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L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence négative

Ariane VIDAL-NAQUET - ILF-GERJC

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 46 (L’incompétence en droit constitutionnel) - janvier 2015 - p.7 à 20

Résumé : Aujourd'hui largement utilisée, dans le cadre du contrôle a priori mais aussi du contrôle a posteriori, la jurisprudence de l'incompétence négative semble être victime de son succès. Elle apparaît comme une vaste catégorie fourre-tout, au contenu hétéroclite, englobant des jurisprudences variées qui pourraient en être distinguées plus clairement. Une telle clarification aurait le mérite de recentrer la jurisprudence de l'incompétence négative sur ce qui fait sa spécificité, tout en expliquant les conditions et limites de son utilisation

La jurisprudence de l’incompétence négative serait-elle aujourd’hui victime de son succès ? Largement banalisée, n’aurait-elle pas perdu une partie de son identité ? Cette « double négation »(1) empruntée au droit administratif a, pourtant, une forte personnalité. À première vue, elle ressemble à un pléonasme, car on voit mal en quoi l’incompétence, classiquement définie comme l’inaptitude d’une autorité publique à accomplir un acte juridique, pourrait ne pas être négative. Elle est néanmoins dite positive lorsqu’une autorité outrepasse sa compétence, en empiétant sur celle d’une autre ; elle devient négative lorsque cette même autorité reste en-deçà de sa compétence. Telles sont bien les formules utilisées par le Conseil constitutionnel : le législateur est resté en-deçà de sa compétence, il n’a pas épuisé sa compétence, il n’a pas pleinement exercé sa compétence et il a, ce faisant, entaché la loi d’incompétence négative. Pourtant, dans cette hypothèse, l’autorité était bien compétente, elle était même tellement compétente qu’elle n’a pas su épuiser sa compétence, ce qui transforme la double négation en véritable antilogie(2).

Cette jurisprudence est ancienne, puisqu’elle est apparue dès la décision n° 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et complétant l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. Contre toute attente, la jurisprudence de l’incompétence négative a été transposée au contrôle de constitutionnalité a posteriori mais son invocabilité est alors conditionnée par le champ d’application de la QPC(3). Aujourd’hui largement utilisée, cette jurisprudence est très fréquemment invoquée par les requérants(4), parfois relevée d’office(5) et souvent sanctionnée par le Conseil constitutionnel(6). Elle apparaît même tentaculaire. Elle renvoie, en effet, à une pluralité d’hypothèses dans lesquelles le législateur n’aurait pas épuisé sa compétence : loi trop imprécise ou ambiguë, renvoi au pouvoir réglementaire, renvoi aux autorités d’application de la loi, intervention insuffisante du législateur, privation de garanties légales, omissions... Certes, intuitivement, on perçoit qu’il s’agit là d’autant d’hypothèses dans lesquelles le législateur exerce mal sa compétence. Mais n’y a-t-il pas là un glissement de sens, du sens juridique de l’incompétence, qui renvoie à une inaptitude et à la méconnaissance d’un titre d’habilitation, au sens commun, à savoir une simple insuffisance dans l’exercice d’une compétence ? Notion aujourd’hui galvaudée, l’incompétence négative gagnerait à être recentrée sur ce qui fait sa spécificité, à savoir la méconnaissance de la répartition des compétences telle que fixée par l’article 34 C.

I – Une jurisprudence éclatée

A - Un contenu hétéroclite

1 - Les hypothèses d’incompétence négative

Le « À la une » du site Internet de juillet-août 2014, intitulé « Le contrôle des incompétences négatives », présente cette jurisprudence en ces termes : « La Constitution fixe, notamment en son article 34, le domaine de la loi. Le Conseil constitutionnel est attentif à ce que le législateur ne reporte pas sur une autorité administrative, notamment le pouvoir réglementaire, ou sur une autorité juridictionnelle le soin de fixer des règles ou des principes dont la détermination n’a été confiée qu’à la loi. Pour ne pas se placer en situation d’incompétence négative, le législateur doit déterminer avec une précision suffisante les conditions dans lesquelles est mis en œuvre le principe ou la règle qu’il vient de poser. Il incombe, par exemple, au législateur d’assortir un dispositif mettant en œuvre un principe constitutionnel des garanties légales suffisantes. De même l’incompétence négative est également caractérisée si le législateur élabore une loi trop imprécise ou ambiguë. De même encore, le législateur ne peut pas renvoyer au pouvoir réglementaire de façon trop générale ou imprécise ». L’énumération, à titre illustratif, des hypothèses d’incompétence négative donne une impression de flottement.

