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Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques

Julien BONNET et Agnès ROBLOT-TROIZIER

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 53 - octobre 2016

QUAND LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ VIENT PERTURBER L'ÉQUILIBRE FRAGILE DE L'ARTICULATION ENTRE QPC ET QUESTION PRÉJUDICIELLE À LA CJUE

CE, Ass., 31 mai 2016, Marc J., n° 393881. CE, 27 juin 2016, Association française des entreprises privées (AFEP). CE, 27 juin 2016, Société APSIS.

En l'espace d'un mois, le Conseil d'État a été confronté à trois reprises à l'épineux problème de l'articulation entre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et la nécessité de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne. À ceux qui ont cru que l'affaire Melki avait réglé ce problème, la jurisprudence récente rappelle que non seulement il ne faut jamais sous-estimer l'imagination juridique des requérants, mais que, en droit peut-être plus qu'ailleurs, le diable se cache dans les détails.

Il convient d'abord de « planter le décor » : celui d'un jardin à la française avec ses buis aux formes parfaitement sculptées, dans lequel rien ne manque, même pas son labyrinthe. Dans ce labyrinthe, seuls des requérants avisés et bien conseillés trouveront la sortie tandis que d'autres, justiciables ou étudiants, risquent de se perdre définitivement.

L'entrée du jardin tout d'abord. On y trouve une articulation harmonieuse de la QPC et des exigences de primauté et d'application immédiate du droit de l'Union européenne. Conseil d'État, Conseil constitutionnel et CJUE ont œuvré pour qu'il en soit ainsi(1). On rappellera en effet que le caractère prioritaire de la QPC ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif ou judiciaire, « juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne, en assure l'effectivité, soit en l'absence de question prioritaire de constitutionnalité, soit au terme de la procédure d'examen d'une telle question, soit à tout moment de cette procédure, lorsque l'urgence le commande, pour faire cesser immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l'Union » et qu'il dispose de « la possibilité de poser à tout instant, dès qu'il y a lieu de procéder à un tel renvoi, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne »(2). C'est au demeurant ce que rappellent les trois décisions analysées ici.

L'articulation de la QPC et des exigences européennes repose en outre sur une articulation qui se veut tout aussi harmonieuse des contrôles opérés par les juridictions françaises : au Conseil constitutionnel, le contrôle de la constitutionnalité des lois ; aux juridictions administratives et judiciaires, le soin de contrôler la conformité des lois aux conventions internationales et au droit européen. Quant aux lois de transposition des directives, une fois entrées en vigueur, elles ne peuvent faire l'objet d'un contrôle de leur constitutionnalité si elles se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises des directives qu'elles transposent, à moins que soit méconnu un principe ou une règle inhérent(e) à l'identité constitutionnelle de la France(3).

Les lignes géométriques de cette jurisprudence ont été quelque peu perturbées par la volonté, tant du côté du législateur que du côté du juge, d'éviter les discriminations à rebours qui se caractérisent par un traitement moins favorable d'une situation nationale par rapport à une situation transnationale, particulièrement européenne. L'inventivité des requérants invoquant le principe d'égalité a fait naître des situations contentieuses inédites où la question de la constitutionnalité de la loi dépend de l'appréciation de sa conformité à une directive, laquelle ne peut être appréciée sans l'intervention préalable de la Cour de justice de l'Union européenne.

Il faut au préalable pénétrer plus avant dans ce jardin contentieux construit autour de la mise en cause, devant le Conseil d'État comme devant le Conseil constitutionnel, de dispositions du code général des impôts qui, dépassant les exigences européennes, ont uniformément soumis des situations purement nationales et hors du champ du droit communautaire au régime fiscal des situations transnationales qui entrent dans le champ d'application du droit communautaire. Indépendamment de l'intérêt de ces affaires sur le plan fiscal, leur apport à l'articulation des procédures de protection des droits est essentiel.

Du côté du Conseil d'État d'abord, les arrêts SA Technicolor du 15 décembre 2014(4) et Société Metro Holding du 12 novembre 2015(5) illustrent deux hypothèses d'articulation entre la QPC et les exigences issues du droit de l'Union. Dans la première affaire, la haute juridiction administrative juge que « le législateur n'ayant pas entendu traiter différemment les situations concernant uniquement des sociétés françaises et celles qui, concernant des sociétés d'États membres différents, sont seules dans le champ de la directive, les dispositions en cause doivent en conséquence être interprétées à la lumière de ses objectifs, dès lors qu'une telle interprétation n'est pas contraire à leur lettre ». Ainsi, si la lettre de la loi le permet, le Conseil d'État procède autant que possible à une interprétation conforme à la directive des dispositions législatives, y compris en tant qu'elles s'appliquent à des situations hors du champ de la directive. C'est ce que l'on peut appeler l'interprétation « uniforme-conforme » des dispositions législatives. Dans ces conditions, la loi, telle qu'interprétée, ne crée aucune différence de traitement : le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité peut être jugé non sérieux et la QPC rejetée. L'affaire Société Métro Holding illustre quant à elle l'hypothèse où le texte de la loi ne permet pas au juge administratif de réaliser une interprétation « uniforme-conforme ». Constatant la contrariété entre des dispositions législatives, en tant qu'elles s'appliquent à des situations régies par le droit de l'Union européenne, et les objectifs d'une directive communautaire, il juge que les dispositions législatives « ne peuvent, dès lors, être légalement appliquées qu'aux situations concernant uniquement des sociétés françaises, qui sont hors du champ de cette directive, et que le juge, saisi de moyens en ce sens, doit en écarter l'application lorsque sont en cause des sociétés d'États membres différents ». Cette situation introduit donc une différence de traitement, en l'espèce entre les sociétés mères françaises, selon l'implantation géographique de leur filiale : en France ou dans d'autres États membres de l'Union européenne. De la sorte, le moyen est jugé sérieux et la QPC est renvoyée au Conseil constitutionnel.

Dans ces deux affaires, le Conseil d'État a pu apprécier le caractère sérieux de la QPC : pour le nier, dans le premier cas, grâce à une interprétation « uniforme-conforme » ; pour l'admettre, dans le second, au regard de l'impossibilité d'appliquer la loi à des situations régies par le droit communautaire tandis qu'elle reste applicable à des situations purement internes.

Du côté du Conseil constitutionnel ensuite, deux décisions, l'une DC l'autre QPC, doivent être mentionnées. La décision n° 2015-726 DC du 29 décembre 2015 a déjà fait l'objet d'une précédente chronique(6), mais elle mérite d'être rappelée. Confronté à une disposition législative optant pour une application du contenu d'une directive au-delà de son strict champ d'application, le Conseil constitutionnel a dû se résoudre, pour déterminer l'étendue de son contrôle de constitutionnalité, à opérer une distinction entre, d'une part, la disposition législative en tant qu'elle se borne à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de la directive, dont il ne contrôle pas la constitutionnalité, sauf à ce qu'elle méconnaisse un principe ou une règle inhérent(e) à l'identité constitutionnelle de la France, et, d'autre part, cette même disposition législative, en tant qu'elle régit des situations internes, faisant l'objet d'un plein contrôle de constitutionnalité.

