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L’exigence continue de légitimité sociale de la Cour suprême

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Idris FASSASSI - Allocataire de recherche – Moniteur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III, GERJC Institut Louis Favoreu CNRS UMR 6201

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 26 - août 2009

« Les écrits du prêtre français étaient bien assez connus à New York pour que la presse veuille l'interviewer.(2) Son bateau à vapeur dépassa le goulet et se dirigea vers le fond de la baie et North River. Il contempla l'horizon, respirant profondément, comme tant d'autres l'ont fait en de tels instants··· Il se retourna vers les reporters. « C'est magnifique », dit-il « de respirer le doux air de la légitimité »(3).

Le professeur Charles Black utilisait cette histoire pour mettre en exergue ce qu'il considérait être l'une des qualités majeures du régime américain : le contrôle de constitutionnalité(4). Ce que le prêtre avait senti dans l'air ce jour-là, cette fragrance qui jusqu'alors lui était inconnue, n'était autre que le « doux parfum de la Cour suprême ».

La Cour suprême, une des rares institutions dont il n'est pas nécessaire de préciser la nationalité, a toujours fasciné les observateurs étrangers, d'Alexis de Tocqueville au jeune prêtre auquel fait référence Charles Black. La raison tient sans doute à ce que pendant longtemps, elle symbolisa à elle seule la justice constitutionnelle. Aujourd'hui encore, alors que le pouvoir de judicial review n'est plus l'apanage des seules juridictions américaines, la Cour demeure unique parce que, plus que toute autre, elle « illustre l'influence d'une juridiction constitutionnelle sur la société politique »(5). Par une série de décisions historiques, elle a pesé sur le cours de la vie politique de l'État et a profondément affecté la vie même de ses citoyens. L'« immense pouvoir politique »(6) dont elle a fait montre au titre de ses prérogatives de juge constitutionnel contraste avec l'affirmation des Pères fondateurs selon laquelle « le pouvoir judiciaire est sans comparaison le plus faible des pouvoirs »(7). Ce propos n'est en effet plus valable à ce jour. Si la Cour ne dispose toujours pas de l'« épée », ni de la « bourse », elle supporte à tout le moins la comparaison avec les autres branches du pouvoir. En conséquence, elle supporte elle aussi le poids des critiques.

Celles-ci sont consubstantielles à l'existence même du pouvoir qui a fait son prestige. Depuis l'arrêt Marbury v. Madison(8), la Cour n'a cessé d'être remise en cause au titre de son pouvoir d'écarter les lois qui s'avéreraient inconstitutionnelles et ce, d'autant plus que la Constitution ne consacre pas expressément ce pouvoir(9). L'argument majeur avancé à l'encontre de la Cour, et du juge constitutionnel en général, est en effet celui de son illégitimité en raison de son caractère anti-démocratique. La counter-majoritarian difficulty, selon l'expression consacrée d'Alexander Bickel(10), est donc le paradigme dominant du débat constitutionnel américain. Loin d'être une objection récente, la difficulté contre-majoritaire est liée depuis l'origine au judicial review, mais c'est en particulier lors des phases d'activisme judiciaire que la contestation réapparaîtra avec vigueur.

Depuis quelques années, le débat a été relancé autour de la politique jurisprudentielle de la Cour Rehnquist(11), et il s'est poursuivi sous la Cour Roberts. Le mouvement de remise en cause de la justice constitutionnelle qui s'est développé au sein de la doctrine américaine porte le nom de « constitutionnalisme populaire » (popular constitutionalism). Regroupant d'éminents constitutionnalistes, tels que Larry Kramer ou Mark Tushnet, il prône, comme son nom l'indique, un rôle accru du peuple tant dans l'interprétation que dans l'application de la Constitution et stigmatise les dérives contre-majoritaires de la Cour. Parce que la Cour aurait privé le peuple de ses prérogatives constitutionnelles, le pouvoir de judicial review devrait être sinon aboli, au moins strictement encadré.

La contestation, dont les arguments font écho à l'œuvre d'Edouard Lambert sur le « gouvernement des juges »(12), a le mérite de soulever la question légitime du rôle respectif du peuple et de la Cour en matière constitutionnelle. Elle apparaît toutefois contestable, en ce que les solutions préconisées se révèlent plus dangereuses que le mal allégué, particulièrement quant au respect des droits fondamentaux des minorités. Elle est par ailleurs paradoxale à certains égards et, si elle ne saurait se réduire à une critique opportuniste, elle est néanmoins marquée idéologiquement, s'insérant dans un contexte particulier dont il ne peut être fait abstraction(13).

En tout état de cause, le peuple et la Cour ne s'opposent pas de manière aussi radicale que le mouvement ne le présente. À ce titre, l'analyse des rapports entre le juge et l'opinion publique, entendue comme « la façon inorganique dont un peuple fait savoir ce qu'il veut et ce qu'il pense »(14), limite assurément la critique. Le Chief Justice Rehnquist lui-même a mis en exergue le lien indéniable, mais si difficilement saisissable(15), entre la Cour et l'opinion :

« Quelque part, dehors, par-delà l'enceinte de ce palais, ondulent les courants de l'opinion publique qui clapotent à la porte de la Cour. [···] Ces courants, s'ils sont suffisamment importants et soutenus auront, à n'en pas douter, un effet sur le sens de certaines des décisions rendues par la Cour »(16).

