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La Cour européenne de justice et les juridictions nationales vues sous l'angle du droit constitutionnel allemand

Dieter GRIMM

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 4 (Dossier : Droit communautaire - droit constitutionnel) - avril 1998

Summary

The European Court of Justice and National Courts from a German Constitutional Law Perspective, Dieter GRIMM

The Situation after the « Maastricht Decision » of the German Federal Constitutional Court

Community law and domestic law derive from independent sources and exist independently of each other. Yet, since they apply on the same territory they can enter into conflict with each other. In this case, community law prevails in general. According to the German Constitutional Court, there are, however, two exceptions to this rule : community legislation which falls short from the national standard of fundamental rights protection and community law which exceeds the legislative powers granted to the community by the member states will not be applicable in Germany.

The question is who decides whether one of these cases is given. According to the German Constitutional Court, the power resides ultimately with the national constitutional court. However, since the ECJ has developed a standard of fundamental rights protection equivalent to the German one, and as long as this continues to be so, the German constitutional Court will not exercise its – still existing – power to measure community legislation against the fundamental rights of the Basic Law. But it claims to power to review community legislation as to its compatibility with the European Treaties in their capacity as acts of transfer of sovereignty rights.

Since the ECJ reserves the same power for itself, a source of conflict arises between the two jurisdictions. There are, however, means to reduce the likelihood of an actual conflict. Before declaring a community act inapplicable in Germany because it exceeds the powers granted to the community by the member states, the Constitutional Court should refer the question to the ECJ according to art. 177. Even if it does not feel bound by the answer, the referral has a double effect : It informs the ECJ of a serious concern on the German side and it informs the German Court about the opinions of the ECJ and the other member states. If nevertheless it comes to contradicting decisions, the solution cannot be a juridical, but only a political one.

I. La supranationalité source de problèmes

En taxinomie politique, la Communauté européenne est une nouveauté qui n'a pas encore trouvé une étiquette convaincante. Pour cette raison, nous ne pouvons à l'heure actuelle la décrire qu'en termes de différence, par rapport à d'autres modalités juridiques traditionnelles. La Communauté n'est pas un État puisqu'elle a trop peu d'attributs de souveraineté, mais elle en a trop pour être une organisation internationale. Ce supplément de souveraineté qui la distingue des organisations internationales ordinaires, c'est l'autorité qu'elle exerce - avec effet direct - à l'intérieur des États Membres. Le défaut de pouvoirs qui différencie la Communauté d'un État est son incapacité à déterminer de façon autonome le fond et la forme de sa propre existence politique. Sa base et son autorité sont en réalité déterminés par les États membres. La Communauté est donc un hybride sans précédent ni imitation. En tant que telle, elle pose un certain nombre de problèmes de classement qui ne peuvent trouver de solution dans le recours à des concepts familiers. De même, procéder par analogie par rapport au droit national n'apporte pas non plus une grande aide en la matière. Ceci est vrai non seulement du caractère général du régime politique de l'Europe mais aussi de la relation entre juridictions internes nationales et celles de la Communauté européenne. La solution réside dans l'analyse de la relation existant entre les dispositifs juridiques nationaux et leur équivalent « communautaire ». Il apparaîtra ainsi que doit être établie une distinction entre cours constitutionnelles et juridictions nationales inférieures.

II. Système de classification

A. Droit communautaire et droit national

Le droit communautaire et le droit national dérivent de sources indépendantes et mènent des existences séparées. Cependant les deux ordres juridiques partagent le même territoire et peuvent éventuellement se fonder sur des normes différentes pour statuer sur les mêmes faits. Il est donc nécessaire, tout comme dans un état fédéral, d'avoir à disposition des règles régissant les contradictions et incompatibilités et de veiller à leur mise en oeuvre. Or, de telles dispositions ne figurent pas dans les Traités européens . Il y a cependant accord général sur le fait qu'en principe, le droit communautaire - aussi bien par ses sources primaires (Traités de la Communauté européenne, principes généraux du droit) que par ses sources dérivées (Droit communautaire) - prime le droit national. Ceci est une conséquence naturelle de la spécificité de la Communauté. Son objectif est l'harmonisation du droit des États membres dans des domaines particuliers. La Communauté serait difficilement en mesure de réaliser son objectif si le droit national devait être prépondérant en cas de conflit. La Cour européenne de justice a d'ailleurs tranché en ce sens dans Costa v. ENEL, première décision d'une longue série confirmant ce principe. La Cour constitutionnelle fédérale allemande - se fondant sur l'article 24 (1) de la Loi fondamentale (la Constitution allemande) qui permet à la Fédération de transférer les pouvoirs souverains aux institutions intergouvernementales - affirme depuis longtemps la suprématie du droit communautaire.

