Page

L'applicabilité de la Convention européenne des droits de l'homme au contentieux des élections parlementaires : les enseignements de l'arrêt Pierre Bloch

Jean-François FLAUSS - Professeur des Facultés de droit

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 4 - avril 1998

SUMMARY

The applicability of the European Convention on Human Rights to electoral matters : about the « Pierre Bloch decision »

The constitutional matters are presently not covered by any immunity before the European Commission of Human Rights as well as the European Court of Human Rights.

However, the European Court does not have absolute jurisdiction concerning these matters and indeed can not review constitutional matters as a national constitutional court can.

Electoral matters illustrate this idea : either some of the elections are not reviewed by the European Court of Human Rights, or some matters linked to parliamentarian elections, which could be reviewed by the European Court, stay beyond the scope of the Conventional guarantees.

Nevertheless, procedural guarantees exist, enshrined in various provisions of the European Convention on Human Rights or its Protocols.


La Convention européenne des droits de l'homme contribue sans conteste à l'enrichissement des droits constitutionnels nationaux. Corrélativement, ces derniers subissent de plus en plus l'épreuve de la jurisprudence des instances européennes de contrôle. En effet, le contentieux européen des droits de l'homme est resté indifférent à l'idée d'une « exception constitutionnelle » : le contrôle de conventionnalité des normes constitutionnelles et des activités des institutions constitutionnelles, bien que revêtant selon le cas une forme plus ou moins directe et une intensité plus ou moins marquée, n'est plus susceptible désormais d'être réduit à un simple épiphénomène.

Il va sans dire que l'emprise croissante de la jurisprudence de la Cour et de la Commission européennes des droits de l'homme sur les matières dites constitutionnelles est fondamentalement liée à l'élargissement du champ d'application de la Convention au droit constitutionnel institutionnel et procédural. Au-delà de la clause « constitutionnelle » (ou « politique ») de l'article 3 du protocole additionnel, et partant de la sphère du droit électoral, la Convention s'applique dorénavant à toute une série d'autres chapitres du droit constitutionnel, tels la justice politique ou/et parlementaire, le contentieux constitutionnel, le régime des partis politiques.

Dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour européenne a d'ailleurs eu l'occasion de prendre très clairement position sur le principe de la pleine soumission du droit constitutionnel au jeu de la Convention : celui-ci ne profite intrinsèquement d'aucune immunité devant les organes de contrôle.

Dans le cadre d'un contentieux portant sur la conventionnalité, au regard en particulier des articles 11 et 10 de la Convention, de la dissolution d'un parti politique par la Cour constitutionnelle de Turquie, le gouvernement défendeur avait, ex abrupto, avancé la doctrine de l'« exception constitutionnelle » : à aucun moment, les Etats parties n'auraient entendu soumettre au contrôle des organes de Strasbourg leurs institutions constitutionnelles, et notamment les principes qu'ils considèrent comme des conditions essentielles de leur existence. En d'autres termes, la Cour européenne ne pourrait, en aucun cas, devenir juge du « noyau dur » de la souveraineté constitutionnelle d'un Etat.

De façon plus circonstanciée, le gouvernement défendeur faisait aussi valoir, qu'à l'exception de l'article 3 du protocole additionnel, aucune disposition de la Convention ne se référait aux institutions constitutionnelles des Etats. Partant, il revendiquait qu'une distinction soit établie entre le droit constitutionnel des droits fondamentaux et le droit constitutionnel institutionnel : le second à la différence du premier n'étant pas assujetti au jeu de la CEDH.

En s'appuyant sur l'article 1er de la Convention, la Cour délivre une réponse péremptoire. " ... (La Convention) ne fait aucune distinction quant au type de normes ou de mesures en cause et ne soustrait aucune partie de la « juridiction » des Etats membres à l'empire de la Convention. C'est donc par l'ensemble de leur « juridiction » laquelle, souvent, s'exerce d'abord à travers la Constitution, que lesdits Etats répondent de leur respect de la Convention ... Aussi l'organisation institutionnelle et politique de Etats membres doit-elle respecter les droits et principes inscrits dans la Convention. Il importe peu, à cet égard, que se trouvent en cause des dispositions constitutionnelles ... ou simplement législatives ... Du reste, il peut parfois s'avérer malaisé, voire artificiel, de vouloir distinguer, dans un litige porté devant la Cour, ce qui relève des structures institutionnelles d'un Etat de ce qui concerne les droits fondamentaux stricto sensu ... "

Envisagé au travers du prisme du droit international le plus classique, cette déclaration de principe n'a rien de révolutionnaire. Il n'empêche que sur le terrain des symboles, elle apparaît comme l'épilogue d'un débat, à tout le moins larvé, entretenu par certains Etats parties et une partie de la doctrine constitutionnaliste. Néanmoins, si la Cour consacre, sans le formuler expressément, le slogan « La CEDH au dessus de la Constitution », cela ne signifie aucunement qu'elle entende se livrer à une mise sous tutelle (voire à un asservissement) des constitutions nationales. Sans doute le spectre de la juridiction constitutionnelle européenne ne peut-il être totalement assimilé au monstre du Loch Ness : il n'en demeure pas moins qu'en l'état, la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas une Cour constitutionnelle.