Si certains soutiennent, à juste titre d'ailleurs, que la Cour influence dans une certaine mesure l'opinion publique, il est toutefois difficile de prouver cette affirmation de manière irréfutable. Les trop rares études détaillées sur la question révèlent au demeurant que si cette influence existe, elle ne peut être décrite de manière générale(17). Au surplus, elles sont confrontées au paradoxe suivant : puisque, par essence, la Cour ne peut influencer, du moins de manière directe, que ceux qui auront connaissance de ses décisions, seules celles qui revêtent une importance particulière et qui bénéficieront donc d'un retentissement conséquent, seront susceptibles d'influencer l'opinion publique. Or c'est justement dans ces matières -- peine de mort, discrimination positive, avortement etc··· - que les opinions sont le plus polarisées, et donc le moins susceptibles d'évoluer.

S'agissant de l'hypothèse réciproque, celle portant sur l'influence de l'opinion publique sur la Cour, elle semble plus aisément vérifiable, mais tout aussi complexe quant à ses modalités. Elle s'inscrit dans le cadre plus général de l'exigence de légitimité sociale, en vertu de laquelle la Cour ne peut s'opposer sur le long terme aux attentes de la majorité des citoyens, en ce qu'elle ne saurait « s'affranchir indéfiniment de l'air du temps »(18). C'est même précisément parce que la Cour ne possède ni « la bourse », ni « l'épée », que son autorité repose de manière ultime sur la confiance de l'opinion publique(19).

La légitimité, entendue « comme la qualité du pouvoir dont l'acceptation se fonde non sur la coercition comme ressource première, mais sur le consentement réputé libre de la population qui s'y trouve soumise »(20), postule nécessairement une dimension sociale. Elle requiert, en effet, un « supplément d'âme »(21), au-delà des aspects institutionnel et fonctionnel, dont le ressort fondamental est lié à la reconnaissance publique. Comme l'affirmait le doyen Favoreu, « la véritable sanction de la légitimité de la justice constitutionnelle est donnée ou apportée par l'opinion publique »(22).

La théorie du « constitutionnalisme populaire médiat » met en exergue cette exigence de légitimité sociale. Elle repose sur trois prémisses. La première est que les décisions de la Cour doivent être « acceptables » pour une majorité des citoyens. La seconde est que, même lorsque le peuple désapprouve certaines décisions particulières, il soutient toutefois le judicial review. La troisième renvoie à l'idée selon laquelle si le peuple souhaitait réellement remettre en cause le judicial review et les décisions rendues sur la base de ce pouvoir, il disposerait de certains moyens d'actions(23).

Ici l'accent sera mis sur les deux premières propositions qui ont trait à cette exigence de légitimité sociale à laquelle est soumise la Cour (I), mais dont la recherche n'est pas sans soulever certaines difficultés (II).

I. La Cour soumise à l'exigence de légitimité sociale : le nécessaire soutien de l'opinion publique

L'exigence de légitimité sociale revêt une double dimension. Elle implique non seulement que le judicial review, en tant qu'institution, soit accepté par le corps social, mais aussi que les décisions rendues sur le fondement de ce pouvoir le soient également.

A - L'acceptation du judicial review

En dépit d'une origine sujette à controverses, et malgré les velléités ponctuelles tendant à remettre en cause son existence, il est indéniable que le judicial review a été accepté et intégré dans la société américaine.

Selon le professeur Charles Black, « le judicial review a été légitimé par l'assentiment populaire tout au long de l'histoire américaine »(24). Poursuivant son idée, il affirme que le peuple lui a manifesté son soutien et son attachement « en le laissant tranquille »(25) (leaving it alone). La légitimité du judicial review découlerait donc en grande partie de ce que le peuple n'a jamais entendu retirer à la Cour le pouvoir de contrôler la constitutionnalité des lois. Dans le même sens, le professeur John Hart Ely, citant Eugène Rostow, souligne que « les possibilités d'émasculation judiciaire par réaction du peuple contre le judicial review ne se sont en réalité jamais concrétisées. Les tensions ont atteint leur paroxysme sous la Cour Warren [···] et pourtant, rien d'assimilable à une destruction ne s'est produit »(26).

De surcroît, au delà d'une simple « non remise en cause », le peuple a manifesté à l'égard de la Cour et du judicial review un véritable attachement et un certain respect et ce, même lorsque la légitimité de l'institution était virulemment critiquée. En 1935, alors que la Cour s'opposait à la politique sociale de Franklin Roosevelt en censurant une série de lois essentielles à la mise en œuvre du New Deal, les sondages révélèrent que cinquante-trois pour cent des personnes interrogées ne souhaitaient pas pour autant une limitation du judicial review(27). Ainsi, malgré l'impopularité des décisions de la Cour, le judicial review bénéficiait encore du soutien populaire(28). De même, le célèbre Court packing plan, projet de réforme du système judiciaire par lequel Franklin Roosevelt entendait briser l'opposition de la Cour en augmentant le nombre de juges, ne fut que faiblement soutenu par l'opinion publique(29). Par la suite, d'autres enquêtes ont montré que le soutien de l'opinion envers la Cour était équivalent voire supérieur à celui manifesté à l'égard des autres branches du pouvoir. L'étude réalisée en 1994 par les professeurs Scheb et Lyons révèle que les personnes interrogées ont une haute opinion de la Cour et de son travail, qu'elles jugent de meilleure qualité que celui du Congrès(30). Plus récemment, d'autres travaux ont montré qu'en janvier 2001, après la décision controversée Bush v. Gore, la Cour jouissait de près de soixante-dix pour cent d'opinion positive(31). S'il est vrai que depuis lors, d'autres sondages ont montré un certain recul dans l'opinion(32), il est néanmoins clair que l'idée selon laquelle la légitimité sociale de la Cour serait particulièrement précaire doit être nuancée. Elle reste certes fragile, car elle n'est jamais acquise, mais l'épreuve du temps et des périodes de tensions ont révélé plus que son existence, sa consistance.