En opérant une telle distinction, le juge constitutionnel risque de faire naître une discrimination à rebours que précisément le législateur aura cherché à éviter : potentiellement, en effet, la loi est susceptible d'être déclarée inconstitutionnelle en tant qu'elle s'applique à des situations internes tandis qu'elle entrera en vigueur et pourra s'appliquer aux situations régies par le droit de l'Union. Pourtant, et pour éviter cet écueil, le Conseil constitutionnel a, dans le cadre d'un contrôle a posteriori de la loi cette fois, donné une portée constitutionnelle à l'interdiction des discriminations à rebours sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité. Dans sa décision QPC, Société Métro Holding du 3 février 2016, le Conseil constitutionnel examine la QPC renvoyée par le Conseil d'État. Il constate que la disposition législative, telle qu'interprétée par ce dernier, introduit une différence de traitement entre sociétés bénéficiant d'un régime fiscal selon leur implantation géographique, alors qu'elles se trouvent, au regard de l'objet de ce régime fiscal, dans la même situation et que cette différence de traitement est sans rapport avec l'objectif de la loi qui est de favoriser l'implication des sociétés mères dans le développement économique de leurs filiales. Il en résulte donc une atteinte au principe constitutionnel d'égalité. Ce que censure le Conseil constitutionnel, c'est donc la discrimination à rebours résultant de ce que la loi s'applique, du fait de son incompatibilité avec une directive, de manière différente selon que la situation est ou non régie par le droit de l'Union. Ainsi « le Conseil constitutionnel en vient à censurer comme discriminatoire une disposition législative qui était conçue et écrite comme d'application générale et se trouve ne pas l'être que par l'effet du droit de l'Union »(7). Dans la mesure où, en l'espèce, c'est l'interprétation jurisprudentielle du Conseil d'État qui fait l'objet de la déclaration d'inconstitutionnalité, se pose la question de savoir ce que la haute juridiction administrative aurait dû faire : sachant que le problème de la compatibilité avec la directive ne pouvait être réglé grâce à une interprétation conforme, le Conseil constitutionnel invite-t-il le Conseil d'État à considérer que l'incompatibilité avec les objectifs de la directive nécessite d'écarter l'application de la loi alors même que le litige relève d'une situation de pur droit interne ? Ce serait conférer au droit de l'Union européenne une portée extensive et autoriser le juge administratif à une forme de contrôle de constitutionnalité de la loi, puisque, à défaut d'être imposée par le droit de l'Union, la non-application de la loi serait guidée par le principe constitutionnel d'égalité. Quoi qu'il en soit, la fenêtre de tir est étroite : ou bien la loi peut être interprétée conformément à la directive, ou bien elle est inconstitutionnelle.

En réalité, par cette jurisprudence, le Conseil constitutionnel s'octroie un nouveau terrain d'examen de la constitutionnalité des lois en vigueur, car les juridictions administratives et judiciaires n'ont d'autre choix que de reconnaître le caractère sérieux des QPC invoquant le principe d'égalité à l'encontre de dispositions législatives qui, soit par elles-mêmes soit en raison de leur méconnaissance du droit de l'Union européenne, donnent naissance à une discrimination à rebours. La boîte de Pandore était ouverte et il n'a pas fallu attendre longtemps pour que quelques requérants avisés s'y engouffrent.

Les trois décisions qui font l'objet de la présente chronique montrent pourtant que le caractère sérieux du moyen contestant une discrimination à rebours n'a rien d'automatique, mais suit le chemin d'un labyrinthe, que l'on pourra qualifier de « logique »(8), dans lequel le justiciable lambda risque de se perdre. L'arrêt du 31 mai 2016, M. Marc. J.(9) fait figure de décision « pilote » ; il est suivi de deux arrêts du 27 juin 2016, respectivement Association française des entreprises privées (AFEP) et Société APSIS, dans lesquels un raisonnement identique est appliqué à des litiges qui tous concernent des dispositions législatives du code général des impôts, mais présentent des particularités contentieuses intéressantes.

Dans ces trois affaires, se pose une épineuse difficulté de procédure. Comme dans les affaires Technicolor et Société Metro Holding, le caractère sérieux du moyen tiré de la méconnaissance du principe constitutionnel d'égalité dépend de la question de savoir si la loi est conforme aux objectifs fixés par une directive communautaire ; mais la question de savoir si la loi est contraire à la directive pose une difficulté sérieuse nécessitant d'interroger la Cour de justice au moyen d'un renvoi préjudiciel. Ainsi, QPC et question préjudicielle se trouvent enchevêtrées et les contraintes procédurales, tels le caractère prioritaire de la QPC et l'obligation d'interroger la Cour de justice, qui pèsent sur les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, apparaissent difficilement conciliables.

Pour sortir de cette impasse, différentes options étaient envisageables : renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel en le laissant, comme dans l'affaire Jérémy F., poser lui-même une question préjudicielle à la Cour de justice(10) ; renvoyer la QPC et interroger simultanément la Cour de justice à charge pour le Conseil constitutionnel de tirer les conséquences de la réponse de la Cour de justice quant à l'éventuelle violation du principe d'égalité ; renvoyer la question préjudicielle à la Cour de justice en décidant de suspendre de manière prétorienne le délai de trois mois d'examen des QPC ; rejeter la QPC en considérant qu'elle ne présente pas un caractère sérieux faute d'atteinte au principe d'égalité puisqu'en l'état la loi s'applique de manière uniforme que la situation contentieuse entre ou non dans le champ du droit de l'Union européenne. C'est cette dernière option que le Conseil d'État a choisie.

Dans ces trois décisions, le Conseil d'État rappelle les exigences procédurales de la QPC : son caractère prioritaire et l'obligation de statuer dans un délai de trois mois, sanctionné par un renvoi automatique de la QPC au Conseil constitutionnel si ce délai n'est pas respecté. Il rappelle également qu'il est juge de droit commun de l'application du droit de l'Union, dont il assure l'effectivité. Mais il ajoute, sauf dans l'arrêt Société APSIS, où le Conseil d'État ne statuait qu'en tant que juge du filtre de la QPC sans être saisi du litige au fond, que « lorsque l'interprétation ou l'appréciation de la validité d'une disposition du droit de l'Union européenne détermine la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité, il appartient au Conseil d'État de saisir sans délai la Cour de justice de l'Union européenne ». Est ainsi posé le cadre d'examen des QPC.