- En toute occurrence, le contrôle européen dans le domaine des règles et pratiques constitutionnelles reste inégal et partiel.

La variabilité de l'intensité du contrôle exercé par le juge européen des droits de l'homme constitue une première manifestation tangible des limites de la soumission du droit constitutionnel à l'emprise de la CEDH. Certes, notamment lorsque la liberté d'expression est en cause, la « marge d'appréciation » reconnue aux Etats est étroitement circonscrite. Mais l'attitude des instances de contrôle est loin d'être défavorable à la liberté d'action des Etats, comme le prouve entre autres, la récente réaffirmation de l'ample marge d'appréciation dévolue aux Etats dans le cadre de la mise en oeuvre des droits politiques garantis par le protocole additionnel. Une autolimitation comparable est attestée par le traitement préférentiel accordé, semble t-il, aux juridictions constitutionnelles sur le terrain de l'application des exigences du procès équitable et à tout le moins s'agissant du respect de la condition du délai raisonnable : En effet, au-delà de toutes les considérations techniques avancées par la Cour, la véritable explication de l'attitude plus « compréhensive » manifestée est d'ordre politique : le juge constitutionnel n'est pas un juge comme les autres, il mérite certains égards ...

- La portée relative de l'assujettissement du droit constitutionnel au jeu de la CEDH tient aussi, et surtout, à ce que cette dernière n'est pas applicable à certaines « matières » constitutionnelles.

. Au premier chef, on relèvera les angles morts, bien connus, de l'article 3 du protocole additionnel : cette disposition n'est pas applicable aux sanctions de type référendaire et aux consultations électorales n'affectant pas un « corps législatif ».

Cette dernière notion a très récemment fait l'objet d'une interprétation « stricte » excluant définitivement, semble t-il, du champ d'application de l'article 3 du protocole additionnel des élections au Parlement européen.

Il est hautement symbolique que la Commission fonde cette solution sur une lecture littérale de la Convention éclairée par les travaux préparatoires. La déférence ainsi manifestée à l'égard de l'intention des Etats contractants est suffisamment rare pour ne pas être mis en exergue. Elle atteste clairement d'une volonté d'autolimitation du contrôle européen dans le domaine des droits politiques.

. Par ailleurs, il est acquis que le régime interne et disciplinaire des assemblées parlementaires est soustrait à l'emprise de l'article 6 de la Convention. Par le passé, la Commission avait déjà eu l'occasion d'affirmer que les sanctions politiques frappant un parlementaire, telle la privation du droit de siéger, ne relevaient pas du champ d'application de l'article 6. Dans l'arrêt Demicoli la Cour, en total accord avec la Commission, a très expressément réservé le droit des assemblées parlementaires de prendre des mesures disciplinaires ayant trait à leur organisation et à leur bon fonctionnement ... à l'abri des « ingérences » de la CEDH. Prise à la lettre, une telle immunité accordée aux affaires internes au Parlement, empêcherait une mise en cause sur le terrain de l'article 6 des sanctions pécuniaires susceptibles de frapper les parlementaires pour manquement aux devoirs de leur charge ... et alors même que seraient à l'évidence atteints des droits de nature patrimoniale, c'est-à-dire « civils ».

Les actes couverts par les immunités parlementaires échappent également à l'emprise de l'article 6(1) de la Convention. Toutefois, la Commission EDH semble désormais disposée à « entrer en matière », c'est-à-dire que l'éventuelle soustraction au jeu de l'article 6(1) des faits couverts par l'immunité parlementaire ne sera plus la conséquence d'une inapplicabilité de plein droit de cette disposition, mais le résultat d'un contrôle au fond concluant à la légitimité et la nécessité de ladite immunité.

Enfin, et peut être surtout, l'article 6(1) ne s'applique pas aux contentieux des élections parlementaires (et plus généralement à coup sûr aux élections politiques).

La saisine en 1994 de la Commission européenne des droits de l'homme par trois députés français déclarés inéligibles avait alimenté les spéculations sur les chances ou les risques de voir l'article 6(1) déclaré applicable au contentieux électoral traité par le Conseil constitutionnel. Bien que fort divisée, la Commission EDH avait conclu en faveur de l'inapplicabilité de l'article 6(1), tant au titre de la nature « civile » qu'au titre de la nature « pénale ».

Dans l'arrêt Pierre Bloch rendu le 21 octobre 1997, la Cour européenne s'est prononcée dans le même sens. Reste cependant à vérifier si la confirmation du non assujettissement du contentieux électoral aux exigences du droit à un procès équitable signifie ipso facto qu'aucune protection processuelle n'est invocable au titre de la CEDH.