Le principe de suprématie du droit communautaire concerne de toute évidence le droit national non constitutionnel. Il s'applique aussi cependant au droit national constitutionnel. Les constitutions nationales déterminent dans quelle mesure et à quelles fins les Etats peuvent transférer leurs pouvoirs souverains à la Communauté européenne et ce sont donc les constitutions qui régissent cette décision. Si le transfert de pouvoirs souverains a eu lieu selon un processus constitutionnel, alors l'exercice par la Communauté des pouvoirs transférés est valide et légal à l'intérieur de l'État membre concerné, même si un tel exercice est contraire à d'autres dispositions constitutionnelles. Cependant la suprématie du droit communautaire n'est pas totale. Il y a des limites dans la mesure où, premièrement, la majorité des constitutions nationales ne permettent le transfert de leur ordre juridique national à l'ordre juridique communautaire que de pouvoirs limités ; deuxièmement dans la mesure où elles interdisent le renoncement à leur identité propre. En Allemagne, ces restrictions dérivaient des articles 79 (3) et 24 (1) de la Loi Fondamentale . Depuis 1992, l'article 23 (1) de la Loi fondamentale stipule explicitement ces limites pour ce qui concerne la Communauté européenne. Nous pouvons alors identifier deux exceptions au principe de suprématie du droit communautaire ; la première concerne les droits fondamentaux, la seconde les compétences communautaires. Cependant alors que la première n'a plus l'importance cruciale qu'elle avait, la deuxième, stricto sensu, n'est pas exceptionnelle du tout.

1. Droits fondamentaux

Les Traités établissant les Communautés européennes ne comportent pas de liste codifiée des droits fondamentaux (« droits de l'homme ») et le simple devoir de « respect des droits fondamentaux » tel que mentionné à l'article F (2) du Traité sur l'Union européenne ne peut en tenir lieu. La Communauté n'a pas adhéré à la Convention européenne de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales .

Cependant la protection des droits fondamentaux est, selon la Loi Fondamentale, extrêmement importante pour asseoir la légitimité des actions gouvernementales. Ceci a conduit la Cour Constitutionnelle Fédérale d'Allemagne à préciser qu'elle ne se considérait dispensée de contrôler la conformité du Droit communautaire avec les droits fondamentaux allemands qu'autant que le droit communautaire offrait, dans sa conception, sa substance et sa portée un niveau de protection des droits fondamentaux équivalent à celui que garantissait le droit allemand. La Cour constitutionnelle allemande n'exigeait pas l'identité totale des droits fondamentaux dans le droit national et le droit communautaire mais un niveau équivalent de protection des droits fondamentaux. Donc, quelques différences entre droits fondamentaux allemands et communautaires - par exemple dans leurs contenus ou fonctions respectives - sont acceptables dès lors que le niveau de protection est en général équivalent.

La Cour constitutionnelle allemande a fait une déclaration de ces principes généraux dans sa décision de 1974 dans l'affaire Internationale Handelsgesellschaft, souvent appelée « Solange I » et a affirmé que la protection des droits fondamentaux accordée par la Communauté n'était pas à la hauteur de celle qu'accordait la Constitution allemande. La Cour allemande a conclu que tant que cela durerait, « les garanties des droits fondamentaux assurées par la Loi fondamentale » prévaudraient sur le droit communautaire en territoire allemand . Cependant la Cour a également précisé que sa réserve n'était que provisoire du fait du processus d'intégration de la Communauté, processus qui était alors en cours ; la Cour avait laissé entendre que cette réserve pourrait disparaître après une phase de transition.

Depuis lors, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne n'a jamais modifié sa position : la suprématie du droit communautaire est soumise au contrôle d'une protection adéquate des droits fondamentaux au niveau communautaire. Cependant, après une première amorce en 1979, la Cour dans son jugement Wünsche Handelgesellschaft, souvent dénommé « Solange II » déclarait que la protection des droits fondamentaux communautaires s'était suffisamment développée pour atteindre le niveau exigé par la Constitution allemande. La période de transition, qui avait rendu nécessaire l'arrêt de 1974, fut déclarée terminée. Bien qu'il puisse y avoir incompatibilité entre le droit communautaire et les droits fondamentaux nationaux, la garantie des droits fondamentaux apportée par la Loi Fondamentale ne prévaut plus. La Cour a réaffirmé cette position dans une décision récente Brunner contre Traité sur l'Union Européenne, également connue sous la dénomination de « Décision Maastricht », décision dans laquelle elle a souligné que l'adoption du Traité sur l'Union Européenne ne portait pas manifestement atteinte au niveau allemand de protection des droits fondamentaux.

