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L’écriture multilatérale des Constitutions, facteur de réussite des transitions démocratiques

Magalie BESSE - Doctorante en droit public à l'Université d'Auvergne, sous la direction du Professeur Jean-Pierre Massias Membre du Centre de Recherches et de Documentations Européennes – UFR pluridisciplinaire de Bayonne – UPPA Directrice de l'Institut Universitaire Varenne

Prix Louis Favoreu 2014 - Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 45 - octobre 2014

Résumé : Les transitions constitutionnelles sont une constante des transitions démocratiques, dont elles sont tout autant un symbole qu'un moyen. Elles se caractérisent en revanche par l'extrême diversité des méthodes utilisées, dont l'influence sur leur aboutissement et leur efficacité est certaine. A cet égard, les transitions constitutionnelles multilatérales, caractérisées par la participation de l'ensemble des acteurs, apparaissent les mieux à même de collaborer à une démocratisation effective. Elles favorisent en effet l'adoption d'une Constitution équilibrée et socialement légitime. Cette méthode est toutefois particulièrement exigeante, car elle impose que les acteurs parviennent à négocier ensemble les principales décisions afférentes au processus constituant. Son organisation ad hoc doit contribuer à sa réussite.


La transition démocratique s’accompagne aujourd’hui inévitablement d’une transition constitutionnelle. Si le remplacement du système constitutionnel est donc devenu l’un des symboles et moyens des processus de démocratisation, il pose – eu égard à la récurrence de leur échec – la question de son efficacité.

Le systématisme des transitions constitutionnelles au cours des transitions démocratiques tend à générer une assimilation de ces deux processus. Le passage d’un régime autoritaire à un régime démocratique excède pourtant très largement la seule réforme constitutionnelle.

Il l’excède tout d’abord dans son objet en raison de l’acception moderne de la Démocratie. Cette dernière est en effet désormais conçue de manière pluridimensionnelle. Elle n’est donc plus exclusivement politique, mais comprend également un volet économique, social et culturel. La perception de la Démocratie politique a ensuite elle-même évolué, le « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » se voyant dorénavant complété par la protection de la minorité contre « la dictature de la majorité ». Sous l’effet combiné de ces deux élargissements, la notion de Démocratie s’est donc considérablement enrichie. Dès lors, non seulement l’instauration d’un régime la recouvrant complètement et effectivement apparaît illusoire, mais le processus qui y tend doit également englober des mesures outrepassant la seule question constitutionnelle.

Au-delà de son champ, la transition démocratique excède ensuite la transition constitutionnelle en tant que moyen. L’outil constitutionnel – et plus largement juridique – ne saurait en effet produire à lui seul des changements réels. Ainsi, par exemple, l’adoption d’une nouvelle Constitution est insuffisante pour garantir une transformation de l’exercice du pouvoir politique au sein de l’État. Ce dernier dépend effectivement très largement du comportement des acteurs politiques, qui n’est pas uniquement déterminé par le texte constitutionnel. L’acceptation décisive du pluralisme ou de la limitation du pouvoir par la règle juridique repose en effet sur une révolution de leur façon de façon de penser et de faire, non immanente à l’affirmation constitutionnelle de ces principes.

La transition constitutionnelle n’épuise donc pas la transition démocratique, mais en est toutefois l’un des principaux vecteurs.

Par son objet, consistant dans le renouvellement du système constitutionnel, elle en représente, en premier lieu, l’un des pans. La Constitution étant la traduction des options politiques fondamentales prises au sein d’un État, son remplacement est en effet susceptible de former le socle de la transformation de l’exercice du pouvoir. Au travers de ses volets institutionnel, normatif et substantiel(2), le nouveau texte constitutionnel peut ainsi induire un renouvellement des institutions fondé, d’une part, sur le respect de la souveraineté nationale ou populaire et du pluralisme politique et, d’autre part, sur la garantie des droits et libertés et de l’État de droit.

La transition constitutionnelle est en second lieu l’un des agents de la transition démocratique. Elle l’est tout d’abord en raison de la forme de la nouvelle Constitution adoptée. Sa dimension normative – renforcée par sa valeur suprême – confère en effet, à sa matière, une force spécifique imposant théoriquement sa concrétisation(3). La transition constitutionnelle est également un outil de la démocratisation au travers du droit constitutionnel de la transition. Ce dernier remplit en effet deux fonctions principales, la première consistant à déconstruire le système constitutionnel autoritaire et pallier sa disparition jusqu’à l’adoption de la Constitution post-transitionnelle et la seconde à reconstruire un nouveau système constitutionnel.

Par leur forme et leur matière, ce droit constitutionnel intérimaire et cette méthode constituante peuvent participer à la réussite de la transition démocratique, d’une part, en amorçant la démocratisation et en contribuant à la rationalité de la période transitoire et, d’autre part, en concourant à la réussite de la transition constitutionnelle elle-même. Cette dernière se mesure tant dans son aboutissement que dans son efficacité, c’est-à-dire dans la capacité de la Constitution en résultant à permettre l’avènement d’une Démocratie consolidée.

Sans en être le seul facteur, la transition constitutionnelle apparaît donc avoir une influence décisive sur les processus de démocratisation. Se pose dès lors la question des conditions susceptibles de favoriser sa réussite. Son élucidation ne présente d’ailleurs pas seulement un intérêt théorique, car elle pourrait également permettre de remédier – au moins partiellement – aux fréquents échecs des transitions démocratiques.

Une démarche comparative apparaît adéquate à la résolution de cette problématique. Si elles sont une constante des processus de démocratisation, les transitions constitutionnelles se caractérisent en effet également par leur diversité, tant concernant les résultats produits, que le procédé utilisé. Elles peuvent ainsi être totales ou partielles, longues ou brèves, réalisées dans le cadre d’une « révolution constitutionnelle »(4) ou au contraire selon les voies prévues par le texte antérieur, ou encore comprendre ou non un droit constitutionnel intérimaire. Leur diversité est également organique. Les organes chargés de les conduire diffèrent en effet tant par leur nature, que par leur nombre, selon les processus, voire même au cours des différentes étapes d’un même processus. L’analyse de ces processus et de leurs résultats respectifs démontre l’impact de leur déroulement sur l’efficacité de la transition constitutionnelle. Leur comparaison et leur mise en perspective permettent donc d’isoler les facteurs la favorisant.

Elles conduisent à affirmer la nécessité d’une transition constitutionnelle multilatérale, c’est-à-dire d’un processus tout au long duquel l’ensemble des acteurs de la transition(5) prennent collectivement les principales décisions (I), tout en mettant en lumière la complexité de la mise en œuvre d’une telle méthode (II).

I – L’exigence d’une transition constitutionnelle multilatérale

L’importance d’une transition constitutionnelle multilatérale transparaît au travers de l’incapacité des processus constituants non multilatéraux à collaborer à la réussite de la démocratisation. Qu’ils soient non inclusifs (A) ou caractérisés par l’incapacité des acteurs à prendre des décisions communes (B), ils génèrent en effet des carences sévères, auxquelles le multilatéralisme remédie au contraire.

A - L’inefficacité des processus constituants non inclusifs

Les processus constituants non inclusifs se distinguent par le fait d’être menés par une partie seulement des acteurs de la transition, les autres en ayant été exclus. Ils peuvent sembler a priori légitimes, car ils sont fréquemment dominés par l’opposition ou l’une de ses composantes.

