Page

Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques

Julien BONNET et Agnès ROBLOT-TROIZIER, Professeur à l’Université de Montpellier CERCOP et Professeure à l’École de droit de la Sorbonne Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Membre du CRDC – ISJPS

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 55-56 - juin 2017

Octobre – décembre 2016

Complémentarité des contrôles a priori et a posteriori pour la protection des droits fondamentaux

Cons. const., n° 2016‑590 QPC du 21 octobre 2016, La Quadrature du Net et autres [Surveillance et contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne]

La décision du 21 octobre 2016 témoigne de la complémentarité, pour la protection des droits et libertés constitutionnels, des contrôles de constitutionnalité exercés a priori et a posteriori dans la mesure où le Conseil constitutionnel y constate l’inconstitutionnalité d’une disposition législative contenue dans une loi ayant fait l’objet d’un contrôle sur le fondement de l’article 61 de la Constitution. La décision du 21 octobre 2016 confirme ainsi que certaines inconstitutionnalités ne sont révélées qu’au stade de la mise en oeuvre et de l’application de la loi.

Le Conseil constitutionnel était saisi d’une QPC portant sur l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2015, dite loi renseignement. Les dispositions de cet article permettent aux pouvoirs publics de prendre, « aux seules fins de défense des intérêts nationaux », des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne. L’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure précise que ces mesures « ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre, ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale », ce qui signifie, comme le constate le Conseil constitutionnel, qu’elles n’obéissent ni aux règles du livre VIII dudit code « qui définit les techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, et qui détermine les voies de recours relatives à la mise en oeuvre de ces techniques », ni aux dispositions du code de procédure pénale qui encadrent les interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques prescrites par un juge d’instruction(1).

La faiblesse de l’encadrement des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne était dénoncée par diverses associations : La Quadrature du Net, French Data Network, Fédération des fournisseurs d’accès à Internet associatifs et igwan.net. Elles contestaient le fait qu’en autorisant de telles mesures de contrôle et de surveillance, « sans définir les conditions de collecte, d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements ainsi recueillis et sans prévoir aucun dispositif de contrôle de ces mesures », le législateur aurait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif, et aurait, en outre, « méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant ces mêmes droits »(2).

Cette QPC présentait devant le Conseil d’État qui en a été saisi une difficulté préalable tenant à la recevabilité de la requête. La haute juridiction administrative était saisie de recours pour excès de pouvoir dirigés contre plusieurs décrets, adoptés pour mettre en oeuvre les dispositions législatives nouvelles en matière de renseignement(3). C’est à l’occasion de ces recours qu’ont été déposés des mémoires QPC contestant la constitutionnalité de l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure, tel qu’issu de l’article 11 de la loi n° 2015‑912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ayant joint les QPC, le Conseil d’État a statué par une seule décision.

Reprenant la jurisprudence définie dans sa décision Société Mutuelle des Transports Assurances, du 21 novembre 2014(4), le Conseil d’État rejette la fin de non-recevoir opposée par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, en rappelant que « le Conseil d’État n’est pas tenu, lorsqu’à l’appui d’une requête est soulevée devant lui une question prioritaire de constitutionnalité, sur laquelle il lui incombe de se prononcer dans un délai de trois mois, de statuer au préalable sur la recevabilité de cette requête »(5). Cette jurisprudence suppose que le Conseil d’État, inversant l’ordre normal d’examen des questions, et en raison des délais qui s’imposent à lui, examine le moyen incident – la QPC – avant de trancher la question de la recevabilité de la requête principale. Dans la décision du 21 novembre 2014 était en cause la nature de décisions adoptées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le Conseil d’État ayant à déterminer si ces décisions constituaient des actes préparatoires, insusceptibles à ce titre de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La solution peu conventionnelle de cette décision pouvait s’expliquer par le fait que le Conseil d’État doit examiner une QPC dans un délai contraint de trois mois qui ne permet pas de procéder à un examen approfondi de la recevabilité de la requête principale. De la sorte, lorsque cette dernière n’est pas, en l’état de l’instruction, manifestement irrecevable, le Conseil d’État se ménage la possibilité de juger la requête irrecevable après un examen approfondi tout en respectant le délai d’examen d’une QPC. Ainsi, confronté à une question délicate de recevabilité de la requête principale, soit au regard des particularités de l’espèce, soit parce qu’il s’agit d’une question non encore tranchée par une jurisprudence stable, le Conseil d’État s’autorise à se prononcer en priorité sur la QPC avant de trancher la question de recevabilité.

Si dans la décision Société Mutuelle des Transports assurance précité, la question de recevabilité non résolue en amont par le Conseil d’État tenait à l’acte attaqué, dans l’affaire La Quadrature du Net, c’est l’intérêt à agir des associations requérantes qui était en cause : disposaient-elles d’une qualité leur donnant intérêt à agir ? Pour répondre à cette question, le Conseil d’État devait mettre en parallèle l’objet des associations requérantes avec le contenu des décrets attaqués afin de déterminer si les seconds faisaient grief au premier. Privilégiant la QPC, le Conseil d’État a d’abord statué sur celle-ci. On peut également y voir une volonté du Conseil d’État de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, dès lors qu’in fine, la question de constitutionnalité est jugée sérieuse. Présente en effet un caractère sérieux le moyen tiré de ce que, par les dispositions législatives contestées, « qui soustraient la surveillance et le contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne à tout dispositif d’encadrement et de contrôle, le législateur n’a pas exercé pleinement la compétence » (…) et a, en conséquence, méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale comme le droit au recours effectif ».

Saisi de la question, le Conseil constitutionnel a donné raison aux associationsrequérantes, sans satisfaire pleinement leurs prétentions. Il déclare l’inconstitutionnalité des dispositions législatives contestées par un raisonnement en trois temps.

Il constate d’abord que, « dès lors qu’elles permettent aux pouvoirs publics de prendre des mesures de surveillance et de contrôle de toute transmissio empruntant la voie hertzienne, sans exclure que puissent être interceptées des communications ou recueillies des données individualisables, les dispositionscontestées portent atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ». Ainsi, le caractère individualisable des données interceptées constitue, pour le Conseil, le critère permettant d’identifier une atteinte à la vie privée et au secret des correspondances. Au regard de sa jurisprudence classique, telle qu’appliquée particulièrement aux techniques de renseignement dans sa décision du 23 juillet 2015, cette constatation implique plusieurs conséquences : la loi doit définir de manière suffisamment précise les atteintes ainsi portées aux droits constitutionnellement garantis ; l’atteinte doit être proportionnée à l’objectif poursuivi ; la loi doit définir les garanties entourant une telle atteinte de sorte qu’en résulte une conciliation qui ne soit pas manifestement déséquilibrée entre le respect de la vie privée des personnes et la prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions ; parmi ces garanties, figure le droit à un recours juridictionnel effectif.