2. Compétences

La deuxième exception au principe de primauté du droit communautaire dérive du fait que la Communauté a des compétences d'attribution. La Communauté n'a pas de compétence législative ou exécutive qui lui soit inhérente ; ses institutions n'ont pas compétence pour adopter un texte législatif sauf si elles y sont autorisées par une disposition d'un Traité. S'il n'y a pas dans les Traités de la Communauté européenne une base juridique permettant de légiférer, c'est le droit national qui est applicable. Ainsi le droit national n'est-il supplanté par le droit communautaire dérivé que si ce dernier est compatible avec les Traités de la Communauté européenne - une disposition de droit européen qui ne trouverait pas son fondement dans une disposition du Traité ne peut primer le droit national. Ce principe n'est pas contesté et a été souligné à plusieurs reprises par la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne dans l'affaire Brunner. La question qui se pose cependant, est de savoir à qui il incombe de mettre ce principe en oeuvre. Alors que ces deux éléments sont assez souvent mêlés, il est prudent de les maintenir séparés car cela contribue à élargir le consensus et à adoucir un peu l'âpreté qui caractérise le débat actuel.

B. Cour européenne de justice et Cours constitutionnelle fédérale d'Allemagne

Aux fins d'application, nous devons faire une distinction entre d'une part la relation existant entre la Cour européenne de justice (CEJ) et la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne et d'autre part la relation entre la Cour européenne de Justice et les juridictions internes de rang inférieur. Cela est indispensable car si le droit communautaire prime les dispositions législatives et réglementaires du droit national (qui sont de la compétence des tribunaux de rang inférieur), en revanche, ceci n'est qu'en partie vrai en ce qui concerne le droit constitutionnel (compétence en premier lieu de la Cour constitutionnelle). Passons tout d'abord à la relation CEJ - Cours constitutionnelles nationales.

Ici encore, la zone réellement problématique est plus petite que ce que l'on aurait pu penser. Par exemple, il n'y a pas de conflit de compétence sur une éventuelle incompatibilité de dispositions législatives faisant partie du même dispositif juridique. D'une part, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne ne peut se prononcer sur la validité du droit communautaire dérivé qui dépend de la compatibilité de celui-ci avec les Traités de la Communauté européenne. Ceci est, en effet, de la compétence exclusive de la CEJ. D'autre part, la CEJ n'a pas à juger de la compatibilité des lois allemandes avec la Constitution allemande, ceci est de la compétence exclusive de la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne. De même, le contrôle juridictionnel des textes législatifs allemands ratifiant les Traités de la Communauté européenne pour en déterminer la compatibilité avec la Loi fondamentale, est du seul ressort de la Cour allemande.

C'est lorsque des dispositions relevant d'ordres juridiques différents entrent en conflit que peuvent surgir les difficultés. Cependant la situation est claire dans le cas de conflit entre droit national (réglementaire et législatif) et droit communautaire (primaire ou dérivé). Tout tribunal national est compétent pour se prononcer sur de telles questions si on l'en saisit, mais il peut être obligé dans des circonstances particulières, de demander une décision préjudicielle à la CEJ au titre de l'article 177 du Traité instituant les Communautés européennes. La situation n'est pas si claire et peut susciter un conflit si la Cour constitutionnelle d'Allemagne déclarait le droit communautaire inapplicable sur le territoire allemand pour cause d'incompatibilité avec la constitution allemande, sans l'abroger au niveau communautaire. La base juridique d'une telle action serait donc une des possibilités d'exceptions mentionnées ci-dessus au principe de primauté du droit communautaire ; c'est pourquoi j'établis une distinction entre ces deux options.

1. Droits fondamentaux

La Cour constitutionnelle d'Allemagne a statué que la protection effective des droits fondamentaux était un droit essentiel et inaliénable de la Loi Fondamentale. D'où, selon la Cour, il résulte que non seulement le droit communautaire doit être compatible avec les dispositions régissant les droits nationaux fondamentaux allemands, mais encore ceci a conduit la Cour à faire valoir sa propre compétence à contrôler les règles communautaires au regard des critères de protection des droits fondamentaux tels qu'énoncés dans la Loi fondamentale . La raison invoquée par la Cour était que le droit communautaire n'assurait pas à ce moment-là un niveau suffisant de protection des droits fondamentaux. Une telle protection, a précisé la Cour, était une condition d'ordre constitutionnel nécessaire pour l'exercice des droits de souveraineté et devait donc être assurée par la Cour allemande elle-même. Alors que la Cour avait déclaré non recevables des plaintes pour non constitutionnalité déposées par un citoyen allemand à l'encontre d'un règlement communautaire - le droit communautaire n'est pas une norme émanant des « pouvoirs publics allemands » et ne peut donc, au titre de la section 90 de la Loi portant création de la Cour constitutionnelle fédérale, être contrôlé par la Cour- elle a déclaré recevables les renvois devant la Cour constitutionnelle émanant de juridictions inférieures qui jugeaient non conformes à la constitution des dispositions du droit communautaire qui s'appliquaient en l'espèce .