La Cour elle-même a reconnu dans l'arrêt Planned Parenthood of Southeastern Pa. v. Casey(33) que son pouvoir reposait sur sa « légitimité, faite à la fois d'une existence substantielle et de la perception qui se traduit par l'acceptation par le peuple de l'habileté du seul pouvoir judiciaire de porter à la connaissance de tous le droit de la Nation »(34). C'est cette acceptation par le peuple qui se révèle être fondamentale en termes de légitimité sociale.

L'attachement montré par le peuple américain au judicial review, y compris lors de périodes de tensions comme sous l'ère Lochner ou sous la Cour Warren, rend quelque peu paradoxal l'argument des tenants du constitutionnalisme populaire qui prônent aujourd'hui son élimination. Plus de deux cent ans d'existence, ajoutés au prestige dont jouit la Cour, ne lui confèrent-ils pas une légitimité suffisante ? Outre la dimension rationnelle, les figures traditionaliste et charismatique de la Cour, pour reprendre les composantes de la légitimité définies par Max Weber(35), lui procurent en réalité un solide ancrage au sein de la société américaine.

Le judicial review a été accepté par le peuple. Mieux encore, comme le souligne le professeur Moderne, il est assurément devenu aujourd'hui « un des éléments symboliques de la culture juridique américaine »(36). Cette seule dimension de la légitimité sociale, à savoir l'acceptation du judicial review en tant qu'institution, ne saurait pour autant constituer une garantie suffisante de légitimité. Encore faut-il que les décisions rendues sur le fondement de ce pouvoir soient acceptées par l'opinion publique.

B - L'acceptation des décisions rendues

L'exigence de l'acceptation des décisions de la Cour permet de s'assurer que la Cour reste, par sa jurisprudence, en prise avec les réalités de la société américaine.

Le « capital de légitimité » dont dispose la Cour n'est, en effet, pas illimité. Dès lors, le maintien, sur le long terme, de divergences idéologiques entre la Cour et le public entraînerait une érosion du soutien de ce dernier et, à terme, la remise en cause de la légitimité de la Cour.

Pour autant, cela ne signifie pas que le peuple doive approuver immédiatement chacune des décisions rendues par la Cour(37). Cette exigence générale, déterminante comme l'a révélé l'expérience du New Deal, s'apprécie sur la durée. Comme le souligne le professeur Friedman, l'important est que la décision de la Cour soit « acceptée » sur le long terme(38).

1 °) Une exigence déterminante

« Il n'y a pas, sauf à de rares moments qui ne durent pas, de »gouvernement des juges« aux États-Unis. Les juges, en fins politiques qu'ils sont, savent jusqu'où ne pas aller trop loin sous peine de détruire un système politique, de fait assez fragile, dont ils sont parties prenantes et à la survie duquel ils ont l'obligation de veiller »(39). Le changement d'attitude de la Cour à l'égard du New Deal à la fin des années trente fait figure, à ce titre, d'exemple probant. L'ère Lochner, période sous laquelle la Cour s'opposa aux lois sociales émanant tant des États que du Congrès, prend fin en 1937 avec les arrêts West Coast Hotel Co v. Parrish(40) et National Labor Relations Board(41). La « Révolution de 1937 » est ensuite parachevée par la décision Carolene Products(42), dans laquelle la Cour pose le principe d'une présomption de constitutionnalité quasi-irréfragable des mesures adoptées par l'État-Providence en matière économique et sociale.

Ce revirement de jurisprudence s'imposait afin de préserver non pas la seule légitimité de la Cour, mais son existence même, du moins sous sa forme de l'époque. Il intervient certes avant que le président Roosevelt, fort de son triomphe aux élections de 1936, ne dépose son Court Packing plan devant le Congrès, mais la Cour ne pouvait ignorer les menaces qui pesaient déjà sur elle. D'ailleurs, l'expression consacrée pour qualifier le revirement du juge Roberts -- juge pivot dans l'arrêt West Coast Hotel Co v. Parrish -- est on ne peut plus claire : the switch in time that saved nine (le revirement à temps qui en sauva neuf). Il convient de prêter une attention particulière à la référence au temps (« in time ») car assurément, l'élément temporel revêt ici une importance décisive. D'une part, le corps social ne saurait tolérer une Cour qui, par ses décisions, se montrerait coupée des réalités de la société américaine sur le long terme. D'autre part, l'exigence de l'acceptation des décisions de la Cour par l'opinion ne saurait impliquer la correspondance immédiate entre les décisions de la Cour et l'état de l'opinion publique.

2 °) Une exigence médiate

Le « constitutionnalisme populaire médiat » ne postule pas l'adhésion directe du peuple aux décisions de la Cour(43). Cela reviendrait à dire que la Cour ne serait que le reflet des aspirations de la majorité, ce qui réduirait à néant le principe de l'indépendance judiciaire. La Cour peut, en effet, rendre des décisions qui contrarient un sentiment dominant. Il serait d'ailleurs singulier qu'il en soit autrement. Néanmoins, lorsqu'elle censure une mesure recueillant clairement les faveurs de l'opinion publique, elle s'appuie, le plus souvent, sur des valeurs et principes dont elle estime qu'ils sont profondément ancrés dans la société américaine, plus encore que ceux soutenus par l'opinion publique du moment(44). Dans d'autres cas, elle veille à ce que son opinion soit de celles qui, dans un avenir prévisible, recueilleront une adhésion majoritaire. Ce faisant, elle « anticipe un changement plausible des conceptions sociales »(45).