Deux causes sont susceptibles de conduire à ce que les tenants de l’ancien régime et/ou certains participants à son renversement soient évincés du processus constituant. La première tient aux rapports de force politiques. En cas de déséquilibre, les acteurs les plus puissants – de par leur légitimité, leur charisme ou les moyens dont ils disposent – peuvent en effet s’appuyer sur cet avantage pour en exclure d’autres de la négociation du pacte constituant. La seconde cause d’éviction est très certainement la plus ambiguë, car elle se fonde sur le critère démocratique. Lors de certaines transitions, les acteurs conviennent en effet d’amorcer le processus constituant par la désignation au suffrage universel direct des membres de l’assemblée constituante(6). Or, ces élections sont susceptibles de conduire à ce que des acteurs jusque-là décisifs, en raison du pouvoir qu’ils exerçaient sous l’ancien régime ou de leur rôle dans sa chute, perdent leur place au sein du processus.

Elles excluent tout d’abord d’office tous les acteurs qui ne peuvent être présents ou représentés sur le plan politique, tels que les forces armées ou les personnes et partis dont la candidature a été interdite en raison de leur implication dans l’ancien régime. Les élections peuvent ensuite marginaliser certains acteurs ou partis politiques de l’opposition, qui, tout en ayant eu une incidence majeure sur l’amorce de la transition, ne jouissent pas d’une assise populaire leur permettant de la convertir en sièges. Le choix du mode de scrutin a à cet égard une influence majeure.

Logique sur le plan politique et/ou du point de vue démocratique, l’exclusion de certains acteurs fabrique des ennemis du processus, qui n’ont alors de cesse que de le déstabiliser. Une partie de la population, parfois numériquement importante, ne se sent plus non plus représentée et n’hésitera ainsi pas à remettre en cause les décisions prises, qu’elles concernent la conduite du processus constituant ou le projet de Constitution lui-même. Dès lors, deux risques se profilent.

Le premier est un risque d’échec de la transition constitutionnelle, emportant celui de la restauration de l’autoritarisme. L’ampleur des attaques lancées par les acteurs exclus peut en effet conduire à une nouvelle rupture préalable à l’aboutissement du processus constituant.

Le second risque tient à un échec de la consolidation, lorsque les opposants au processus n’ont pas eu les moyens d’empêcher l’adoption de la Constitution post-transitionnelle ou n’ont pas souhaité en arriver à une telle extrémité. Cet échec peut être causé par le texte constitutionnel lui-même qui, en l’absence de négociations lors de son élaboration, n’est pas suffisamment équilibré pour permettre l’avènement d’un système politique démocratique. L’échec peut également résulter de l’insuffisance de sa légitimité. En effet, si l’adoption d’une Constitution par une majorité politique – par des représentants, voire par voie référendaire – est conforme aux standards démocratiques, elle ne révèle, ni ne permet, une adhésion suffisante. Parce que ce texte est le fondement et l’incarnation du nouveau régime, son adoption doit en effet signifier l’acceptation d’un nouveau pacte social par la population et non la victoire partisane d’une partie d’entre elle, fusse-t-elle la plus nombreuse. Or, l’exclusion du processus de certains acteurs de la transition conduit à faire du projet constitutionnel un enjeu politique. Sous le feu des critiques partisanes, le texte de la Constitution se voit fragilisé et décrédibilisé, tant au cours de sa préparation, que lors des débats tendant à son adoption par l’assemblée constituante et/ou inhérents à la campagne référendaire. Par conséquent, pour une part significative de la population et des acteurs, l’adoption de la Constitution et la mise en place du nouveau régime sont assimilées à une défaite politique et jugées inadéquates, voire illégitimes. Dans de telles conditions, la consolidation démocratique apparaît bien incertaine. L’échec du processus transitionnel égyptien, issu de la révolution dite du Nil ou du Lotus, en est l’illustration.

En Égypte, suite au mouvement de contestations ayant conduit au départ du Président Moubarak, le Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) annonça, par le communiqué constitutionnel du 13 février 2011, la dissolution des chambres parlementaires. Parallèlement aux retouches constitutionnelles, entérinées lors du référendum du 19 mars 2011, il fut décidé que le processus transitionnel serait conduit sous l’auspice des institutions préexistantes dont les membres auraient toutefois été renouvelés grâce à l’organisation d’élections(7).

Les premières d’entre elles devaient permettre d’élire les membres de l’Assemblée du Peuple, elle-même chargée de désigner ceux de l’assemblée constituante. Les résultats traduisirent une très nette victoire du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ) des Frères musulmans(8). L’élection présidentielle se déroula ensuite le 17 juin, date qui marqua un tournant décisif dans le processus transitionnel. Remportée par Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, avec 51,73 % des voix, contre Ahmed Chafik, présenté comme le candidat du CSFA, elle eut en effet pour conséquence de renforcer la prééminence d’une catégorie d’acteurs sur la conduite de la transition. Elle coïncida en outre avec la Déclaration constitutionnelle, par laquelle le CSFA, se fondant sur la décision de la Cour constitutionnelle du 15 juin invalidant l’élection de l’Assemblée du Peuple, annonça s’arroger le pouvoir législatif. Les tensions se nouèrent dès lors avec le Président Morsi, qui s’opposa à plusieurs reprises à cette décision du CSFA. Le second semestre 2012 fut ainsi émaillé de crises successives, impliquant également le pouvoir judiciaire, dont notamment la Cour constitutionnelle. Parallèlement, un mouvement populaire de contestation montait à l’encontre du Président, encouragé par l’ensemble des forces hostiles aux Frères musulmans(9).

Le processus constituant fut le reflet de ces conflits. Le marquage idéologique du projet constitutionnel provoqua d’abord le mécontentement de l’opposition. La composition de l’assemblée constituante, qui devait logiquement être dominée par le PLJ au regard des résultats électoraux, suscita également la polémique. Le Président Morsi parvint cependant à faire aboutir le processus constituant, en imposant un délai serré à l’assemblée constituante. Cette dernière adopta le projet constitutionnel, le 30 novembre 2012, dans la précipitation alors que l’opposition boycottait ses travaux depuis plusieurs semaines. Il fut ensuite approuvé par référendum, à 63,8 %, les 15 et 22 décembre, avec un taux de participation de 32,9 %.

Cependant, ni la fin du processus constituant, ni les succès électoraux successifs des Frères musulmans n’empêchèrent l’échec de cette transition constitutionnelle. Suite au référendum constituant, plusieurs mois de crise paralysèrent en effet la mise en place des nouvelles institutions et notamment l’organisation des élections législatives. Elle atteignit son apogée avec les gigantesques manifestations organisées contre le pouvoir, par les oppositions unies, qui rassemblèrent entre 14 et 17 millions de personnes le 30 juin 2013. Le 3 juillet, le Président Morsi, pourtant élu au suffrage universel direct, fut destitué par l’armée, par la voie d’une allocution télévisée du Général Abdel Fatah Al-Sissi, chef d’état-major et ministre de la Défense(10). Ce dernier précisa que l’armée souscrivait à la feuille de route proposée par les mouvements contestataires, que la Constitution, pourtant adoptée par référendum, serait révisée et que des élections législatives et présidentielle seraient organisées. L’intérim fut confié au Président de la Cour constitutionnelle, Adly Mansour.

Cet échec atteste des dangers des processus constituants excluant une partie des acteurs de la transition. La marginalisation de certains d’entre eux, relevant des forces armées ou des oppositions politiques, les amena en effet à s’unir contre le processus en cours afin de le renverser et ce, en dépit de leurs profondes divergences idéologiques. Ce renversement fut également possible en raison de la coloration politique, conférée par les élections, qui le délégitima aux yeux de la population qui ne les avait pas remportées. Cette dé-légitimation fut d’ailleurs d’autant plus grande qu’une partie des mouvements les plus actifs de la révolution se voyaient exclus et que le positionnement idéologique très fort des Frères musulmans constituait un terreau favorable à la radicalisation et la fédération des oppositions.