Chacun sait que la décision de la Cour allemande dans l'affaire Internationale Handelsgesellschaft (Solange I) a suscité une impression de malaise bien compréhensible. La Cour européenne de Justice, en partie pour asseoir la primauté du droit communautaire sur le droit national en toutes circonstances, s'est lancée dans une opération de compilation des droits fondamentaux communautaires et a bien fait comprendre qu'elle déclarerait nulle de son propre chef toute disposition du droit communautaire qui serait contraire à ces droits de l'homme. Puisant son inspiration d'une part dans les libellés constitutionnels nationaux des droits fondamentaux, d'autre part dans les divers instruments juridiques internationaux portant sur les droits fondamentaux et sur les droits de l'homme (particulièrement la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales), la CEJ a pu lire dans le dispositif juridique communautaire un « Bill of Rights » non écrit à l'aune duquel elle mesure toute législation communautaire et son application par les Institutions de la Communauté. La Cour constitutionnelle fédérale, dans sa décision Wünsche Handelsgesellschaft (Solange II), a ainsi pu préciser que la protection des droits fondamentaux était en général assurée au niveau communautaire de façon effective et adéquate. Considérant que la protection des droits fondamentaux dans la Communauté était en substance semblable à la protection accordée par la Constitution allemande, la Cour a conclu qu'une vérification de sa part n'était plus nécessaire et a déclaré que tant que cette situation durerait elle « n'exercerait plus sa compétence de décision quant à la validité de la législation communautaire dérivée ». Depuis lors, la Cour n'a pas contrôlé la législation communautaire selon les critères des droits fondamentaux figurant dans la Loi Fondamentale ; les renvois à la Cour en ce sens provenant de juridictions inférieures sont déclarés non recevables .

Cependant, une telle évolution de la situation ne signifie pas que la Cour constitutionnelle d'Allemagne a renoncé à sa compétence d'examen approfondi de la législation communautaire. Elle signifie simplement que la Cour constitutionnelle allemande n'exerce plus une compétence qu'elle détient encore. Cela est dans la logique de sa jurisprudence antérieure : le principe portant sur le fond énoncé dans Internationale Handelsgesellschaft (Solange I) qui lie la primauté du droit communautaire au niveau de protection des droits fondamentaux n'a pas été modifié. La Cour n'a pas non plus abandonné sa position telle que formulée dans l'affaire Brunner contre Traité sur l'Union Européenne (« Maastricht »).

Cette dernière décision a cependant eu pour conséquence un revirement de jurisprudence de la Cour quant à la portée de la protection des droits fondamentaux et la Cour l'a expressément signalé. Avant Brunner, la Cour Constitutionnelle Fédérale limitait la protection des droits fondamentaux à des cas dans lesquels des institutions allemandes appliquaient le droit communautaire. Dans l'arrêt Brunner, la Cour a soutenu que des « normes émanant de l'autorité publique spécifique d'une organisation supranationale distincte du pouvoir d'Etat des Etats membres, peut également affecter les individus protégés par les droits fondamentaux en Allemagne. De telles normes affectent donc les garanties assurées par la Loi Fondamentale ainsi que les responsabilités de la Cour Constitutionnelle Fédérale, qui comprennent la protection des droits fondamentaux en Allemagne, et pas seulement par rapport aux institutions gouvernementales allemandes (BVerfGE 58, 1, 27 annulée ». Ainsi, la Cour a élargi son droit de contrôle juridictionnel - potentiel - à l'application du droit communautaire en Allemagne en général, c'est-à-dire sans l'implication qu'une autorité publique allemande. Cela n'a cependant pas de conséquence immédiate puisque - ainsi que la Cour a tranché dans Wünsche Handelsgesellschaft (Solange II) et l'a expressément réaffirmé dans Brunner - elle n'exercera pas sa compétence de décision sur l'applicabilité de la législation communautaire. Il est donc injustifié d'interpréter Brunner comme un « Solange III » ou comme un retour à « Solange I ».