Si le constitutionnalisme populaire dont il est ici fait état est bien « médiat », c'est justement parce qu'il prend en compte et met en exergue le décalage qui existe entre les décisions et leur acceptation par le peuple. Au demeurant, celui-ci s'explique par le fait que l'acceptation des décisions de la Cour est tributaire de la manière dont celles-ci vont être reçues dans l'espace public, par le biais des médias, des mouvements sociaux ou de tout autre moyen. Réciproquement, l'acceptation est conditionnée par la mesure et les moyens par lesquels la Cour tient compte, en amont, des aspirations populaires.

Il s'avère en effet que la Cour, dans le souci que ses décisions soient acceptées par l'opinion, et dans le cadre plus général de cette soumission à l'exigence de légitimité sociale, adopte une stratégie plus ou moins avouée de légitimation. Cette stratégie, basée principalement sur la référence à l'opinion publique, révèle plusieurs tensions dans la démarche de la Cour.

II. Les tensions induites par la recherche de légitimité sociale : l'insaisissabilité de l'opinion publique

Affirmer que la Cour est soumise à une exigence de légitimité sociale semble relever de l'évidence. En tout état de cause, cette proposition n'est pas discutée, du moins dans son principe. Les difficultés apparaissent lorsqu'on s'interroge sur les moyens par lesquels la Cour peut satisfaire à cette exigence et sur la portée de celle-ci eu égard au principe d'indépendance de la Cour.

A - Les moyens de la légitimité sociale

De manière classique, on distingue deux moyens par lesquels la Cour reste en prise avec les aspirations majoritaires : par le biais des nominations à la Cour, d'une part (judicial replacement model), et à travers la réceptivité des juges aux changements de l'opinion, d'autre part (political adjustement model). C'est à l'égard du second moyen que la question des modalités de la prise en compte de l'opinion publique prend son sens, ainsi que l'illustre la jurisprudence récente de la Cour au sujet de l'infliction de la peine de mort aux handicapés mentaux.

1 °) Les modèles décrivant l'influence de l'opinion publique sur la Cour

Le premier modèle est le plus évident, et parce qu'il a déjà été abondamment traité, nous ne ferons ici que l'évoquer. Il a trait au mode de nomination des juges à la Cour. Dans ce cadre, l'impact de l'opinion publique sur la Cour est appréhendé par le biais des nominations qu'effectue le président avec l'accord du Sénat. Robert Dahl a ainsi souligné que le caractère politique de la désignation permet au président de choisir des juges qui partagent ses convictions idéologiques et ainsi de mettre en adéquation la Cour avec la majorité qui l'a élu. Dès lors, l'idéologie dominante au sein de la Cour n'est jamais éloignée sur la durée de celle du pays. La théorie du judicial replacement, met donc en avant un lien indirect entre la Cour et l'opinion publique.

Elle souffre toutefois de certaines faiblesses, ou du moins, ne rend pas pleinement compte des modalités par lesquelles la Cour reste en prise avec l'opinion publique. Elle repose en effet essentiellement sur le présupposé discutable selon lequel les décisions de la Cour s'expliquent uniquement par les convictions idéologiques de ses membres, convictions considérées au surplus comme étant immuables (attitudinal model). Par ailleurs, le judicial replacement model ne tient pas compte du fait que les juges puissent s'« affranchir » des conceptions idéologiques du Président qui les a nommés(46). Enfin, cette théorie ne prend pas en considération le fait que des changements idéologiques, en lien avec les aspirations de l'opinion publique, puissent intervenir au sein de la Cour, alors même qu'il n'y aurait eu aucune modification de sa composition(47).

À cet égard, le political adjustement model permet d'appréhender l'influence directe de l'opinion publique sur la Cour. Cette théorie postule que la Cour, ou plutôt ses membres sont sensibles aux influences extérieures et qu'ils sont donc réceptifs aux évolutions de l'opinion. Dès lors, si celles ci sont suffisamment cristallisées pour pouvoir être considérées comme révélatrices, elles influeront sur le comportement même des juges, ou du moins, certains d'entre eux. Bien qu'il existe des décisions de la Cour qui illustrent cette réalité(48), force est de constater qu'il est difficile de la prouver de manière systématique dans les faits. Cette théorie se voit néanmoins renforcée par le fait que des juges, pourtant résolument hostiles à la prise en compte de l'opinion publique, admettent qu'ils ne peuvent toutefois y rester insensibles. Le Chief Justice Rehnquist pouvait ainsi affirmer dans son opinion dissidente sous l'arrêt Casey(49) que « le devoir de la Cour est d'ignorer l'opinion publique », et pourtant, ce même Chief Justice reconnaissait quelques années plus tôt que « les juges ne peuvent échapper à l'influence de l'opinion publique »(50). Les faits sont têtus, et comme l'a mis en image le professeur Cardozo, « les courants de l'opinion qui emportent le reste des hommes ne s'écartent pas devant les juges pour les éviter »(51).

Il n'est pas ici question d'affirmer que les juges seraient des « girouettes » soumises au souffle de l'opinion, loin de là, mais plutôt de reconnaître que parce qu'ils vivent dans la Cité, ils sont au fait des courants majoritaires. Dès lors, de manière plus ou moins consciente, par souci de légitimité ou d'efficacité, les juges les prennent en considération afin de rendre compte d'un processus nécessairement collectif et représentatif d'interprétation de la Constitution.