Si elle fut peut-être le fruit de fractures réelles au sein de la société égyptienne, cette seconde révolution porte en germe le risque de les creuser davantage. En renversant un pouvoir démocratiquement choisi, elle floue en effet une majorité de la population des effets d’un vote, pourtant réitéré à plusieurs reprises. Les manifestations et contre-manifestations, qui ont suivi la destitution du Président Morsi et fait plusieurs dizaines de victimes au mois de juillet 2013, en attestent. Cette seconde révolution fut également marquée tout à la fois par l’activisme de l’armée et par le morcellement des oppositions l’ayant menée, deux caractéristiques obérant la reconstruction d’un nouveau processus de transition démocratique plus efficace.

L’expérience égyptienne témoigne donc des écueils des processus constituants non inclusifs, en même temps qu’elle est un premier révélateur des échecs des processus marqués par l’incapacité des acteurs à résoudre leurs différends par la conciliation.

B - L’inefficacité des processus constituants antagoniques

L’absence de multilatéralisme de certaines transitions constitutionnelles ne tient pas aux acteurs prenant part au processus constituant, mais bien plutôt à la nature du processus décisionnel. Dans cette hypothèse, le processus constituant, plus ou moins inclusif, se caractérise par l’incapacité des acteurs à résoudre leurs différends pour le mener et le faire aboutir sur la base de décisions prises en commun. Ces processus antagoniques présentent deux principaux écueils.

Ils risquent en premier lieu de conduire à une transition constitutionnelle avortée, lorsqu’aucune catégorie d’acteurs ne parvient à faire triompher son projet constitutionnel avant qu’une nouvelle rupture ne se produise. La transition menée au Zaïre au début des années 1990 en est un exemple. Le processus avait pourtant été initié par une Conférence nationale souveraine (CNS) qui, contrairement à ses homologues, avait adopté non des linéaments constitutionnels(11), mais un véritable projet de Constitution(12). Les inextricables conflits entre les institutions transitoires qu’elle avait mises en place et le camp du Président Mobutu menèrent cependant le processus constituant dans une impasse. Leurs différends se nouèrent tant autour de la Constitution transitoire, Mobutu allant jusqu’à ressusciter les institutions de l’ancien régime qui vinrent concurrencer celles issues du texte intérimaire adopté par la CNS, qu’autour du texte de la future Constitution. Leur intensité fut telle que cette dernière n’avait toujours pas été adoptée le 17 mai 1997 – date à laquelle les forces de l’AFDL(13) s’emparaient de Kinshasa et où Laurent-Désiré Kabila était proclamé chef de l’État – alors que les travaux de la CNS s’étaient achevés le 6 décembre 1992.

Si l’antagonisme du processus constituant peut donc conduire à sa paralysie, il peut au contraire se résoudre par la victoire d’un camp sur l’autre. Dans cette hypothèse, une partie des acteurs parvient à imposer sa vision constitutionnelle au détriment de ses adversaires. Or, outre les risques inhérents aux processus constituants non inclusifs, l’adoption d’une « Constitution de vainqueur » présente des inconvénients spécifiques. L’antagonisme du processus constituant conduit en effet à une concurrence d’idées constitutionnelles, voire de projets de Constitution, présentant une « identité » forte, qui sert d’ailleurs de prétexte aux conflits, résultant en réalité plutôt de luttes de pouvoir. Cette identité, qui peut par exemple tenir à la nature présidentielle ou parlementaire du futur régime, tend d’ailleurs à s’affermir à mesure que les affrontements se multiplient. Dès lors, la victoire d’une catégorie d’acteurs sur ses adversaires permet certes que le processus constituant aboutisse, mais conduit à l’adoption d’une Constitution, dont le déséquilibre pèse sur les chances de démocratisation et de consolidation démocratique.

L’exemple de la transition postsoviétique conduite en Russie est à cet égard éclairant. Le processus constituant y fut en effet façonné par l’affrontement entre le Parlement et le Président et par la victoire finale de ce dernier(14). À l’origine, les deux institutions n’étaient pourtant pas l’incarnation d’une division politique ou idéologique fondamentale. Au contraire, avant son élection au suffrage universel direct à la présidence de la Fédération de Russie le 12 juin 1991, Boris Eltsine avait été élu par le Parlement, le 29 mai 1990. La collaboration entre les deux organes perdura d’ailleurs dans des conditions relativement satisfaisantes jusqu’à la première crise majeure de décembre 1992. Afférents au processus constituant et impliquant également la Cour constitutionnelle, les conflits entre le Parlement et le Président se succédèrent ensuite tout au long de l’année 1993, chaque institution s’arc-boutant sur le projet constitutionnel préparé par ses soins. D’intensité croissante, ils débouchèrent, le 4 octobre, sur la destruction militaire du Parlement qui annihila tout espoir d’un processus négocié ou même pacifique. Or, si le contexte transitionnel autorise voire impose des dérogations aux canons démocratiques, la persistance de l’usage de la violence comme moyen de règlement des différends institutionnels et politiques anéantit les chances de réussite de la transition politique. Il traduit en effet l’absence de renouvellement des pratiques, en même temps qu’il l’empêche notamment lorsque, comme dans le cas russe, il conduit à la victoire constitutionnelle. Cette dernière se traduisit par l’adoption du projet constitutionnel du camp présidentiel, le 12 décembre 1993(15).

L’antagonisme du processus constituant explique que cette Constitution post-transitionnelle soit marquée par une hypertrophie présidentielle, réduisant non seulement sa force démocratisante, mais aussi, potentiellement, la capacité des institutions à fonctionner régulièrement et efficacement comme en attesta la présidence de Boris Eltsine. La transition constitutionnelle russe tend d’ailleurs à démontrer que, contrairement à un préjugé, un processus moins inclusif n’est pas nécessairement moins antagonique, bien au contraire. Cette dernière se caractérise en effet par son caractère endogène, c’est-à-dire par le fait qu’elle est la conséquence d’une auto-transformation du système impulsée par une faction d’acteurs internes au régime autoritaire. Or, plusieurs facteurs expliquent que ce type de transition présente un risque plus élevé de générer un processus constituant antagonique, que les transitions exogènes, résultant des pressions exercées par les acteurs de l’opposition sur les tenants du régime autoritaire.

Les transitions endogènes réduisent en premier lieu le « décrochage » des légitimités respectives de chaque catégorie d’acteurs. Or, lors des transitions exogènes, c’est bien ce décrochage qui incite les tenants de l’ancien régime à accepter la négociation, qui représente leur ultime moyen de préserver leur capital politique pour l’après-transition. Le caractère endogène induit en second lieu la similarité des moyens institutionnels à la disposition des acteurs. Chacun d’entre eux peut donc tenter de préserver sa parcelle de pouvoir politique, voire d’en conquérir une plus grande, par le truchement de l’institution à laquelle il appartient. Ses compétences sont alors instrumentalisées afin d’en faire l’institution la plus puissante du processus, non seulement pour en demeurer maître, mais également pour conserver le pouvoir à son issue en ménageant à « son » institution les prérogatives les plus importantes. Dès lors, si le processus constituant est conduit au sein de plusieurs institutions concurrentes, les conflits apparaissent inévitables. Au contraire, dans le cadre d’une transition exogène, l’opposition se voit contrainte, sauf à opérer une véritable révolution politique, à rechercher un compromis avec les tenants de l’ancien régime pour accéder aux ressources institutionnelles indispensables à la conduite de la transition constitutionnelle.