Le fait que la Cour allemande, au lieu de renoncer à son pouvoir de contrôle juridictionnel de la législation communautaire, se limite à renoncer à l'utiliser, a des conséquences en matière de procédure. Dans certaines circonstances elle peut réveiller sa compétence. Dans l'arrêt Brunner, la Cour allemande fait entrer en jeu la « relation de coopération » entre elle-même et la Cour européenne de justice. Alors que la CEJ - selon la Cour allemande - garantit la protection des droits fondamentaux dans chaque cas individuel sur tout le territoire de la Communauté, la Cour constitutionnelle d'Allemagne se limite à une garantie globale des critères obligatoires régissant les droits fondamentaux en Allemagne. Donc les plaintes pour non constitutionnalité et les renvois devant la Cour constitutionnelle émanant de tribunaux inférieurs ne sont pas recevables dans la mesure où il y a simple allégation d'une violation des droits fondamentaux dans un cas individuel. Ils sont recevables, cependant, si le demandeur prétend que la mesure en question ne respecte pas le niveau obligatoire des droits fondamentaux en général. Ce que cela veut dire en pratique mériterait des explications. De toute façon, selon la Cour constitutionnelle, les conditions d'une telle recevabilité ne sont pas réunies à l'heure actuelle. Quiconque prétendant qu'elles le sont devrait prouver que la protection des droits fondamentaux au niveau communautaire a nettement reculé, soit du fait de l'introduction d'une liste matérielle imparfaite de droits fondamentaux, soit parce qu'il y aurait eu un changement dans la jurisprudence de la CEJ dans ce domaine.

2. Compétences

En ce qui concerne la structure de compétence de l'ordre juridique communautaire, le principe est que les institutions commettant un abus de pouvoir (« ultra vires ») violent non seulement les Traités des Communautés européennes mais encore outrepassent la compétence qui leur a été accordée par la disposition nationale rendant le droit communautaire applicable sur le territoire des États membres. La raison de cette situation provient du caractère ambivalent des Traités des Communautés européennes : d'une part, ils constituent le fondement juridique de la Communauté européenne alors que de l'autre ils forment, avec les instruments nationaux de ratification, la base du transfert de souveraineté vers la Communauté. Ce n'est que dans les limites de ce transfert que le droit communautaire prime le droit national.

La question qui se pose maintenant est de savoir à qui il incombe de décider où sont les frontières et quand elles sont violées. La Communauté européenne établit une institution - la CEJ - dont le mandat particulier est de déterminer si les organes de la Communauté ont, oui ou non, violé les Traités. Donc, au niveau communautaire, sa décision apporte une conclusion à un différend. Si la CEJ aboutit à la conclusion que la mesure en question respecte toutes les conditions du Traité, alors la « frontière » n'a pas été violée. En ce qui concerne le dispositif juridique allemand, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne est réticente à reconnaître ce principe. Au contraire, elle admet la possibilité que la Cour européenne de justice - n'appréhendant pas pleinement et donc approuvant les violations du Traité commises par les institutions communautaires - pourrait elle même violer les Traités des Communautés européennes. Bien que la Cour allemande, dans une décision antérieure, ait admis que la CEJ avait un rôle à jouer non seulement dans l'application mais aussi dans l'élaboration de la loi, elle a, dans l'arrêt Brunner, souligné la limite qui sépare élaboration et amendement du droit communautaire. La CEJ, a-t-elle déclaré, n'avait pas compétence pour interpréter les Traités des Communautés européennes au point de les amender . L'amendement des Traités ne peut avoir lieu que sur décision unanime des États membres. Si un tel amendement a pour origine une action entreprise par une institution communautaire, il ne s'impose pas à l'Allemagne. C'est là que réside la compétence de contrôle approfondi, qui s'étend même aux décisions de la CEJ, de la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne.

L'arrêt Brunner ne fait aucune allusion à la possibilité de ne pas exercer sa compétence, ce qu'elle avait fait dans l'arrêt Wünsche à propos des droits fondamentaux. Au contraire, la Cour constitutionnelle a expressément reconnu, pour la première fois, cette compétence. Bien sûr, elle ne l'a jamais exercée et nous devons reconnaître que la Cour constitutionnelle allemande, qu'il s'agisse de sa décision dans le litige Banane ou de l'affaire Télévision Sans Frontières, n'a jamais contrôlé de mesures décidées par des institutions communautaires quant à leur compatibilité avec les Traités. La question est donc ouverte : la Cour Européenne de Justice va-t-elle se pencher sérieusement sur la question des compétences - ainsi que le requiert la Cour Constitutionnelle allemande dans l'arrêt Brunner ? La Cour allemande laissera-t-elle sa compétence en sommeil - ainsi qu'elle l'a fait pour les droits fondamentaux ?

Aussi longtemps que la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne ne modifiera pas sa position, des conflits entre cette Cour et la CEJ ne sont pas improbables. Il est vrai que les deux Cours contrôlent les normes communautaires selon des normes de références différentes. La CEJ s'interroge sur la violation des frontières établies par les Traités instituant les Communautés européennes par la législation communautaire - il s'agit d'un problème de droit communautaire. La Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne vérifie si la législation communautaire est compatible avec le champ d'application des Traités en Allemagne tel que précisé dans l'Acte allemand d'Adhésion - il s'agit d'un problème de droit national. Cependant les deux approches ont en commun l'objet du contrôle, la législation communautaire, et également que ce sont les Traités des Communautés européennes qui fournissent la réponse (à ceci près que dans le premier cas, il s'agit des textes fondamentaux de la Communauté et que dans le deuxième, il s'agit du transfert de souveraineté à la Communauté tel que par l'Acte d'Adhésion). C'est la raison pour laquelle la Cour constitutionnelle allemande et la Cour européenne de justice pourraient apporter des réponses différentes à des questions apparemment identiques ; si tel était le cas, la Cour constitutionnelle allemande se réserverait le dernier mot pour l'Allemagne.