Dans la décision La Quadrature du net, le Conseil s’attache ensuite à la finalité des mesures de surveillance et de contrôle et relève qu’en prévoyant qu’elles « peuvent être prises aux seules fins de défense des intérêts nationaux, les dispositions contestées mettent en oeuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ». Sur ce point, il note toutefois qu’elles « n’interdisent pas que ces mesures puissent être utilisées à des fins plus larges que la seule mise en oeuvre de ces exigences ». Aussi, les mesures en cause qui portent atteinte au respect de la vie privé et au secret des correspondances ne sont qu’en partie justifiées par un motif d’intérêt général de rang constitutionnel. Les « exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation » ont fait leur apparition au sein de la jurisprudence constitutionnelle dans une décision QPC de 2011 portant sur le secret défense(6). Dans cette décision, le Conseil avait jugé que le « secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, réaffirmés par la Charte de l’environnement, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation et l’intégrité du territoire » ; il s’était fondé sur diverses dispositions de valeur constitutionnelle : l’article 16 de la Déclaration des droits de 1789, en tant qu’il se réfère à la séparation des pouvoirs, et les articles 5 et 20 de la Constitution fixant la répartition des missions des deux têtes de l’exécutif que sont le chef de l’État et le chef du Gouvernement. Dans sa décision du 23 juillet 2015 sur la loi relative au renseignement, le Conseil y ajoute l’article 21 de la Constitution(7). Dans cette décision, il précise que le secret de la défense nationale « participe des exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation »(8) et qu’il appartient au législateur de concilier, d’une manière qui ne soit pas manifestement déséquilibrée, d’une part le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable et le principe du contradictoire et, d’autre part, les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, dont participe le secret de la défense nationale(9). Ultérieurement, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur devait assurer une conciliation entre, d’une part, la liberté d’expression et de communication et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances, la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la recherche des auteurs d’infraction et la prévention des atteintes à l’ordre public nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Ainsi, la sauvegarde des intérêts nationaux de la Nation, sans avoir été expressément qualifiée d’objectif de valeur constitutionnelle, semble remplir une fonction analogue dans la jurisprudence constitutionnelle : celle d’une norme constitutionnelle qui, parce qu’elle doit être conciliée avec des droits et libertés de même valeur, autorise à y apporter des limitations. Dans la décision La Quadrature du net, l’atteinte au respect de la vie privée et au secret des correspondances n’est constitutionnellement acceptable qu’en tant qu’elle poursuit cet objectif de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.

Dans le dernier temps de la décision, le Conseil affirme que « les dispositions contestées ne définissent pas la nature des mesures de surveillance et de contrôle que les pouvoirs publics sont autorisés à prendre », qu’elles « ne soumettent le recours à ces mesures à aucune condition de fond ni de procédure et n’encadrent leur mise en oeuvre d’aucune garantie ». Est ainsi constatée l’incompétence négative du législateur qui n’a pas suffisamment encadré le recours à des mesures de surveillance et de contrôle de certaines communications et fixé les garanties entourant leur mise en oeuvre.

À l’issue de cette démarche en trois temps, le Conseil conclut que, « faute de garanties appropriées, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances résultant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 », de sorte qu’elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.

Il est remarquable que la disposition législative déclarée inconstitutionnelle soit issue de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement qui a fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité a priori. Aucune trace pourtant de ce qui allait devenir l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure dans sa longue décision de 93 considérants du 23 juillet 2015, l’inconstitutionnalité de cette disposition n’ayant été ni contestée expressément par les auteurs de la saisine, ni soulevée d’office par le Conseil constitutionnel. L’inconstitutionnalité, constatée dans une décision QPC rendue un peu plus d’un an après, a donc échappé au contrôle de constitutionnalité a priori.

Cette situation suscite plusieurs remarques complémentaires. D’abord elle témoigne de ce que la QPC conserve son intérêt même lorsque la loi a fait l’objet d’un contrôle a priori que l’on pourrait croire intégral. Il peut au demeurant être relevé que le dernier paragraphe des décisions DC portant sur des lois ordinaires souligne plus encore qu’auparavant que le contrôle de constitutionnalité a priori ne saurait être un contrôle intégral : le Conseil précise en effet qu’il « n’a soulevé d’office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la constitutionnalitédes autres dispositions que celles examinées dans la présente décision »(10). Cette nouvelle rédaction témoigne de ce que le contrôle a priori ne constitue pas un obstacle au contrôle a posteriori des dispositions qui n’ont pas été déclarées conformes dans les motifs et le dispositif de la décision DC. Ensuite, elle démontre aussi que certaines inconstitutionnalités échappent au Conseil, statuant dans le délai bref d’un mois du contrôle a priori, notamment en période estivale particulièrement chargée en raison de la fin de la session parlementaire. Enfin, il peut paraître paradoxal qu’il ait fallu attendre une QPC pour que soit sanctionné un cas d’incompétence négative, alors qu’on sait que l’incompétence négative du législateur n’est pas invocable par elle-même au soutien d’une QPC ; elle ne l’est qu’en tant qu’elle affecte par elle-même les droits et libertés que la Constitution garantit. Mais si, au cas présent, le Conseil constitutionnel n’a pas soulevé d’office cette inconstitutionnalité dans le cadre du contrôle a priori de constitutionnalité, c’est peut être qu’elle ne lui est pas apparue de manière évidente et qu’elle n’avait pas fait l’objet de débat au stade des travaux parlementaires. À cet égard, la décision La Quadrature du net témoigne de ce que certaines inconstitutionnalités ne sont révélées qu’au stade de l’application de la loi. Ainsi en est-il même s’agissant d’incompétences négatives dès lors que l’application concrète de la loi va permettre de révéler ses insuffisances. Au demeurant, l’une des associations requérantes en l’espèce avait présenté un mémoire informatif dit « porte étroite » à l’occasion de l’examen a priori de la loi relative au renseignement par le Conseil constitutionnel. Cette « porte étroite », qui a ensuite été rendue publique, ne conteste pas la constitutionnalité de ce qui allait devenir l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure. Aussi peut-on affirmer que même l’association requérante n’avait pas vu l’inconstitutionnalité de cette disposition législative avant sa mise en oeuvre par décret et son application concrète.