I. - La confirmation de l'inapplicabilité de principe de l'article 6(1) de la Convention

Pour autant que les juridictions des Etats membres aient été amenées à statuer sur l'invocabilité des garanties du procès équitable dans le cadre du contentieux électoral politique, elles ont conclu, sans d'ailleurs distinguer entre les chefs de rattachement (civil ou pénal) à l'inapplicabilité de l'article 6(1) de la Convention.

De la sorte, les tribunaux nationaux n'ont fait que s'aligner sur la jurisprudence de la Commission EDH d'après laquelle les contestations électorales échappaient ratione materie au champ d'application de l'article 6.

Nonobstant ce double verrouillage, les justiciables ont persévéré. Il est vrai que l'évolution contemporaine de la jurisprudence de la Commission et de la Cour interprétant de plus en plus extensivement les notions de « droit civil » et d'« accusation pénale » leur fournissait des motifs d'espérer.

Ainsi, l'assujettissement de certains contentieux constitutionnels à l'article 6(1) au titre de la « matière civile », pouvait être compris comme un précédent, qui autoriserait, mutadis mutandis, une soumission, à tout le moins partielle, du contentieux électoral au respect du droit à un procès équitable. De même, et surtout, l'effet attractif prêté à la notion de patrimonialité, en tant que critère d'identification du « droit à caractère civil », pouvait légitimement être interprété comme constitutif d'un recul quasi généralisé des limites de l'inapplicabilité de l'article 6(1).

Des raisonnements comparables pouvaient d'ailleurs être tenus à partir des perspectives ouvertes par la « pénalisation » croissante affectant les sanctions administratives et fiscales.

Autant dire que l'éventuelle application des exigences du procès équitable au contentieux des élections politiques ne constituait plus une simple hypothèse d'école.

Pourtant, la solution consacrée par la Cour dans l'affaire Pierre Bloch ne doit pas surprendre. Elle est à la mesure des conséquences qu'aurait entraînées une option favorable à l'applicabilité de l'article 6(1).

A. Les enjeux de l'applicabilité de l'article 6(1) de la CEDH au contentieux des élections parlementaires

L'extension quasi-continue depuis plusieurs lustres du champ d'application des garanties du procès équitable a contribué à alimenter de façon très conséquente le rôle des organes de contrôle de la Convention. Il s'agit même de la première cause de la multiplication du nombre des requêtes.

Autant dire qu'un élargissement de l'applicabilité de l'article 6(1) au contentieux des élections politiques (nationales et locales) risquerait, avec désormais 40 Etats membres à la Convention, d'être à l'origine d'un nouvel afflux de contentieux.

Or, une telle éventualité hypothéquerait encore davantage les chances de réussite de la restructuration du système européen de contrôle opéré par le protocole n° 11, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er novembre 1998. A tout le moins, la durée des procédures devant la nouvelle Cour serait inévitablement affectée par la soumission du contentieux des élections politiques et sans doute à terme du contentieux des élections dites « administratives » au jeu de l'article 6(1) de la Convention, pour autant qu'il ne le soit déjà incidemment.

Certes, pareille considération tactique ou stratégique, reste par définition du domaine du « non dit », mais elle a très certainement pesé d'un poids non négligeable sur le choix fait par la Cour.

Cela étant, l'enjeu de l'applicabilité de l'article 6(1) portait surtout sur l'agencement des contentieux électoraux. Dans certains pays, il aurait fallu envisager un renforcement des garanties procédurales offertes aux parties à l'instance devant le juge national compétent en matière électorale. Dans d'autres pays, c'est une réforme structurelle qui s'imposait, à savoir la juridictionnalisation du contentieux électoral parlementaire.

1 °) Le renforcement éventuel des garanties procédurales préexistantes

Nombre d'Etats parties à la Convention ont confié le contentieux des élections parlementaires à une juridiction, soit « ordinaire », soit constitutionnelle. Or, il n'est pas acquis que les règles procédurales en vigueur devant les juridictions nationales répondent nécessairement et complètement aux exigences du procès équitable. L'incertitude est d'ailleurs aggravée par le fait que l'ampleur des garanties procédurales imposées par l'article 6(1) est pour partie tributaire du chef de rattachement du contentieux électoral audit article. En effet, l'idée selon laquelle les garanties accordées par l'article 6(1) ne sont pas totalement équivalentes dans les « procès civils » et les « procès pénaux » constitue une ligne directrice de la jurisprudence des organes de la Convention, même si elle n'a été expressément exprimée que tardivement.

L'exemple du contentieux électoral français est d'ailleurs tout à fait illustratif des risques d'inconventionnalité que pourrait engendrer l'applicabilité de l'article 6(1) de la Convention. Encore convient-il de noter que l'établissement des éventuels motifs d'incompatibilité exige des analyses circonstanciées dont l'issue demeure, le cas échéant, indécise.

- En premier lieu, la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel ne répond guère, de prime abord, au principe de publicité et d'oralité des débats, dès lors qu'elle n'organise ni la publicité des audiences, ni le prononcé public des décisions. « une telle procédure est injustifiable dans le contentieux électoral, où tout est question de fait et d'appréciation des comportements humains. Elle est d'autant plus indéfendable depuis la nouvelle législation sur les dépenses de campagne électorale, dès lors que des sanctions aussi graves que l'inéligibilité pour un an peuvent être prononcées contre un élu ».