Toutefois, si l’expérience zaïroise démontre que les transitions exogènes n’excluent pas l’antagonisme, la transition constitutionnelle ukrainienne postsoviétique prouve qu’il n’est pas le corollaire des transitions endogènes. En dépit de la similarité des contextes, le processus constituant mené en Ukraine à la chute de l’URSS connut en effet un dénouement différent du processus russe. Initialement, il fut pourtant également marqué par des conflits entre le Président et le Parlement, qui risquaient de s’envenimer et paralysaient le processus constituant amorcé dès 1990. Les deux institutions se livraient en effet à une véritable bataille des projets constitutionnels, à laquelle les élections législatives, puis présidentielle, de 1994 n’avaient pas mis fin. Leur affrontement put cependant être résolu, non par une victoire politique ou militaire, mais par la négociation entre les deux institutions. La clé de cette résolution réside dans la « convention constitutionnelle » du 5 juin 1995(16).

Ce compromis provisoire, proposé par le Président, fut en effet accepté par la Rada, à 240 voix contre 81. Ce vote résulte de la menace brandie par Léonid Koutchma d’organiser un référendum sur la confiance respective portée au Président et au Parlement. Déconcertante de prime abord, cette menace présidentielle s’inscrit en réalité parmi les stratégies et pressions usuelles lors de négociations politiques. Elle fut efficace en raison du risque élevé pour la Rada de ne pas remporter le référendum, qui la poussa à accepter le compromis. Cette première réussite fut décisive. Par ses dispositions, la « convention constitutionnelle » permit en effet de résoudre certaines tensions nées des lacunes ou incertitudes inhérentes à l’absence de Constitution post-transitionnelle et de relancer le processus constituant(17). De manière plus profonde, elle réorienta également la méthodologie de la transition. Se définissant elle-même comme un moyen pour « prévenir les confrontations politiques entre les structures du pouvoir ( ) et sauvegarder la paix publique en Ukraine », la convention constitutionnelle ancra en effet le processus constituant dans une logique nouvelle et pacifiée de recherche du compromis. La Constitution post-transitionnelle fut ainsi préparée par une commission constitutionnelle créée par Léonid Koutchma et dont le Président et la Rada désignèrent respectivement quinze membres(18). Conformément à la convention constitutionnelle, le projet qu’elle élabora fut ensuite soumis à la Rada. Son adoption donna lieu à de nombreuses discussions, tant sur des questions de fond, que sur l’opportunité d’organiser un référendum constitutionnel. Toutefois, par le biais d’une nouvelle menace présidentielle d’organiser un référendum sur le projet non amendé, la Rada adopta la Constitution post-transitionnelle, le 28 juin 1996, au terme d’un débat final de vingt-trois heures, par 315 voix contre 36. Le Président renonça quant à lui à toute velléité de référendum. Ainsi, la conclusion du processus constituant ukrainien reposa sur un accord négocié entre les deux institutions, actrices principales de la transition. Ce dénouement explique que la Constitution, qui en résulta, soit bien moins déséquilibrée que le texte constitutionnel russe(19).

La comparaison des transitions constitutionnelles russe et ukrainienne met ainsi en lumière l’impact, sur le texte constitutionnel lui-même, du type de processus décisionnel mis en œuvre lors de la transition constitutionnelle. Mises en parallèle avec les processus constituants non inclusifs, elles révèlent, qu’outre le risque d’avortement du processus constituant, les transitions constitutionnelles non multilatérales échouent à générer une Constitution propre à permettre la démocratisation et la consolidation démocratique. Leur inefficacité résulte soit des lacunes intrinsèques de ce texte constitutionnel, soit de l’adhésion insuffisante qu’il suscite aussi bien parmi les acteurs politiques et institutionnels, que parmi la population, ces deux facteurs pouvant au demeurant être cumulatifs.

Un processus constituant multilatéral résout par définition ces deux écueils, car il impose, pour être mené à son terme, d’être le fruit de décisions prises par une pluralité d’acteurs, ce qui concourt tant à leur qualité, qu’à leur acceptation généralisée. Si l’efficacité d’un tel processus apparaît donc démontrée, la possibilité d’une transition constitutionnelle multilatérale questionne en revanche au regard des exigences qu’elle induit.

II – Les exigences d’une transition constitutionnelle multilatérale

Si l’efficacité des transitions constitutionnelles multilatérales est certaine, les conditions de leur réussite sont en revanche extrêmement exigeantes. Elles impliquent en effet que le processus constituant soit fondé sur des solutions intégratives issues de négociations entre l’ensemble des acteurs. La complexité de cette méthode (A) nécessite une organisation ad hoc à même de la faciliter (B).

A - La coopération des acteurs au processus constituant

Une transition constitutionnelle n’est multilatérale que si elle est inclusive et le demeure jusqu’au terme du processus constituant. Elle exige donc que l’ensemble des acteurs – ou du moins l’immense majorité d’entre eux – parvienne à prendre collectivement les principales décisions afférentes au processus constituant. Or, si toute recherche d’un compromis entre acteurs est par essence délicate, la transition constitutionnelle la rend plus difficile encore.

L’objet des négociations est une première source de complexité. Les questions constitutionnelles sont en effet susceptibles de façonner le déroulement de la transition lui-même, tant au travers de la procédure « reconstituante » qui sera décidée, que de l’éventuel droit constitutionnel transitoire qui sera adopté. Elles forment de surcroît le cœur du futur système politique, la Constitution post-transitionnelle étant le symbole et la lettre du nouveau contrat social, en même temps qu’elle disposera des nouvelles institutions. Les négociations constitutionnelles présentent donc un enjeu social fondamental, susceptible de conduire à leur enrayement. Elles comprennent également un enjeu individuel et partisan, qui accroît ce danger, car les décisions en résultant ont un impact sur le maintien, l’accès et l’étendue du pouvoir de chaque acteur au cours et à l’issue de la transition.

La difficulté est d’autant plus grande qu’un processus constituant s’inscrit généralement dans une durée relativement longue, d’au moins plusieurs mois, et suppose la négociation non pas d’une, mais de nombreuses décisions. Dès lors, une transition constitutionnelle consensuelle n’implique pas uniquement que les acteurs acceptent le principe de négociations multilatérales, mais également qu’ils parviennent à s’y tenir et à les faire aboutir sur plusieurs points simultanément et/ou à plusieurs reprises au cours du processus. Faute de quoi, ce dernier n’aboutit pas ou bascule dans l’antagonisme.

Cette continuité est particulièrement exigeante, car elle impose la recherche répétée de solutions intégratives, de type gagnant-gagnant, et non de solutions gagnant-perdant, par lesquelles certains acteurs obtiennent le maximum au détriment des autres(20). En effet, « se trouver du bon côté d’une relation de pouvoir, c’est-à-dire avoir les bonnes cartes en main dans une négociation, permet certes à un acteur “A” de partir avec un avantage dans la relation, mais n’autorise nullement à exploiter celui-ci sans vergogne. Pour en jouir réellement, il faut que les partenaires acceptent de continuer la négociation (la relation), ce qui ne sera le cas que s’ils y trouvent à leur tour un intérêt, c’est-à-dire si “A” accepte de répondre au moins partiellement à leurs attentes »(21). Parvenir à faire émerger ces solutions intégratives est d’autant plus difficile qu’un petit nombre de participants peut suffire à les empêcher, soit qu’ils s’y opposent, soit même qu’ils feignent la discussion. En effet, « un négociateur peut parfois se trouver en face d’un interlocuteur qui refuse de faire la moindre concession et fait preuve d’une intransigeance absolue. On peut alors parler de pseudo-négociation »(22). Dans ce cas de figure, les négociations multilatérales se trouvent altérées que les autres acteurs cèdent ou refusent de se plier aux exigences de cet interlocuteur.