Certes, le principe sur lequel elle repose semble assez clair : le législateur ne doit pas se défausser sur d’autres autorités. Son domaine de compétence a été constitutionnellement délimité et il commet une inconstitutionnalité en permettant, par son incompétence, à une autorité, qu’elle soit administrative ou juridictionnelle, d’intervenir à sa place. Cela étant, les manifestations de l’incompétence négative s’avèrent très diverses. Tantôt il s’agit de sanctionner le législateur qui n’aurait pas posé des règles suffisamment claires et précises, qui aurait adopté des dispositions obscures, équivoques ou ambiguës(7). Tantôt, il s’agit de censurer le législateur qui n’aurait pas assorti les principes constitutionnels de garanties légales suffisantes, portant ainsi atteinte aux principes concernés(8) ou qui aurait privé de garanties légales des exigences constitutionnelles(9). Tantôt, il s’agit d’empêcher le renvoi à d’autres autorités, qu’il s’agisse d’autorités administratives(10), d’autorités juridictionnelles(11), de partenaires sociaux(12), d’établissements publics(13) voire d’organismes de droit privé(14), autant d’hypothèses dans lesquelles le législateur est sanctionné pour ne pas avoir épuisé sa compétence et ainsi entaché la loi d’une incompétence négative.

2 - Le polymorphisme de l’incompétence négative

Derrière son apparente clarté, la typologie des hypothèses d’incompétence négative est loin d’être évidente. Le flou est d’abord entretenu par le fait que les différents visages de l’incompétence négative semblent étroitement mêlés et parfois même utilisés les uns pour les autres. Les frontières entre les différentes hypothèses semblent éminemment poreuses comme en témoignent certaines saisines, qui dénoncent pêle-mêle l’absence de définition, par le législateur, des garanties nécessaires, la délégation de compétence effectuée au profit d’autres autorités, la contrariété à l’exigence constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la loi(15)... Il en va de même des motivations de certaines décisions, qui associent si étroitement les différents visages de l’incompétence négative que les hypothèses individualisées ci-dessus deviennent quasi interchangeables. C’est le cas lorsque sont évoqués cumulativement tant l’imprécision de la loi, son caractère équivoque que le rôle trop important conféré et au juge et à la négociation collective et à l’administration(16). Il en va encore ainsi lorsque l’imprécision du législateur ou le renvoi à une autre autorité est jugé constitutif d’une privation de garanties légales(17).

Ce flou est également entretenu en doctrine. Nombreux sont ceux qui soulignent les différents visages de l’incompétence négative mais les typologies divergent. Ainsi, pour certains, il existe deux formes d’incompétence négative, les renvois implicites au pouvoir réglementaire et les renvois explicites, dans lesquels c’est en réalité l’abstention du législateur qui est sanctionnée(18). Pour d’autres, l’incompétence négative connaît deux variantes : une hypothèse d’application générale, à savoir la sanction des délégations de compétences opérées en dehors du cadre de l’article 38 C et une hypothèse particulière, celle de la privation de garanties légales des exigences constitutionnelles(19). Pourraient également être discernés deux « moments » de l’incompétence négative : l’un au stade de l’élaboration de la loi, le législateur étant resté en-deçà de sa compétence, l’autre au stade de l’application de la loi(20)... bref, autant de distinctions qui ne font qu’obscurcir cette jurisprudence.

De fait, elle ressemble aujourd’hui à une vaste catégorie fourre-tout, qui ne présente plus qu’une très lointaine ressemblance avec son parent administratif(21) et qui n’a plus pour dénominateur commun que de se rapporter, de manière générale, à l’exercice de la compétence législative. Reste que si la jurisprudence de l’incompétence négative apparaît aujourd’hui éclatée, c’est qu’elle a rempli une réelle fonction palliative.

B - Une construction englobante

Telle qu’elle se présente dans le contentieux constitutionnel, la jurisprudence de l’incompétence négative est hétéroclite, ce que la doctrine n’a pas manqué de souligner en insistant sur ses différents visages. Ce caractère éclaté provient de ce qu’elle a eu vocation, dès le départ ou presque, à accueillir d’autres formes de censure relatives à l’exercice de la compétence législative, avec lesquelles elle est souvent restée confondue.

Tant le traitement contentieux que le traitement doctrinal de l’incompétence négative manifestent le caractère éclaté de cette jurisprudence.

Ancienne, la jurisprudence de l’incompétence négative a souvent permis d’analyser, de justifier surtout, d’autres jurisprudences, émergentes et mal identifiées, visant à sanctionner un mauvais exercice de la compétence législative et qui ont fini par se confondre avec elle.

1 - Le respect des garanties légales des exigences constitutionnelles

Apparue dans les années 1980, la jurisprudence relative aux garanties légales est stabilisée sous la forme d’un considérant de principe selon lequel, s’il est loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier ou d’abroger des textes antérieurs ou d’adopter des modalités nouvelles, cependant, l’exercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à « priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Dès les premières manifestations de cette jurisprudence, la doctrine a souligné l’incompétence négative ainsi commise par le législateur(22) : en privant de garanties légales des exigences constitutionnelles, le législateur serait resté en-deçà de sa compétence et aurait commis une incompétence négative, de sorte que le contrôle du respect des garanties légales ne serait alors qu’une variante, parfois même inutile, de l’incompétence négative.

