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La chose jugée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de ses décisions et la QPC

Régis FRAISSE - Chef du service juridique du Conseil constitutionnel

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 30 (Dossier : Autorité des décisions) - Janvier 2011

Une juridiction ne peut transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à sa cour suprême que si la disposition sur laquelle elle porte « n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances »(1). Le respect de cette condition s'impose également à la cour suprême saisie d'une QPC(2).

Cette condition trouve un solide fondement juridique dans l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel qui est énoncée à l'article 62 de la Constitution(3) et qui fait l'objet d'une étude du secrétaire général du Conseil constitutionnel dans ce même numéro des Cahiers. Ce fondement ne fera donc pas l'objet ici de développements.

En revanche, ce qui retiendra notre attention et qui éveille souvent la curiosité de nos interlocuteurs étrangers, c'est la rédaction retenue par le législateur organique qui, au lieu de s'en tenir à une déclaration de conformité dans une décision du Conseil constitutionnel, exige que cette déclaration figure « dans les motifs et le dispositif d'une décision ». La source de cette formulation en est plus factuelle que juridique : elle tient aux réponses variables qu'a données au cours du temps le Conseil constitutionnel à la portée de ses décisions de conformité des lois à la Constitution.

I - La prise en compte de l'évolution, entre 1959 et 2009, de la rédaction des décisions du Conseil constitutionnel quant aux dispositions législatives qui lui ont été déférées

La lettre de la Constitution est claire : l'article 61 de la Constitution dispose que « les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation » pour que le Conseil constitutionnel « se prononce sur leur conformité à la Constitution ». Elle devrait laisser à penser que, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d'une loi, il est saisi de toute la loi et doit alors se prononcer sur son intégralité. N'exerce-t-il pas, d'ailleurs, ce contrôle exhaustif des lois organiques et des règlements des assemblées parlementaires, alors que la lettre du premier alinéa de l'article 61 ne diffère point de celle de son deuxième alinéa ? Ce paradoxe date de l'origine du Conseil constitutionnel, à une époque où, pourtant, les lois étaient brèves et les saisines rares. Il a constamment été présent dans ses délibérés. S'il a failli s'évanouir dans les années 1980, sa disparition n'a pas résisté à l'« inflation législative », à l'augmentation du nombre des saisines a priori et à la brièveté du délai d'un mois imparti au Conseil constitutionnel pour statuer.

A - De 1959 à 1977

Dès sa première décision sur une loi ordinaire(4), le Conseil constitutionnel examine l'étendue de sa compétence : est-il saisi de toute la loi ou uniquement des dispositions contestées ? Peut-il soulever d'office une disposition non contestée par les requérants ?

Les débats auxquels ont donné lieu cette décision, qui sont reproduits dans Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel(5), sont passionnants à cet égard. Ils opposent les partisans d'une compétence restreinte à ceux d'une compétence large. Ils se terminent par un compromis suite à l'intervention déterminante de Georges Pompidou qui « conseille d'essayer d'éviter de dire formellement que le Conseil a examiné la loi sans pour autant que celui-ci paraisse se dérober ». Ce compromis aboutit à la rédaction d'un considérant, qui va devenir célèbre dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et que l'on dénommera plus tard le « considérant-balai » :

« Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi dont il est saisi par le Premier ministre aux fins d'examen de ses articles 17 et 18. »

Le considérant adopté ne comporte plus l'expression « soulever d'office » à la suite de l'adoption d'un amendement portant suppression de la locution « d'office ». En revanche, l'amendement du Président Coty, qui proposait de supprimer « en l'espèce », n'a pas été retenu suite à l'intervention de Georges Pompidou qui avait reconnu que si « on peut le faire··· il pourrait être pratique de se réserver une possibilité de contrôle ».

En toute logique avec le délibéré, le dispositif de cette décision ne statue que sur les dispositions examinées et reste silencieux sur le surplus de la loi :

« Article premier : Les articles 17 et 18 de la loi de finances rectificative pour 1960 sont déclarés non conformes à la Constitution. »

Il ressort donc de cette première décision que le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé que sur les dispositions contestées par le Premier ministre et qu'en utilisant l'expression « en l'espèce », il s'est réservé dans l'avenir la possibilité de statuer d'office sur une disposition non contestée.