En dépit de l’inconstitutionnalité constatée en l’espèce, le Conseil, qui en cela ne satisfait pas à l’ensemble des prétentions des associations requérantes, décide de reporter l’abrogation de la loi au 31 décembre 2017. Il juge en effet que l’abrogation immédiate de l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure aurait « des conséquences manifestement excessives » en ce qu’elle priverait les pouvoirs publics « de toute possibilité de surveillance des transmissions empruntant la voie hertzienne ». Mais pour remédier à l’inconstitutionnalité dans la période transitoire, c’est-à-dire en attendant que le législateur prenne une disposition plus conforme à la Constitution ou au plus tard le 30 décembre 2017, le Conseil formule une réserve d’interprétation de la disposition législative jugée inconstitutionnelle : « les dispositions de l’article L. 811‑5 du code de la sécurité intérieure ne sauraient être interprétées comme pouvant servir de fondement à des mesures d’interception de correspondances, de recueil de données de connexion ou de captation de données informatiques soumises à l’autorisation prévue au titre II ou au chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure » et, elles « ne sauraient être mises en oeuvre sans que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement soit régulièrement informée sur le champ et la nature des mesures prises en application de cet article ». L’objectif du Conseil constitutionnel est ainsi de cantonner l’usage de l’article L. 811‑5 du code la sécurité intérieure pour conférer un caractère « résiduel » aux mesures qu’il prévoit(11) et d’entourer cet usage, jusqu’à l’adoption par le législateur d’un dispositif conforme à la Constitution, d’un minimum de garanties, par une information régulière de la CNCTR. Si le Conseil ne donne pas pleinement satisfaction aux associations requérantes en décidant de différer dans le temps l’abrogation de la loi, il donne néanmoins un effet utile à la déclaration d’inconstitutionnalité en cherchant à limiter les effets qu’elle pourrait produire jusqu’à la modification de la loi.

La défense par la cour de cassation d’une conception absolue du droit de propriété

Cass. 3e civ., 15 décembre 2016, n° 16‑40240

Les réticences de la Cour de cassation à renvoyer au Conseil constitutionnel des QPC visant ses propres interprétations constantes n’ont pas disparu. Tout spécialement lorsque le justiciable tente de remettre en cause une jurisprudence ancienne qui renferme une conception absolue du droit de propriété. Refusant de se plier à la notion autonome de droit de propriété au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation préserve la pérennité de sa propre jurisprudence.

L’objet de la QPC tranchée par la troisième chambre civile dans l’arrêt du 15 décembre 2016 concerne une jurisprudence fondée sur l’article 545 du code civil relatif à l’action en démolition de la partie d’une construction reposant sur le fonds voisin. En vertu d’une jurisprudence constante, maintenue malgré les critiques de la doctrine et les tentatives des juges du fond, « dès lors qu’un constructeur étend ses ouvrages au-delà des limites de sa propriété, il y a lieu à démolition de la partie de sa construction qui repose sur le fonds voisin, quelles que soient l’importance de l’empiétement et la bonne ou mauvaise foi du constructeur »(12). Même en cas d’empiètement de 5 millimètres d’une partie de la clôture, la Cour reste inflexible : « peu importe la mesure de l’empiétement »(13), l’ouvrage doit être détruit. Peu importe également le préjudice causé au constructeur qui verra son ouvrage détruit ou l’intensité du préjudice subi par le propriétaire. Il est en outre indifférent que l’empiétement soit en surface, souterrain ou aérien, la défense d’une protection absolue du droit de propriété écarte toute exception au principe de la démolition(14).

Une telle conception absolue du droit de propriété, placée sous l’égide de l’article 545 du code civil, était contestée en l’espèce par la société requérante sur le fondement des articles 2, 4 et 17 de DDHC garantissant le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et du domicile et le principe selon lequel la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Après avoir relevé l’applicabilité au litige et l’absence de déclaration préalable de conformité, la Cour de cassation répond en deux temps sur le caractère sérieux. D’une part, elle estime que l’article 545 du code civil « reprend le principe énoncé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », et « soumet toute privation de propriété à la constatation d’une utilité publique et au versement d’une juste et préalable indemnité ». Ce texte, applicable par conséquent en cas d’expropriation, « assure la défense du droit de propriété contre tout empiétement qui ne serait pas fondé sur une nécessité publique » estime l’arrêt du 15 décembre 2016. D’autre part, la défense du droit de propriété par l’article 544 du code civil « n’est pas susceptible de dégénérer en abus de droit »(15). Au terme d’un raisonnement particulièrement abstrait, la question n’est donc pas renvoyée au Conseil constitutionnel.

En réalité, ce refus de renvoi n’est pas surprenant au regard de la volonté clairement affichée de la Cour de cassation d’empêcher toute immixtion du Conseil constitutionnel dans cette matière. En effet, dans un arrêt du 11 février 2016(16), la Cour de cassation avait déjà été saisie d’une QPC portant sur la même question et formulée de la même manière. Mais le débat de fond avait été éludé grâce à l’utilisation du critère prétorien de filtrage des QPC ajouté à la loi organique par le juge judiciaire, en vertu duquel le justiciable doit démontrer un intérêt à obtenir le renvoi de la QPC(17). Autre variante de ce critère ajouté à la loi organique et globalement inconnu du Conseil d’État, la Cour de cassation peut également relever « que la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité n’est pas de nature à exercer une influence sur l’issue du litige »(18) ou que « les principes de valeur constitutionnelle invoqués ne peuvent exercer d’influence sur la solution du litige »(19). Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 11 février 2016, le litige portait sur la liquidation de l’astreinte que le juge de l’exécution avait prononcée à la suite d’une décision qui avait constaté l’empiétement des constructions sur le fondement de l’article 545 du code civil. Appliquant strictement la condition d’applicabilité au litige, l’arrêt concluait au non-renvoi car « la disposition contestée n’est pas applicable au litige, lequel concerne la seule liquidation d’une astreinte que le juge de l’exécution peut seulement liquider ou modérer, sans remettre en cause le principe de l’obligation ». Pour autant, cet arrêt avait relancé le débat de fond grâce à la publication des conclusions de l’avocat général Bruno Sturlèse qui mettait en cause la conformité à la Constitution de la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative au droit absolu à supprimer tout empiétement. Tout en concluant au défaut d’applicabilité au litige en l’espèce, l’avocat général relevait le caractère sérieux de la question au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit de propriété : « il y a tout lieu de craindre que l’affirmation d’un droit absolu à la démolition, telle qu’elle résulte de la jurisprudence actuelle de votre chambre, conduise à considérer que, dans certaines hypothèses, il puisse y avoir un doute sur sa compatibilité avec la protection du droit de propriété mise en oeuvre par le Conseil constitutionnel »(20). L’avocat général invitait ainsi la troisième Chambre civile à une « reconsidération » de sa jurisprudence, grâce en particulier à « l’introduction d’un contrôle de proportionnalité [qui] serait de nature à écarter toute suspicion d’inconstitutionnalité, tout en préservant avec plus de souplesse les droits de chacun, et sans pour autant renoncer à accorder une protection élevée au droit de propriété »(21).