Les deux modèles présentés, judicial replacement model et political adjustement model, sont en réalité plus complémentaires qu'antagonistes. Pris isolément, ils ne rendent compte que d'une réalité imparfaite. Le political adjustement model, parce qu'il postule une influence directe de l'opinion sur le juge, mène logiquement à la question des formes de cette opinion et, le cas échéant, à celle de leurs prises en compte dans la décision du juge.

2 °) Les difficultés liées à la prise en compte de l'opinion publique dans les décisions de la Cour

La jurisprudence de la Cour relative au VIIIe Amendement, en vertu duquel « des cautions excessives ne seront pas exigées, ni des amendes excessives imposées, ni des châtiments cruels et inhabituels infligés », est révélatrice des difficultés liées à la reconnaissance formelle de l'opinion publique dans les décisions de la Cour.

Historiquement, la question de la peine de mort a toujours représenté le sujet à l'égard duquel la stratégie de légitimation de la Cour, par référence à l'opinion publique, fut la plus poussée aux fins, notamment, de déterminer ce qu'il fallait entendre par châtiments « cruels » et « inhabituels »(52). La Cour a ainsi affirmé dans l'arrêt Trop v. Dulles(53) que « l'amendement doit puiser sa signification dans les critères évolutifs de décence, qui marquent les progrès d'une société mature ». La référence à l'opinion publique, afin de déterminer ces « critères évolutifs de décence », n'a cessé depuis l'arrêt Trop de gagner en importance.

Traditionnellement, la Cour se référait à ce qu'elle considérait comme étant les « manifestations objectives de l'opinion publique », à savoir les législations fédérales et fédérées, et dans une moindre mesure, les verdicts des jurys(54). Á l'inverse, elle rejetait expressément toute référence aux sondages d'opinion ainsi qu'aux avis émis par des organisations professionnelles, qu'elle considérait comme n'étant pas suffisamment sûrs pour déterminer l'existence d'un consensus social(55).

Toutefois, la Cour a récemment étendu de manière sensible le champ de la référence à l'opinion publique dans l'arrêt Atkins v. Virginia(56). En l'espèce, la Cour déclare que l'infliction de la peine de mort à des handicapés mentaux est contraire au VIIIe amendement, revenant ainsi sur l'arrêt Penry v. Lynaugh rendu treize ans auparavant(57). Après avoir envisagé une des manifestations « objectives » de l'opinion publique, à savoir les législations des États, la Cour affirme qu'il existe un consensus national contre la solution rendue dans l'arrêt Penry. Surtout, la Cour énumère, dans une note de bas de page, quatre éléments dont elle estime qu'ils représentent des preuves additionnelles de ce consensus. Elle se réfère ainsi aux positions de certaines organisations disposant d'une compétence particulière en la matière, aux contributions de certaines communautés religieuses rendues en qualité d'amicus curiae, aux solutions retenues en droit comparé, et enfin, de manière plus inattendue, à un sondage d'opinion révélant un consensus au sein de la population à l'encontre de l'infliction de la peine de mort aux handicapés mentaux.

C'est sur ce dernier élément que se sont cristallisés les griefs. Dans leurs opinions dissidentes respectives, le Chief Justice Rehnquist et le juge Scalia ont sévèrement critiqué le fait que la Cour soit allée, en se référant à un sondage d'opinion, au-delà des manifestations « objectives » de l'opinion publique, telles que posées dans la jurisprudence antérieure(58). Ce sondage est, en réalité, inopérant devant la Cour selon le juge Scalia. En outre, le Chief Justice Rehnquist met en exergue les problèmes méthodologiques que soulève la référence aux sondages d'opinion. La représentativité de l'échantillon, la formulation des questions, ainsi que l'interprétation des résultats sont autant de facteurs sujets à caution. La critique vise donc tant le degré de scientificité des sondages que leur potentialité à être pris en compte par le juge afin de déterminer l'existence ou non d'un consensus.

La référence expresse aux sondages d'opinion crée, au final, plus de problèmes qu'elle n'en résout(59). Aux fins de déterminer l'existence d'un consensus, la Cour ne devrait se référer qu'aux seules manifestations objectives et indirectes (mediated) de l'opinion publique, telles que révélées au terme d'un processus politique, pour les lois fédérales ou fédérées, ou judiciaire, concernant les verdicts de jurys. Elle pourrait en outre prendre en considération de manière additionnelle d'autres éléments tels que l'opinion d'organisations professionnelles compétentes en la matière, ou l'éclairage du droit comparé. En revanche, la référence aux sondages d'opinion apparaît maladroite. D'ailleurs, postérieurement à l'arrêt Atkins, la Cour l'a abandonnée dans l'affaire Roper v. Simmons(60) relative à l'infliction de la peine de mort aux mineurs. Sur un sujet aussi sensible que peut l'être la peine de mort, il importe que le juge adopte, concernant les formes d'opinion publique qu'il prend en compte, une jurisprudence cohérente et restreinte aux seules manifestations objectives de celle-ci.

Il y a, assurément, quelque chose de « gênant » à voir des sondages d'opinion figurer dans les décisions de la Cour. Le juge pourrait laisser à penser qu'il se met « en harmonie avec les volontés des puissants de l'heure ou avec les pressions des groupes sociaux les plus influents »(61). Au-delà des difficultés liées aux formes de l'opinion publique auxquelles le juge se réfère dans ses décisions, apparaissent celles liées à la tension entre la nécessaire prise en compte de l'opinion publique et l'indépendance de la Cour.