Pourtant, les deux jurisprudences se distinguent, le contrôle relatif aux garanties légales des exigences constitutionnelles étant foncièrement tourné vers l’effectivité des droits et des libertés(23). Cette jurisprudence ne s’intéresse pas à la répartition des compétences, car c’est « dans l’exercice de sa compétence » que le législateur est susceptible de priver de garanties des exigences constitutionnelles. En réalité, l’insuffisance des règles posées par le législateur découle de l’inaptitude des dispositions de la loi, en elle-même, à assurer la protection des principes constitutionnels, indépendamment de la question de savoir si le législateur a, ou non, méconnu son domaine de compétence(24). C’est d’ailleurs pour rendre compte de cette spécificité qu’une partie de la doctrine distingue deux catégories d’incompétence négative, la seconde étant constituée par le cas très particulier dans lequel le législateur méconnaît sa compétence lorsqu’il n’épuise pas celle-ci et ce, alors même qu’il ne s’en serait pas remis à une tierce autorité pour régler la question(25).

2 - Les exigences relatives à la qualité de la loi

La jurisprudence de l’incompétence négative a également permis d’accueillir des exigences relatives à la qualité de la loi, de sorte qu’elle pourrait être considérée, dans sa globalité, comme une sanction de l’obligation de bien légiférer(26) et comme un outil de contrôle de la qualité de la loi(27). Ainsi a-t-elle permis, très tôt, de censurer l’insuffisante clarté ou précision de la loi, bien avant que ce grief ne soit individualisé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel(28). La consécration, dans les années 2000, des exigences relatives à la qualité de la loi n’a pas véritablement modifié la donne. Si le principe de clarté de la loi s’est progressivement détaché de la matière pénale(29), il a rapidement été remplacé par une référence plus directe à l’article 34 qui, combinée avec l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, impose au législateur « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques »(30). Ce rattachement à l’article 34 facilite, voire confirme, la confusion avec la jurisprudence de l’incompétence négative, d’ailleurs entretenue par la jurisprudence(31). La consécration de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui trouve ses fondements dans les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789(32), n’a pas empêché les griefs de l’incompétence négative et de l’inintelligibilité de la loi de demeurer très étroitement imbriqués, et parfois même d’être utilisés l’un pour l’autre(33).

Progressivement, ces exigences relatives à la qualité de la loi semblent pouvoir se détacher de la jurisprudence de l’incompétence négative. Les contours de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité tendent à s’affiner(34). Ce dernier vise un devoir de « compréhensibilité » minimale des lois, a pour destinataire les citoyens, pour vocation leur information et concerne essentiellement la rédaction des lois. L’éphémère principe de clarté de la loi semble pouvoir être avantageusement remplacé par un grief d’« indétermination » de la loi(35), que l’on retrouve dans la formule utilisée par le Conseil constitutionnel selon laquelle, par son imprécision, le législateur ne doit pas conférer aux autorités d’application de la loi un trop grand pouvoir d’appréciation, un pouvoir non balisé. Ce grief, qui vise une « prédétermination » minimale de la loi, a pour destinataires les autorités d’application de la loi, pour fondement la lutte contre l’arbitraire et le respect du principe d’égalité et concerne les conditions d’exercice des droits et libertés(36).

La clarification des exigences relatives à la qualité de la loi, de même que la spécificité de la jurisprudence des garanties légales, peuvent ainsi permettre de rendre son autonomie et son identité à l’incompétence négative. Cette dernière englobe une diversité de situations qui n’appellent pas forcément un traitement juridique identique. Nécessaire, le recentrage de cette jurisprudence semble également opportun.

II – Une jurisprudence à recentrer

L’évolution du contentieux constitutionnel plaide en ce sens. Le Conseil constitutionnel a suffisamment affiné d’autres jurisprudences et d’autres outils contentieux pour que le contrôle de l’incompétence négative puisse être plus clairement délimité. La QPC y invite également. La clarification est d’autant plus opportune que la jurisprudence de l’incompétence négative s’est décentralisée, étant appliquée par les juridictions de renvoi. Surtout, en invitant à tester la solidité des liens entre règles de compétence et garantie des droits et libertés, la QPC oblige à préciser l’identité de l’incompétence négative.

A - L’identité de l’incompétence négative

Le terme d’incompétence est fort : elle n’est ni l’imprécision, ni l’inintelligibilité. Il n’est pas incongru de rappeler que la jurisprudence de l’incompétence négative est, avant tout, une sanction de la méconnaissance de la répartition des compétences telle qu’elle est constitutionnellement fixée. La défaillance du législateur doit être comprise dans une logique verticale de hiérarchie des compétences. L’article 34 habilite le législateur, dans un domaine de compétence donné (l’état des personnes, les régimes matrimoniaux, le droit du travail, le droit pénal etc.), à adopter un certain type de normes : celles qui visent à fixer des règles ou à déterminer des principes fondamentaux. Ce qui est sanctionné n’est pas l’intervention d’une autre autorité dans le domaine de compétence du législateur mais la défaillance du législateur dans ce processus de concrétisation des normes(37).