Force est cependant de reconnaître que pour la Cour européenne des droits de l'homme, la publicité n'est pas un droit absolu, même devant une juridiction statuant en premier et dernier ressort : il convient de prendre en compte les circonstances de l'espèce. La jurisprudence européenne admet d'ailleurs la mise entre parenthèses de l'oralité des débats au nom de la spécificité du contentieux en cause. Resterait donc à savoir si le contentieux de l'élection des députés et sénateurs n'a qu'un caractère technique lorsqu'il porte sur un dépassement des dépenses électorales autorisées ...

Pour relativiser la règle de la publicité de l'instance, il serait aussi concevable d'invoquer l'exigence de célérité et de bonne administration à la justice. En effet, comme la sanction d'inéligibilité susceptible d'être prononcée par le Conseil constitutionnel court à compter de la date de l'élection contestée, il importe qu'elle soit sous peine d'inefficacité, édictée rapidement dès lors qu'elle est généralement prononcée pour une année.

- Une procédure politique de désignation des membres d'une juridiction n'est pas en tant que telle contraire à l'impératif d'indépendance organique. Partant, le mode de composition n'est guère sujet à caution sur le terrain de l'article 6(1) de a Convention.

De même, la nomination des membres d'un tribunal par le pouvoir exécutif ne suffit pas, en soi, à jeter un doute sur leur indépendance. La désignation par le Conseil lui-même, des rapporteurs adjoints issus du Conseil d'Etat et de la Cour de comptes, ne prête, elle non plus, guère à discussion.

Quant à l'indépendance fonctionnelle du Conseil constitutionnel, elle serait sérieusement discutable si les décisions adoptées par la Commission nationale des comptes de campagne s'imposaient au juge de l'élection. Or, tel n'est pas le cas. Et d'ailleurs, le Conseil constitutionnel a bien pris soin, au nom de la spécificité de la fonction exercée par le juge administratif et de son indépendance, d'assortir une réserve d'interprétation la disposition législative susceptible d'être comprise comme accordant une compétence préjudicielle décisoire à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Hypothétiques en ce qui concerne la méconnaissance de l'exigence d'indépendance, les risques d'inconventionnalité le sont tout autant pour ce qui est du respect de la condition d'impartialité ... et ce malgré l'importance presque démesurée accordée désormais par la jurisprudence de Strasbourg à la « théorie des apparences ». D'une part en effet, l'établissement de la partialité subjective pose de délicats problèmes de preuve, et suppose donc que l'animosité personnelle d'un membre du Conseil à l'égard de l'une des parties à l'instance électorale se soit manifestée publiquement. D'autre part, l'atteinte au principe de l'impartialité objective supposerait déjà qu'un membre de la formation de jugement (voire d'instruction) ait été, précédemment dans le cadre de l'exercice d'autres fonctions, amené à se prononcer sur les griefs débattus devant le juge de l'élection.

- Le standard de protection assuré par le droit de la Convention sur les terrains du respect de l'égalité des armes et du caractère contradictoire de l'instance n'est pas nécessairement supérieur à celui qu'offrent les règles de procédure applicables devant le Conseil constitutionnel statuant en matière électorale. On rappellera que le caractère équitable d'une procédure (« civile » en l'occurrence) n'est pas atteint, ni par l'obligation imposée à l'une des parties de consulter les pièces du dossier au greffe du tribunal, ni par le refus de communication d'une pièce à titre personnel.

Or, les parties à l'instance (et donc le parlementaire dont l'élection est contestée ou son avocat) ont, non seulement la faculté de déposer autant les mémoires et pièces qu'elles le souhaitent , mais encore et surtout elles disposent, pendant la durée de l'instruction, d'un droit d'accès à l'ensemble des pièces du dossier, y compris depuis 1973, aux observations produites par le ministre de l'Intérieur. Par ailleurs, les enquêtes et mesures d'instruction font l'objet de procès-verbaux communiqués aux parties qui disposent de trois mois, pour adresser au Conseil, par écrit leurs observations.

Enfin, depuis la modification du règlement intérieur du Conseil constitutionnel intervenue en 1995 , les parlementaires dont l'élection est contestée ont le droit d'être entendus sur leur demande.

En définitive, la conjugaison des diverses garanties processuelles susmentionnées offre au parlementaire défendeur une protection qui paraît même en accord avec les derniers développements de la jurisprudence de la Cour européenne consacrant une conception de plus en plus absolutiste de l'exigence du contradictoire .

2 °) - La nécessaire juridictionnalisation du contentieux électoral parlementaire

En cas d'applicabilité de l'article 6 (1) de la Convention au contentieux des élections politiques, le contentieux des élections au Parlement européen serait également susceptible d'être assujetti au respect des exigences du procès équitable, et ce nonobstant l'inapplicabilité à ces élections de l'article 3 du protocole additionnel.