Au-delà de l’objet des négociations, le contexte de la transition constitutionnelle complexifie leur réussite, en allant de pair avec de profondes divergences entre les acteurs. Ces dernières tiennent tant de lignes de partage idéologiques, que de la discordance de leurs intérêts respectifs. Par définition, il implique, en second lieu, que les négociations soient immédiatement adossées à un passé autoritaire les parasitant.

En effet, cette chronologie suppose, pour que les négociations aboutissent, que les acteurs soient capables d’un profond renouvellement de leur culture politique, car, « dans un contexte conflictuel, la recherche d’une solution gagnant-gagnant a bien du mal à s’instituer puisqu’elle exige une orientation coopérative de la part de tous les acteurs. Accepter de gagner moins pour gagner avec les autres exige un changement radical d’attitude », d’autant plus prononcé que cette logique est antithétique à celle régissant les régimes autoritaires.

Cette chronologie complique également les négociations, car elles sont le premier moment et le premier lieu d’expression de l’acrimonie, voire de la haine, que des années, et parfois des décennies, d’autoritarisme ont générée entre les acteurs. Dès lors, elles sont le théâtre d’une agressivité et de contradictions susceptibles de paralyser le processus constituant, tout en en étant en réalité totalement déconnectées. Le sociologue Christian Thuderoz a mis en lumière ce paradoxe : « [les médiateurs] sont parfois bien démunis ; ils assistent ainsi à de nombreux échecs de processus, y compris quand ils sont fondés sur des approches de type “à gains mutuels”. Comment faciliter ces négociations, quand les uns gardent en mémoire la souffrance de leur domination, ou quand les autres résistent à la compréhension de l’autre et de son problème ? »(23).

Dans un tel contexte, les négociations ne peuvent qu’être « longues et chaotiques ( ) hautement volatiles et sujettes, à des moments imprévisibles, de débordements émotionnels »(24). Leur objet est notamment déformé par chacune des parties, « le camp dominé, en labourant, jusqu’à l’obsession, le champ des torts passés, et le camp dominant, en les occultant et en prétendant qu’il ne faut s’attacher qu’aux intérêts “réels” ou que le problème doit être réglé de façon pragmatique »(25). Cet obstacle rencontré par le processus constituant n’est d’ailleurs que l’émanation spécifique de la problématique globale de la réconciliation sociale post-autoritaire.

Comme les conflits armés, les périodes de dictature ou de totalitarisme ne génèrent en effet pas seulement une violence directe, à laquelle il suffirait de mettre fin pour pacifier les relations politiques et sociales. Elles induisent également une violence structurelle(26), c’est-à-dire des structures qui l’autorisent ou l’aggravent, ainsi qu’une violence culturelle, c’est-à-dire des facteurs par lesquels elle est justifiée ou légitimée(27). Ces trois formes de violence se génèrent, se nourrissent et s’entretiennent mutuellement. Une démocratisation et une pacification effectives – ou positives selon le qualificatif choisi par Johan Galtung(28) – nécessitent donc qu’elles soient toutes trois traitées et progressivement éliminées de la société. Latente, profonde et parfois même inconsciente, la violence culturelle est particulièrement difficile à dissiper. Son éradication est l’un des principaux objectifs de la réconciliation, mais elle est également l’une de ses principales entraves. Se traduisant notamment par la déshumanisation de l’Autre et par la stigmatisation de la différence et du désaccord, perçus comme des motifs légitimant la ségrégation et l’usage de la violence, la violence culturelle fait en effet obstacle au dialogue entre les acteurs, qui constitue pourtant l’une des méthodes collaborant à sa disparition.

La recherche d’un compromis dans le cadre du processus constituant s’inscrit dans ce schéma. Sa réussite représente en effet un pas accompli sur la voie de la réconciliation, car elle traduit une restauration des relations politiques. Mais elle est en même temps rendue difficile par l’intensité des tensions entre les acteurs et par leur inexpérience à dialoguer pour résoudre leurs différends.

En dépit de ces sources de complexité, inhérentes à leur objet et au contexte dans lequel elles s’inscrivent, la volonté partagée des acteurs de mener les négociations à leur terme peut permettre leur réussite. Deux facteurs sont susceptibles de les amener à dépasser une logique plus « instinctive » de domination ou d’affrontements.

Le premier tient à la conviction de la nécessité de parvenir à un compromis pour réussir la démocratisation. Certains acteurs peuvent en effet attacher une importance telle à l’avènement de la Démocratie, qu’ils parviennent à faire prévaloir cet objectif collectif sur leurs intérêts individuels ou partisans. Cette logique idéologique est l’un des piliers de la rationalité du processus, car elle conditionne, au moins en partie, la capacité de chaque acteur à rechercher et choisir les instruments les plus efficients pour la démocratisation et, en l’espèce, à prioriser la recherche d’une solution intégrative. Elle ne saurait pourtant suffire, car les enjeux des négociations empêchent une logique idéologique idéale, qui serait entièrement dénuée d’arrière-pensées ou de stratégies individuelles. Elle est en outre variable, non seulement en fonction de l’orientation idéologique de chaque acteur, mais également selon sa capacité à identifier les outils appropriés à la concrétisation de l’objectif poursuivi.

Le second facteur susceptible de conduire les acteurs à privilégier la recherche de solutions intégratives est d’ordre stratégique. Elle peut en effet coïncider avec la préservation de leur intérêt individuel, lorsqu’ils ont la conviction – réelle ou ressentie – qu’il leur est impossible d’imposer leur point de vue aux autres et qu’une logique de confrontation serait donc contre-productive. Cette situation d’interdépendance entre les acteurs, fréquente au cours des transitions, peut être identifiée par ceux, qui, se fondant sur leur intuition, leur discernement et leur lucidité, sont capables d’analyser la conjoncture politique et d’en tirer les enseignements.

Ces qualités peuvent amener des acteurs relevant de chaque camp à adopter une stratégie de compromis s’ils l’estiment nécessaire. Ainsi, l’organisation, en février 1990, d’une Conférence nationale par le Président béninois, Mathieu Kérékou, résulte par exemple de sa conscience de l’incapacité de son régime à contenir les pressions exercées par l’opposition et de l’inopportunité de tenter de les réprimer au regard du changement de contexte mondial. Pour le même motif, il admit la souveraineté de ces assises, car il estima davantage dans son intérêt d’accompagner la transition pour tenter d’en retirer les dividendes, que d’essayer d’y résister. De leur côté, les acteurs de l’opposition convinrent d’en limiter les effets en raison de la puissance que le Président détenait encore. Dans de telles conditions, le compromis entre les protagonistes fut possible.

Toutefois, la recherche stratégique de solutions intégratives pose le problème de n’être ni forcément globale, ni nécessairement continue au cours du processus constituant, car elle repose sur des rapports de force non statiques. Au sein de chaque grande famille d’acteurs – opposition ou tenants de l’ancien régime – il peut en effet exister des dissensions plus ou moins aiguës selon les thèmes abordés notamment entre les courants les plus modérés et les plus radicaux, ainsi qu’une fluctuation du ou des courants les plus influents. Ces variations sont de nature à générer des recompositions d’alliance et des changements de stratégies. De manière plus prégnante encore, le rapport de forces entre les deux grandes familles d’acteurs peut également se transformer. L’équilibre entre les deux camps, propre à susciter les solutions intégratives, peut en effet se rompre sous l’effet d’un ascendant croissant de l’opposition ou d’une remontée en puissance des tenants de l’ancien régime. Cette rupture est susceptible de bouleverser les stratégies et de remettre en cause le caractère consensuel du processus. Elle est par exemple l’une des causes du dépérissement de la transition menée au Zaïre.