1 - L’identification de l’incompétence négative

Lorsque le législateur commet une incompétence négative, il renonce à fixer les règles et les principes fondamentaux et permet, explicitement ou implicitement, à une autre autorité d’intervenir à sa place. Pour que l’incompétence négative soit constituée, il faut donc, d’abord, nécessairement interpréter et délimiter non seulement le domaine matériel de la norme législative, par exemple savoir s’il s’agit d’une imposition de toute nature visée par l’article 34, mais aussi qualifier la norme adoptée, ce qui peut d’ailleurs renseigner, parfois très clairement, sur le contenu des règles ou des principes visés par l’article 34(38). Le raisonnement devrait être identique en matière de QPC : le Conseil constitutionnel précise le champ d’application de l’article 34, constate que la disposition législative ne fixe pas suffisamment les règles ou les principes fondamentaux et ne s’interroge qu’ensuite sur le point de savoir si la défaillance du législateur affecte, par elle-même, un droit ou une liberté(39).

L’hypothèse la plus évidente de la défaillance du législateur dans ce processus de concrétisation est celle du renvoi, notamment au pouvoir réglementaire : la loi confie au règlement le soin d’intervenir pour concrétiser les règles ou les principes fondamentaux de telle ou telle matière et commet alors une incompétence négative(40). Dans ce cas, ce n’est pas le renvoi, en soi, qui est censuré, mais bien le renvoi qui a pour conséquence de conférer à un tiers la possibilité d’intervenir à la place du législateur(41). Le renvoi peut également être opéré au profit des partenaires sociaux : malgré les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le législateur commet une incompétence négative en leur confiant la détermination des principes fondamentaux du droit du travail(42). En revanche, le renvoi aux autorités juridictionnelles est plus dur à concevoir, car ces dernières, quelle que soit l’étendue de leur pouvoir d’appréciation et d’interprétation, ne peuvent que difficilement se substituer au législateur pour définir les règles et les principes visés par l’article 34. Il est également loisible de distinguer entre les renvois explicites et les renvois implicites, entre les renvois partiels et les renvois absolus, dans lesquels c’est l’omission du législateur qui est sanctionnée. Cette hypothèse permet de souligner que ce qui est censuré n’est pas le renvoi en soi, mais le fait pour le législateur de n’avoir pas fixé, lui-même, les règles et les principes fondamentaux(43).

Il faut encore distinguer les cas dans lesquels le renvoi opéré par le législateur ne confère pas à un tiers le pouvoir de fixer les règles ou les principes fondamentaux, mais confie simplement à une autre autorité, administrative, juridictionnelle voire de droit privé, un pouvoir de décision(44). Dans cette hypothèse, le législateur peut tout à fait jouer son rôle dans le processus de concrétisation de la norme, c’est-à-dire fixer les règles ou déterminer les principes fondamentaux, et donc ne pas commettre d’incompétence négative stricto sensu, tout en conférant à cette autorité un pouvoir d’appréciation qui n’est pas suffisamment encadré ou qui est arbitraire. Ce type de renvoi pourrait alors être censuré non sur le fondement de l’incompétence négative, mais plutôt sur le fondement du grief d’indétermination de la loi.

2 - La délimitation de l’incompétence négative

Incompétence négative, inintelligibilité, indétermination, privation de garanties légales... l’effort de clarification devrait permettre de mieux distinguer entre ces jurisprudences.

L’incompétence négative doit être distinguée des cas dans lesquels le législateur a privé de garanties légales des exigences constitutionnelles. En effet, ce contrôle suppose que le législateur est effectivement intervenu dans son domaine de compétence, qu’il a effectivement défini les règles et les principes fondamentaux mais que le niveau de protection accordé aux droits et libertés en cause est insuffisant. Ici, la question de savoir si l’insuffisance du législateur permet ou non l’immixtion d’autres autorités normatives, en particulier celle du pouvoir réglementaire, est sans incidence. La dissociation des contrôles est mise en lumière par certaines décisions dans lesquelles le Conseil constitutionnel vérifie successivement si la loi est entachée d’incompétence négative, puis si elle n’a pas privé de garanties légales des exigences constitutionnelles(45). Reste que, dans certaines décisions récentes, c’est encore l’incompétence négative commise par le législateur qui prive de garanties légales des exigences constitutionnelles(46).

Elle devrait également pouvoir être distinguée de la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui s’intéresse avant tout aux qualités rédactionnelles de la loi et vise une compréhensibilité minimale pour les citoyens(47). Le législateur est bien intervenu pour fixer les règles et déterminer les principes fondamentaux mais il n’a pas su donner aux dispositions législatives une lisibilité suffisante.