Cette situation a donné lieu à d'importantes critiques de la part de commentateurs allemands et étrangers . Je ne souhaite pas prendre parti. Je suis plus intéressé par la façon dont on peut aborder le potentiel de conflit. Savoir qu'il y a potentialité de conflit, c'est commencer à le désamorcer. Il n'y a cependant pas de solution facile toute prête. C'est pourquoi je vais surtout m'attarder sur ce que nous avons à notre disposition pour éteindre la mèche du conflit avant qu'il n'explose.

Bien que la Cour constitutionnelle allemande ne mentionne pas les mots « relation de coopération » à propos des compétences (par opposition à la jurisprudence sur les droits fondamentaux), la possibilité de construire ce type de relation existe à l'évidence. L'instrument de procédure en est le mécanisme de renvois préjudiciels prévu à l'article 177 du Traité instituant les Communautés européennes. Si la Cour constitutionnelle allemande avait à décider si elle doit déclarer inapplicable en Allemagne un texte législatif communautaire pour violation des Traités de la Communauté européenne, elle pourrait renvoyer ce problème de compatibilité avec le Traité devant la CEJ et demander une décision préjudicielle. La Cour allemande n'a jamais eu recours à la procédure de l'article 177 - mais elle a, en 1974, admis qu'en principe, l'article 177 est applicable également à la Cour constitutionnelle ; la Cour a en outre ajouté que si elle demandait une décision préjudicielle, l'interprétation de la norme communautaire par la CEJ s'imposerait, en l'espèce, à la Cour allemande.

Un renvoi devant la CEJ aurait un double effet. Premièrement, la Cour européenne de justice serait ainsi alertée que la Cour allemande est fort préoccupée par ce qu'elle considère comme une violation des Traités de la Communauté européenne et qu'un conflit entre les deux Cours pourrait bien être sur le point d'éclater. Deuxièmement, un tel renvoi serait producteur d'information pour la Cour Constitutionnelle allemande. Si les institutions communautaires empiètent sur les compétences des États membres, tous les États membres devraient en être préoccupés, et non un seul. C'est pourquoi, par la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l'article 177, tous les États membres ont la possibilité de faire état de leurs positions respectives. Si la CEJ conclut qu'il n'y a pas eu violation des Traités de la Communauté européenne et si, alors, la Cour constitutionnelle allemande exerce sa compétence, elle le fait en toute connaissance de la position des autres États membres. Ce qui rend plus probable une décision prise d'un commun accord. Le danger d'un conflit grave s'en trouve réduit encore que non impossible. La survenance d'un tel conflit ne saurait trouver alors de solution juridique, il ne resterait plus que le niveau politique.

C. La Cour de justice européenne et les juridictions internes de rang inférieur

Quiconque aborde la relation entre la CEJ et les juridictions internes de rang inférieur doit être parfaitement au courant de la distinction à faire entre d'une part l'interprétation du Droit communautaire et d'autre part sa validité ou son applicabilité à l'intérieur des États membres.

1. Interprétation

Pour l'interprétation, nous n'avons rien à changer à ce que nous avons dit plus haut. C'est la CEJ qui a le dernier mot en ce qui concerne l'interprétation contraignante du Droit communautaire - une compétence qui est indispensable pour la garantie de la sécurité juridique et pour garantir aussi que « en toute circonstance, la loi est la même dans tous les États de la Communauté ». La procédure de renvoi prévue à l'article 177 est la clef de voûte de toute une construction juridique à cette fin. Si le droit communautaire entre en jeu dans une espèce dont est saisie une juridiction nationale d'un État membre, et si cette juridiction a des difficultés pour l'interprétation de la disposition juridique communautaire en question, elle peut obtenir une décision préjudicielle de la CEJ. S'il s'agit d'une juridiction d'un État membre dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, le renvoi devant la CEJ n'est plus facultatif mais obligatoire. En Allemagne, une telle obligation, régie au niveau du droit communautaire par l'article 177(3) du Traité instituant la Communauté économique Européenne, s'est vu confirmer son statut de règle nationale par une décision de la Cour constitutionnelle statuant que la CEJ est un « juge compétent » au sens de l'article 101 (1) (2) de la Loi fondamentale. Un non renvoi devant la CEJ constitue donc également une violation de la Constitution allemande. Si la juridiction nationale applique le droit communautaire, elle est liée par l'arrêt de la Cour européenne de justice.