B - La portée de l'exigence de légitimité sociale

Aborder la question de la légitimité sociale de la Cour et des moyens par lesquels elle entend tenir compte de cette exigence s'avère délicat et nécessite la plus grande prudence. En effet, l'image traditionnelle que l'on se fait du juge constitutionnel, celle d'un Sage à l'abri des pressions et des passions, est-elle seulement compatible avec l'affirmation selon laquelle il doit prendre en compte l'opinion publique dans sa réflexion, même de manière marginale ? Assurément non, selon le juge Scalia. Dans son opinion dissidente sous l'arrêt Casey, il souligne à quel point « il est pénible pour tant de nos concitoyens de penser que nous, Juges, devrions prendre en considération leurs vues, comme si nous n'étions pas engagés dans la détermination d'un droit objectif, mais plutôt dans la réalisation d'une sorte de consensus social »(62). De manière plus nuancée, le juge Powell affirma sous l'arrêt Furman v. Georgia(63) que « l'appréciation de l'opinion publique est essentiellement une fonction législative, et non judiciaire ».

À l'inverse, Felix Frankfurter pouvait soutenir que la Cour, sous le couvert de ses interprétations constitutionnelles, est dans une large mesure, le reflet de cette force impalpable mais dominante qu'est l'opinion publique(64). Le juge Oliver Holmes, réaliste parmi les réalistes, considérait lui que les décisions de justice sont le produit, entres autres, « des nécessités pressantes du moment, des théories politiques et morales dominantes »(65).

Ces propos, particulièrement le premier, doivent assurément être nuancés, car s'ils mettent en exergue la composante sociale de la légitimité de la Cour, pris à la lettre, ils entrent en conflit avec à un autre élément de sa légitimité, celui tiré de son indépendance. Parce que la Cour est l'incarnation même du pouvoir judiciaire, elle ne saurait être le reflet que du droit, et plus particulièrement, celui découlant de la Constitution. Toutefois, parce que ses membres sont des êtres humains, dont les sensibilités aux aspirations du corps social ne disparaissent pas une fois qu'ils ont revêtu leurs robes de magistrats, et parce que sa légitimité repose, en dernier ressort, sur l'opinion publique, elle ne saurait en faire totalement abstraction lorsqu'il s'agit d'interpréter ce droit. Cette affirmation est d'autant plus vraie lorsque les questions qui lui sont soumises se révèlent être de véritables questions de société.

Aussi, s'il est indéniable que la Cour est influencée par l'opinion publique, la mesure dans laquelle elle l'est doit nécessairement être limitée, parce que dans une société démocratique, c'est principalement « le législateur et non les Cours qui doit répondre aux aspirations et valeurs morales du peuple »(66). Le maître-mot de la relation entre la Cour et l'opinion publique doit donc être la prudence, afin de se prémunir des écueils d'une référence trop marquée à l'opinion, ou au contraire d'une négation persistante de celle-ci. Il en va de sa légitimité. Le juge doit ainsi attester, par sa jurisprudence, qu'il est un juriste prudent, au sens aristotélicien du terme. L'homme prudent, le « bon délibérateur »(67), celui qui « a la connaissance des faits particuliers »(68), est en effet celui qui « agit dans le juste milieu, caractéristique de l'action vertueuse »(69). La « médiété » ainsi requise du juge prend dès lors tout son sens dans le système constitutionnel américain dont nous avons vu qu'il relevait, à maints égards, d'un constitutionnalisme populaire médiat.

Si Alexis de Tocqueville pouvait constater, en son temps, « qu'aucune nation du monde n'a constitué le pouvoir judiciaire de la même manière que les Américains »(70), il apparaît aujourd'hui qu'aucune nation n'a, sans doute, autant débattu de la légitimité de la justice constitutionnelle. La légitimité est et restera une question ouverte, plus de deux siècles de débats n'ont fait que l'attester(71). Ce débat, loin d'être vain, nourrit en fait la légitimité elle-même, car « plus les discussions sur la légitimité sont vives, moins celle-ci est en danger »(72).

L'affirmation de la nécessaire prise en compte de l'opinion publique par la Cour, en tant que condition de sa légitimité, mais aussi en tant que fait constaté, ne signifie nullement que les juges seraient soumis à celle-ci. Mais parce qu'il inscrit son action au cœur de la société, il serait pour le moins étonnant que le juge ne soit pas « sensible au phénomène de réception sociale du droit, à l'acquiescement ou la réprobation que peuvent lui témoigner les milieux politiques, économiques et sociaux »(73).

En définitive, le juge constitutionnel doit nécessairement prêter attention aux « courants de l'opinion publique » qui, selon le Chief Justice Rehnquist, « viennent clapoter à la porte de la Cour »(74). Et, s'il doit bien ouvrir la porte, la prudence impose que celle-ci soit étroite.