L’incompétence négative devrait également pouvoir être distinguée des cas dans lesquels le législateur est effectivement intervenu conformément à la répartition des compétences opérée par l’article 34 C, mais que les dispositions législatives adoptées, par leur indétermination, permettent une application de la loi arbitraire et/ou contraire au principe d’égalité. S’appuyant sur la vagueness doctrine progressivement affinée par la Cour suprême aux USA, Patricia Rrapi montre, dans sa thèse, comment le contrôle de la « prédétermination de l’utilisation du texte par les autorités chargées d’appliquer la loi » peut s’émanciper de la jurisprudence de l’incompétence négative(48). Ce contrôle, déjà largement en germe dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, permettrait d’ailleurs d’expliquer les cas dans lesquels c’est le renvoi au législateur futur qui est censuré. Car le fondement de la censure n’est pas le renvoi, mais bien la carte blanche délivrée aux autorités d’application de la loi en attendant l’intervention des lois futures(49).

B - Les vertus de la clarification

Le recentrage de l’incompétence sur ce qui fait son identité, à savoir la méconnaissance d’une pure règle de répartition des compétences appréciée d’un point de vue hiérarchique, a d’abord une vertu explicative, car il permet d’éclairer son invocabilité conditionnée dans le cadre de la QPC. Il met également en valeur la fonction démocratique que cette jurisprudence remplit, privilégiant l’intervention du législateur indépendamment de la question du niveau de protection accordé aux droits et libertés.

1 - Une vertu explicative

Alors que la jurisprudence de l’incompétence négative semblait devoir être exclue du contrôle a__posteriori, le Conseil constitutionnel a néanmoins jugé qu’elle pouvait être invoquée dès lors qu’elle affecte, « par elle-même », un droit ou liberté que la Constitution garantit. Cette formule est surprenante car, en soi, l’intervention du législateur n’affecte pas les droits et libertés(50). Elle signifie pourtant que, dans certaines situations, la défaillance du législateur va permettre qu’il soit porté atteinte à ces droits. En réalité, cette position prend acte du polymorphisme actuel de l’incompétence négative, qui ne sanctionne pas systématiquement la méconnaissance d’une « pure question de répartition des compétences » mais aussi de règles de fond(51). Dans le cadre de la QPC, c’est bien l’indétermination de la loi qui affecte les droits et libertés ou encore la privation de garanties légales, hypothèses qui justifient alors la recevabilité de l’argument de l’incompétence négative. De fait, le recentrage de l’incompétence négative sur une question de pure compétence permettrait ainsi de comprendre les variations de son traitement contentieux dans le cadre du contrôle a posteriori.

Ce recentrage peut également permettre de comprendre pourquoi le Conseil constitutionnel a choisi de limiter le grief de l’incompétence négative aux lois postérieures à la Constitution de 1958(52). Cette position est, en apparence, peu cohérente avec la jurisprudence Kimberly__Clark, puisque l’atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit devrait être indifférente à la date d’édiction de la loi qui les affecte. Elle prend acte de ce que l’incompétence négative, stricto sensu, n’est qu’une pure question de répartition des compétences(53). Inversement, on relèvera que la jurisprudence relative au non-respect des garanties légales a été transposée sans heurts à la QPC. Dans le projet de loi organique figurait déjà l’idée que devait pouvoir être invoqué le manquement à l’obligation faite à la loi d’assurer les garanties légales des exigences constitutionnelles. Dès la deuxième décision QPC, le Conseil constitutionnel a eu recours à cette jurisprudence, régulièrement utilisée depuis(54).

2 - Une portée symbolique

Recentrer l’incompétence négative sur une question de compétence met en lumière la possibilité d’une dissociation entre l’intervention du législateur et le respect des droits et libertés. Au sens strict, l’incompétence négative est indifférente à la question de la violation des droits et il est tout à fait possible de censurer une méconnaissance dans la répartition des compétences qui ne viole pas, voire qui ne concerne pas, les droits et libertés fondamentaux. C’est cette dissociation qu’a mise en lumière la QPC. Ce recentrage montre également que l’intervention du législateur n’est pas, en soi et à elle seule, une garantie des droits et libertés. Plus encore, il n’existe pas de droit au respect de la répartition constitutionnelle des compétences. Il n’en va autrement que lorsqu’est invocable, aux côtés de la méconnaissance de l’article 34 C, la violation d’un droit ou d’une liberté qui inclut l’intervention du législateur. C’est le cas de l’article 7 de la Charte de l’environnement qui pose, pour sa part, un droit matériel à l’intervention de la loi(55), tout comme il aurait pu en être ainsi de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen(56).

