'il n'envisagea pas du tout comme une mesure « paternaliste » (dans un contexte particulier il est vrai, celui de la réforme des retraites) : Cons. const., déc. n° 2003-483 DC du 14 août 2003, Loi portant réforme des retraites, Rec., p. 430. Et de justifier une inégalité au profit des femmes en raison des charges de famille qu'elle endosse. Et d'affirmer qu' « il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ; qu'en particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin d'assurer l'éducation de leurs enfants » (cons. 25). Une telle jurisprudence pourra-t-elle perdurer ? V. A. Vidal-Naquet, « Constitution et famille(s). Rapport français », AIJC, 2008, p. 185-219.

(61) CJCE, 20 mars 1984, Razzouk et Beydoun c/ Commission, aff. jtes n° C-75/82 et C-117/82.

(62) CEDH, GC, 22 mars 2012, Konstantin Markin c/ Russie.

(63) La Cour, dès 1985 dans l'affaire Abdulaziz, affirmait que la progression vers l'égalité des sexes était un but important des États membres du Conseil de l'Europe et que seules des considérations très fortes pouvaient amener à estimer compatible avec la Convention des différences de traitement (CEDH, 28 mai 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandi c/ Royaume-Uni, § 78).

(64) CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique.

(65) Cour d'arbitrage belge, 4 juillet 1991, Veryt c/ Von Calster, n° 18/91.

(66) Cour d'arbitrage belge, 1er décembre 1993, Benita M'bayo Wa Mwamba c/ Maria Winck et consorts, n° 83/93.

(67) Cour d'arbitrage belge, 22 juillet 2004, n° 140/2004. Pour plus de détails, voir la thèse d'A. Bersolle, op.cit., p. 218-221.

(68) Cour constitutionnelle italienne, 20 novembre 2002, n° 494, pt 5.

(69) Cour constitutionnelle italienne, 23 novembre 2000, n° 532, pt 1.

(70) La Cour européenne des droits de l'homme, au gré de ses décisions, a accordé aux transsexuels une vie familiale aux contours passablement amples. Qu'on en juge. Alors que dans les arrêts Rees du 17 octobre 1986 et Sheffield et Horscham c/ Royaume-Uni du 30 juillet 1998, la Cour estimait que l'article 12 de la Convention visait « le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent », elle aboutissait à une solution inverse dans les retentissants arrêts I. c/ Royaume-Uni et Christine Goodwin c/ Royaume-Uni du 11 juillet 2002 où elle utilisait l'article 9 CDFUE pour appuyer son revirement de jurisprudence. En retenant de la différence de sexe une acception plus large, la Cour permet aux personnes qui ont changé de sexe d'accéder au mariage.

(71) Tribunal constitutionnel allemand, 11 octobre 1978. Il faut toutefois souligner qu'il le fit sur la base d'une combinaison de normes (dignité et épanouissement de la personnalité).

(72) CEDH, 24 janvier 1992, B. c/ France.

(73) Tribunal constitutionnel allemand, 18 juillet 2006, v. M. Fromont, « Jurisprudence constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne en 2006 », RDP, 2007, p. 1675-1676.

(74) Les Lords ont jugé que la section 11c du Matrimonial Causes Act de 1973, qui requiert que le mariage soit une union entre deux parties qui sont respectivement « un homme et une femme » était incompatible avec les articles 8 et 12 de la Convention car elle ne prenait pas en compte l'idée que des individus puissent changer de sexe après la naissance. V. HL, [2003] 2 AC 467.

(75) Ainsi, la House of Lords considéra qu'une femme avait souffert de discrimination du fait du refus de l'administration de lui donner l'opportunité de devenir officier de police au motif qu'étant transsexuelle, elle ne serait pas autorisée à effectuer des fouilles corporelles sur les hommes. V. HL, [2000] 1 AC 27.

(76) HL, Fitzpatrick, [2000] 1 AC 27.

(77) Promulgué en novembre 1998 et entré en vigueur le 2 octobre 2000.