Dans la décision Marc. J., du 31 mai 2016, le Conseil d'État constate, dans un premier temps, que « l'interprétation des dispositions nationales et l'appréciation de leur compatibilité avec la directive du 23 juillet 1990 dépendent de la réponse à la question de savoir si les dispositions (...) de l'article 8 de la directive doivent être interprétées en ce sens qu'elles interdisent, dans le cas d'une opération d'échange de titres entrant dans le champ de la directive, un mécanisme de report d'imposition prévoyant que, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, une plus-value d'échange est constatée et liquidée à l'occasion de l'opération d'échange de titres et est imposée l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange » ; elles « dépendent également de la réponse à la question de savoir si, à la supposer imposable, la plus-value d'échange de titres peut être taxée par l'État de la résidence du contribuable au moment de l'opération d'échange, alors que celui-ci, à la date de la cession des titres reçus à l'occasion de cet échange à laquelle la plus-value d'échange est effectivement imposée, a transféré son domicile fiscal dans un autre État membre ». Ces deux questions présentent, selon le Conseil d'État, une difficulté sérieuse d'interprétation.

Dans un deuxième temps, il apprécie le caractère sérieux de la QPC. À ce stade, il envisage deux situations contentieuses : « selon la réponse qui sera donnée aux questions énoncées ci-dessus, il appartiendra au juge de l'impôt, soit de juger que les dispositions contestées doivent être regardées comme incompatibles avec la directive du 23 juillet 1990 et d'en écarter l'application aux plus-values d'échange d'actions entre sociétés d'États membres différents, soit de juger qu'elles ne sont pas incompatibles avec la directive, compte tenu, le cas échéant, de la possibilité d'en donner une interprétation conforme aux objectifs de celle-ci ». On retrouve ici les deux hypothèses des arrêts SA Technicolor et Société Métro Holding. Le Conseil d'État précise ensuite que « tant que l'interprétation de l'article 8 de la directive n'aura pas conduit le juge de l'impôt à écarter l'application des dispositions contestées aux plus-values d'échange d'actions entre sociétés d'États membres différents, aucune différence dans le traitement fiscal des opérations d'échange n'est susceptible d'en résulter au détriment des plus-values issues d'un échange d'actions entre sociétés françaises ». Sa conclusion est donc la suivante : « en l'état, la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne peut être regardée comme revêtant un caractère sérieux et il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ».

Ce n'est que dans un troisième temps, alors qu'il examine les « autres moyens du pourvoi en cassation », que le Conseil d'État décide de surseoir à statuer pour envoyer à la Cour de justice les questions identifiées préalablement.

D'un point de vue strictement formel, le caractère prioritaire de la QPC est respecté : en effet, ce n'est qu'après avoir statué sur la QPC que le Conseil d'État décide de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice. Il n'en reste pas moins que la question de la compatibilité de la loi à la directive étant une condition du caractère sérieux de la QPC, le juge est conduit à reconnaître d'abord qu'une question sérieuse de conventionnalité se pose. On le voit, pour sortir de cette impasse procédurale dans laquelle il était placé, le Conseil d'État choisit de juger que la QPC ne présente pas « en l'état » un caractère sérieux : ainsi la décision de non-renvoi de la QPC présente en quelque sorte un caractère provisoire. Il juge en effet que dans « le cas où, à la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, le requérant présenterait à nouveau au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, l'autorité de la chose jugée par la présente décision du Conseil d'État ne ferait pas obstacle au réexamen de la conformité à la Constitution des dispositions » législatives du code général des impôts contestées. Sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée, ici le caractère non sérieux de la QPC, le Conseil d'État admet que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union constituerait une forme de changement de circonstances de droit justifiant le réexamen d'une question ayant le même objet, la même cause et opposant les mêmes parties. L'autorité relative des décisions de non-renvoi de QPC est donc préventivement subordonnée au futur arrêt de la Cour de justice.

Ainsi le Conseil d'État parvient-il à concilier ce qui paraissait difficilement conciliable : les exigences constitutionnelles de fond telles le principe d'égalité devant les charges publiques, mais aussi l'exigence constitutionnelle de transposition des directives, le caractère prioritaire de la QPC et les délais de son examen avec les principes de primauté et d'application immédiate du droit de l'Union et l'exigence de renvoi préjudiciel pour les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours. L'examen de la constitutionnalité de la loi est ainsi suspendu à une décision de la Cour de justice, qui certes se prononcera sur le seul fondement du droit de l'Union, mais dont l'appréciation et l'interprétation détermineront le respect du principe constitutionnel d'égalité.

Les deux décisions rendues le 27 juin 2016 s'inscrivent dans la même veine. La décision AFEP reprend la solution retenue un mois plus tôt. Bien que Conseil d'État fût non un juge de cassation, mais un juge de premier et dernier ressort, il était comme dans l'affaire Marc J. à la fois juge de la QPC et juge du litige. Il constate donc que la question de la compatibilité des dispositions législatives à la directive pose des difficultés sérieuses, il énonce même les questions qu'elle soulève ; il en déduit d'abord que, en l'état, la QPC n'est pas sérieuse car elle dépend de la réponse donnée à ces questions et des conséquences qu'en tirera le juge de l'excès de pouvoir (incompatibilité, compatibilité avec ou sans interprétation conforme), puis qu'il y a lieu de poser lesdites questions préjudicielles à la Cour de justice. Il décide donc de surseoir à statuer sur la requête présentée par l'AFEP, y compris précise-t-il « sur la recevabilité des interventions des sociétés Apsis et Parfininco ». En dernier lieu, le Conseil d'État ajoute que les requérants peuvent à nouveau présenter leur QPC, à la suite de la décision de la Cour de justice, sans que l'autorité de la chose jugée par la présente décision n'y fasse obstacle.

L'arrêt société APSIS vient compléter le dessin de notre labyrinthe au regard des particularités contentieuses de l'affaire : d'abord le Conseil n'était saisi qu'en tant que juge du filtre de la QPC ; ensuite, au soutien de sa QPC, le requérant n'invoquait pas seulement le principe d'égalité.

Sur le premier point, il faut préciser que le litige avait été porté devant le tribunal administratif de Montreuil, devant lequel la QPC avait été déposée et que ledit tribunal avait décidé de surseoir à statuer et de renvoyer la QPC au Conseil d'État, de sorte que son office se limite à la QPC. Cette particularité n'est pas sans conséquence car n'étant pas saisi du litige, le Conseil d'État n'est alors pas en mesure de décider, dans le même arrêt, à la fois du non-renvoi de la QPC « en l'état » et du renvoi préjudiciel à la Cour de justice. S'il constate que la compatibilité de la loi à la directive pose une difficulté sérieuse, il peut paraître peu conventionnel qu'il interroge lui-même la Cour de justice de l'Union européenne, alors que seul le juge saisi du litige tirera les conséquences de la réponse de la Cour. Les « hasards » du calendrier contentieux ont permis au Conseil d'État de surmonter cette difficulté, sans que l'on sache vraiment ce qu'il en aurait été sans ce « hasard ». Parce que les questions à juger dans les affaires Société APSIS et AFEP sont identiques, il a suffi au Conseil d'État de se référer à son arrêt AFEP, particulièrement au renvoi de questions préjudicielles à la Cour de justice, dont les réponses permettront d'apprécier la compatibilité des mêmes dispositions législatives du code général des impôts au droit de l'Union. Dans son arrêt Société APSIS, il en déduit que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de transmettre la même question préjudicielle. Il peut ensuite juger, à l'instar des décisions précédentes, que « tant que l'interprétation [de la directive] n'aura pas conduit à écarter l'application des dispositions contestées (...) aucune différence » de traitement fiscal ne peut être constatée. Dès lors, « en l'état, le motif d'inconstitutionnalité invoqué (...) ne peut être regardé comme présentant un caractère sérieux », mais, à la suite de la décision de la Cour de justice, la même question pourra à nouveau être présentée « devant la juridiction saisie du litige » sans que l'autorité de la décision du Conseil d'État ne s'y oppose. La haute juridiction administrative indique alors quelle est la marche à suivre : « il appartiendrait alors d'abord à la juridiction saisie, soit de juger que les dispositions contestées doivent être regardées comme incompatibles avec la directive (...), soit de juger qu'elles ne sont pas incompatibles avec la directive, compte tenu, le cas échéant, de la possibilité d'en donner une interprétation conforme aux objectifs de celle-ci ; qu'il lui appartiendrait ensuite d'en tirer les conséquences quant au caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant elle ».