Recentrer l’incompétence négative sur une question de « pure » répartition des compétences permet également de prendre conscience de la fonction démocratique qu’elle remplit. En effet, les garanties apportées par la voie réglementaire ou par la voie juridictionnelle peuvent être tout aussi protectrices, substantiellement parlant, que celles résultant de l’intervention législative. Il n’empêche que, dans cette hypothèse, le Conseil constitutionnel choisit de censurer la méconnaissance de la répartition des compétences, indépendamment du contenu des garanties apportées par d’autres autorités(57). Quand bien même la norme réglementaire voire jurisprudentielle présenterait les mêmes qualités de stabilité, de généralité, de publicité que celles traditionnellement accolées à la loi, quand bien même elle assurerait un niveau de protection équivalent, elle ne peut se substituer à cette dernière. On mesure ici la fonction fondamentalement démocratique que remplit la jurisprudence de l’incompétence négative, rendant d’autant plus nécessaire un effort de clarification(58).


(1) Pour reprendre les termes de P. Rrapi, « “L’incompétence négative” dans la QPC : de la double négation à la double incompréhension », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2012, n° 34, p. 163.

(2) Ce paradoxe est notamment souligné par A. Le Pillouer, « L’incompétence négative des autorités administratives : retour sur une notion ambivalente », RFDA, 2009, p. 1203.

(3) Dès la décision 2010-5 QPC, le Conseil constitutionnel a jugé « que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit », formule ensuite devenue « que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (2012-254 QPC, 18 juin 2012, cons. 6).

(4) Si l’on peut recenser près de 60 décisions (50 DC / 9 QPC) qui contiennent l’expression même d’« incompétence négative », plus d’une centaine de décisions se réfère à des hypothèses dans lesquelles le législateur est resté en-deçà de sa compétence, n’a pas pleinement exercé sa compétence, ne l’a pas épuisée ou a méconnu sa compétence...

(5) Voir par exemple la décision 2014-488 QPC, 11 avril 2014 ou encore la décision 2013-336 QPC, 1er août 2013, permettant d’ailleurs souvent au Conseil constitutionnel de se sortir d’une situation épineuse.

(6) Près d’une trentaine de décisions de censure.

(7) Voir par exemple les décisions 2000-435 DC, 7 décembre 2000, cons. 53 ; 2001-455 DC, 12 janvier 2002, cons. 25 à 29 ; 2003-467 DC, 13 mars 2003, cons. 14 ; 2004-492 DC, 2 mars 2004, cons. 11, 2004-503 DC, 12 août 2004, cons. 36...

(8) Voir par exemple les décisions 2010-33 QPC, 22 septembre 2010, cons. 4, 2010-45 QPC, 6 octobre 2010, cons. 6, 2012-235 QPC, 20 avril 2012, cons. 26.

(9) On relèvera que les tables analytiques des décisions du Conseil constitutionnel rangent parmi les cas d’incompétence négative cette jurisprudence, citant notamment les décisions 86-217 DC, 18 septembre 1986 et 89-259 DC, 26 juillet 1989.

(10) Voir par exemple les décisions 2013-336 QPC, 1er août 2013, cons. 16 à 20, 2013-684 QPC, 29 décembre 2013, cons. 26 pour le renvoi à des décrets, 2013-674 DC, 1er août 2013, cons. 8 à 12 pour le renvoi à une autorité administrative indépendante

(11) Voir par exemple les décisions 2008-564 DC, 19 juin 2008, cons. 57 ; 2011-639 DC, 29 juillet 2011, cons. 10.

(12) Voir par exemple les décisions 2008-568 DC, 7 août 2008, cons. 14 à 16 ; 2014-388 QPC, 11 avril 2014, cons. 6 à 8.

(13) Voir les décisions 93-322 DC, 28 juillet 1993, cons. 12 ; 2000-439 DC, 16 janvier 2001, cons. 11 et 12.

(14) Sur tous ces aspects, voir notamment F. Priet, « L’incompétence négative du législateur », RFDC, 1994, p. 59 ; G. Schmitter, « L’incompétence négative du législateur et des autorités administratives », AIJC, 1989, p. 137 ; J. Trémeau, La réserve de loi. Compétence législative et Constitution, PUAM, Economica, p. 266 et s.

(15) Voir par exemple la décision 2013-682 DC, cons. 33.

(16) Voir par exemple la décision 2014-373 QPC, 4 avril 2014, cons. 13 ou encore 2014-393 DC, 25 avril 2014, cons. 6 et 7.

(17) Voir par exemple la décision 2013-357 QPC, 29 novembre 2013, cons. 8.

(18) Cette distinction est proposée par F. Priet, op. cit., p. 67 et par A.-L. Valembois, La constitutionnalisation de lexigence de sécurité juridique en droit français, LGDJ, 2005, p. 268, qui distingue, pour sa part, entre l’invitation expresse et la permission tacite.

(19) V. Goesel-Le Bihan, Contentieux constitutionnel, Ellipses, 2010, p. 160 et s.

