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Editorial de M. le Président Jean-Louis Debré

Jean-Louis DEBRÉ

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 23 - février 2008

Créé par la Constitution du 4 octobre 1958, le Conseil constitutionnel aura bientôt cinquante ans. Il avait été initialement conçu comme l'un des instruments du parlementarisme rationalisé principalement chargé de faire respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement et de traiter le contentieux des élections législatives et sénatoriales. L'ambition initiale n'était pas de mettre d'abord en place ce qu'est progressivement devenu le Conseil constitutionnel, c'est-à-dire un gardien de la Constitution et des libertés fondamentales. Cette évolution s'est produite par étapes marquées notamment par le contrôle substantiel des lois depuis 1971 et l'élargissement de la saisine à soixante députés ou soixante sénateurs en 1974. Aujourd'hui, le Conseil constitutionnel est devenu un acteur fondamental du respect de l'État de droit dans notre pays.

Ce progrès décisif, au service du droit et des libertés, est souvent ignoré. Le Conseil constitutionnel demeure mal connu de nos concitoyens. Ceux-ci perçoivent son rôle à travers la médiatisation donnée chaque année à telle ou telle de ses décisions. Pour autant il leur est souvent difficile de situer le juge constitutionnel au sein du système institutionnel et juridique français.

La nature particulière du Conseil constitutionnel renforce cette appréhension difficile de l'institution. Celle-ci est saisie d'une loi entre son adoption définitive par le Parlement et sa promulgation par le président de la République. Elle est ainsi intégrée comme gardien de la Constitution, au processus législatif. En outre elle est juge électoral, notamment juge de l'élection des députés et des sénateurs. Elle rend des décisions s'imposant à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Ces rôles différents et complémentaires sont souvent ignorés. La relative jeunesse du Conseil renforce ce trait alors que nombre de Cours suprêmes étrangères sont beaucoup plus anciennes.

Tous ces facteurs imposent que le Conseil constitutionnel mène des actions renouvelées pour mieux se faire connaître et mieux faire connaître sa jurisprudence. Diverses initiatives peuvent participer de cet objectif. Il en va ainsi de l'organisation ou de la participation à des colloques, du renouvellement des méthodes de travail, du dynamisme du site Internet, des échanges avec les deux ordres de juridictions, avec les universités, les professeurs, les étudiants.

Dans cette ouverture du Conseil sur l'extérieur, les Cahiers du Conseil constitutionnel tiennent une place particulière. Ils ont été créés en 1996 par mon prédécesseur, le président Roland Dumas. Celui-ci voulait déjà « mieux faire connaître l'institution, dans la diversité concrète des ses activités, la rendre plus transparente dans son organisation et son fonctionnement ». La recherche de cet objectif est plus que jamais actuelle pour les années à venir.

Dans cette perspective, les Cahiers du Conseil constitutionnel garderont leur spécificité tout en évoluant pour mieux informer ses lecteurs. D'une part, seront bien sûr conservées les analyses des décisions du semestre écoulé. Celles-ci en constituent un élément central d'accompagnement. D'autre part, l'activité internationale du Conseil, qui est très importante, doit être reflétée par les Cahiers. Ceux-ci dépasseront à l'avenir l'horizon européen pour rendre compte de la diversité des contacts internationaux. Pour ne donner l'exemple que des semaines écoulées, elles m'ont permis de rencontrer des homologues des Cours danoise, indienne ou américaine. C'était même la première visite officielle d'un « Chief Justice » en France depuis deux siècles. À chaque fois, nous partageons l'essentiel relatif à l'objet de notre mission et nous nous distinguons sur les méthodes et les procédures. Les Cahiers rendront compte de cette variété stimulante. Notre prochain numéro nous permettra ainsi de mieux connaître la Cour suprême du Canada.

Les Cahiers poursuivront également leurs échanges avec l'Université. La rubrique « Études et doctrine » permet au Conseil de s'enrichir de réflexions extérieures. Pour approfondir encore cette voie fructueuse, un comité de rédaction sera mis en place pour associer des membres du Conseil et des professeurs d'Université.

Enfin l'actualité doit trouver également sa place dans les Cahiers. Le prochain numéro sera ainsi l'occasion de faire le point sur l'action du Conseil constitutionnel quant aux élections présidentielles et législatives. Cette activité très importante pour notre vie démocratique et très lourde pour le Conseil doit en effet être détaillée pour être mieux connue. Elle est également significative de la volonté du Conseil d'adapter, lorsque c'est nécessaire, ses méthodes de travail. Ainsi des auditions des parties dans les contentieux électoraux permettront, à l'avenir, dans les dossiers délicats, de mieux informer le Conseil avant qu'il ne prenne sa décision.

Notre époque impose une transparence renouvelée. D'une part, le secret des délibérés, l'absence d'opinions dissidentes, la collégialité des travaux sont le gage de bonnes décisions. D'autre part, celles-ci doivent être toujours mieux expliquées pour être mieux acceptées. Les Cahiers du Conseil constitutionnel, forts de leur réussite et nécessairement en mouvement, sont l'un des éléments au service de cet objectif. Les suggestions de tous seront les bienvenues pour aider le Conseil dans cette voie.

Jean-Louis Debré

Président du Conseil constitutionnel