Sur le second point, la présentation par la Société APSIS de différents moyens d'inconstitutionnalité, outre celui tiré de la méconnaissance du principe d'égalité, soulevait une autre complication contentieuse pour le Conseil d'État, dès lors que l'examen du caractère sérieux de la QPC ne dépendait pas seulement de la compatibilité de la loi à la directive et qu'il pouvait être conduit à transmettre une partie au moins de la QPC. Il n'en fut rien. Il faut relever que le Conseil d'État a méthodiquement scindé les questions de constitutionnalité, de sorte qu'il a pu examiner de manière autonome celle tirée de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques. Pour le reste, il rejette les moyens d'inconstitutionnalité en raison soit de son caractère irrecevable faute d'avoir été présenté devant le juge saisi du litige, soit de son caractère non sérieux parce que fondé sur une mauvaise appréciation de la portée de la disposition législative contestée ou des dispositions constitutionnelles invoquées, soit enfin de l'existence d'une autre décision du Conseil d'État, rendue le même jour(11), par laquelle il a décidé de renvoyer une question de constitutionnalité identique au Conseil constitutionnel.

Ainsi, dans l'affaire Société APSIS, le Conseil d'État a pu s'en remettre à deux autres décisions rendues le même jour : l'une qui renvoie une QPC portant sur un moyen d'inconstitutionnalité identique, l'autre qui, par un renvoi préjudiciel à la Cour de justice, permet d'écarter, en l'état, une QPC fondée sur la méconnaissance du principe d'égalité et d'écarter donc, pour un temps, le moyen fondé sur la discrimination à rebours. Reste que le paysage contentieux ne permettra pas toujours au Conseil d'État, en tant que juge du filtre des QPC, de renvoyer aux décisions qu'il rend en tant que juge saisi du litige. Reste aussi que les méandres du raisonnement suivi dans ces affaires, s'ils témoignent d'un fructueux dialogue des juges, font montre également d'une complexité qui amusera peut-être les juristes aimant à se mouvoir dans les labyrinthes de la logique juridique mais déroutera les justiciables.

(1) Cons. const., 2010-605 DC, 12 mai 2010, Loi relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne ; CE, 14 mai 2010, Rujovic, n° 312305 ; CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. C-188/10 et C-189/10.
(2) CE, 14 mai 2010, Rujovic, n° 312305.
(3) Cons. const., 2010-79 QPC, 17 décembre 2010, M. Kamel Daoudi.
(4) CE, 15 décembre 2014, SA Technicolor, n° 380942.
(5) CE, 12 novembre 2015, Société Metro Holding, n° 367256.
(6) Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 51, 2016, p. 85.
(7) É. Crépey, « Réflexions sur la jurisprudence Metro Holding », Droit administratif, n° 7, Juillet 2016, alerte 80.
(8) Pour l'emploi de l'expression « labyrinthe logique », cf. G. Odinet et L. Dutheillet de Lamothe, « QPC et question préjudicielle : la logique et ses impasses », AJDA 2016, p. 1392.
(9) CE, Ass., 31 mai 2016, M. Marc J., n° 393881.
(10) Cons. const., 2013-314 QPC, 4 avril 2013, M. Jérémy F.
(11) CE, 27 juin 2016, Société Layher, n °399506

LE FILTRAGE DES QPC À L'ÉPREUVE DU POUVOIR PRÉTORIEN DE LA COUR DE CASSATION

Cass. crim., 10 mai 2016, Henri Guaino, n° 15-86600

Dans sa lettre et son esprit, la QPC a été globalement conçue comme un moyen permettant de contester abstraitement et incidemment la constitutionnalité d'une disposition applicable dans un litige. Inévitablement, cette voie de droit ouverte à tout justiciable doit s'articuler avec les modes de production du droit prétorien en vigueur devant les juridictions ordinaires. C'est peu dire que l'agencement n'est pas clairement déterminé. Dans la lignée d'une politique jurisprudentielle soucieuse de préserver autant que possible les marges de manœuvre de son pouvoir interprétatif, la chambre criminelle de la Cour de cassation fait œuvre originale dans l'arrêt du 10 mai 2016 en créant une nouvelle cause de non-renvoi d'une QPC et en produisant une interprétation conforme appelée à faire jurisprudence.

Les faits de l'espèce sortaient du commun. Après avoir été condamné en appel le 22 octobre 2015 pour outrage à magistrat en raison de ses propos à l'encontre du juge Gentil à la suite de la mise en examen en 2013 de Nicolas Sarkozy pour « abus de faiblesse » dans l'affaire Bettencourt, le député Henri Guaino se pourvoit en cassation et présente devant la Cour de cassation deux questions prioritaires de constitutionnalité qui visaient l'article 41 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 à propos de l'immunité des discours des parlementaires et l'article 434-24 alinéa 1er du code pénal relatif au délit d'outrage à magistrat. Une nouvelle fois, les réponses apportées témoignent des nuances et divergences sur l'identité et l'équilibre du mécanisme entré en vigueur le 1er mars 2010 : la QPC est-elle principalement au service des intérêts objectifs du droit ? Des intérêts subjectifs du justiciable ? Ou des intérêts institutionnels des juges ? L'enjeu est de taille, pour l'avenir de la QPC mais surtout pour celui de la garantie des droits et libertés constitutionnels, à l'image de la liberté d'expression qui était au cœur de la présente affaire.