Mais surtout l'option favorable à l'applicabilité de l'article 6 (1) sonnerait le glas de toute procédure de vérification des pouvoirs tenant lieu de contentieux des élections parlementaires ... sauf à imaginer la juridictionnalisation d'une telle procédure de contrôle devant les assemblées parlementaires.

Le nombre des Etats parties à la Convention, pratiquant à titre exclusif ou à titre alternatif un contrôle politique de la validité des élections parlementaires, est d'ailleurs loin d'être complètement négligeable.

Or, comme ce mode de contrôle électoral est généralement inscrit dans la Constitution, les pays concernés auraient à procéder à une révision constitutionnelle. De surcroît, celle-ci n'aurait pas simplement un caractère technique, elle affecterait assez largement l'identité constitutionnelle et politique de l'Etat.

Autant de considérations qui expliquent que la Cour européenne des droits de l'homme ait, en toute hypothèse, préféré laisser le contentieux électoral parlementaire hors du champ d'application de l'article 6 (1) de la Convention.

B. Le refus d'étendre le champ d'application de l'article 6(1) au contentieux des élections parlementaires

De prime abord, il serait tentant de mettre en exergue, l'illogisme de la position de la Cour européenne des droits de l'homme. Le contentieux électoral n'est-il pas un contentieux plus subjectif que celui du contrôle préjudiciel de la constitutionnalité des lois ? Et par suite ne conviendrait-il pas, sur le terrain de l'article 6, de faire coïncider les traitements accordés à la justice constitutionnelle et à la justice électorale ?

A vrai dire, la solution consacrée dans l'arrêt Pierre Bloch s'inscrit dans une double logique jurisprudentielle, qui à défaut d'avoir nécessairement force justificative, a pour le moins, valeur explicative.

En premier lieu, la Cour semble moins disposée que par le passé à sacrifier à une conception délibérément extensive des notions de « droit civil » et d' « accusation pénale » à tel point que son comportement est qualifié, en son sein même, de particulièrement frileux.

En second lieu, la Cour est certainement soucieuse de « coordonner » dans le domaine de l'exercice des droits politiques, les jurisprudences adoptées au titre de l'article 6 de la Convention et de l'article 3 du protocole additionnel. En clair, la Cour entend ne pas introduire une asymétrie dans la garantie des droits politiques : étroitement limitée sur le plan matériel dans le cadre de l'article 3 du protocole n° 1, celle-ci pourrait, en cas d'ouverture de l'article 6 au contentieux des élections parlementaires, profiter sur le terrain processuel, d'une protection substantielle.

A l'instar de la Commission, la Cour paraît se prononcer en faveur d'une inapplicabilité absolue de l'article 6(1) au contentieux des élections parlementaires. On doit cependant s'interroger sur les éventuelles limites qui seraient susceptibles de lui être opposées.

1 °) Les chefs d'inapplicabilité de l'article 6(1) au contentieux des élections parlementaires

a) L'inapplicabilité de l'article 6 au titre de la « matière civile »

Le droit de se porter candidat à une élection à l'Assemblée nationale et de conserver son mandat est " ... de caractère politique et non civil au sens de l'article 6(1), de sorte que les litiges relatifs à l'organisation de son exercice - tels que ceux portant sur l'obligation des candidats de limiter leurs dispenses électorales - sortent du champ d'application de cette disposition ".

En statuant de la sorte, la Cour retient une motivation tout aussi expéditive (voire même davantage) que celle adoptée précédemment par la Commission. Elle accorde par ailleurs un effet attractif à la notion de « droit politique » - et par suite, minimise l'aspect patrimonial de la procédure en cause. " ... l'impossibilité d'obtenir un remboursement de dépenses lorsqu'un dépassement du plafond est constaté et l'obligation de verser au Trésor une somme équivalente à celui-ci sont les corollaires de l'obligation de limiter les dépenses électorales : comme celle-ci, elles relèvent de l'organisation de l'exercice du droit litigieux ". Et la Cour d'ajouter une précision révélatrice d'une politique jurisprudentielle soucieuse dorénavant d'apporter un coup d'arrêt à une interprétation par trop extensive de la notion de « patrimonialité », en tant que critère d'identification de la matière « civile », " ... un contentieux n'acquiert pas une nature civile du seul fait qu'il soulève aussi une question d'ordre économique ".

Autant dire que les contestations intrinsèquement qualifiables de « civiles » perdent cette caractéristique dès lors qu'elles sont soulevées dans le cadre d'un contentieux portant sur l'exercice d'un droit politique. Le contentieux des élections parlementaires par nature, et en bloc, un contentieux non « civil » au sens de l'article 6(1) de la Convention.

b) L'inapplicabilité de l'article 6(1) au titre de la matière pénale

Pour démontrer que « l'infraction électorale », constituée par le dépassement du plafond autorisé de dépenses électorales, n'était pas assimilable à une sanction pénale au sens de l'article 6(1), la Cour fait application de la méthode du faisceau d'indices traditionnellement pratiquée. En l'occurrence, la discussion se ramenait au point de savoir si la nature et le degré de gravité des sanctions encourues imposait la « pénalisation » du contentieux en cause.