Lors de la transition constitutionnelle, la recherche de solutions intégratives est donc complexe, en raison non seulement de l’objet des négociations et de l’acuité des tensions entre les acteurs, mais également de la contingence des motifs les amenant à dépasser ces difficultés, car ils sont tout à la fois personnels et conjoncturels. Le déroulement même des négociations est par ailleurs susceptible de les affecter, car « il recèle des ressources et des contraintes que seul le processus de négociation peut faire émerger. C’est pourquoi une donnée aussi intangible et peu rationnelle que la capacité négociatrice des uns et des autres, c’est-à-dire leur capacité personnelle à supporter l’imprévisible et le désaccord, à ménager l’ouverture et à véritablement construire la relation de négociation comme une exploration de possibles, peuvent prendre une réelle importance. Si tout était donné dans la distribution initiale des ressources des parties prenantes, ni leur adresse négociatrice ni le déroulement du processus n’auraient d’importance : il suffirait de confier à des experts extérieurs le soin de définir le résultat optimal qui découle d’un calcul de la matrice des gains et des pertes. L’inanité évidente d’une telle proposition souligne a contrario toute la richesse de ce qui se joue en réalité dans les rapports humains entendus comme des négociations »(29). La nature des relations interpersonnelles, qui se nouent « autour de la table », combinée aux réactions suscitées par les négociations à l’extérieur – notamment parmi la population, au sein des partis politiques ou encore auprès des autres institutions – jouent également sur leur déroulement.

En dépit de ces éléments de complexité, l’exemple des transitions postapartheid en Afrique du Sud et post-kérékiste au Bénin atteste de la possibilité d’une transition constitutionnelle multilatérale, c’est-à-dire d’un processus constituant principalement déterminé par l’ensemble des acteurs de la transition. Si la congruence de paramètres personnels et conjoncturels y a concouru, ces exemples démontrent également l’importance des modalités d’organisation du processus constituant pour y parvenir.

B - L’organisation ad hoc du processus constituant

La transition postsoviétique ukrainienne et la récente transition constitutionnelle tunisienne démontrent certes qu’il demeure possible, à différents stades, de réorienter un processus constituant risquant d’échouer en raison de sa conflictualité ou d’un caractère insuffisamment inclusif. Toutefois, sa structuration adéquate apparaît être le meilleur gage de réussite d’une transition constitutionnelle multilatérale.

À la lumière des expériences réussies, l’ingénierie peut – ou doit – avoir trait tant aux caractéristiques organiques, qu’à la procédure constituante elle-même et permettre de faciliter le processus décisionnel, qui demeure la principale difficulté d’une transition multilatérale. L’objet n’est pas ici de dresser une liste exhaustive des diverses mesures existantes ou possibles, mais bien plutôt de montrer, au travers d’exemples choisis, leur influence sur le déroulement de la transition constitutionnelle.

Le premier type de mesures a trait au choix de la structure au sein de laquelle vont être prises les décisions afférentes au processus constituant. La mise en place d’un cercle unique, ou tout du moins central, au sein duquel l’ensemble des acteurs sont réunis pour prendre les principales décisions apparaît à cet égard nécessaire. Les exemples russe ou ukrainien attestent a contrario de la difficulté de parvenir à un accord lorsque plusieurs institutions sont impliquées dans le processus décisionnel. Se pose alors la question du mode de composition de ce cercle. Le choix de l’élection, le plus démocratique, n’est paradoxalement pas le plus approprié, car, comme le montre la transition égyptienne, il n’est pas le mieux à même de garantir le multilatéralisme. Dès lors, la formation d’un organe composé de membres désignés en raison de leur représentativité apparaît être la solution la plus efficiente. Dans cette hypothèse, la crédibilité de sa composition repose alors non sur sa validation populaire, mais sur l’accord de membres reconnus de l’opposition de l’intégrer. La réussite des transitions menées dans le cadre des tables rondes Est-européennes ou en Afrique du Sud illustre l’efficacité de cette méthode.

Les tables rondes organisées en Europe de l’Est sont en effet des exemples typiques de ce genre d’organes. La table ronde polonaise comprenait ainsi 20 membres de l’opposition (dont 6 de Solidarnosc), 14 de la coalition gouvernementale, 6 du syndicat officiel OPZZ, 14 indépendants(30) et deux représentants de l’Église catholique(31). Confirmant également leur caractère effectivement multilatéral, François Frison-Roche écrivit au sujet de la table ronde bulgare, qu’elle permit « une négociation entre deux partenaires identifiés et légitimes et pas seulement une discussion octroyée entre un pouvoir établi, donc légitime, et un mouvement d’opposition anticommuniste, donc factieux »(32).

Le choix de l’organe de décision fut similaire en Afrique du Sud. La nécessité, non exempte de stratégie, d’une méthode constituante multilatérale avait d’ailleurs été énoncée par le président de Klerk dès l’amorce du processus. Il avait ainsi affirmé : « La négociation d’une nouvelle Constitution doit être la responsabilité des représentants de tous les partis politiques qui bénéficient d’un soutien populaire avéré et qui se sont engagés dans la recherche d’une solution pacifique et négociée »(33). Or, au regard de la démographie sud-africaine et des profondes césures sociales causées par le régime d’apartheid, l’élection d’une assemblée constituante aurait très probablement conduit à une victoire écrasante de l’ANC(34). Cette absence de multilatéralisme aurait comporté un risque fort de rejet de la transition par la population blanche, susceptible d’empêcher la construction d’une Démocratie politique et sociale véritable. Les premières négociations eurent donc lieu au sein d’un organe composé de représentants non élus : la CODESA(35), qui réunissait dix-huit organisations – le Gouvernement, les administrations des dix bantoustans et sept partis politiques dont naturellement le Parti national, l’ANC et l’Inkhata(36) – plus tard rejointes par certains partis politiques, notamment d’extrême droite, qui avaient à l’origine refusé d’y participer.

Ce type d’organes présente l’avantage de réunir, autour de la table, l’ensemble des acteurs de la transition, mais ne suffit pas à garantir l’effectivité et le maintien du multilatéralisme. Ces derniers sont en effet également conditionnés par le choix d’un mode d’arrêt des décisions induisant des solutions intégratives. Cette exigence explique très certainement que ces organes aient généralement une nature strictement politique. L’absence de compétence normative contribue en effet à ce que les décisions soient arrêtées en leur sein, non par l’expression d’un accord majoritaire, mais par un compromis matérialisé sous la forme de l’unanimité ou du consensus. Issues de discussions politiques, ces décisions conservent donc une portée purement politique, jusqu’à ce qu’elles aient été converties en normes par les institutions compétentes. En Afrique du Sud, c’est ainsi par exemple le Parlement de l’apartheid, qui entérina la Constitution intérimaire négociée au sein de la CODESA puis au cours du processus des négociations multipartites, dites de Kempton Park(37).

Comme son nom l’indique, la Conférence nationale souveraine béninoise présente à cet égard une originalité. Tout en étant composée de représentants des forces vives de la Nation non élus, elle est en effet à la fois politique et constituante. Sa compétence normative peut sembler contradictoire avec son mode de composition, mais présente l’avantage de la rationalité. Contrairement aux organes purement politiques, ses décisions sont en effet exécutoires sans la médiation d’une ou plusieurs institutions dont le concours pourrait s’avérer aléatoire. Elle a en outre une conséquence unique, car l’institutionnalisation de la Conférence nationale, par l’auto-proclamation de sa souveraineté, conduit à l’institutionnalisation de son multilatéralisme. Ce dernier se voit en effet confirmé et conforté par la structure dont se sont dotés les délégués, qui ont notamment inscrit, dans le règlement intérieur de la Conférence nationale, le consensus de l’assemblée plénière comme mode d’arrêt de leurs décisions.