(1) Cette étude est issue de la contribution présentée au VIIe Congrès de l'AFDC, accessible à l'adresse suivante : www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC6/FassassiTXT.pdf et dont une première version est parue in AIJC 2007, PUAM-Economica, 2008, pp. 69-90.
(2) Lauréat du prix Louis Favoreu récompensant la meilleure contribution présentée au 7e Congrès français de droit constitutionnel, Paris - 25, 26 et 27 septembre 2008.
(3) Black (C.), The People and The Court, MacMillan, New York, 1960, p. 34.
(4) Stone (A.), The Birth of Judicial Politics in France : The Constitutional Council in Comparative Perspective, Oxford University Press, Oxford, 1992, p. 93.
(5) Scoffoni (G.), « La légitimité du juge constitutionnel en droit comparé : les enseignements de l'expérience américaine », RIDC, n° 2, 1999, p. 245.
(6) Tocqueville (A. de), De la démocratie en Amérique, Souvenirs, l'Ancien Régime et la Révolution, Robert Laffont, Paris, 1986, p. 117.
(7) Hamilton in Federalist Papers n° 78.
(8) Marbury v. Madison, 5 US 137 (1803).
(9) Voir en ce sens Zoller (E.), Droit constitutionnel, PUF, Paris, 1999, p. 122 et s.
(10) Bickel (A.), The Least Dangerous Branch : The Supreme Court at the Bar of Politics,Yale University Press, New Haven, 1962, p. 16.
(11) Parmi les décisions de la Cour les plus controversées : United States v. Lopez, 514 US 549 (1995), City of Boerne v. Flores, 521 US 507 (1997), United States v. Morrison, 529 US 598 (2000), Bush v. Gore, 531 US 98 (2000).
(12) Lambert (E.), Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux États-Unis : l'expérience américaine du contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois, Giard, Paris, 1921, 276 p.
(13) Sur ces éléments et la remise en cause des arguments des tenants du constitutionnalisme populaire, qu'il nous soit permis de renvoyer à notre article « La légitimité de la justice constitutionnelle aux États-Unis à l'épreuve du constitutionnalisme populaire », contribution au VIIe Congrès de l'AFDC, art. cit.. p. 4 et s.
(14) Hegel, Principes de la philosophie du droit, Vrin, Paris, 1975, p. 318. L'opinion publique sera, en effet, ici comprise sous son acception générale, c'est-à-dire la manière de penser la plus répandue dans une société, celle de la majorité du corps social.
(15) Un certain nombre d'études ont été menées sur le sujet. Voir notamment Mishler (W.) et Sheehan (R.), « The Supreme Court as a Countermajoritarian Institution ? The Impact of Public Opinion on Supreme Court Decisions », The American Political Science Review, 1993, p. 87-701 ; Durr (R.), Martin (A.), et Wolbrecht (C.), « Ideological Divergence and Public Support for the Supreme Court », American Journal of Political Science, 2000, p. 768-776.
(16) Rehnquist (W.), « Constitutional Law and Public Opinion », Suffolk University Law Review, 1986, p. 768. Traduit par nos soins.
(17) Persily (N.), Citrin (J.), Egan (P.), Public opinion and constitutional controversy, Oxford University Press, New York, 2008, p. 9. Par ailleurs, les recherches en la matière se concluent le plus souvent par le constat du manque de données disponibles, ou par un aveu d'impuissance face aux difficultés méthodologiques soulevées par l'usage des sondages.
(18) Cohen-Tanugi (L.), Le droit sans l'État, PUF, Paris, p. 88.
(19) Voir en ce sens l'opinion dissidente du juge Frankfurter dans la décision Baker v. Carr, 369 US 186 (1962).
(20) Hermet (G.), Badie (B.), Birnbaum (P.), Braud (P.), Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Armand Colin, Paris, 6e éd., 2005, p. 170.
(21) Delpérée (F.), « La légitimité du juge » in La convergence des systèmes juridiques au XXIe siècle, Bruylant, 2006, p. 264.
(22) Favoreu (L.), « La légitimité du juge constitutionnel », RIDC, 1994, n° 2, p. 581.
(23) Friedman (B.), « Mediated Popular Constitutionalism », Michigan Law Review, 2003, p. 2606.
(24) Black (Charles), cité in Berger (R.), Government by judiciary, The transformation of the 14thamendment, Liberty fund, Indianapolis, 1997, 555 p.
(25) Ibidem.
(26) Hart Ely (J.), Democracy and Distrust : A Theory of Judicial Review, Harvard University Press, 1980, p. 47.
(27) Chemerinsky (E.),« The Supreme Court, Public Opinion, and the Role of the Academic Commentator », South Texas Law Review, 1999, p. 946.
(28) Voir la distinction désormais classique retenue par David Easton entre le « soutien diffus » (diffuse support), et le « soutien spécifique » (specific support) in Easton (D.), « A Re-Assessment of the Concept of Popular Support », British Journal of Political Science, 1975, p. 435 et s. Le soutien diffus est entendu comme le soutien témoigné à une institution, matérialisé par « un réservoir de sentiments favorables » et le soutien spécifique comme celui apporté aux « produits » (outputs) de celle-ci. Dans cette optique, il ressort que le peuple soutenait le judicial review -- soutien diffus --, alors même qu'il désapprouvait les décisions que rendait la Cour sur la base de ce pouvoir -- soutien spécifique --.
(29) Pour une étude détaillée de l'évolution de l'opinion publique à l'égard du Court packing plan, voir Caldeira (G.), « Public Opinion and the US Supreme Court FDR's Court Packing Plan », The American Political Science Review, 1987, p. 1139-1153
(30) Scheb (J.), Lyons (W.), « Public holds Supreme Court in High Regard », Judicature, 1994, p. 273-274.
(31) Enquête menée par le centre de recherche PEW. Résultats disponibles à l'adresse suivante http://people-press.org/reports/display.php3 ? ReportID=247.
(32) Ibidem.
(33) Planned Parenthood of Southeastern Pa. v. Casey 505 US 833 (1992).
(34) Levasseur (A.), « De Marbury v. Madison à Bush v. Gore ou de la légitimité du juge aux États-Unis », De tous horizons, Mélanges en l'honneur de Xavier Blanc-Jouvan, LGDJ, 2005, p. 764.
(35) Weber (M.), Economie et société, tome 1, Pocket, Paris, 2003, 410 p.
(36) Moderne (F.), préface p. XI, in Lambert (E.), Le gouvernement des juges, Dalloz, Paris, 2005, 276 p.
(37) L'affaire du drapeau fait figure, à ce titre, d'exemple remarquable. En déclarant, dans l'arrêt United States. v Eichman 496 US 310 (1990), que le Flag Protection Act méconnait le Ier Amendement, la Cour fait preuve d'une véritable indépendance à l'égard de l'opinion majoritaire. Dans cette affaire opposant deux valeurs fondatrices de la nation américaine, le patriotisme et la liberté d'expression, la Cour fait prévaloir la seconde. Et, aussi impopulaire qu'elle ait été, cette décision n'a néanmoins pas été contestée, ni même le judicial review.
(38) Friedman (B.), « Mediated Popular Constitutionalism », art. cit., p. 2602.
(39) Toinet (M.-F.), « Puissances et faiblesses de la Cour suprême », Pouvoirs, n° 59, 1991, p. 17.
(40) West Coast Hotel Co. v. Parrish, 300 US 379 (1937).
(41) Labor Relations Board v. Jones & Laughlin Steel Corporation, 301 US 1 (1937).
(42) United Sates v. Carolene Products Co, 304 US 144 (1938).
(43) Voir Friedman (B.), « Mediated Popular Constitutionalism », art. cit., p. 2602.
(44) Voir supra note 37.
(45) Voir Verdussen (M.), Les douze juges. La légitimité de la Cour constitutionnelle, Labor, Bruxelles, 2004, p. 37 et Scoffoni (G.), art. cit., p. 274 et s.
(46) Voir notamment l'exemple du Chief Justice Earl Warren.
(47) Voir supra l'exemple du changement d'attitude de la Cour à l'égard des réformes de Franklin Roosevelt dans le cadre de la « Révolution de 1937 ».