La première, à savoir l'inéligibilité, est considérée comme s'inscrivant directement dans le cadre des mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections législatives et partant, ne s'analyse pas comme une peine « accessoire » ou « complémentaire » s'ajoutant à une peine principale prononcée par une juridiction répressive. En outre, elle se présente en l'espèce comme une sanction d'importance limitée : réduite à un an, elle ne vaut que pour l'élection à l'Assemblée nationale.

En procédant, comme bien souvent, à un usage syncrétique des critères d'interprétation de la « matière pénale », la Cour laisse planer des doutes quant à la clarté, voire la cohérence du raisonnement qu'elle suit. On peut en effet se demander si toute inéligibilité, quelle que soit par ailleurs sa durée et son champ d'application, et donc sa gravité, échapperait à la qualification d'accusation pénale, dès lors qu'elle résulterait du prononcé par le juge électoral d'une démission d'office. De même, la distinction établie entre deux types d'inéligibilité, celles décidées par le juge électoral en application des règles électorales et celles édictées par le juge pénal, en tant que peine associée ou complémentaire, conduit à un dédoublement du champ d'application de l'article 6 dans le domaine des inéligibilités. Mais pour autant, faut-il considérer que « la Cour dit tout et son contraire » Une interrogation aussi fâcheuse aurait à l'évidence pu être prévenue, si à l'instar de la Commission, la Cour avait précisé que le fait générateur de l'inéligibilité (à savoir la démission d'office) ne pouvait aucunement être assimilée à une peine (pénale) principale.

Quant à la seconde sanction, l'obligation de versement au Trésor, la Cour la distingue à plusieurs titres d'une amende pénale. Elle n'est pas inscrite au casier judiciaire, elle n'est pas soumise au principe de non cumul des peines, son non paiement n'autorise pas le recours à la contrainte par corps. l'accumulation de cette série d'indices concordants explique certainement (mais n'excuse pas totalement) le peu d'attention prêté par la Cour au montant de l'amende infligée. En effet, comme le remarque le juge De Meyer dans son opinion dissidente : « On peut s'étonner de ce que, dans la présente affaire, on semble estimer qu'un montant de 59 572 francs français n'est pas assez important pour en faire une sanction relevant de la matière pénale au sens de l'article 6 § 1, alors qu'on a admis que 60 marks allemands suffisaient dans l'affaire Oztürk, 300 francs suisses dans l'affaire Weber et 250 livres maltaises dans l'affaire Demicoli ».

A vrai dire, la Cour, préoccupée avant tout de ne pas lézarder le bloc d'incompétence créé en matière de contentieux des élections politiques, prête un effet attractif à la notion de « mesures destinées à assurer le bon fonctionnement des élections législatives ». Dès lors que l'obligation de versement a été conçue comme un instrument au service de l'égalité des candidats, la Cour n'éprouve aucune hésitation à la dédouaner de toute connotation pénale.

Pareille démarche intriguera, voire décevra le lecteur fidèle admirateur de la « pénalisation » croissante du contentieux des sanctions administratives et fiscales. Mais force est de reconnaître que le raisonnement brutalement finaliste de la Cour devrait, à tout le moins, satisfaire tous ceux (de plus en plus nombreux) qui dénoncent l'influence pernicieuse de la jurisprudence européenne sur l'inéligibilité du droit national. Encore conviendrait-il dans cette perspective, que l'inapplicabilité de principe de l'article 6(1) ne comportât pas d'angles-morts.

2 °) Les limites de l'inapplicabilité de l'article 6(1) au contentieux des élections
parlementaires

a) Le « verrouillage » de l'article 6(1) comporterait-il des angles-morts ?

Si en l'espèce, la Cour EDH se livre à une utilisation plutôt « timorée » des paramètres d'identification de la « matière pénale », il serait néanmoins abusif d'estimer que toute sanction prononcée par le juge de l'élection sera de plein droit placée hors du champ d'application de l'article 6(1).

Est-il en particulier concevable qu'une inéligibilité qui aurait été prononcée pour plusieurs lustres afin de sanctionner des irrégularités tout à fait mineures doive être considérée comme échappant par nature à l'emprise de l'article 6(1) ? De même, est-il imaginable que toute contribution pécuniaire mise à charge d'un candidat ayant méconnu les règles de financement des campagnes électorales se voie, de plano, nonobstant son manque flagrant de proportionnalité, dénier la qualité de sanction « pénale » au sens de l'article 6(1) ?

Cela étant, il va de soi que le « verrouillage » de l'article 6(1) ne joue pas à l'encontre de procédures ou/et de sanctions dont le caractère pénal est pleinement reconnu. Mais encore convient-il que celles-ci ne soient pas considérées comme détachables du contentieux traité par le juge électoral.

b) Le « verrouillage » de l'article 6(1) est-il incontournable ?