Au travers de l’organisation de ses travaux, la CNS du Bénin a en outre favorisé la réussite du processus constituant en se dotant de structures facilitant la négociation des solutions intégratives. Elle a par exemple élu, parmi ses membres, un président, Mgr. Isidore de Souza, dont l’habileté dans la direction des travaux s’est par la suite révélée décisive. Elle a également créé en son sein des commissions préparatoires, permettant que les décisions soient pré-négociées en comités restreints avant d’être présentées en assemblée plénière, ce qui permit de raccourcir et de simplifier les débats.

À côté de ces aménagements organiques, les mesures de la Conférence nationale du Bénin illustrent également les dispositions procédurales qui peuvent être prises pour permettre la réussite d’une transition constitutionnelle multilatérale. Ainsi, elle autolimita par exemple les effets de sa déclaration de souveraineté, tout en l’affirmant pleine afin d’asseoir sa place dans le processus et d’éviter qu’il ne soit détourné par le camp présidentiel. Nombre des actes qu’elle adopta – et qui étaient donc supposés pleinement exécutoires – furent ainsi intégralement repris dans des décrets pris par le Président, sans qu’elle ne s’y oppose. Ce curieux dédoublement des sources juridiques n’affecta pas la correcte application des décisions prises et, au contraire, collabora certainement à la rendre possible en permettant un compromis entre les acteurs.

L’exemple le plus symbolique d’ajustement de la procédure constituante aux nécessités de la transition constitutionnelle multilatérale demeure toutefois l’Afrique du Sud. Elle fut en effet aménagée afin que le pacte constituant et constitutionnel soit négocié par l’ensemble des acteurs à un moment d’équilibre de leurs relations et soit figé avant que cet équilibre ne soit altéré. Cette technique audacieuse présentait de surcroît l’avantage de faire suivre la première phase très inclusive de négociations, d’une seconde, plus démocratique, conduite par une assemblée élue(38).

Le pacte constituant et constitutionnel fut ainsi négocié dans le cadre de la CODESA, puis lors des négociations multipartites. Il permit de fixer, multilatéralement, les règles qui innerveraient les phases de transformation et de consolidation de la transition constitutionnelle. Il comprenait, d’une part, le contenu de la Constitution intérimaire, dont certaines dispositions étaient destinées à garantir un multilatéralisme minimal au cours de la deuxième phase(39). Il incluait, d’autre part, une liste de 34 principes constitutionnels, à respecter lors de la rédaction de la Constitution post-transitionnelle et ce, sous le contrôle de la Cour constitutionnelle, en vertu d’une procédure inscrite dans le texte transitoire. Le consensus initial étant ainsi préservé, une seconde phase, plus démocratique, pouvait s’ouvrir sans encourir les risques attachés aux processus unilatéraux. Elle fut menée par une assemblée, à la fois constituante et législative, composée de représentants élus entre le 26 et le 28 avril 1994. Cette transition constitutionnelle menée en deux étapes permit l’adoption d’une Constitution, entrée en vigueur le 4 février 1997, qui, en dépit d’inévitables imperfections, a permis le développement et la consolidation de la démocratie politique en Afrique du Sud(40).

Les mesures et innovations d’ingénierie constitutionnelle permettant d’accompagner un processus constituant multilatéral paraissent donc avoir une influence certaine sur sa réussite. L’hétérogénéité des résultats obtenus dans les pays ayant organisé une Conférence nationale souveraine invite cependant à la circonspection. Si la transition constitutionnelle béninoise est en effet fréquemment présentée comme un modèle du genre, tous les autres processus(41) menés selon une méthode apparemment similaire ont en revanche échoué, parfois d’ailleurs dramatiquement. Ces échecs sont d’autant plus troublants qu’ils sont eux-mêmes très contrastés. Ainsi, au Zaïre, le processus constituant ne put aboutir, alors qu’une Constitution nouvelle était adoptée dans tous les autres pays. Au Togo et au Tchad, la transition ne se traduisit par aucune alternance au pouvoir, tandis qu’au contraire, au Congo et au Niger, les élections organisées à l’issue du processus constituant permirent un renouvellement, notamment caractérisé par la désignation d’un nouveau Président. Pourtant, la consolidation échoua également dans ces deux derniers pays, le régime étant finalement renversé par un coup d’État s’inscrivant, pour le premier, dans le contexte d’une guerre civile, et, pour le second, dans celui d’une profonde crise constitutionnelle. Or, si une observation plus minutieuse des transitions constitutionnelles menées dans ces six pays montre certes des différences dans leur structuration, elles ne sauraient, eu égard à leur nombre et leur importance, expliquer à elles seules la disparité des résultats obtenus. Ces derniers semblent donc bien plutôt révélateurs de l’influence profonde de facteurs externes à l’organisation proprement dite du processus constituant.

Dès lors, l’apport que peut représenter cette organisation dans la réussite d’une transition constitutionnelle multilatérale ne doit pas oblitérer l’exigence – majeure – de sa parfaite adéquation au contexte du processus qu’elle a vocation à servir. Ainsi, la méthode construite avec pertinence au Bénin ne s’avèrera pas nécessairement efficace transposée sur un autre terrain. De même, l’identification de techniques constitutionnelles judicieuses ne doit pas conduire les juristes à sous-estimer le rôle – primordial – des acteurs, leur coopération, qu’elle soit idéologique ou stratégique, demeurant la clé de voûte de toute transition constitutionnelle multilatérale.

(1) Lauréate du prix Louis Favoreu récompensant la meilleure contribution présentée au 9e Congrès français de droit constitutionnel, Lyon, 26, 27 et 28 juin 2014.

(2) Selon l’objet du droit constitutionnel, tel que défini par le Doyen Favoreu : Louis Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », in RFDC, 1990, p. 73-77.

(3) Sur les effets, y compris ambigus, de la constitutionnalisation, voir notamment Georges Vedel, « La Constitution comme garantie des droits, le droit naturel », in Lucien Jaume et Michel Troper (Dir.), 1789 et l’invention de la Constitution, LGDJ – Bruylant, 1994, p. 205-215.

(4) Selon l’expression utilisée par Georges Liet-Veaux pour désigner « l’abrogation expresse ou tacite, totale ou partielle d’une Constitution avec violation immédiate ou différée des règles prévues à cet effet » : Georges Liet-Veaux, La continuité du Droit interne – Essai d’une Théorie Juridique des Révolutions, Sirey, 1943, p. 46.

(5) Dans cette communication, la question de la détermination des acteurs devant participer à la transition n’est pas abordée. Elle mériterait une analyse qui lui soit entièrement consacrée. L’expression « l’ensemble des acteurs de la transition » a donc vocation à désigner l’ensemble des acteurs qui devraient être appelés à y participer en raison de leur force politique ou sociale au sein de la société en transition.

(6) L’objet de ces élections peut se borner à la désignation des membres d’une assemblée constituante ad hoc ou, au contraire, avoir une portée plus large, c’est-à-dire tendre à la désignation d’institutions transitoires – Parlement de transition, voire Exécutif de transition – dont les compétences ne sont pas exclusivement constituantes.

(7) Les élections furent notamment organisées selon les modalités fixées par la Déclaration constitutionnelle du CSFA du 30 mars 2011.