En dehors des cas où le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent(6), a déclaré la saisine irrecevable(7) ou était saisi de l'intégralité de la loi(8), ce considérantbalai a été repris avec quelques variantes jusqu'en décembre 1976(9).

B - De 1977 à 1991

À partir du 5 juillet 1977(10), le Conseil constitutionnel se prononce dans le dispositif sur l'ensemble des dispositions de la loi.

En l'espèce, seul un article était contesté. Les députés requérants demandaient en effet « de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution l'article 4 de la loi ».

Le Conseil examine cet article. Il conclut la motivation de sa décision par le même considérant-balai : « Considérant, enfin, qu'en l'état (11), il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen. » Mais – et c'est là où s'opère le changement – il valide, dans le dispositif, l'ensemble de la loi : « Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions de la loi susvisée portant diverses mesures en faveur de l'emploi et complétant la loi75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale. »

C'est ainsi, à titre d'exemple, que le Conseil, dans sa décision n° 85-201 DC du 28 décembre 1985, comportant cinq considérants, refuse de regarder comme « cavalier budgétaire » l'article 82 de la loi de finances pour 1986, seul article contesté par les sénateurs. Puis, il soulève d'office l'inconstitutionnalité de son article 74 qui ne trouvait pas sa place dans une loi de finances. Enfin, après avoir rappelé le considérant-balai, déclare, dans son dispositif, conformes à la Constitution « les autres dispositions de la loi de finances ».

Cette façon de faire a rapidement montré ses limites, en particulier dans les cas où la loi comportait des dispositions nombreuses ou hétéroclites et dans ceux où le Conseil constitutionnel avait un délai très bref pour statuer. C'est ainsi qu'à partir de 1987, les décisions relatives aux lois de finances(12), aux lois de finances rectificatives(13), ainsi qu'à quelques lois particulières(14) s'éloignent de cette pratique en se bornant, dans le dispositif, à déclarer les dispositions contraires à la Constitution sans se prononcer sur les autres.

Il n'est donc pas surprenant que le Conseil constitutionnel ait abandonné cette pratique utilisée, pour la dernière fois, dans la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991(15).

Cette pratique, au demeurant, ne signifiait pas que la déclaration de non-contrariété(16) d'une loi à la Constitution valait « brevet de constitutionnalité ». La preuve en est qu'en 1999, le Conseil constitutionnel, appliquant sa jurisprudence dite « Nouvelle-Calédonie », a déclaré contraire à la Constitution un article d'une loi promulguée en 1985 alors même que celle-ci, au-delà des dispositions visées à son article 1er, avait été déclarée conforme à la Constitution dans son ensemble(17).

C - De 1991 à 1993

À partir du 16 janvier 1991, le considérant-balai est supprimé et le dispositif ne mentionne, en règle générale, que les dispositions contraires à la Constitution(18) :

« Article premier : Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 37, 38, 41, 42 et 47 de la loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales. »

La motivation se termine parfois par la formule :

« Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'argumentation des auteurs de la saisine ne saurait être accueillie ».

D - De 1993 à ce jour

À partir de la décision n° 93-321 DC du 20 juillet 1993, le considérant-balai revient(19) : « 40. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen. »Ainsi, le Conseil constitutionnel ne statue que sur les dispositions qui lui sont expressément soumises ou qu'il décide de soulever d'office. Cette façon de faire est toujours en vigueur à ce jour(20).

II - La portée de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel sur les QPC

Depuis le 1er mars 2010, date d'entrée en vigueur de la procédure de QPC, le Conseil constitutionnel a été amené à préciser et à mettre en œuvre la portée de ses décisions antérieures sur une QPC en application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 qui, rappelons-le, exige, pour que la disposition législative soit examinée par le Conseil constitutionnel, qu'elle n'ait pas « déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ».

C'est précisément l'existence de cas, précédemment examinés, dans lesquels le dispositif des décisions du Conseil constitutionnel valide l'ensemble de la loi alors que seuls certains articles ont été spécialement analysés dans les motifs qui a justifié, dans la loi organique du 10 décembre 2010, l'insertion de cette condition. L'autorité de la décision ne doit pas porter, en effet, sur des articles de la loi qui n'ont pas été spécialement examinés par le Conseil et qui ne bénéficient pas d'un « brevet de constitutionnalité ».