Malgré les critiques doctrinales récurrentes et les doutes ouvertement exprimés au sein même de la Cour de cassation, la troisième Chambre civile persiste à défendre son positionnement jurisprudentiel dans trois arrêts du 15 novembre 2016(22). La Cour se montre en particulier inflexible à propos d’une emprise aérienne qui ne semblait pas causer de préjudice et dont la démolition apparaissait disproportionnée aux yeux de la Cour d’appel(23). Seule concession, dans l’un de ces trois arrêts, la Cour de cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir fait ordonner la démolition totale du bâtiment qui empiétait sur le fonds voisin à raison d’une bande d’une superficie de 4 millimètres. Dans cette hypothèse, il aurait fallu rechercher « si un rabotage du mur n’était pas de nature à mettre fin à l’empiétement constaté »(24). Ce qui est un moindre mal…

Au regard du régime constitutionnel du droit de propriété, la contradiction entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation est avérée. En retenant la présence d’une forme « d’expropriation privée illégale »(25), et ce de manière générale et indifférenciée à propos de tout empiétement, quelle que soit sa nature, son degré, les circonstances qui l’entourent et le comportement des deux parties concernées, la Cour de cassation contredit la dualité de la protection constitutionnelle du droit de propriété et méconnaît la nécessaire conciliationde ce droit avec l’intérêt général et d’autres droits et libertés. En effet, le Conseil constitutionnel distingue les privations de propriété, relevant de l’article 17 de la DDHC, des limitations du droit de propriété dont le régime est fixé par l’article 2 de la DDHC. Par exemple, à propos du mur mitoyen la décision du 12 novembre 2010(26) avait relevé la présence d’une simple limitation de propriété. A fortiori, certains empiétements mineurs qui ne causent pas de préjudice substantiel, à l’image des empiétements souterrains et aériens de quelques centimètres, ne seraient sans doute pas qualifiés de privation de propriété par le Conseil constitutionnel. Dès lors, si la plupart – pour ne pas dire la totalité – des hypothèses d’empiétements sont des simples limitations du droit de propriété, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la sanction quasi automatique de la démolition paraît disproportionnée.

Apparaît ainsi un conflit entre la conception constitutionnelle du droit de propriété et le régime de protection accordé à ce droit par la Cour de cassation dans le cadre du régime de sanction de l’empiétement. Pourtant, le Conseil constitutionnel n’a pas pour ambition d’imposer un vocabulaire et un mode unique de raisonnement à ses partenaires judiciaires et administratifs. La QPC étant un contrôle fondé sur la violation des droits et libertés constitutionnels, le Conseil constitutionnel utilise des notions constitutionnelles autonomes et transversales qui transcendent les différentes branches du droit. Ainsi, le droit de propriété ne peut pas, au niveau constitutionnel, être envisagé de manière totalement distincte selon que le litige relève du droit civil, du droit pénal, du droit administratif ou du droit fiscal. L’objectif étant de garantir un minimum d’uniformité dans la mise en oeuvre d’un droit ou d’une liberté, par-delà les distinctions académiques entre les différentes branches du droit. Par la suite, les différentes branches du droit peuvent employer des notions distinctes, l’essentiel étant de ne pas violer la substance de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En définitive, si le Conseil constitutionnel avait été saisi de l’interprétation constante de l’article 545 du code civil, à propos du droit absolu à supprimer tout empiétement, seul le principe du caractère absolu de la protection accordée au propriétaire aurait été mis en cause et seules des nuances en fonction des circonstances aurait été imposées. Le Conseil constitutionnel se serait certainement contenté d’émettre une réserve d’interprétation visant à moduler la sanction de l’empiétement, grâce à un critère de proportionnalité que le juge judiciaire aurait ensuite façonné à sa main. Au passage, il convient de rappeler que lorsqu’il est saisi d’une interprétation constante par le Conseil d’État ou la Cour de cassation d’une disposition à portée générale, le Conseil constitutionnel évite l’abrogation de la loi et émet la plupart du temps une réserve d’interprétation(27). Par exemple, dans la décision n° 2011‑127 QPC du 16 mai 2011 rendue à propos du régime spécial des accidents du travail des marins, une réserve d’interprétation a permis de compléter la jurisprudence de la Cour de cassation afin « qu’un marin victime, au cours de l’exécution de son contrat d’engagement maritime, d’un accident du travail imputable à une faute inexcusable de son employeur puisse demander, devant les juridictions de la sécurité sociale, une indemnisation complémentaire dans les conditions prévues par le chapitre 2 du titre V du livre IV du code de la sécurité sociale ».

Craintive, la Cour de cassation refuse toute intervention du Conseil constitutionnel et souhaite conserver à tout prix le contrôle de sa jurisprudence en matière de sanction de l’empiétement. Dans l’espérance d’une future réforme législative ? Dans l’espérance de convaincre une majorité au sein de la troisième chambre civile de l’opportunité d’introduire un critère de proportionnalité qui atténuerait la rigidité de la solution actuelle ? Dans cette attente, une conception absolue du droit de propriété continue de prospérer, au mépris de la conciliation nécessaire de ce droit(28) avec d’autres exigences constitutionnelles.

Le dialogue entre la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel n’a pas fonctionné en l’espèce s’est bouchonné et le débat relatif à l’instauration d’un contrôle de constitutionnalité des décisions de justice en ressort renforcé(29). De même, si un accès direct au Conseil constitutionnel était donné aux juges du fond, sous réserve qu’une formation restreinte au sein du Conseil estime que la question n’est pas manifestement infondée, les justiciables pourraient obtenir une réelle effectivité des droits et libertés constitutionnels. Ce mécanisme couramment rencontré en droit comparé nécessiterait une modification des textes relatifs à la QPC. Une telle réforme rencontrerait probablement l’opposition des cours suprêmes des ordres judiciaire et administratif soucieuses de conserver la gestion de l’accès au Conseil constitutionnel. Est-ce une raison suffisante ? Assurément non.

Janvier – mars 2017

Approfondissement du contrôle des atteintes à la liberté d’expression et de communication

Cons. const. n° 2016‑745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté

Cons. const. n° 2016‑611 QPC du 10 février 2017, M. David P. [Délit de consultation habituelle de sites internet terroristes]

Cons. const. n° 2017‑747 DC du 16 mars 2017, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse

Considérée comme une liberté d’autant plus précieuse qu’elle est « une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés »(30), la liberté d’expression et de communication déduite de l’article 11 de la Déclaration des droits de 1789 ne fait pas l’objet d’une jurisprudence particulièrement fournie. Aussi est-il intéressant de s’arrêter sur trois décisions rendues au début de l’année 2017 dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité de dispositions législatives limitant l’exercice de cette liberté par l’instauration d’un nouveau délit ou par l’extension du champ d’un délit préexistant. Ces décisions renouvellent l’exercice du contrôle de la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’expression et interrogent quant au fondement de ce contrôle.

Depuis la décision Hadopi de 2009(31), le Conseil rappelle que les atteintes à la liberté d’expression et de communication doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées. Parce qu’elle faisait suite à la décision Rétention de sûreté(32) dans laquelle, pourla première fois, le Conseil effectuait le triple test de l’adéquation, de la nécessité et de la proportionnalité des limitations à la liberté individuelle au regard de l’objectif poursuivi par le législateur, il pouvait être déduit de la décision Hadopi que dorénavant le Conseil entendait soumettre les atteintes à la liberté d’expression et de communication à un contrôle de constitutionnalité approfondi et complet. Pourtant, dans sa jurisprudence ultérieure, s’il rappelle systématiquement que de telles atteintes doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées, le Conseil se contentait d’une appréciation globale de ces critères sans les examiner point par point.