(8) Le processus électoral se déroula du 28 novembre 2011 au 10 janvier 2012. Conformément au code électoral du 30 mai 2011, deux tiers des membres de l’Assemblée du Peuple devaient être élus à la majorité simple et un tiers à la représentation proportionnelle. Sur 508 sièges, les résultats furent pour les principaux partis politiques : PLJ : 222, Parti Al Nour : 112, Néo-Wafd (national-libéralisme) : 39, Parti égyptien social-démocrate : 16 et Parti des Égyptiens libres : 15.

(9) Cette contestation porta par exemple sur la Déclaration constitutionnelle du 22 novembre 2012, par laquelle le Président Morsi entendait empêcher tout contrôle juridictionnel de ses décisions jusqu’à l’élection d’un nouveau Parlement.

(10) Elle faisait suite à une première allocution télévisée du 1er juillet, par laquelle le Général Abdel Fatah Al-Sissi avait annoncé que l’armée accordait un délai de quarante-huit heures aux responsables politiques pour « satisfaire les demandes du Peuple ». L’armée revenait ainsi au centre de la vie politique.

(11) Selon l’expression choisie par Stéphane Bolle pour désigner les décisions prises par la Conférence nationale souveraine du Bénin concernant la Constitution post-transitionnelle. Stéphane Bolle, Le nouveau régime constitutionnel du Bénin – Essai sur la construction d’une démocratie africaine par la Constitution, Thèse de doctorat soutenue le 13 octobre 1997, ANRT, Tome I, p. 135.

(12) Gauthier de Villers, Zaïre, la transition manquée – 1990-1997, Cahiers africains, L’Harmattan, 1997, n° 27-29, p. 123-124.

(13) Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre.

(14) Sur le déroulement du processus constituant en Russie et ses incidences, voir, notamment, Jean-Pierre Massias, Droit constitutionnel des États d’Europe de l’Est, PUF, collection Droit fondamental, 1999, p. 258-291.

(15) Jean-Pierre Massias, Droit constitutionnel des États d’Europe de l’Est, PUF, collection Droit fondamental, 1999, p. 291-350.

(16) Pour cette dénomination et le contenu de la « convention », voir Jean-Pierre Massias, Droit constitutionnel des États d’Europe de l’Est, PUF, collection Droit fondamental, 1999, p. 452-454.

(17) L’article 61 de la Convention constitutionnelle dispose par exemple que l’organisation de tout référendum ne portant pas sur l’adoption de la nouvelle Constitution doit être autorisée par les deux parties.

(18) Voir, notamment, Andrew Wilson, « Ukraine, two presidents and their powers », in Ray Taras, Postcommunist presidents, Cambridge university press, 1997, p. 85-86.

(19) Sur la Constitution postsoviétique ukrainienne, voir Jean-Pierre Massias, Droit constitutionnel des États d’Europe de l’Est, PUF, collection Droit fondamental, 1999, p. 456-477.

(20) Hubert Touzard, « “Consultation, concertation, négociation” – Une courte note théorique », in Négociations, 2006/1, n° 5, p. 72-73.

(21) Erhard Friedberg, « Pouvoir et négociation », in Négociations, 2009/2, n° 12, p. 20.

(22) Hubert Touzard, « “Consultation, concertation, négociation” – Une courte note théorique », in Négociations, 2006/1, n° 5, p. 72-73.

(23) Christian Thuderoz, « Identités, reconnaissance et négociations : quelques coordonnées pour des débats majeurs en théorie de la négociation », in Négociations, 2007/2, n° 8, p. 8.

(24) Lavinia Hall et Charles Heckscher, « Avant les intérêts : la reconstruction identitaire. Quelques remarques à propos des négociations entre dominants et dominés », in Négociations, 2007/2, n° 8, p. 12.

(25) Lavinia Hall et Charles Heckscher, « Avant les intérêts : la reconstruction identitaire. Quelques remarques à propos des négociations entre dominants et dominés », in Négociations, 2007/2, n° 8, p. 12.

(26) Johan Galtung, « Violence, Peace and Peace Research », in Journal of Peace Research, vol. 6, n° 3, 1969, p. 170-171.

(27) Johan Galtung, « Cultural Violence », in Journal of Peace Research, vol. 27, n° 3, août 1990, p. 291.

(28) Sur les concepts de paix positive et négative développés par cet auteur, voir, par exemple, Johan Galtung, Peace by peaceful meansPeace and Conflict, Developments and Civilization, SAGE Publications Ltd, 1996, p. 31-32.

(29) Erhard Friedberg, « Pouvoir et négociation », in Négociations, 2009/2, n° 12, p. 18.

(30) Dont cinq furent désignés par le Comité civique, créé dans la clandestinité par Lech Walesa et rassemblant l’ensemble des acteurs favorables au dialogue.

(31) David Zdrojewski, « La Table Ronde polonaise, un modèle ? », in Est Europa, Numéro spécial, 2011, p. 43.

(32) François Frison-Roche, « L’émergence du constitutionnalisme en Bulgarie », in Mélanges Conac, Economica, 2001, p. 425.

(33) Extrait du Discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de la troisième session parlementaire de la neuvième législature, Le Cap, 1er février 1991, cité par Cécile Salcedo, La transition démocratique sud-africaine : essai sur l’émergence d’un droit public de la reconstruction de l’État, Fondation Varenne, collection de thèses, 2011, p. 39.

(34) ANC : African National Congress, parti politique sud-africain, membre de l’Internationale socialiste. Créé en 1912, ce parti prônait l’Égalité et, ce faisant défendait les intérêts de la population noire d’Afrique du Sud. Il fut interdit par le régime d’apartheid le 30 mars 1960 et s’engagea dans la lutte armée en 1961. L’ANC fut à nouveau légalisé en mars 1990 et Nelson Mandela en fut élu Président en 1991.

(35) CODESA : Convention for a Democratic South Africa.

(36) L’Inkhata Freedom Party est un parti politique dominé par les Zoulous, connaissant de fortes dissensions avec l’ANC remontant à plusieurs années avant le début de la transition.

(37) Multi-party Negociating ProcessMPNP.

(38) Sur le séquençage du processus constituant en Afrique du Sud, voir, par exemple, Cécile Salcedo, La transition démocratique sud-africaine, Fondation Varenne, collection de thèses, 2011, p. 31-63.

(39) Ainsi, par exemple, le point 88 de la Constitution intérimaire garantissait la formation d’un Gouvernement d’union nationale en disposant que tout parti ayant obtenu au moins 20 sièges à l’Assemblée nationale devait obtenir, s’il souhaitait participer au Cabinet, un nombre de portefeuilles ministériels proportionnel au nombre de sièges de députés remportés : « A party holding at least 20 seats in the National Assembly and which has decided to participate in the government of national unity, shall be entitled to be allocated one or more of the Cabinet portfolios in respect of which Ministers referred to in subsection (1) are to be appointed, in proportion to the number of seats held by it in the National Assembly relative to the number of seats held by the other participating parties », http://www.constitutionalcourt.org.za/site/theconstitution/history.htm#1993.

(40) Voir, notamment, Xavier Philippe, « La démocratie sud-africaine, un modèle ? », in Pouvoirs, avril 2009, n° 129, p. 157-168.

(41) Suite à la transition béninoise, une Conférence nationale, qui se proclama souveraine, fut organisée au Congo par Denis Sassou-Nguesso (du 25 février au 10 juin 1991), au Togo par Gnassingbé Eyadéma (du 8 juillet au 28 août 1991), au Niger par Ali Saïbou (du 29 juillet au 3 novembre 1991), au Zaïre par Mobutu (du 7 août 1991 au 6 décembre 1992) et au Tchad par Idriss Déby (du 15 janvier au 7 avril 1994).