A - La portée précisée

1 - La précision quant aux motifs

C'est le Conseil d'État qui, par une décision du 19 mai 2010, a renvoyé au Conseil constitutionnel une question destinée à lui faire préciser cette portée. Cette question portait sur l'article 706-53-21 du Code de procédure pénale (CPP), issu de l'article 1er de la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté insérant dans ce code l'ensemble des dispositions consacrées à cette nouvelle mesure. Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les conditions et les modalités d'application des dispositions relatives à la rétention de sûreté.

Cet article était un excellent cas pratique puisque, si le Conseil constitutionnel avait, dans l'article 2 du dispositif de sa décision du 21 février 2008(21), déclaré conforme à la Constitution, sous le bénéfice d'une réserve d'interprétation, l'ensemble de l'article 1er de cette loi du 25 février 2008, il n'avait pas explicitement analysé l'article 706-53-21 dans les motifs de sa décision.

Dans sa décision du 2 juillet 2010(22) répondant à la QPC qui lui avait été transmise par le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel a relevé :

- que les dispositions de l'article 1er de la loi étaient expressément contestées par les requérants ;

- que, dans les considérants 2 et suivants de sa décision du 21 février 2008, il avait « spécialement examiné l'article 1er » de la loi du 25 février 2008 qui insère notamment l'article 706-53-21 dans le CPP ;

- que l'article 1er de cette loi était déclaré conforme à la Constitution dans le dispositif de sa décision du 21 février 2008.Il en a conclu que l'article 706-53-21 du CPP, devenu son article 706-53-22, avait été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision du 21 février 2008, de sorte qu'il n'y avait pas lieu, en l'absence de changement des circonstances, de procéder à un nouvel examen de sa constitutionnalité. L'exigence prévue par le 2 ° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 n'était donc pas satisfaite.

Cette solution vaut a fortiori lorsque le Conseil constitutionnel, saisi d'un seul grief contre une disposition législative, l'écarte dans les motifs de sa décision sans se prononcer de façon expresse sur sa conformité au regard de l'ensemble des exigences constitutionnelles. Le fait d'écarter expressément un grief invoqué contre une disposition législative a pour effet de déclarer cette disposition conforme à la Constitution dans son intégralité. La constitutionnalité de celle-ci ne peut donc plus être contestée, même sur le fondement d'un autre grief, à l'exception du « changement des circonstances ».

C'est ainsi que le Conseil d'État, constatant que l'article L. 110-3 du Code de la route avait été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2004-503 DC du 12 août 2004, écarte le moyen d'inconstitutionnalité présentés contre cette disposition « alors même que cette décision ne s'est pas expressément prononcée sur le moyen tiré de l'article 72 de la Constitution »(23).

On retrouve la même motivation à propos de l'article L. 302-5 du Code de la construction et de l'habitation déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000. Le Conseil d'État écarte les moyens d'inconstitutionnalité présentés contre cette disposition « alors même que la décision précitée ne s'est pas expressément prononcée sur ceux qui sont soulevés par la commune de Juvignac dans la présente instance »(24).

2 - La précision quant au dispositif

C'est la Cour de cassation qui, cette fois-ci, a permis au Conseil constitutionnel de préciser la portée du dispositif de ses décisions qu'il a rendues à une époque où, après n'avoir examiné dans les motifs de sa décision que les dispositions contestées ou soulevées d'office, il validait l'ensemble de la loi dans le dispositif de sa décision. Cette question portait sur l'article L. 7 du code électoral.

Cette disposition imposait la radiation des listes électorales des personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public, lorsqu'elles commettaient certaines infractions et emportait une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée égale à cinq ans. Elle avait été introduite dans le code électoral par l'article 10 de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique.

Cette loi avait été déférée au Conseil constitutionnel par le Premier ministre qui n'avait développé aucun grief.

Dans les motifs de sa décision(25), le Conseil n'avait spécialement examiné que les articles 6, 20 et 27. Pour les autre articles, et notamment l'article 10, il avait indiqué, dans le considérant final de sa décision qu'« aucun de ces articles ne porte atteinte à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ».

Dans le dispositif, le Conseil constitutionnel s'était borné à déclarer contraire à la Constitution l'article 20 sans se prononcer sur la constitutionnalité des autres dispositions de la loi et, en particulier, de son article 10.