Le libellé de la seconde phrase de l'article 14(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est identique à celui de la première phrase de l'article 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme.

Par suite est-il concevable que le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies saisi d'une communication individuelle dirigée contre un contentieux d'élections parlementaires (du type de celui en cause dans le cadre de l'affaire Pierre Bloch) se prononce en faveur de l'applicabilité, à un titre ou à un autre, de l'article 14(1) du Pacte ?

Pareille interrogation est loin d'être totalement saugrenue : elle peut se fonder sur un précédent illustratif des éventuelles divergences d'appréciation entre la Commission EDH et le Comité des droits de l'homme quant aux champs d'application respectifs de dispositions pourtant identiques en substance. Il s'agit en l'occurrence de l'espèce Casanovas c. France dans laquelle un litige disciplinaire de fonction publique a été considéré comme portant sur un « droit civil » au sens de l'article 14(1) du Pacte, alors même que précédemment la Commission EDH avait déclaré la requête irrecevable ratione materiae au motif qu'elle ne relevait pas de la « matière civile » au sens de l'article 6(1) de la CEDH.

Pour l'heure toutefois, la pratique du Comité des droits de l'homme des Nations-Unies ne fournit aucune indication précise dans le sens d'une éventuelle applicabilité de l'article 14(1) à des contestations afférentes à des élections politiques. Tout au plus peut-on noter que les procédures devant les juridictions constitutionnelles sont susceptibles de relever du champ d'application dudit article14(1).

II - La présence dans le cadre de la Convention de garanties processuelles de substitution ?

Si les justiciables s'ingénient avec autant d'acharnement à invoquer à leur profit les stipulations de l'article 6 (1) de la Convention, c'est tout simplement parce que les garanties du procès équitable leur offrent le standard procédural de protection le plus élevé.

Mais la recherche de garanties processuelles applicables au contentieux des élections parlementaires peut être envisagé au delà du cadre de l'article 6 (1). Dans cette perspective, deux directions doivent être explorées : la première a trait aux garanties de procédure qui seraient inhérentes aux exigences de l'article 3 du protocole additionnel ; la seconde, beaucoup plus hypothétique, concerne les exigences procédurales qui découleraient de l'article 13 de la Convention.

A. Des garanties processuelles inhérentes à l'article 3 du procotole additionnel ?

De manière de plus en plus visible, la jurisprudence de la Commission et de la Cour a été amenée à reconnaître que les atteintes portées à certains droits substantiels n'étaient légitimables que pour autant que le respect d'un minimum de garanties processuelles avait été assuré. Il reste cependant à déterminer si cette option jurisprudentielle est transposable au cas de l'article 3 du premier protocole.

1 °) L'état de la jurisprudence sur les garanties procesuelles inhérentes à la protection des droits substantiels.

Assimilée à une garantie cardinale dans le cadre du système européen de protection des droits de l'homme, le droit à un procès équitable a, plus ou moins subrepticement, débordé les limites du champ d'application de l'article 6 (1), pour devenir, dans une certaine mesure, une composante des droits substantiels protégés par la Convention. Telle est du moins ce qui ressort de l'examen de la jurisprudence récente intervenu dans le domaine des droits protégés par les articles 8 de la Convention et de l'article 1 du protocole additionnel. En l'occurrence, le contrôle de proportionnalité exercé par la Cour ou la Commission mesure la nécessité des ingérences à l'oeuvre des garanties procédurales offertes aux individus aux fins de défense des droits « matériels » qui leur sont reconnus par les articles susmentionnés.

En développant ce nouveau versant du contrôle de proportionnalité, le juge européen des droits de l'homme a souhaité tenir compte de ce que tous les droits « substantiels » protégés par la Convention n'entraient pas nécessairement dans le champ d'application de l'article 6 (1) et que par ailleurs la protection processuelle éventuellement ouverte au titre de l'article 13 s'avérait insuffisante. Il a également été sensible au fait que l'article 6 (1) n'ouvrait que des garanties juridictionnelles alors que celles susceptibles d'être offertes au titre de l'article 8 ou de l'article 1 du protocole additionnel pouvaient être non juridictionnelles. Contrairement au contrôle du respect de l'article 13 qui n'est que subsidiaire par rapport à celui exercé en vertu de l'article 6, le contrôle du respect des garanties procédurales inhérentes aux droits substantiels est pratiqué alors même qu'une violation au titre de l'article 6 a déjà été établie.

2 °) La consécration de garanties contentieuses inhérentes à l'article 3 du protocole additionnel ?

Les droits protégés par les articles 8 de la Convention et 1 du protocole additionnel ne sont sans doute pas les seuls à pouvoir donner naissance à des garanties processuelles. Une revendication comparable a été émise relativement à l'article 11. Elle pourrait être également envisagée à propos de l'article 3 du protocole n° 1. Mais il va de soi qu'elle présentera un intérêt proportionnel à l'ampleur et à l'intensité des exigences procédurales qui pourraient être considérées comme impliquées par la protection des droits de vote et d'éligibilité.