(78) La jurisprudence britannique fut ici très audacieuse. Le droit français n'est pas encore arrivé à ce stade, ce que d'ailleurs la Cour européenne accepta (marge nationale d'appréciation oblige : CEDH, déc., 21 septembre 2010, Manenc c/ France). Toutefois, la jurisprudence Maruko de la Cour de justice générera sans nul doute une évolution de la jurisprudence française sur la question (voir note suivante).

(79) CJCE, GC, 1er avril 2008, Maruko, C-267/06, Rec. 2008, p. I-01757. À la question de savoir si un texte qui réservait le bénéfice d'une pension de réversion au « veuf » ou à la « veuve » d'un assuré décédé (en excluant le « partenaire de vie ») du même sexe méconnaissait l'interdiction des discriminations fondées sur l'orientation sexuelle prévue par la directive 2000/78, la Cour de justice y répondit par l'affirmative, en étant tout à la fois audacieuse et respectueuse des choix des États membres. Audacieuse pour avoir précisé qu'une « prestation de survie » entrait dans le champ de la directive et pour avoir estimé qu'une telle exclusion était constitutive d'une « discrimination directe ». Respectueuse du droit des États dans la mesure où elle prit soin in casu de s'en remettre à la juridiction de renvoi pour savoir si la législation allemande avait entendu rapprocher ou assimiler le mariage et le partenariat de vie et si la situation de conjoints survivants était comparable à celle de partenaires survivants.

(80) Tribunal constitutionnel espagnol, 22 décembre 2008, STC n° 176/2008. Ainsi, de la restriction du droit de visite d'un père transsexuel en raison, non pas de sa transsexualité, mais de la fragilité de son équilibre émotionnel, v. « Chronique-Espagne », AIJC 2008, 2009, p. 595-596.

(81) Tribunal constitutionnel espagnol, 13 février 2006, STC n° 46/2006. Cet arrêt est doublement important. D'abord parce qu'il accorde l'amparo au requérant qui se plaignait d'une discrimination du fait de son orientation sexuelle (en effet, c'est en découvrant son homosexualité que la compagnie aérienne pour laquelle il travaillait l'avait licencié). Ensuite, l'arrêt mérite l'attention en ce qui concerne la méthode d'interprétation utilisée. Pour arriver à considérer que cette discrimination n'était pas tolérable, le juge constitutionnel a interprété de façon compréhensive la clause espagnole d'égalité (l'article 14) qui ne mentionne pas en tant que tel l'orientation sexuelle. Le Tribunal constitutionnel, utilisant la texture ouverte de l'article 14 (qui égrène une liste non limitative de motifs prohibés de non-discrimination), présente une kyrielle d'instruments internationaux, dont l'article 21 CDFUE qui mentionne expressis verbis, parmi les motifs prohibés de non-discrimination, l'orientation sexuelle.

(82) Avec son lot de drames, de ruptures, de déchirements qui se trouvent démultipliés et « complexifiés » au regard des nouvelles formes de « parentalité » et de « conjugalité ». Pour une analyse de « terrain » menée par un praticien, v. D. Lefeuvre, Le médiateur familial : quand et pourquoi ? Accompagner la famille dans ses conflits, Paris, Éd. Y. Michel, 2008, 192 p.

(83) L. Garlicki, « La famille devant la Cour européenne des droits de l'homme », AIJC 2007, Famille et droits fondamentaux, 2008, p. 567-582 ; F. Sudre, « La 'construction' par le juge européen au respect de la vie familiale », in Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, op. cit., p. 11-58.

(84) Tribunal constitutionnel espagnol, 20 février 1989, STC n° 45/1989 [Auto-question d'inconstitutionnalité nº 1837/1988 dont l'origine est le recours d'amparo nº 752/1985].

(85) Tribunal constitutionnel allemand, 28 février 2007, BVerfG, tome 117, p. 316, v. M. Fromont, « Jurisprudence constitutionnelle de la République fédérale d'Allemagne (2007) », RDP, 2008, spéc. p. 1701.