Dans sa décision du 11 juin 2010(26), le Conseil constitutionnel a donc pu statuer sur l'article L. 7 du code électoral sans s'interroger sur un éventuel changement des circonstances dès lors que cet article n'avait donc pas été déclaré conforme à la Constitution dans le dispositif d'une de ses décisions.

Une validation d'une disposition législative dans les motifs d'une décision sans être réaffirmée dans son dispositif peut toutefois conduire la cour suprême à écarter la question comme non sérieuse. C'est ainsi qu'a procédé la Cour de cassation lorsqu'elle a été saisie de l'article 698-6 du Code de procédure pénale, selon lequel la personne accusée d'un acte de terrorisme, à la différence de tout accusé d'un crime de droit commun, se voit refuser le droit à ce que les réponses défavorables données aux questions soient acquises à une majorité qualifiée. Elle a tout d'abord noté que « ces dispositions n'ont pas déjà été explicitement et directement déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ». Elle a ensuite constaté « qu'en déclarant conforme à la Constitution, par sa décision86-813 DC du 3 septembre 1986, l'article 706-25 du Code de procédure pénale, qui renvoie, pour le jugement des accusés majeurs en matière de terrorisme, aux règles fixées par les dispositions contestées de l'article 698-6 du même code, le Conseil constitutionnel a nécessairement validé ces dernières dispositions au regard de leur constitutionnalité ». Elle en a déduit – précisément – l'absence de caractère sérieux de la question(27).

B - La portée mise en œuvre

1 - L'autorité des décisions s'impose par principe

Le Conseil constitutionnel a ainsi refusé de statuer à nouveau en l'absence de changement des circonstances :

  • Sur le régime de la garde à vue en matière de criminalité et délinquance organisées(28) : le dernier alinéa de l'article 63-4 du CPP et son article 706-73 avaient été spécialement examinés et déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision du 2 mars 2004 rendue sur la loi relative à l'évolution de la justice aux évolutions de la criminalité ; il en allait de même des alinéas 1er à 6 de l'article 706-88 du Code de procédure pénale(29) ;
  • Sur les dispositions du régime des perquisitions(30) codifiées à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF) ayant pour origine l'article 94 de la loi du 29 décembre 1984, spécialement examiné et déclaré conforme à la Constitution dans les considérants 33 à 35 de la décision du 29 décembre 1984 ou l'article 108 de la loi du 29 décembre 1989 spécialement examiné et déclaré conforme à la Constitution dans les considérants 91 à 100 de la décision du 29 décembre 1989 ; ces dispositions avaient été modifiées ou complétées ultérieurement mais, en l'espèce, ni la réforme de la loi du 15 juin 2000, sans portée quant à la constitutionnalité de la disposition déférée ni la loi du 4 août 2008, qui a élevé le niveau de garanties dont bénéficie la personne faisant l'objet d'une visite par l'administration des impôts, n'ont été regardées comme justifiant un réexamen d'ensemble de l'article L. 16 B du LPF ;
  • Sur l'assimilation, au regard de l'impôt de la solidarité sur la fortune, de la situation des personnes vivant en concubinage notoire à celle des couples mariés : le second alinéa de l'article 885 E du code général des impôts, qui procède à cette assimilation, est la reprise identique du deuxième alinéa de l'article 3 de la loi de finances pour 1982, disposition qui avait été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de sa décision du 30 décembre 1981(31).
  • Cette autorité s'impose également lorsque la conformité à la Constitution résulte d'une décision rendue à la suite d'une QPC. Ainsi, par décision n° 2010-51 QPC du 6 août 2010, le Conseil constitutionnel a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les dispositions de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 relatives au régime des perquisitions, lesquelles avaient été déclarées conformes à la Constitution par la décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010.
2 - L'exception du changement des circonstances

Pour que cette exception joue, il convient que le juge a quo, le Conseil d'État ou la Cour de cassation en accepte l'augure et que la QPC soit transmise au Conseil constitutionnel alors même que celui-ci a déjà déclaré la disposition législative contestée conforme à la Constitution. Il s'agit donc d'une situation exceptionnelle qui s'est rencontrée une fois dans les huit premiers mois d'application de la réforme. Ce fut à propos du régime de droit commun de la garde à vue(32).