Sur la première QPC, la chambre criminelle opère une interprétation conforme en ôtant à la question posée son caractère sérieux. Sur le principe, la présente affaire confirme que les arrêts de non-renvoi constituent une « source de droit autonome et originale » permettant d'édicter « une nouvelle règle jurisprudentielle qui va de surcroît s'appliquer immédiatement au pourvoi sur lequel la question s'était greffée »(12), selon les termes du rapport annuel de la Cour de cassation pour 2014. En l'espèce, l'interprétation conforme concerne le champ de l'immunité parlementaire prévue par l'article 41 alinéa 1er de la loi de 1881. Littéralement, le texte de la disposition contestée semblait restreindre cette immunité aux propos tenus au sein des assemblées : « Ne donneront ouverture à aucune action les discours tenus dans le sein de l'Assemblée nationale ou du Sénat ainsi que les rapports ou toute autre pièce imprimée par ordre de l'une de ces deux assemblées ». Le requérant invoquait d'ailleurs la violation de la liberté d'expression en ce que ces dispositions limitent strictement, selon lui, l'immunité parlementaire aux discours tenus dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Plutôt qu'une approche strictement spatiale, l'arrêt du 10 mai 2016 ajoute une approche fonctionnelle : « l'immunité prévue par l'article 41, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, ne se limite pas aux seuls discours tenus dans le sein de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais s'étend aux propos émis dans l'exercice des fonctions parlementaires ». Ainsi interprétée, la loi semble davantage en conformité avec l'article 26 de la Constitution selon lequel un membre du Parlement ne peut faire l'objet d'une action pénale en raison « des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions ». Déjà, dans un arrêt du 12 novembre 2008(13), la Cour de cassation avait précisé que les « activités prévues aux titres IV et V de la Constitution (...) peuvent seules caractériser l'exercice des fonctions parlementaires » susceptibles de bénéficier du champ d'application de l'article 41 alinéa 1 de la loi de 1881. Dans sa décision de non-renvoi, la Cour de cassation semble envisager la possibilité d'une dissociation entre les propos tenus au sein des assemblées et ceux émis dans l'exercice des fonctions parlementaires. Par extension, des propos en lien avec la fonction parlementaire tenus au cours d'une manifestation officielle locale, ou lors d'une réunion en dehors de l'enceinte parlementaire en présence es qualité d'un parlementaire, seraient-ils couverts par l'immunité prévue par l'article 41 alinéa 1 de la loi de 1881 ? Certes, les faits de l'espèce ne couvraient pas ce type d'hypothèses, mais le non-renvoi de la QPC semble attester, en creux, de la conformité globale à la Constitution de l'article 41 alinéa 1 de la loi de 1881. À défaut d'un renvoi au Conseil constitutionnel qui aurait peut-être permis de régler la question, sous l'œil vigilant du droit européen des droits de l'homme(14), seuls les justiciables patients et fins connaisseurs de la QPC tenteront de solliciter à nouveau la Cour de cassation.

La réponse à la seconde question relative à l'article 434-24 alinéa 1er du code pénal mérite l'attention. L'arrêt du 10 mai 2016 commence par relever, et ce n'est pas un détail au regard de la suite, que la disposition législative objet de la QPC « constitue le fondement des poursuites ». La disposition n'a pas non plus été déclarée conforme et la question n'est pas nouvelle. Alors que la structure habituelle des décisions QPC laissait penser que l'examen du caractère sérieux allait intervenir, l'arrêt enchaîne de manière surprenante en affirmant que « la question posée n'est plus applicable au litige ». La « question », et pas la disposition législative, n'est « plus », ce qui signifie qu'elle l'était auparavant, « applicable au litige ». La raison invoquée est « qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation » que les expressions diffamatoires ou injurieuses proférées publiquement contre un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire par l'un des moyens énoncés à l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « comme tel est le cas en l'espèce », ne relèvent pas du champ d'application de l'article 434-24 du code pénal incriminant l'outrage à magistrat. Dès lors que ces expressions ne sont pas « directement adressées à l'intéressé », précise la Cour, elles ne peuvent être poursuivies et réprimées que sur le fondement des articles 31 et 33 de la loi de 1881. Précision inédite en QPC, la Cour de cassation cite entre parenthèses l'arrêt qui établit cette solution, intervenue postérieurement à l'arrêt de la Cour d'appel de condamnation d'Henri Guaino, à savoir « (Crim., 1er mars 2016, n° 15-82.824) ». En conclusion ? Point d'examen du caractère sérieux, l'arrêt indique seulement « qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ».

Il est vrai que les faits des deux espèces avaient pour point commun une modalité particulière de diffusion des accusations qui ne s'adressait pas directement au magistrat intéressé : dans l'arrêt du 1er mars 2016, il s'agissait d'un texte publié sur Internet, dans l'affaire Henri Guaino tranchée le 10 mai 2016, les propos avaient été tenus dans les médias. Dès lors, en vertu de la clarification jurisprudentielle intervenue le 1er mars 2016(15) postérieurement à la condamnation en appel d'Henri Guaino, les faits relevaient des articles 31 et 33 de la loi de 1881 relatifs à l'injure et la diffamation et non de l'article 434-24 du code pénal relatif à l'outrage.

Cependant, pour parvenir à cette conclusion, l'arrêt commenté de la chambre criminelle opère nécessairement une connexion entre la question de constitutionnalité et les éléments de fait : dès lors que, sur le fond de l'affaire, les faits de l'espèce ne relevaient plus, en raison d'une jurisprudence de la Cour de cassation intervenue postérieurement à la formation du pourvoi, du texte d'incrimination objet de la QPC, « la question posée n'est plus applicable au litige ». Par cette formulation inédite, la Cour de cassation anticipe la solution qu'elle rendra lors de l'examen du pourvoi en tant que juge de cassation, renverse l'ordre d'examen des questions de droit et dissout le caractère incident de la QPC au contact des éléments de fait. Pour la Cour de cassation, la QPC n'est donc pas destinée à purger le droit des dispositions législatives contraires aux droits et libertés constitutionnels, comme le Conseil d'État ou le Conseil constitutionnel la conçoivent principalement, elle est un moyen de droit orienté vers la satisfaction dans un litige donné des intérêts subjectifs d'un justiciable. Dès lors que le justiciable obtiendra satisfaction lors de l'examen de son pourvoi en raison d'une erreur de droit des juges d'appel dans le choix du texte d'incrimination, le renvoi au Conseil constitutionnel ne se justifie pas selon la chambre criminelle. Peu importe que l'article 434-24 du code pénal soit au fondement des poursuites au sens de la loi organique, qu'il soit le fondement de la condamnation prononcée par la Cour d'appel et que le justiciable soit toujours, en l'état de la chose jugée, sous le coup de cette condamnation : tout se déroule comme si la question de la conformité à la Constitution de l'article 434-24 du code pénal ne devait de toute façon pas se poser dès lors que ce texte ne sera -- futur de circonstance -- en définitive pas appliqué au justiciable. Cohérente, quoique audacieuse, dans une perspective subjective, une telle solution est moins évidente dans une perspective objective, davantage privilégiée par le Conseil d'État(16) : la question visant l'article 434-24 du code pénal aurait pu faire l'objet d'un examen de son caractère sérieux, avec éventuellement un renvoi au Conseil constitutionnel, et dans un second temps, la Cour de cassation aurait, lors de l'examen du pourvoi, cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui s'était fondé sur ce texte.