À cet égard, la décision n° 2016‑611 QPC du 10 février 2017 portant sur le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes ouvre une nouvelle ère du contrôle de proportionnalité exercé dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Le Conseil était saisi d’une QPC contestant la constitutionnalité de l’article 421‑2-5‑2 du code pénal.

S’interrogeant sur la nécessité de la disposition législative ayant institué dans le code pénal ce nouveau délit, le Conseil constate que le code pénal « comprend un ensemble d’infractions pénales autres que celle prévue par l’article 421‑2-5‑2 (…) issu de la loi du 3 juin 2016 et de dispositions procédurales pénales spécifiques ayant pour objet de prévenir la commission d’actes de terrorisme »(33). Il relève également que les autorités judiciaires disposent de pouvoirs étendus pour enquêter sur de telles infractions(34). En outre, « le législateur a (…) conféré à l’autorité administrative de nombreux pouvoirs afin de prévenir la commission d’actes de terrorisme » dont le Conseil dresse la liste(35). Il en déduit que, « au regard de l’exigence de nécessité de l’atteinte portée à la liberté de communication, les autorités administrative et judiciaire disposent, indépendamment de l’article contesté, de nombreuses prérogatives, non seulement pour contrôler les services de communication au public en ligne provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie et réprimer leurs auteurs, mais aussi pour surveiller une personne consultant ces services et pour l’interpeller et la sanctionner lorsque cette consultation s’accompagne d’un comportement révélant une intention terroriste, avant même que ce projet soit entré dans sa phase d’exécution »(36). La disposition législative n’apparaît donc pas nécessaire au regard du droit existant. On notera que, dans cette décision, comme d’ailleurs dans celle évoquée ci-dessous portant sur le délit de négationnisme, la nécessité de la mesure législative se mesure à son utilité par rapport au droit existant, non en considération de l’objectif poursuivi par le législateur.

Le Conseil se penche ensuite sur l’adaptation et la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’expression et de communication née de l’instauration du délit de consultation de sites terroristes. Il constate, d’une part, que « les dispositions contestées n’imposent pas que l’auteur de la consultation habituelle des services de communication au public en ligne concernés ait la volonté de commettre des actes terroristes ni même la preuve que cette consultation s’accompagne d’une manifestation de l’adhésion à l’idéologie exprimée sur ces services » et, d’autre part, qu’est réprimé « d’une peine de deux ans d’emprisonnement le simple fait de consulter à plusieurs reprises un service de communication au public en ligne, quelle que soit l’intention de l’auteur de la consultation, dès lors que cette consultation ne résulte pas de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, qu’elle n’intervient pas dans le cadre de recherches scientifiques ou qu’elle n’est pas réalisée afin de servir de preuve en justice »(37). Il relève en outre que, si le législateur a entendu exclure du délit la consultation effectuée de « bonne foi », « les travaux parlementaires ne permettent pas de déterminer la portée que le législateur a entendu attribuer à cette exemption » sachant que l’infraction ne requiert pas que l’auteur des faits soit animé d’une intention terroriste(38).

Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées portent une atteinte à l’exercice de la liberté de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée et que l’article 421‑2-5‑2 du code pénal doit donc être déclaré contraire à la Constitution. Le Conseil donne un effet immédiat à cette déclaration d’inconstitutionnalité laquelle profitera donc à l’auteur de la QPC et s’appliquera à toutes les instances en cours au jour de la publication de la décision du Conseil.

En dépit de cette décision, il est remarquable que le législateur ait souhaité faire échec aux effets de la décision du 10 février 2017 en adoptant, par la loi du 28 février, une disposition restaurant le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes, tout en en proposant une définition plus précise. Si la nouvelle rédaction de l’article 421‑2-5‑2 du code pénal a fait disparaître la notion de bonne foi et s’attache à prévoir des garanties satisfaisant les exigences dégagées dans la décision du 10 février, elle n’est pas de nature à remettre en cause la critique tenant à l’absence de nécessité du délit alors qu’un ensemble de dispositions législatives permettent déjà de surveiller, d’interpeller et de sanctionner une personne ayant l’intention de commettre un acte terroriste. La loi du 28 février 2017 n’ayant pas été soumise au Conseil constitutionnel après son vote, la nouvelle rédaction de l’article 421‑2-5‑2 du code pénal pourrait être contestée par voie de QPC et connaître le même sort que l’ancienne.

Quoi qu’il en soit, dans la décision du 10 février 2017, le Conseil examine distinctement la nécessité puis l’adaptation et la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’expression et de communication. Cette méthode de contrôle de constitutionnalité avait été initiée, un mois plus tôt, à propos d’une autre limitation de la liberté d’expression : celle résultant de l’instauration d’un nouveau délit de négationnisme(39). La loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoyait, par son article 173, de modifier l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse pour introduire un nouveau délit de négationnisme au champ d’application beaucoup plus large que celui qui, depuis la loi Gayssot du 13 juillet 1990(40), réprime la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité commis pendant la seconde guerre mondiale. Dans la décision du 8 janvier 2016, le Conseil constitutionnel a jugé la loi Gayssot conforme à la Constitution(41). L’article 173 de la loi de 2017 ajoutait un nouvel alinéa punissant la négation, minoration ou banalisation outrancière de « l’existence d’un crime de génocide autre que ceux mentionnés au premier alinéa du présent article, d’un autre crime contre l’humanité, d’un crime de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou d’un crime de guerre (…) », soit 1 ° lorsque « ce crime a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale », soit 2 ° lorsque « la négation, la minoration ou la banalisation de ce crime constitue une incitation à la violence ou à la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou d’un membre d’un tel groupe défini par référence à la prétendue race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ».

Se prononçant d’office sur le 2 ° de l’article 173 dans sa décision du 26 janvier 2017, le Conseil constitutionnel juge que cette disposition méconnaît la liberté d’expression et de communication en ce qu’elle n’est ni nécessaire, ni proportionnée(42). Pour arriver à cette conclusion, le Conseil constitutionnel développe une motivation qui, bien qu’elle puisse faire l’objet de critiques(43), est moins lapidaire que celle de la décision du 28 février 2012 dans laquelle le Conseil s’était contenté d’affirmer qu’une « disposition législative ayant pour objet de “reconnaître” un crime de génocide ne saurait, en elle-même, être revêtue de la portée normative qui s’attache à la loi » et qu’en réprimant « la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication »(44).

Dans sa décision du 26 janvier 2017, il a constaté que le délit de négationnisme, en ce qu’il punit le propos incitant à la haine ou à la violence, n’a pas d’utilité dans la mesure où il existe déjà un délit, puni de la même peine, de provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ainsi les dispositions contestées qui « répriment des mêmes peines des propos présentant les mêmes caractéristiques, ne sont pas nécessaires à la répression de telles incitations à la haine ou à la violence »(45).