Il serait inexact de parler de « monopole d'interprétation » à propos de la Cour européenne de justice. Un tel terme ne serait approprié que si les juridictions de rang inférieur étaient dans l'obligation de renvoyer devant la Cour européenne de Justice toute affaire impliquant le droit communautaire. Ce n'est, évidemment, pas le cas et, au vu de la place que prend le droit communautaire aujourd'hui, la Cour européenne de Justice serait vite surchargée. Il n'y a obligation de renvoi que si la juridiction nationale est confrontée à un problème d'interprétation. Il est évident que la juridiction nationale doit d'abord examiner la disposition communautaire et essayer d'en comprendre l'objet par rapport à l'affaire en question - en d'autres termes, elle doit interpréter elle même la disposition en question.

L'expression « problème d'interprétation » ne devrait cependant pas être comprise de manière trop étroite. Après tout, les cours des Etats membres traitent de droit communautaire, qui est construit de diverses composantes nationales et appliqué dans le contexte de dispositifs juridiques nationaux différents. Ce qui semble clair dans le contexte d'un certain dispositif juridique peut être problématique dans un autre. Dès que la CEJ a rendu sa décision préjudicielle cependant, le problème est résolu.. Aucune juridiction nationale n'a à demander un deuxième jugement. Elle peut cependant renvoyer à nouveau la question devant la CEJ si la décision préjudicielle ne lui donne pas satisfaction et si elle veut donner à la CEJ la possibilité de reconsidérer le problème et de corriger sa réponse.

La décision de la Cour européenne peut également influer sur la procédure juridique nationale. Par exemple, si une juridiction allemande de rang inférieur a saisi la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne d'une disposition qu'elle juge à la fois pertinente pour la décision qu'elle doit prendre et non constitutionnelle et si dans l'intervalle la CEJ a prononcé une décision préjudicielle déclarant cette même disposition contraire au droit communautaire et donc non applicable, le renvoi devant la Cour constitutionnelle devient alors irrecevable : la disposition incriminée n'est plus pertinente pour la décision de la juridiction allemande au sens de l'article 100(1)(1) de la Loi fondamentale. La Cour Constitutionnelle Fédérale a statué en ce sens en 1992. Ce principe s'applique d'autant plus dans les cas où la non applicabilité de la disposition a déjà été déterminée par la CEJ lorsque la juridiction nationale inférieure la renvoie devant la Cour constitutionnelle.

2. Invalidité ou non applicabilité ?

Il est de la compétence exclusive de la Cour européenne de justice de déterminer si une disposition de droit communautaire est invalide pour cause d'incompatibilité avec le texte du Traité ou avec les droits fondamentaux non écrits mis en oeuvre dans la Communauté. Une telle compétence, bien que n'étant pas mentionnée dans les traités, y a été mise à jour par la CEJ. En conséquence, si une juridiction nationale vise à faire déclarer non valide une norme de droit communautaire, la seule possibilité qui s'offre à elle est de saisir la Cour européenne de justice au titre de l'article 177. D'autre part, il s'agit de droit national et c'est donc au niveau national qu'il doit être déterminé si une disposition de droit communautaire est inapplicable dans un État membre au motif qu'elle excède les compétences concédées à la Communauté par les Traités et n'est donc pas couverte par les dispositions nationales transférant des pouvoirs de souveraineté à la Communauté. La décision Brunner pose la question de savoir si, en Allemagne, le pouvoir de décision en ce domaine appartient à la Cour constitutionnelle ou à toute émanation de l'État allemand mettant en oeuvre le droit communautaire.

Il n'y a pas de règles explicites à ce sujet et la Cour constitutionnelle n'a pas non plus donné de détails sur la question dans son arrêt Brunner. Pour des raisons évidentes, on pense immédiatement à une solution de type « droit national ». Mais en droit national aussi on peut se heurter à des problèmes de compétences : qui est compétent pour déclarer une disposition nulle ou inapplicable si cette disposition est incompatible avec une norme juridique supérieure ? En Allemagne, la réponse à cette question peut être trouvée à l'article 100 de la Loi fondamentale. Si un tribunal juge non constitutionnelle une loi qui intervient dans la décision qu'il doit rendre, la procédure doit être interrompue et la question renvoyée à la Cour constitutionnelle fédérale. Cette dernière, en d'autres termes, jouit d'un véritable monopole juridictionnel (« em>Verwerfungsmonopol