(20) En ce sens, voir J. Trémeau, op. cit., p. 273.

(21) Relevant le caractère également très hétérogène de l’incompétence négative dans la jurisprudence administrative, voir A. Le Pillouer, préc.

(22) Voir notamment M. de Villiers, « La décision Enseignement supérieur du 20 janvier 1984 », RA, 1984, p. 261, not. p. 264 à propos de la décision 83-165 DC du 20 janvier 1984 ; B. GENEVOIS, AIJC, 1986, II, chron., p. 430, J. Trémeau, op. cit., p. 274 à propos de la décision 86-217 DC du 18 septembre 1986, Liberté de communication ; L. Gay, « “L’effet cliquet” dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », IVe Congrès français de droit constitutionnel, 10-11-12 juin 1999, p. 18, à propos de la décision 93-322 DC, 28 juillet 1993.

(23) À ce sujet, qu’il soit permis de renvoyer à A. Vidal-Naquet, Les garanties légales des exigences constitutionnelles dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Éditions Panthéon-Assas, 2007, p. 82 et s.

(24) Ainsi, L. Gay relève que « la lacune mise en lumière par le juge ne saurait être, en quelque sorte, ni “réparée” ni “aggravée” par le pouvoir réglementaire. Le Parlement a posé l’ensemble des normes qu’il lui revenait d’édicter aux termes de la répartition des compétences établies par la Constitution, notamment en son article 34. Ce qui est en cause est l’aptitude de ces normes à garantir l’effectivité d’un droit fondamental, obligation dont la Haute instance fait un corollaire de la proclamation de ce droit » (L. Gay, « “L’effet cliquet” dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », IVe Congrès français de droit constitutionnel, Aix-en-Provence, 10, 11 et 12 juin 1999, ateliers 6-11, p. 18).

(25) Voir notamment F. Priet, op. cit., not. p. 71.

(26) Voir notamment F. Galletti, « Existe-t-il une obligation de bien légiférer ? Propos sur “l’incompétence négative du législateur” dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », RFDC, 2004, p. 387 et s.

(27) Voir notamment L. Milano, « Contrôle de constitutionnalité et qualité de la loi », RDP, 2006, n° 3, p. 653 et s.

(28) C’est ce qu’illustre la décision 85-191 DC du 10 juillet 1985, cons. 5, qui sanctionne sous l’angle de l’incompétence négative le manque de précision de la loi. Sur ce point, voir la démonstration de P. Rrapi, Laccessibilité et l’_intelligibilité de la loi en droit constitutionne_l, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2014 et L. Milano, op. cit., p. 637 et s.

(29) Décision 98-401 DC, 10 juin 1998, cons. 7.

(30) Décision 2006-540 DC, 27 juillet 2006, cons. 9.

(31) Voir par exemple la décision 2001-455 DC, dans laquelle les requérants critiquent l’insuffisante précision de la loi, le législateur n’ayant pas suffisamment défini la notion de « recours abusif », le Conseil se plaçant sur le terrain de l’incompétence négative (cons. 24).

(32) Décision 99-421 DC, 16 décembre 1999, cons. 13.

(33) Voir par exemple les décisions 2013-685 DC, 29 décembre 2012, cons. 129 et 130, 2011-639 DC, 28 juillet 2011, cons. 7 et 10.

(34) Sur ce point, voir les travaux de P. Rrapi, L’accessibilité, op. cit., le rattachant aux qualités ex post de la loi et de V. Marinese, L’idéal législatif du Conseil constitutionnel – Étude sur les qualités de la loi, thèse Paris X Nanterre, 2007, disponible sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/62/60/46/PDF/VITOTHESE1.pdf, qui le rattache aux qualités formelles de la loi.

(35) Dans sa thèse, Patricia Rrapi propose de l’appeler grief d’« insuffisance du texte de loi » ; on pourrait également penser, plus simplement, au grief « d’imprécision » de la loi, par référence à la théorie canadienne.

(36) Voir à nouveau P. Rrapi, op. cit.

(37) Analysant cela comme une violation de la hiérarchisation des normes, voir G. Tusseau, Les normes d’habilitation, Dalloz, Nouvelle Bibliothèque des Thèses, 2006, p. 426 et s. ; analysant également l’incompétence négative en contentieux constitutionnel comme la violation de l’exigence de validité statique posée par le principe de légalité, voir Ph. Azouaou, L’indisponibilité des compétences en droit public interne, Thèse Paris Nanterre, 2012, p. 571 et s.

(38) Voir par exemple la décision 2009-590 DC, 22 octobre 2009, cons. 14, dans laquelle le Conseil constitutionnel énumère le contenu des règles qui auraient respecté la répartition des compétences telle que fixée par l’article 34 C.