En concrétisant à ce point le filtrage des QPC en fonction des intérêts subjectifs du justiciable, la Cour de cassation amplifie une ligne jurisprudentielle qui l'avait déjà conduite à réécrire le critère de l'applicabilité au litige, en exigeant par exemple le respect de critères fondés sur « l'incidence sur le litige »(17), « l'influence sur la solution du litige »(18) de la QPC ou sur « l'intérêt »(19) pour le justiciable à contester en l'espèce la constitutionnalité de la loi.

Cependant, la solution qui se dégage de l'arrêt du 10 mai 2016 est particulièrement originale. D'une part, le défaut d'applicabilité au litige de la « question posée », et non de la disposition législative, s'écarte de la lettre et de l'esprit de la loi organique et entre en contradiction avec le maniement de la QPC par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. En effet, l'examen de cette nouvelle condition du renvoi au Conseil constitutionnel intervient après que l'arrêt a constaté que la disposition contestée « constitue le fondement des poursuites », ce qui signifie que la première condition posée par la loi organique était remplie. Sans se prononcer sur le caractère sérieux, la question n'est pas renvoyée au motif d'un nouveau critère de filtrage praeter legem. D'autre part, la motivation emprunte, pour la première fois semble-t-il, aux nouvelles techniques de rédaction des arrêts de la Cour de cassation. Si les juges du filtrage font fréquemment référence à « la jurisprudence constante de la Cour de cassation », l'arrêt du 10 mai 2016 cite expressément un arrêt en particulier avec sa référence exacte. Il s'agit là d'une politique jurisprudentielle initiée par la Premier président Louvel, visant à renouveler la motivation des arrêts de la Cour de cassation(20), et qui a déjà produit certains résultats(21). Signe d'une officialisation de la force du précédent en droit français, l'importation de ce type de motivation lors du filtrage des QPC rend anachroniques et illusoires les résistances au contrôle de l'interprétation constante de la loi. Dès lors que le juge du filtrage utilise toutes les facettes de son pouvoir interprétatif pour s'assurer que le texte de loi tel qu'interprété ne nécessite pas d'être renvoyé au Conseil constitutionnel, il est intenable de continuer à soutenir que le contrôle par le Conseil constitutionnel de l'interprétation constante d'une loi ne devrait être qu'une tolérance exceptionnellement admise, sauf à étendre un angle mort de la QPC en mettant à l'abri du regard constitutionnel tout un pan du droit prétorien pourtant rattaché aux textes de loi. En termes de cohérence juridique et de garantie des droits et libertés des justiciables, ce serait un regrettable paradoxe.

LE CONTRÔLE CONTEXTUEL DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS

Cons. const., 2016-543 QPC, 24 mai 2016, Section française de l'observatoire international des prisons

Il est des décisions de justice dont le contexte explique tout. La décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016, relative au permis de visite et à l'autorisation de téléphoner durant la détention provisoire, en fait partie. Alors que les commentaires unanimement critiques de la précédente décision en matière pénitentiaire s'enchaînent en doctrine(22), le Conseil constitutionnel est saisi d'une nouvelle QPC posée par la Section française de l'Observatoire international des prisons visant cette fois les articles 35 et 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et les articles 145-4 et 715 du code de procédure pénale. Une fois le périmètre de la QPC redéfini par le Conseil constitutionnel, le débat constitutionnel portait, d'une part, sur l'absence de voie de recours à l'encontre des décisions relatives au permis de visite et à l'autorisation de téléphoner d'une personne placée en détention provisoire et, d'autre part, sur l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour répondre à une demande de permis de visite d'un membre de la famille de la personne placée en détention provisoire.

Évidemment, le principal grief concernait le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789. Mais, comme d'ailleurs le requérant l'invoquait, la question des voies d'accès au juge ne pouvait se concevoir isolément au regard des autres droits et libertés en jeu. Dès l'énoncé des normes de référence par le Conseil constitutionnel, l'interdépendance entre les droits et libertés apparaît. Ouvrant la séquence de sa décision « Sur l'atteinte portée au droit à un recours juridictionnel effectif », le Conseil constitutionnel commence par citer... le droit au respect de la vie privée (article 2 de la Déclaration de 1789) puis l'alinéa 10 du Préambule de 1946 (« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ») et seulement ensuite l'article 16 du texte de 1789 qui protège le droit à un recours.

En ce qui concerne l'absence de recours contre les décisions relatives au permis de visite et à l'autorisation de téléphoner d'une personne placée en détention provisoire, le Conseil relève que les dispositions contestées « ni aucune autre disposition législative » (considérant 12), autre élément de contexte juridique, ne permettent d'agir en justice pour contester le refus de permis de visite, en dehors des refus opposés aux membres de la famille. De plus, l'article 39 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ne prévoit pas non plus de recours à l'encontre des décisions refusant l'accès au téléphone à une personne placée en détention provisoire. Dès lors, « au regard des conséquences qu'entraînent ces refus pour une personne placée en détention provisoire », l'absence de recours viole l'article 16 de la Déclaration de 1789. Mais pas seulement, car la décision précise que la loi « prive également de garanties légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale » (considérant 14). Ainsi, le contrôle de l'absence de voie de recours est exercé en fonction du contexte juridique qui entoure la disposition contestée. En l'espèce, c'est « au regard des conséquences »(23) sur la vie privée et familiale du détenu et à défaut d'autres moyens d'action prévus par d'autres textes que l'absence de voie de recours est censurée. De même, à propos de l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour répondre à une demande de permis de visite d'un membre de la famille de la personne placée en détention provisoire, le Conseil constitutionnel constate que la loi viole l'article 16 mais qu'elle « prive également de garanties légales » (considérant 16) la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale. Mais, ici encore, l'absence de voie de recours en cas de silence du juge n'est pas sanctionnée de manière automatique mais en fonction de la nature de la mesure concernée et de ses conséquences pour les droits et libertés : le Conseil précise que tel est le cas « s'agissant d'une demande portant sur la possibilité pour une personne placée en détention provisoire de recevoir des visites » (considérant 16).

Dans les deux mécanismes législatifs censurés, la déclaration de non-conformité est doublement fondée : violation directe de l'article 16, privation des garanties légales du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale. Ce type de contrôle interactif de l'absence de recours avec les droits et libertés connexes tend à se développer devant le Conseil constitutionnel(24) et souligne l'interdépendance entre les droits et libertés constitutionnels, tout spécialement entre les droits procéduraux et les droits substantiels. Par exemple, dans la décision du 13 janvier 2012(25) le Conseil constitutionnel souligne la qualité de « propriétaire » et « l'atteinte à ses droits » pour constater une violation du droit à un recours à propos d'une procédure de confiscation des marchandises saisies en douane. La violation du droit au recours et la privation des garanties légales de la liberté d'entreprendre et du droit de propriété sont également constatées dans la décision du 21 mars 2014(26) « au regard des conséquences qui résultent de l'exécution de la mesure de saisie ». La décision du 16 octobre 2015(27), rendue à propos d'une demande de restitution d'un bien placé sous main de justice, affirme dans le même sens que l'absence de recours méconnaît « les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété ».