Or le niveau des garanties processuelles susceptible d'être imposé aux Etats dans le cadre du contrôle de « proportionnalité » des ingérences et tributaire de la marge d'appréciation reconnu aux Etats. En d'autres termes, plus ladite marge d'appréciation sera large, plus les protections procédurales invocables seront faibles ... et inversement.

Dans ces conditions, les garanties processuelles susceptibles d'être fondées sur l'article 3 du protocole n° 1 ne seront pas, en bonne logique, des plus conséquentes. En effet, contrairement à la Commission européenne des droits de l'homme, qui s'était prononcée en faveur d'un contrôle européen plus strict, réducteur de la marge d'appréciation des Etats, la Cour européenne des droits de l'homme est demeurée attachée à un contrôle minimum, circonscrit à la censure de l'arbitraire et du déraisonnable.

Faut-il en conclure pour autant que les contentieux électoraux nationaux sont structurellement et procéduralement à l'abri de toute « censure » fondée sur les dispositions de l'article 3 du protocole additionnel ? Très largement certainement, mais sans doute pas totalement : il convient à tout le moins de réserver l'hypothèse du déni de justice flagrant.

B. Des garanties processuelles applicables au titre de l'article 13 ?

En l'état actuel de la jurisprudence de la Cour et de la Commission, l'identification précise des exigences procédurales applicables au titre de l'article 13 dans le cadre du contentieux des élections parlementaires s'apparente à un exercice relativement aléatoire.

Il l'est d'autant plus que, prima facie, le « droit à un recours effectif » apparaît comme une disposition qui n'est pas applicable au contentieux des élections politiques.

1 °) Les perspectives ouvertes par une éventuelle applicabilité de l'article 13.

Dans la mesure où l'article 13 de la Convention ne va pas jusqu'à exiger une voie de recours permettant de contester devant une autorité nationale la législation d'un Etat contractant, comme contraire, en tant que telle, à la Convention et a fortiori de mettre en cause une disposition de la Constitution, les justiciables ne peuvent arguer du « droit à un recours effectif » pour dénoncer les textes législatifs ou constitutionnels organisant le contentieux électoral. Mais il n'est pas acquis d'avance qu'une telle immunité s'étende au règlement de procédure applicable devant le juge électoral.

Par ailleurs, il est constant que l'article 13 de la Convention ne peut-être interprété comme obligeant les Etats à créer des organes de contrôle du pouvoir judiciaire. Partant, la contestation des décisions rendues en matière électorale, par une Cour constitutionnelle ou une Cour suprême, constitue une revendication vouée à l'échec, et ce d'autant plus que la jurisprudence européenne a admis que l'article 13 subissait une limitation implicite lorsque était allégué une violation des droits reconnus par la Convention par la plus haute juridiction de l'ordre interne.

Néanmoins, l'existence d'une telle « limitation implicite » ne peut-être comprise, sauf à priver les garanties découlant de l'article 13 de toute effectivité, comme une cause absolutoire de toutes les insuffisances qui affecteraient une procédure de contrôle de la validité des élections parlementaires. Toujours est-il qu'en l'absence d'une revalorisation du standard procédural offert par l'article 13 , la teneur et l'intensité des garanties invocables se situeront bien en-deça de celles imposées au titre du droit à un procès équitable. C'est ainsi que la non publicité d'une procédure n'est pas une circonstance qui à elle seule pourrait conduire à un constat de violation de l'article 13. De même, la « théorie des apparences » désormais au coeur du dispositif de l'article 6 (1), n'a qu'une portée très atténuée dans le cadre de l'article 13.

Dans ces conditions, il est compréhensible que l'attention prêtée aux incidences concevables du « droit à un recours effectif » sur les contentieux électoraux ait été toute marginale.

2 °) La justification d'une possible applicabilité de l'article 13.

Si le contentieux électoral parlementaire échappe à l'emprise de l'article 6 (1) de la CEDH, cela ne signifie pas qu'il soit aussi, ipso facto et complètement placé hors du champ d'application de l'article 13.

Sans doute ne convient-il ni de sous estimer, ni à fortiori de méconnaître le principe traditionnel selon lequel « l'article 13 n'est pas applicable lorsque la violation alléguée consiste dans un acte judiciaire », mais seulement de mieux en circonscrire sa portée. En l'occurrence l'inapplicabilité de l'article 13 concerne le contenu de l'acte judiciaire et non le déroulement de la procédure qui a conduit à son adoption. Dans le cas contraire, cela signifierait que des restrictions apportées à l'électorat ou à l'éligibilité par voie judiciaire seraient soustraites au respect de toute exigence procédurale ...

En toute hypothèse, il ne semble pas que ce scénario « catastrophe » corresponde à l'état du droit positif. A tout le moins, une invocation combinée de l'article 13 et de l'article 3 du protocole additionnel peut être valablement envisagée. Il est cependant fort probable que les cas dans lesquels l'applicabilité de l'article 13 sera reconnue demeureront l'exception.