(48) Les décisions West Coast Hotel v. Parrish 300 US 379 (1937), et Korematsu v. United States 323 US 214 (1944), sont les plus souvent citées à cet égard.
(49) 505 US 833 (1992).
(50) Rehnquist (W.), art. cit., p. 768.
(51) Cité in Murphy (W.), Tanenhaus (J.), « Publicity, public opinion and the Court », Northwestern University Law Review, Vol. 84, nos ? 3 & 4, 1990, p. 1023.
(52) Voir en ce sens Robinson (T.), « By Popular Demand ? The Supreme Court's Use of Public Opinion Polls in Atkins v. Virginia », George Mason University Civil Rights Law Journal, 2004, p. 109 et s.
(53) Trop v. Dulles, 356 US 86 (1958).
(54) Voir Roberts v. Louisiana 428 US 325 (1976), également Coker v. Georgia, 433 US 584 (1977). Voir également l'opinion dissidente du Chief Justice Rehnquist sous Atkins v. Virginia, 536 US 304 (2002) dans laquelle il souligne que les législations ainsi que les verdicts des jurys sont les seuls éléments objectifs par lesquels les Cours peuvent s'assurer de la conception contemporaine de la décence au regard du VIIIe Amendement.
(55) « Having failed to establish a consensus against capital punishment for 16- and 17-year-old offenders through state and federal statutes and the behavior of prosecutors and juries, petitioners seek to demonstrate it through other indicia, including public opinion polls, the views of interest groups, and the positions adopted by various professional associations. We decline the invitation to rest constitutional law upon such uncertain foundations », (nous soulignons) Stanford v. Kentucky, 492 US 361 (1989).
(56) Atkins v. Virginia, 536 US 304 (2002).
(57) Penry v. Linaugh, 492 US 302 (1989).
(58) Voir supra note 54.
(59) On se souvient que Pierre Bourdieu avait souligné « qu'il n'est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage » in Bourdieu (P.), Questions de sociologie, Les Éditions de minuit, Paris, 1980, p. 224.
(60) Roper v. Simmons, 543 US 551 (2005).
(61) Delpéree (F.), « La légitimité du juge », art. cit., Bruylant, 2006, p. 264.
(62) Planned Parenthood of Southeastern Pa. v. Casey 505 US 833 (1992).
(63) Furman v. Georgia, 408 US 238 (1972).
(64) Cité in Murphy (W.), Tanenhaus (J.), « Publicity, public opinion and the Court », art.cit., p. 1023.
(65) Cité in Zoller (E.), « Le réalisme dans la jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême des États-Unis », CCC, n° 22, 2007, p. 216.

(66) Cité in Zoller (E.), « Le réalisme dans la jurisprudence constitutionnelle de la Cour suprême des États-Unis », CCC, n° 22, 2007, p. 216.
(67) Aristote, Ethique à Nicomaque, VI, 5, 1140 a 27.
(68) Ibidem, VI, 8, 1141 b 15.
(69) Mastor (W.), « La part prudentielle dans l'œuvre jurisprudentielle : Aristote au Palais Royal », Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 268.
(70) Tocqueville (A.), op. cit., p. 117.
(71) « Deux siècles de controverses incessantes n'ont pas tari la verve imaginative des auteurs ; il n'est guère de revue juridique qui ne publie périodiquement de nouvelles analyses sur Marbury v. Madison » Moderne (F.), préface p. XI in Lambert (E.), Le gouvernement des juges, Dalloz, Paris, 2005, 276 p.
(72) Verdussen (M.), op. cit., p. 48.
(73) Delpérée (F.), « La légitimité du juge », art. cit., p. 244.
(74) Rehnquist (W.), art. cit., p. 768. Voir supra note 16.