Dans sa décision n° 93-326 DC du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel avait déclaré conformes à la Constitution les modifications apportées aux articles 63, 63-1, 63-4 et 77 du CPP alors soumises à son examen. Mais, le 30 juillet 2010, à la suite de plusieurs renvois de la Cour de cassation, il a estimé qu'il y avait eu, depuis lors, un changement des circonstances lui permettant de statuer à nouveau sur leur conformité à la Constitution. Ce changement provenait d'une évolution des règles et des pratiques de la garde à vue ayant contribué à un recours accru à cette procédure, y compris pour des infractions mineures.


(1) Article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
(2) Article 23-5 de la même ordonnance.
(3) Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, cons. 13.
(4) Décision n° 60-8 DC du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960 (Redevance radio-télévision).
(5) Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2009, p. 74.
(6) Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962, Loi relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962.
(7) Décision n° 76-69 DC du 8 novembre 1976, Loi relative au développement de la prévention des accidents du travail.
(8) Décisions n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse. (9) Décision n° 76-73 DC du 28 décembre 1976, Loi de finances pour 1977.
(10) Décision n° 77-79 DC du 5 juillet 1977, Loi portant diverses dispositions en faveur de l'emploi des jeunes et complétant la loi75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale.
(11) L'expression « en l'état » a été utilisée entre 1970 et 1977 et a été reprise au début des années 1980.
(12) Décisions n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988 ; n° 89-268 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances pour 1990 ; n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, Loi de finances pour 1991.
(13) Décisions n° 87-239 DC du 30 décembre 1987, Loi de finances rectificative pour 1987 ; n° 88-250 DC du 29 décembre 1988, Loi de finances rectificative pour 1988 ; n° 89-270 DC du 29 décembre 1989, Loi de finances rectificative pour 1989.
(14) Décisions n° 88-251 DC du 12 janvier 1989, Loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales ; n° 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé ; n° 90-277 DC du 25 juillet 1990, Loi relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux ; n° 90-281 DC du 27 décembre 1990, Loi sur la réglementation des télécommunications ; n° 90-287 DC du 16 janvier 1991, Loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales ; n° 91-290 DC du 9 mai 1991, Loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.
(15) Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
(16) Terme préféré alors à celui de « conformité » pour les lois ordinaires : comparer les décisions n° 86-220 DC du 22 décembre 1986, Loi relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'État, et n° 86-219 DC du 22 décembre 1986, Loi organique relative au maintien en activité des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation.
(17) Décisions n° 99-410 DC du 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, cons. 42, et n° 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.
(18) Exception : Décision n° 92-311 DC du 29 juillet 1992, Loi portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle.
(19) Avec quelques variantes : « Considérant qu'il n'y a lieu (en l'espèce), (pour le Conseil constitutionnel), d'examiner (ou : de soulever) d'office aucune (autre) question de conformité à la Constitution (ou : de constitutionnalité) ».
(20) Les exceptions sont rares : on relève ainsi que la décision n° 97-388 du 20 mars 1997 valide l'ensemble de la loi créant les plans d'épargne retraite, qui était partiellement contestée.
(21) Décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
(22) Décision n° 2010-9 QPC du 2 juillet 2010, Section française de l'Observatoire international des prisons (article 706-53-21 du Code de procédure pénale), cons. 4.
(23) CE, 19 mai 2010, Commune de Buc, n° 330310.
(24) CE, 23 juillet 2010, Commune de Juvignac, n° 339882.
(25) Décision n° 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie politique.
(26) Décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres (article L. 7 du Code électoral).
(27) Cour de cassation, 19 mai 2010, arrêt n° 12022.
(28) Décision n° 2010-14/22 du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 12 et 13.
(29) Décision n° 2010-31 QPC du 22 septembre 2010, M. Bulent A. et autres (Garde à vue terrorisme), cons. 4.
(30) Décision n° 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, Époux P. et autres (Perquisitions fiscales), cons. 4 à 10.
(31) Décision no 81-133 DC du 30 décembre 1981, Loi de finances pour 1982, cons. 4 à 9.
(32) Décision n° 2010-14/22 du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres (Garde à vue), cons. 12 et 13.