Évidemment, l'applicabilité du droit communautaire à l'intérieur de l'Allemagne ne concerne pas, comme dans le cas de l'article 100(1) de la Loi fondamentale, la question de la compatibilité entre droit national inférieur et droit constitutionnel : le Droit communautaire est « jugé »par rapport à l'Acte d'Adhésion de l'Allemagne aux Traités régissant la Communauté et cela aussi est du droit inférieur à la Constitution. Cependant l'Acte d'Adhésion en tant que tel est vide de substance et n'est pas en soi un instrument de mesure. Il tire son contenu matériel des Traités de la Communauté européenne qu'il ratifie et qu'il rend applicables à l'intérieur de l'Allemagne. Ces Traités remplissent pour la Communauté les fonctions que remplit une constitution pour un État membre, d'où leur qualification par la Cour constitutionnelle allemande dès 1967 de textes « pratiquement équivalents à une constitution pour la Communauté »

Ceci justifie alors l'analogie avec l'article 100(1) de la Loi fondamentale. Les juridictions allemandes inférieures, tout en étant compétentes pour statuer qu'une disposition du droit communautaire est applicable à l'intérieur de l'Allemagne, ne sont pas compétentes pour la déclarer inapplicable. Cette compétence appartient à la Cour constitutionnelle, cela fait partie de son monopole. Ainsi, il n'y a qu'un seul type de recours possible pour que soit qualifiée d'inapplicable une disposition du droit communautaire, c'est le renvoi du texte incriminé devant la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne.

Sachant que la CEJ et la Cour constitutionnelle fédérale ont compétence de contrôle juridictionnel, la juridiction allemande inférieure a le choix entre deux possibilités : l'une consiste à demander une décision préjudicielle à la CEJ sur la compatibilité de la disposition en question avec le droit (primaire) communautaire. Dans ce cas, elle peut aussi faire part à la CEJ de ses doutes quant à la constitutionnalité de ladite disposition. L'autre possibilité consisterait à renvoyer la question à la Cour constitutionnelle fédérale qui statuera à son tour sur l'applicabilité de la disposition communautaire à l'intérieur de l'Allemagne.

De toute façon, le fait que la disposition soit inapplicable ou invalide ne représente pas une grande différence pour la juridiction inférieure. D'ailleurs la possibilité pour la juridiction inférieure de faire appel directement à la CEJ et de ne pas renvoyer la question en premier lieu à la Cour constitutionnelle appelle des commentaires : elle sera dans l'obligation de renvoyer la question en premier lieu à la Cour constitutionnelle si elle considère que la norme incriminée est inapplicable à l'intérieur de l'Allemagne. D'autre part, l'option consistant à se tourner immédiatement vers la CEJ peut ôter de la force à l'avertissement ainsi adressé à la CEJ : cet avertissement aura beaucoup plus de poids si c'est la Cour constitutionnelle et non la juridiction inférieure qui demande une décision préjudicielle. En effet, alors que les décisions de la CEJ sont contraignantes pour les juridictions inférieures, on sait que la Cour constitutionnelle, à la lumière de sa propre décision dans l'arrêt Brunner, peut à son tour exercer un contrôle sur la réponse délivrée par la Cour de Justice et être ainsi dans une position lui permettant d'exercer une sorte de veto.

III. Ce qu'il reste à résoudre

Il n'est pas confortable, pour des juristes, d'être confrontés à la possibilité d'un conflit juridictionnel qui ne peut être résolu dans le cadre de l'ordre juridique existant. Ils ont, certes, l'habitude de rencontrer des contradictions dans un ordre juridique donné, mais ils ont aussi l'habitude d'en venir à bout par le biais de l'interprétation de ce dispositif. Tout cela fonctionne « sans problèmes » si et seulement si les dispositions incompatibles dérivent de la même source de droit car c'est uniquement dans ce cas que peuvent être normalement mises en oeuvre les règles connues s'appliquant aux situations de conflit - telles que lex superior, lex posterior, ou lex specialis. Si les dispositions incompatibles ont des origines différentes, une hiérarchie harmonieuse ne peut être établie que si un ensemble de normes est nettement supérieur à l'autre. Ce qui n'est pas le cas pour le droit communautaire et le droit national.

Par conséquent, les contradictions entre droit national et droit communautaire qui demeurent et qui sont sans solution, ne sont pas un signe d'échec dogmatique mais plutôt une conséquence d'une division de la souveraineté, non rassemblée sous le parapluie du fédéralisme. Les diverses juridictions ne sont pas indifférentes à cette situation. Puisque l'objectif souhaitable immédiat n'est pas de convertir l'Union européenne en État fédéral européen - si tant est que cet objectif existe - la compétence résiduelle de la Cour constitutionnelle fédérale et des cours constitutionnelles des autres États membres se justifie. Elle contribue à préserver le caractère supranational de la Communauté, elle lui permet de n'être pas sacrifiée au nom d'un État européen qui ne serait pas fondé sur une volonté politique unanime mais sur des décisions administratives et judiciaires.