(39) Sur ce type de raisonnement, voir par exemple la décision 2014-388 QPC, 11 avril 2014, cons. 6 à 8. En sens inverse, rejetant le grief « en tout état de cause », parce que le renvoi du législateur n’est pas constitué, voir la décision 2014-389 QPC, 4 avril 2014, cons. 5 ou encore la décision 2014-395 QPC, 7 mai 2014, cons. 13. On relèvera que parfois, le Conseil constitutionnel semble retenir une démarche inverse.

(40) Voir par exemple la décision 93-323 DC, 5 août 1993, cons. 16 ; a contrario, voir 2013-673 DC, 18 juillet 2013, cons. 16 et 2014-389 QPC, 4 avril 2014, cons. 4 et 5 le législateur ayant, certes, renvoyé au décret mais n’ayant pas habilité le pouvoir réglementaire à intervenir dans la détermination des règles et principes de l’article 34 C.

(41) Voir la décision 2013-343 QPC, 27 septembre 2013, cons. 5 et 6 : le législateur peut fixer lui-même ou habiliter le pouvoir réglementaire à fixer à condition de l’encadrer suffisamment.

(42) Voir par exemple la décision 2014-373 QPC, 4 avril 2014, cons. 11.

(43) On relèvera cependant qu’en cas de renvoi explicite, l’autorité de renvoi peut déployer son pouvoir normatif à l’abri de l’habilitation législative (Voir les conclusions sur CE, 23 avril 2010, SNC Kimberly-Clark, J. Boucher, « L’incompétence négative du législateur », R.F.D.A., 2010, p. 705).

(44) C’est l’hypothèse de la décision 75-56 DC, 23 juillet 1975, le législateur renvoyant au président du TGI de décider de la composition du tribunal, de la décision 2010-45 QPC, 6 octobre 2010, cons. 6, confiant à des organismes l’attribution et la gestion des noms de domaine sans encadrer ce pouvoir, de la décision 2011-223 QPC, 17 février 2012, cons. 4 à 7, sur la possibilité donnée au juge de priver la personne gardée à vue du libre choix de son avocat.

(45) Voir par exemple la décision 93-322 DC, 28 juillet 1993, cons. 12 ou la décision 2013-364 QPC, 31 janvier 2014, cons. 8.

(46) Voir par exemple la décision 2014-393 QPC du 25 avril 2014, cons. 7 ou, a contrario, les décisions 2013-367 QPC, 14 février 2014, cons. 10 et 2013-364 QPC, 31 janvier 2014, cons. 8.

(47) Voir par exemple la décision 2013-674 DC, 1er août 2013, cons. 8 à 12, dissociant clairement l’objectif de valeur constitutionnelle de l’incompétence négative.

(48) P. Rrapi, L’accessibilité, préc. p. 237 et s.

(49) C’est l’hypothèse de la décision 2004-499 DC, 29 juillet 2004, cons. 12.

(50) À ce sujet, voir la démonstration de P. Rrapi, « “L’incompétence négative” dans la QPC : de la double négation à la double incompréhension », préc.

(51) Mettant en lumière les « deux visages de l’incompétence négative », voir les conclusions sur CE, 23 avril 2010, SNC Kimberly-Clark, J. Boucher, « L’incompétence négative du législateur », R.F.D.A., 2010, p. 705.

(52) Décision 2010-28 QPC, 17 décembre 2010, cons. 9.

(53) Voir le commentaire sous la décision 2012-254 QPC.

(54) Ainsi peut-on recenser 54 décisions QPC faisant application de cette jurisprudence.

(55) Expliquant ainsi la particularité de la jurisprudence en la matière, le Conseil ne recherchant pas si la défaillance du législateur affecte ou non un droit ou une liberté. La dissociation entre un grief d’incompétence fondé sur l’article 7 de la Charte et un grief d’incompétence fondé sur l’article 34, qui confie à la loi le soin de fixer les principes fondamentaux « de la préservation de l’environnement », est nette dans la décision 2014-395 QPC, 7 mai 2014.

(56) C’est l’hypothèse de la QPC SNC Kimberly Clark.

(57) Voir tout particulièrement la décision 2010-33 QPC, 22 décembre 2010 : s’il existe des garanties apportées par les décrets d’application et par la jurisprudence, « aucune autre disposition législative n’institue les garanties permettant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789 ». Jugeant au contraire que l’incompétence négative du législateur non constituée parce que le silence de la loi peut être pallié par l’interprétation jurisprudentielle et privilégiant ainsi une vision plus « strasbourgeoise » de la loi, voir CE, 24 juin 2013, n° 366492.

(58) Analysant cela sous l’angle de la distinction entre la liberté des Anciens et la liberté des Modernes, l’intervention de la représentation nationale, symbole de la liberté des Anciens, primant sur le contenu même des droits et libertés, c’est-à-dire sur la liberté des Modernes, voir N. Porte, Le Conseil constitutionnel, gardien de la liberté des Anciens, thèse, Montpellier, 2013.