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La Cour d'État de la Principauté du Liechtenstein

Harry GSTÖHL - Président de la Cour d'État du Liechtenstein

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 8 (Dossier : Principautés européennes ) - juillet 2000

1. Le contexte constitutionnel

La Principauté de Liechtenstein est une monarchie constitutionnelle héréditaire sur base parlementaire démocratique(1). Il en ressort que les deux porteurs de la souveraineté sont d'une part la monarchie et d'autre part le peuple et sa Diète ; les deux tirant leur compétences respectives de la Constitution. La monarchie constitutionnelle est vue en opposition, d'une part par rapport à la monarchie absolue et d'autre part, par rapport au républicanisme. Le mouvement constitutionnel représente le résultat d'une réforme monarchique et non d'un mouvement ou d'une révolution démocratique et le texte final de la Constitution de 1921, actuellement en vigueur, représente un compromis politique historique(2).

1.1. La Constitution de 1921

La Cour d'État a été instituée par la Constitution de 1921, juste après que l'Autriche et la Tchécoslovaquie aient instauré leurs Cours Constitutionnelles. Et c'est sur le modèle de l'Autriche que la Principauté de Liechtenstein a instauré le contrôle des normes (concret et abstrait) et a maintenu ce système depuis, sans interruption aucune.

La base constitutionnelle a donné lieu a une loi sur la Cour d'État promulguée en 1925(3) permettant la mise en fonction de la Cour d'État. À noter que la Cour d'État n'a cessé depuis, sans interruption aucune, de fonctionner, et présente de ce fait un cas unique parmi les Cours Constitutionnelles en Europe.

2. La Cour d'État

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Les compétences de la Cour d'État sont tirées soit directement de la Constitution, soit de la loi sur la Cour d'État et sont les suivantes :

2.1. Décisions sur les conflits de compétences entre tribunaux et autorités administratives

2.2. Protection des Droits constitutionnels :

- pour violation de droit constitutionnels,

- pour application d'une loi jugée inconstitutionnelle,

- ou pour application d'une ordonnance jugée non conforme à la loi.

Il s'agit là – quantitativement - de la compétence la plus appliquée de la Cour d'État ; environ 85 % de toute la charge de travail est dû à des recours pour protection des droits constitutionnels. Dans ce contexte, ce sont le plus souvent des décisions de dernière instance qui font l'objet de recours.

2.3. Protection des droits garanties par la Convention européenne

2.4. Cour disciplinaire pour les membres du gouvernement et Cour d'accusation pour ministres

Un seul cas s'est produit dans l'histoire de la Principauté et s'est terminé par un acquittement.

2.5. Contrôle de la constitutionnalité des lois et de la légalité des ordonnances

Le contrôle ne peut se faire que pour les lois ou ordonnances que la Cour doit appliquer directement ou indirectement lors d'un recours.

2.6. Compétences de Cour administrative et de Cour électorale

Fort heureusement la compétence de la Cour d'État en matière fiscale, où elle était cour de cassation, lui a été retirée ; cette matière représentait environs le 10 % de toute les matières traitées.

2.7. Compétence pour trancher des conflits d'interprétation de la Constitution (compétence subsidiaire)(5).

Il s'agit là d'un point qui fait actuellement l'objet d'un débat politique en matière de révision constitutionnelle et il serait déplacé d'entrer plus en détail sur un sujet de si grande actualité.

2.8. Compétence pour rendre des avis de droit

Les avis rendus par la Cour d'État ont, cette dernière décennie, fait l'objet de critiques(6), notamment par la Cour elle-même. En effet, sur requête, la Cour est censée donner un avis sur une question non litigieuse, avis qui pourra guider le gouvernement ou la Diète ; si toutefois la question devait être ultérieurement tranchée lors d'un litige, la Cour ne serait nullement liée par l'avis de droit exprimé auparavant.

(1) G. Vedel. « Réflexions sur les singularités de la procédure devant le Conseil constitutionnel », Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l'honneur de R. Perrot, D. 1996, p. 549.
(2) J.-C. Escarras, « Sur deux études italiennes : de la communicabilité entre systèmes italien et français de justice constitutionnelle », AIJC, II.1986, pp. 25-26.
(3) Déc. n° 86-218 DC du 18 nov. 1986, Rec. p. 167, cons. n° 11.
(4) L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDC, 1.1990, p. 82.
(5) Voir, notamment, M. Luciani. « I fatti e la Corte : sugli accertamenti istruttori del giudice costituzionale nei giudizi sulle leggi », Giur. cost., I.1987, p. 1045 ; T. Groppi, I poteri istruttori della Corte costituzionale nel giudizio sulle leggi, Giuffrè, 1997.
(6) Précisons que notre étude prend plus particulièrement en compte ce que les Italiens appellent le procès incident de constitutionnalité, c'est-à-dire les décisions statuant sur la conformité des lois à la Constitution dans le cadre d'un contrôle concret et a posteriori. S'il connaît une tendance à la baisse, ce contrôle reste celui qui est le plus fréquemment exercé par la Cour constitutionnelle italienne.