Dernière manifestation du poids du contexte qui a guidé la décision du 24 mai 2016, de manière inédite, le Conseil constitutionnel s'appuie, notamment(28), sur l'état d'un projet de loi en cours d'adoption au Parlement pour exercer son pouvoir de modulation des effets de l'abrogation. La décision évoque ainsi de manière détaillée les dispositions du projet de loi réformant la procédure pénale qui « prévoient de modifier » (considérant 19) l'une des dispositions déclarées contraires, l'article 145-4 du code de procédure pénale. Alors que le projet de loi venait de passer devant la commission mixte paritaire et sera définitivement voté le 25 mai, soit le lendemain de la décision du Conseil constitutionnel, ce dernier en reprend d'ores et déjà la substance pour justifier le report de l'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité. Tout en rappelant prudemment que « ces dispositions ne sont pas encore définitivement adoptées par le Parlement au jour de la décision du Conseil constitutionnel » (considérant 19), elles constituent tout de même l'argument principal pour justifier le report de la déclaration d'inconstitutionnalité et ainsi « éviter que cette déclaration affecte les modifications législatives en cours d'adoption par le Parlement » (considérant 21). Surprenante dans une perspective positiviste, la motivation adoptée s'inscrit dans la nouvelle technique de rédaction des décisions du Conseil constitutionnel inaugurée le 10 mai 2016(29) et exprime ouvertement un élément incontournable qui auparavant intervenait nécessairement lors de la délibération mais sans être mentionné dans la décision. L'effort de pédagogie juridictionnelle et l'ouverture assumée de la motivation au contexte juridique -- et demain factuel ? -- ne peuvent qu'être approuvés.

En revanche, il est regrettable que le commentaire officiel de la décision précise « que les décisions prises avant le 1er mars 2017 ne pourront être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité », alors que la décision indique que les décisions prises en vertu des dispositions contestées avant le 31 décembre 2016 ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité(30). 31 décembre pour la décision, 1^er ^mars pour le commentaire : les justiciables pourraient être désorientés.

Revue doctrinale

Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

9 octobre 2014

2014-420/421 QPC

M. Maurice L. et autre [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits d'escroquerie en bande organisée]

  • Botton, Antoine. « Les aspects procéduraux du blanchiment : une infraction formellement dépendante », Actualité juridique. Pénal, avril 2016, n° 4, p. 190-191.

29 mai 2015

2015-470 QPC

Société SAUR SAS [Interdiction d'interrompre la distribution d'eau dans les résidences principales]

  • Boda, Jean-Sébastien ; Belal-Cordebar, Adrien. « De la continuité du service public de la distribution d'eau au regard de la distribution et de la fourniture d'énergie », Droit administratif, mai 2016, n° 5, p. 46-49.

  • Debaets, Émilie. « Premiers éclairages constitutionnels sur l'accès à l'eau », Revue française de droit constitutionnel, mars 2016, n° 105, p. 137-144.

5 août 2015

2015-715 DC

Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

  • Hutier, Sophie. « La validation partielle de la »loi Macron« par le Conseil constitutionnel », Revue française de droit constitutionnel, mars 2016, n° 105, p. 127-137.

13 août 2015

2015-718 DC

Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte

  • Méthivier, Marine. « [Note sous décision] », Revue française de droit constitutionnel, juin 2016, n° 106, p. 473-484.

14 octobre 2015

2015-489 QPC

Société Grands Moulins de Strasbourg SA et autre [Saisine d'office et sanctions pécuniaires prononcées par le Conseil de la concurrence]

  • Catelan, Nicolas. « Retour vers le futur en droit de la concurrence », Revue française de droit constitutionnel, mars 2016, n° 105, p. 174-177.

2015-491 QPC

M. Pierre G. [Demande tendant à la saisine directe du Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité]

  • Revon, Mathias. « La saisine directe du Conseil constitutionnel par un justiciable est-elle possible ? », Revue française de droit constitutionnel, juin 2016, n° 106, p. 485-493.

12 novembre 2015

2015-721 DC

Loi organique portant diverses dispositions relatives à la collectivité de Saint-Barthélemy

  • Roux, André. « Une révision du statut de Saint-Barthélemy partiellement censurée », Actualité juridique. Droit administratif, 9 mai 2016, n° 16, p. 903-907.

11 décembre 2015

2015-508 QPC

M. Amir F. [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits de blanchiment, de recel et d'association de malfaiteurs en lien avec des faits d'escroquerie en bande organisée]

  • Botton, Antoine. « Inconstitutionnalité du régime dérogatoire de garde à vue en matière de blanchiment, de recel et d'association de malfaiteurs en lien avec des faits d'escroquerie en bande organisée », Revue pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n° 4, p. 931-934.

22 décembre 2015

2015-527 QPC

M. Cédric D. [Assignations à résidence dans le cadre de l'état d'urgence]

  • Éveillard, Gweltaz. « État d'urgence : les assignations à résidence devant le juge administratif et le Conseil constitutionnel », Droit administratif, avril 2016, n° 4, p. 46-53.

29 décembre 2015

2015-726 DC

Loi de finances rectificative pour 2015

  • Aguila, Yann ; Gayral, Julien. « La nouvelle clause anti-abus du régime des sociétés mères : critique de la décision du Conseil constitutionnel et opportunité d'une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne », Revue de droit fiscal, 31 mars 2016, n° 13, p. 13-17.

8 janvier 2016

2015-512 QPC

M. Vincent R. [Délit de contestation de l'existence de certains crimes contre l'humanité]

  • Droin, Nathalie. « La conformité de l'article 24 bis de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 à la Constitution : fin de partie ?. » Revue française de droit constitutionnel, juin 2016, n° 106, p. 501-513.

  • Francillon, Jacques. « La conformité à la Constitution du délit de contestation de l'existence de crimes contre l'humanité » in « Chroniques de jurisprudence. Infractions relevant du droit de l'information et de la communication », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, janvier-mars 2016, n° 1, p. 81-86.

  • Hochmann, Thomas. « Négationnisme : le Conseil constitutionnel entre ange et démon », Revue des droits et libertés fondamentaux, 26 janvier 2016, chron. n° 03, 7 p.

  • Roux-Demare, François-Xavier. « Constitutionnalité du délit de »négationnisme" », Actualité juridique. Pénal, avril 2016, n° 4, p. 205-206.

14 janvier 2016

2015-513/514/526 QPC

M. Alain D. et autres [Cumul des poursuites pénales pour délit d'initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l'AMF pour manquement d'initié -- II]

  • Bonis-Garçon, Évelyne ; Peltier, Virginie. « Validation constitutionnelle de l'article L. 621-15 du Code monétaire et financier relatif au manquement d'initié dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2006 », Droit pénal, mars 2016, n° 3, p. 46-47.

  • Décima, Olivier. « Tombeau de ne bis in idem », Recueil Dalloz, 28 avril 2016, n° 16, p. 931-934.

  • Dezeuze, Éric ; Pellegrin, Guillaume. « Bis (in idem) repetita placent... Fortunes et infortunes juridiques de la double poursuite des infractions d'initié », Revue des sociétés, Journal des sociétés, avril 2016, n° 4, p. 246-253.