Le Conseil note ensuite qu’en application des dispositions examinées, « des actes ou des propos peuvent (…) donner lieu à des poursuites au motif qu’ils nieraient, minoreraient ou banaliseraient des faits sans pourtant que ceux-ci n’aient encore reçu la qualification de l’un des crimes visés ». De la sorte, ces dispositions « font peser une incertitude sur la licéité d’actes ou de propos portant sur des faits susceptibles de faire l’objet de débats historiques qui ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité qui s’impose s’agissant de l’exercice de la liberté d’expression »(46).

Dans la décision du 26 janvier 2017, le Conseil constitutionnel avait donc renoncé à une appréciation globale de la nécessité et de la proportionnalité de l’atteinte à la liberté d’expression et de communication en distinguant la première de la seconde, ce que confirme la décision du 10 février sur le délit de consultation habituelle de sites internet terroristes.

Les décisions du 26 janvier 2017 et du 10 février 2017 présentent d’autres similitudes qui méritent d’être soulignées. Elles ont trait au fondement de l’examen de la constitutionnalité qui, dans les deux décisions, est la liberté d’expression et de communication alors que le Conseil aurait pu, s’agissant de dispositions législatives instituant dans les deux cas un délit, se fonder sur les principes constitutionnels applicables au domaine pénal et plus largement répressif. C’est d’autant plus remarquable que, dans la première décision, le moyen est soulevé d’office, ce qui lui laisse la possibilité de choisir le fondement, et que, dans la seconde, des principes constitutionnels de droit pénal étaient invoqués par les requérants(47). C’est donc volontairement que le Conseil s’est placé sur le terrain de la seule liberté d’expression et de communication en négligeant trois principes constitutionnels du droit punitif : d’une part, le principe de légalité des délits et des peines alors que, dans les deux décisions, les incertitudes dont est frappée la définition des infractions motivent l’inconstitutionnalité ; d’autre part, le principe de nécessité des délits et des peines, alors que les infractions ne sont pas jugées nécessaires au regard du droit existant ; enfin, le principe de proportionnalité des peines alors que la gravité des sanctions est mise en regard de l’ambiguïté des éléments constitutifs des infractions.

Ni les décisions, ni les commentaires de celles-ci disponibles sur le site internet, ne permettent d’expliciter ce choix. On se contentera donc de quelques propositions d’explication. D’abord ce choix peut se justifier par le fait que le Conseil laisse, en matière pénale, une marge d’appréciation importante au législateur : hormis le principe de légalité qui fait l’objet d’un contrôle strict, le Conseil constitutionnel considère traditionnellement que « la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur » et qu’il lui incombe seulement « de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue »(48). Il peut s’expliquer également par le fait que le Conseil entendait approfondir son contrôle des atteintes à la liberté d’expression et de communication, sans remettre en cause les lignes directrices de son contrôle du respect des principes constitutionnels relevant du domaine pénal.

La décision du 16 mars 2017(49) est de nature à corroborer ces explications. Le Conseil était saisi du contrôle de la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse composé d’un article unique, modifiant l’article L. 2223‑2 du code de la santé publique, en vertu duquel est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212‑3 à L. 2212‑8 par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiquesou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse : 1 ° Soit en perturbant l’accès aux établissements mentionnés à l’article L. 2212‑2, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ; 2 ° Soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212‑2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières ».

Dans cette décision, le Conseil se fonde sur le principe de légalité des délits et des peines et sur le principe de proportionnalité qui étaient invoqués par les sénateurs et députés saisissants, mais il écarte ces moyens en considérant que les dispositions législatives sont suffisamment claires et qu’elles ne sont pas manifestement disproportionnées, « compte tenu de la nature des comportements réprimés » et de leur objectif qui est « de prévenir l’atteinte susceptible d’être portée à la liberté de la femme »(50). Et le Conseil de rappeler que la « nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur »(51).

Mais l’essentiel du contrôle de constitutionnalité porte, là encore, sur l’atteinte à la liberté d’expression et de communication. Le Conseil juge qu’il n’est pas porté à cette liberté une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi tant en ce qui concerne le cas des perturbations dans l’accès et le fonctionnement des établissements pratiquant l’IVG, qu’en ce qui concerne celui des pressions, des menaces ou des actes d’intimidation. S’agissant de cette seconde hypothèse, le Conseil formule toutefois deux réserves d’interprétation particulièrement concrètes ayant pour but de préciser les situations dans lesquelles le délit sera constitué. Il précise, en effet, que, « sauf à méconnaître la liberté d’expression et de communication », « la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions,menaces ou actes d’intimidation au sens des dispositions contestées »(52). De la sorte, seuls les actes visant à empêcher ou à tenter d’empêcher des personnes déterminées de s’informer sur l’IVG ou d’y recourir relèvent du délit d’entrave à l’IVG. Le Conseil indique ensuite que ce délit n’est constitué « qu’à deux conditions : que soit sollicitée une information, et non une opinion ; que cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu’elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière »(53).

Il est remarquable que ces réserves d’interprétation viennent en définitive préciser et compléter les éléments constitutifs de l’infraction, ce qui témoigne de ce que la rédaction de la disposition législative n’était pas suffisamment claire, en dépit de ce qu’a jugé le Conseil sur le fondement du principe de légalité des délits et des peines. Elles lui permettent en outre de minimiser le champ d’un délit pour que ne soit pas portée une atteinte excessive à la liberté d’expression, alors qu’il nie, dans la même décision, que le législateur ait pu instituer une peine manifestement disproportionnée. L’absence de disproportion manifeste résulte en réalité des réserves émises par le Conseil. Ainsi, dans la décision du 16 mars 2017, comme dans les décisions de janvier et de février présentées cidessus, le Conseil privilégie un contrôle de constitutionnalité fondé sur la liberté d’expression et de communication parce que ce fondement lui laisse à la fois la possibilité d’exercer un contrôle plus approfondi et une plus grande liberté dans la définition du champ de l’application concrète de la loi contrôlée.