(86) Tribunal constitutionnel allemand, 7 juillet 2009, v. M. Fromont, « République fédérale d'Allemagne : la jurisprudence constitutionnelle en 2009 », RDP, 2010, spéc. p. 1154-1157.

(87) L. Heuschling, « La dignité de l'être humain dans la jurisprudence constitutionnelle allemande », in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La dignité saisie par les juges en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 115-162.

(88) En droit international des droits de l'homme, cette vision est développée sur la base d'une revalorisation des thèses de droit naturel. Les travaux du juriste brésilien actuellement juge à la CIJ en témoignent : A. A. Cançado Trindade, Le droit international de la personne humaine, Paris, Pedone, 2012, p. 5-43 ; présentation de L. Burgorgue-Larsen (Coll. Doctrine(s)). Ce mouvement s'est également inscrit dans le droit positif. À cet égard, l'avis n° 18 de la Cour interaméricaine des droits de l'homme est topique de ce mouvement : Cour IDH, 17 septembre 2003, Statut juridique et droits des travailleurs migrants illégaux, Série A n° 18.

(89) J.-P. Costa, « La Cour européenne des droits de l'homme et les étrangers », Mélanges en l'honneur de François Julien-Laferrière, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 189-202.

(90) Pour un état des lieux de la question en France et son traitement par le Conseil constitutionnel, v. F. Mélin-Soucramanien, « Existe-t-il un droit à l'égalité de traitement des étrangers ? », in E. Saulnier-Cassia, V. Tchen (dir.), Unité du droit des étrangers et égalité de traitement. Variations autour des mutations d'une police administrative, Paris, Dalloz, 2009, p. 106-113.

(91) M. Diaz Crego, « El derecho a no ser discriminado por razón de nacionalidad : un derecho de los extranjeros ? », Revista española de Derecho constitucional, n° 89, 2010, p. 115-135.

(92) Tribunal constitutionnel espagnol, 29 mai 2000, STC n° 137/2000 [Recours d'amparo].

(93) M. Diaz Crego, op.cit., p. 125.

(94) Tribunal constitutionnel espagnol, 22 mai 2003, STC n° 95/2003 [Recours d'inconstitutionnalité nº 1555/1996], v. J. L. Jimena Quesada, « La justice sociale dans la jurisprudence du Tribunal constitutionnel espagnol », in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La justice sociale saisie par les juges en Europe, Paris, Pedone, 2013, p. 115 (Coll. Cahiers européens, n° 4).

(95) Tribunal constitutionnel espagnol, STC n° 236/2007, v. M. Revenga Sánchez, « La dignité dans la jurisprudence constitutionnelle espagnole », in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La dignité saisie par les juges en Europe, op. cit., spéc. p. 214 et s.

(96) Cour constitutionnelle italienne, 5 mars 2007, n° 78, pt. 4. v. F. Martucci, « La dignité dans la jurisprudence constitutionnelle italienne », in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La dignité saisie par les juges en Europe, op. cit., 2010, p. 194.

(97) On sait que c'est la combinaison de l'article 14 combiné avec l'article 1 du protocole n° 1 qui a fait tomber le contentieux social dans le champ conventionnel. Ainsi, à partir de l'arrêt Gaygusuz c/ Autriche du 31 août 1996, la Cour n'a cessé de combattre les discriminations au regard de la nationalité dans le domaine des prestations sociales.

(98) L. Heuschling, « Le 'méta-principe' de l'État social dans la jurisprudence constitutionnelle allemande », in L. Burgorgue-Larsen (dir.), La justice sociale saisie par les juges en Europe, op. cit., p. 102.

(99) Tribunal constitutionnel allemand, 9 février 2010.

(100) Tribunal constitutionnel allemand, 18 juillet 2012.

(101) L. Heuschling, « Le 'méta-principe' de l'État social... », op.cit., p. 103. V. le § 121 de l'arrêt : (« Die in Art. 1 Abs. 1 GG garantierte Menschenwürde ist migrationspolitisch nicht zu relativieren »).