3 février 2016

2015-520 QPC

Société Metro Holding France SA venant aux droits de la société CRFP Cash [Application du régime fiscal des sociétés mères aux produits de titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote]

  • Austry, Stéphane ; Gutmann, Daniel. « Discrimination par ricochet et principe d'égalité : jusqu'où peut aller la jurisprudence Metro Holding ? », Revue de jurisprudence et des conclusions fiscales, avril 2016, n° 4, p. 418-423.

  • Collet, Martin. « Le Conseil constitutionnel et les discriminations à rebours en matière fiscale », La Semaine juridique. Édition générale, 28 mars 2016, n° 13, p. 634-637.

  • Poncelet, Maud ; Afantrouss, Tarek. « Le régime mère-fille : un régime d'exonération à la faveur d'un actionnariat stable : À propos de la jurisprudence récente du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel », Revue de droit fiscal, 5 mai 2016, n° 18-19, p. 21-25.

19 février 2016

2016-535 QPC

Ligue des droits de l'homme [Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence]

  • Verpeaux, Michel. « État d'urgence, revers limité pour la loi », La Semaine juridique. Administrations et collectivités territoriales, 30 mai 2016, n° 21, p. 41-44.

2016-536 QPC

Ligue des droits de l'homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence]

  • Cahn, Olivier. « Un État de droit, apparemment », Actualité juridique. Pénal, avril 2016, n° 4, p. 201-204.

  • Quéméner, Myriam. « L'état d'urgence face au numérique : conséquences et perspectives », Revue Lamy droit de l'immatériel, avril 2016, n° 125, p. 38-42.

Articles thématiques

Droit de la communication et des médias

  • Safi, Farah. « Droit pénal des médias. [Contestation de crimes contre l'humanité] », Revue pénitentiaire et de droit pénal, octobre-décembre 2015, n° 4, p. 949-959.

Droits fondamentaux

  • Baranger, Denis. « Quel »État de droit" ? Quels contrôles ? Le juge des référés et le maintien en vigueur de l'état d'urgence. [CE, 27 janvier 2016, n° 396220] », Revue française de droit administratif, mars-avril 2016, n° 2, p. 355-363.

  • Cahn, Olivier. « Contrôles de l'élaboration et de la mise en œuvre de la législation antiterroriste », Revue des droits et libertés fondamentaux, 7 mars 2016, Chron. n° 8, 32 p.

  • Cappello, Aurélie. « État d'urgence. Abandon de la constitutionnalité mais maintien de la mise en œuvre », Procédures, juin 2016, n° 6, p. 7-9.

  • Savonitto, Florian. « État d'urgence et risque d'inconstitutionnalité », Revue des droits et libertés fondamentaux, 17 mai 2016, chron. n° 15, 12 p.

  • Tukov, Christophe. « L'autorité judiciaire, gardienne exclusive de la liberté individuelle ? », Actualité juridique. Droit administratif, 16 mai 2016, n° 17, p. 936-943.

(12) Cour de cassation, Rapport annuel 2014, La Documentation française, 2015, p. 348, disponible sur www.courdecassation.fr
(13) Cass. crim., 12 novembre 2008, Bull. crim. n° 229.
(14) V. not. Cour EDH, 24 mai 2011, Onoratoc. Italie, n° 26218/06 ; Cour EDH, G.C. 3 décembre 2009, Kart c. Turquie, n° 8917/05.
(15) Sur l'apport de l'arrêt du 1er mars 2016, V. Droit pénal n° 6, Juin 2016, chron. 6, chronique O. Mouysset ; RSC 2016 p. 63, note Y. Mayaud.
(16) Parmi une jurisprudence abondante, v. par ex. CE, 21 novembre 2014, n° 384353 : « le Conseil d'État n'est pas tenu, lorsqu'à l'appui d'une requête est soulevée devant lui une question prioritaire de constitutionnalité, sur laquelle il lui incombe de se prononcer dans un délai de trois mois, de statuer au préalable sur la recevabilité de cette requête ». Sur l'ensemble de cette question, v. not. A. Roblot-Troizier, « Les disparités de filtrage entre le Conseil d'État et la Cour de cassation », in P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet (dir.), La QPC : une révolution inachevée ?, Institut universitaire Varenne, 2016, à paraître.
(17) V. par ex. Cass. civ. 2e, 2 avril 2015, n° 14-24941.
(18) Cass. 2e civ., 10 avril 2014, n° 13-24746. V. également Cass. soc., 13 juin 2014, n° 13-26353 et autres à propos d'un non-renvoi au motif que « les principes de valeur constitutionnelle invoqués ne peuvent exercer d'influence sur la solution du litige ».
(19) Cass. crim., 9 mai 2012, n° 12-81242.
(20) P. Deumier, « Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation ? », Dalloz, 2015, p. 2022 ; C. Jamin, « Juger et motiver », RTD civ., 2015, p. 263.
(21) Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14218 ; Cass. avis, 4 janv. 2016, n° 15-70004, v. P. Deumier, « Et pour quelques signes de plus : mentionner les précédents », RTD civ., 2016, p. 65 ; Cass. civ. 1re, 6 avril 2016, n° 15-10552.
(22) Cons. const., 2015-485 QPC, 25 septembre 2015, Johny M., NCCC, 2015, n° 50, p. 85, chron. J. Bonnet, A. Roblot-Troizier ; Dalloz, 2015, p. 2083, notes J.-P. Céré et p. 2085, P. Boucher ; Constitutions, 2015, n° 4, p. 564, note M. Ghevontian et p. 579, note C. Wolmark ; RFDA, 2015, p. 1200, chron. A. Roblot-Troizier ; Droit social, 2016, n° 1, p. 64, note P. Auvergnon ; RFDC, n° 105, 2016, p. 177, chron. C. Tzutzuiano.
(23) Sur l'usage de cette expression, cf. Cons. const. 2011-203 QPC 2 décembre 2011, M. Wathik M. ; Cons. const., 2014-375 et autres QPC du 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres.
(24) En matière d'égalité devant la justice, v. par ex. Cons. const., 2015-479 QPC, 31 juillet 2015, Société Gecop.
(25) Cons. const., 2011-208 QPC, 13 janvier 2012, Consorts B.
(26) Cons. const., 2014-375 QPC, 21 mars 2014, M. Bertrand L. et autres.
(27) Cons. const., 2015-494 QPC, 16 octobre 2015, Consorts R.
(28) Le report est également justifié par le risque « de faire disparaître des dispositions permettant à certaines des personnes placées en détention provisoire d'exercer un recours contre certaines décisions leur refusant un permis de visite » (considérant 20).
(29) Cons. const., 2016-539 QPC, 10 mai 2016, Mme Ève G.
(30) En vertu de la loi nouvelle du 3 juin 2016, n° 2016-31, les modifications apportées à l'article 145-4 du code de procédure pénale entreront en vigueur le 15 novembre 2016.