(30) Notamment Cons. const. n° 2009‑580 DC, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, cons. 15.
(31) Décision préc.
(32) Cons. const. n° 2008‑562 DC du 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, cons. 13 à 23.
(33) § 7 de la décision n° 2016‑611 QPC.
(34) Elles peuvent « procéder à des mesures d’interception de correspondances émises par voie de communication électronique, de recueil des données techniques de connexion, de sonorisation, de fixation d’images et de captation de données informatiques », v. § 9 de la décision.
(35) § 10 à 12 de la décision n° 2016‑611 QPC.
(36) § 13 de la décision n° 2016‑611 QPC.
(37) § 14 de la décision n° 2016‑611 QPC.
(38) § 15 de la décision n° 2016‑611 QPC.
(39) Cons. const. n° 2016‑745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté.
(40) Loi n° 90‑615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe – art. 9.
(41) Cons. const. n° 2015‑512 QPC du 8 janvier 2016, M. Vincent R.
(42) Déc. 2016‑745 DC du 26 janvier 2017, cons. 197.
(43) Sur ce point, cf. T. Hochmann, « Pas de lunettes sous les oeillères : le Conseil constitutionnel et le négationnisme », RDLF, 2 février 2017, chr. n° 6 ; v. aussi A. Roblot-Troizier, RFDA, 2017, n° 3, à paraître.
(44) Cons. const. n° 2012‑647 DC du 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, cons. 6.
(45) § 195 de la décision 2016‑745 DC.
(46) § 196 de la décision 2016‑745 DC.
(47) Les requérants invoquaient le principe de légalité des délits et des peines et le principe de présomption d’innocence, ainsi que le principe d’égalité devant la loi et l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
(48) Notamment, Cons. const. n° 2007‑554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 8 ; n°2009‑590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, cons. 20 ; et, dans le cadre de l’article 61‑1, v. par exemple n° 2010‑66 QPC du 26 novembre 2010, M. Thibaut G., cons. 4.
(49) Cons. const. n° 2017‑747 DC du 16 mars 2017, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
(50) § 18 de la décision 2017‑747 DC.
(51) § 17 de la décision 2017‑747 DC.
(52) § 14 de la décision 2017‑747 DC.
(53) § 15 de la décision 2017‑747 DC.

Extension de l’autorité des décisions « par analogie d’objet »

Cons. const. n° 2016‑612 QPC, 24 février 2017, SCI Hyéroise

Le Conseil constitutionnel a clairement décidé de renforcer l’autorité que l’article 62 de la Constitution confère à ses décisions. Avec la décision SCI Hyeroise du 24 février 2017, il modifie le considérant de principe relatif à l’autorité des décisions par analogie d’objet et ouvre de nombreuses potentialités contentieuses pour le justiciable et les juges du filtrage.

Depuis une décision du 19 décembre 2013(54), le Conseil constitutionnel avait estimé que « si l’autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel déclarant inconstitutionnelles des dispositions d’une loi ne peut en principe être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue en termes distincts, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi, bien que rédigées sous une forme différente, ont, en substance, un objet analogue à celui des dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution ». L’extension de l’autorité des décisions aux dispositions dont l’objet est analogue à celui des dispositions déclarées contraires a donné lieu à une jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel qui a notamment permis de paralyser l’application d’une disposition législative promulguée, de renvoyer des QPC fondées sur la violation de l’article 62 de la Constitution ou d’abroger des dispositions analogues(55).

En l’espèce, la société requérante sollicitait une nouvelle extension de l’autorité par analogie d’objet. En effet, l’objet de la QPC concernait l’article 1389-I du code général des impôts (CGI) relatif au dégrèvement de la taxe foncière en cas de vacance d’une maison normalement destinée à la location ou d’inexploitation d’un immeuble utilisé par le contribuable lui-même à usage commercial ou industriel. Ce dégrèvement est subordonné, selon ce texte, « à la triple condition que la vacance ou l’inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu’elle ait une durée de trois mois au moins et qu’elle affecte soit la totalité de l’immeuble, soit une partie susceptible de location ou d’exploitation séparée ». Selon la société requérante, la première de ces trois conditions, relative au caractère indépendant de la volonté du contribuable, était analogue à l’objet de l’article 232 du CGI relatif à la taxe annuelle sur les logements vacants selon lequel cette « taxe n’est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable ». Or, dans deux décisions du 29 juillet 1998(56) et du 29 décembre 2012(57), le Conseil constitutionnel avait émis des réserves d’interprétation sur cet article 232 du CGI, en estimant que ne sauraient être assujettis à cette taxe « deslogements qui ne pourraient être rendus habitables qu’au prix de travaux importants et dont la charge incomberait nécessairement à leur détenteur ». De plus, dans ces deux décisions, les réserves du Conseil constitutionnel avaient précisé la condition d’indépendance de la volonté du contribuable, en estimant « que ne sauraient être assujettis des logements dont la vacance est imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, faisant obstacle à leur occupation durable, à titre onéreux ou gratuit, dans des conditions normales d’habitation, ou s’opposant à leur occupation, à titre onéreux, dans des conditions normales de rémunération du bailleur ; qu’ainsi, doivent être notamment exonérés les logements ayant vocation, dans un délai proche, à disparaître ou à faire l’objet de travaux dans le cadre d’opérations d’urbanisme, de réhabilitation ou de démolition, ou les logements mis en location ou en vente au prix du marché et ne trouvant pas preneur ».

Estimant que l’interprétation constante par le Conseil d’État de l’article 1389-I du CGI, relatif au dégrèvement de la taxe foncière, conduisait à une application trop stricte de la condition d’indépendance de la volonté du contribuable, la société requérante cherchait à obtenir le bénéfice de l’application des réserves d’interprétation émises en 1998 et en 2012 à propos de la taxe annuelle sur les logements vacants. Car, selon la société requérante, les deux textes prévoyaient une condition analogue relative à la vacance indépendante de la volonté du contribuable.

Le Conseil constitutionnel devait donc trancher une question de droit inédite : l’autorité de ses décisions s’étend-elle aux dispositions dont l’objet est analogue, non seulement à celui de dispositions déclarées contraires comme il l’affirmede manière constante depuis la décision du 19 décembre 2013, mais également aux dispositions déclarées conformes sous réserve ? En réponse, le Conseil constitutionnel reformule le considérant de principe sur l’autorité par analogie d’objet, mais rejette au fond le grief. Désormais, « si l’autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel ne peut en principe être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi, il n’en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi ont un objet analogue à celui des dispositions législatives sur lesquelles le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé. » Ce nouveau considérant de principe présente un double apport.

En premier lieu, la formulation du considérant est davantage ramassée. Disparaissent ainsi les mentions « conçue en termes distincts », « bien que rédigées sous une forme différente » et « , en substance, ». Privilégiant la sobriété des mots à la pédagogie quelque peu redondante de l’ancienne rédaction, le Conseilconstitutionnel rationalise son discours. Pourtant, l’intérêt de l’ancienne formulation était de signaler aux justiciables, aux avocats et aux juges du filtrage qu’ils devaient adopter une lecture substantielle et non formelle de la norme législative. Par-delà les mots, c’est bien la substance, l’objet législatif qui devait être évalué. Le Conseil constitutionnel n’a certainement pas renoncé à cette lecture, mais il ne le dit plus aussi clairement.

En second lieu, la portée du considérant est nettement élargie. En effet, l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel s’étend à toute disposition législative dont l’objet est analogue « à celui des dispositions législatives sur lesquelles le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé ». Cette rédaction inclut non seulement les dispositions déclarées contraires, qui seules étaient visées par l’ancienne rédaction du considérant de principe, mais également les décisions de conformité sous réserve, comme l’invitait la société requérante, et les décisions de conformité. L’intégration des décisions de conformité sous réserve est parfaitement cohérente : dès lors que les réserves d’interprétation conditionnent la conformité de la loi à la Constitution, le raisonnement tenu par le Conseil constitutionnel à propos des dispositions législatives déclarées contraires devait être étendu aux dispositions déclarées conformes sous réserve. Ainsi, tout justiciable pourra désormais invoquer la violation de la chose jugée par le Conseil constitutionnel, à propos de dispositions législatives dont l’objet est analogue à celui des dispositions sur lesquelles le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation. Avec cet élargissement, le justiciable bénéficie d’un outil supplémentaire pour obtenir le renvoi d’une QPC, ou éventuellement la neutralisation normative d’une disposition législative, devant le juge administratif seulement et en attendant de connaître la position du juge judiciaire, sans même déposer une QPC, en application de la jurisprudence Métropole Télévision du Conseil d’État(58). De même, les autorités de saisine dans le contrôle a priori ne manqueront pas d’utiliser ce grief.

En revanche, l’intégration des décisions de conformité était moins attendue. La défense de la loi par le gouvernement en DC comme en QPC, ainsi que le mémoire en défense du justiciable ne souhaitant pas que la QPC soit renvoyée au Conseil constitutionnel, pourront désormais opérer une comparaison entre la disposition contestée et les dispositions validées dans une décision antérieure : si l’analogie d’objet est retenue, le Conseil constitutionnel devrait, au nom de l’article 62 de la Constitution, valider la disposition législative sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs. Mais les juges du filtrage pourraient également se saisir de cette notion pour ne pas renvoyer des QPC sur le fondement de l’article 62 de la Constitution tel qu’interprété dans la décision commentée du 24 février 2017. Saisi d’une disposition législative dont l’objet serait jugé analogue à celui d’une disposition validée dans une décision antérieure par le Conseil constitutionnel, le juge du filtrage s’abriterait derrière l’autorité que l’article 62 de la Constitution confère désormais aux décisions de conformité pour ne pas renvoyer la question, soit parce que le mémoire en défense argumente en ce sens, soit parce que le juge du filtrage acceptera de relever d’office le respect de l’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, ce qui n’est actuellement pas l’état du droit dans le contentieux QPC(59).

De manière générale, le risque pour le Conseil constitutionnel est de laisser échapper au juge judiciaire et administratif l’appréciation de l’analogie d’objet, et ainsi déléguer le pouvoir de contrôler indirectement la constitutionnalité des lois. C’est la raison pour laquelle le Conseil constitutionnel a très tôt interprété strictement cette notion, à l’image de la décision Red bull du 19 septembre 2014(60). Dans la décision commentée du 24 février 2017, le Conseil constitutionnel rejette également toute approche extensive de la notion d’objet analogue : en raison de la différence d’objet entre les deux taxes, l’analogie d’objet n’est pas retenue. En effet, la « taxe annuelle sur les logements vacants est un impôt incitatif visant à encourager les redevables à proposer des logements à la location », tandis que « la taxe foncière sur les propriétés bâties frappe ces propriétés en raison de leur existence même et sans considération de leur utilisation ». Dès lors, conclut la décision, les dispositions contestées de l’article 1389-I du CGI, qui instituent un dégrèvement de taxe foncière en cas de vacance d’une maison ou d’inexploitation d’un immeuble « n’ont pas un objet analogue » aux dispositions « relatives à la taxe annuelle sur les logements vacants » qui avaient fait l’objet de réserves d’interprétation en 1998 et 2012.

La décision SCI Hyéroise confirme ainsi l’exercice d’équilibrisme juridique auquel se livre le Conseil constitutionnel : tout en recherchant l’extension de l’autorité de ses décisions, il ne doit pas donner au juge judiciaire et administratif les moyens de s’émanciper totalement. Au regard du positionnement ambigu du Conseil constitutionnel dans le système juridictionnel français, il n’est en définitive pas vraiment étonnant que la jurisprudence sur l’autorité de ses décisions emprunte de tels détours subtils et complexes.

La concrétisation des réserves d’interprétation

Cons. const. n° 2016‑606/607 QPC, 24 janvier 2017, M. Ahmed M. et autre

Cons. const. n° 2017‑747 DC, 16 mars 2017, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse

Cons. const. n° 2017‑624 QPC du 16 mars 2017, M. Sofiyan I.

Discrètement, le Conseil constitutionnel modifie son usage des réserves d’interprétation dans le sens d’une concrétisation de leur formulation. Davantage précises et intégrant des éléments factuels, les « réserves d’interprétation concrètes » se sont multipliées ces derniers mois. C’est en tout cas l’hypothèse soumise à la discussion qui semble découler en particulier de trois décisions emblématiques, au regard de la sensibilité des questions de droits et libertés en discussion : les contrôles d’identité au faciès, le délit d’entrave à l’IVG et la durée maximale de l’assignation à résidence dans le cadre de l’état d’urgence.

Dans la première de ces trois décisions, rendue le 24 janvier 2017(61), le Conseil constitutionnel était saisi d’une QPC visant notamment les dispositions du code de procédure pénale permettant aux services de police judiciaire de contrôler l’identité des personnes quel que soit leur comportement, en tout lieu visé par les réquisitions écrites du procureur de la République. Or, au regard des risques pour la liberté d’aller et venir que fait peser la pratique des contrôles généralisés, le Conseil constitutionnel formule deux réserves d’interprétation : d’une part, ces dispositions ne sauraient « autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions », d’autre part, ces dispositions « ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d’identité généralisés dans le temps ou dans l’espace ». Ces réserves entendent donc mettre fin à la « pratique » des contrôles d’identité généralisés en pointant précisément l’application détournée de la loi que les requérants contestaient en l’espèce. C’est donc bien la loi telle que mise en oeuvre, façonnée par les faits et le poids des pratiques administratives, qui est contredite par ces deux réserves. Concrètes et précises, ces réserves permettent également au Conseil constitutionnel de prolonger les arrêts de la Cour de cassation du 9 novembre 2016 ouvrant la condamnation de l’État pour faute lourde en cas de contrôle d’identité discriminatoire(62).

La deuxième décision rendue sur la période concerne le délit d’entrave à l’IVG. Dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil constitutionnel conclut le 16 mars 2017(63) à l’absence de violation de la liberté d’expression et de communication, mais sous le respect de plusieurs réserves d’interprétation particulièrement précises. En effet, « la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d’intimidation au sens des dispositions contestées ». La décision ajoute que ces « dispositions ne peuvent donc permettre que la répression d’actes ayant pour but d’empêcher ou de tenter d’empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d’y recourir ». En outre, le Conseil constitutionnel n’hésite pas à ajouter à la disposition contestée « deux conditions » pour pouvoir réprimer les pressions, menaces ou intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une IVG : « que soit sollicitée une information, et non une opinion ; que cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu’elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ». En ajoutant des précisions à un texte d’incrimination pénale, dans un style direct et avec un niveau de détail peu fréquent, le Conseil constitutionnel ne fait clairement pas un usage habituel de la technique des réserves d’interprétation. C’est l’anticipation sur une situation factuelle potentiellement problématique qui l’incite à concrétiser ses réserves et à fournir un mode d’emploi détaillé aux autorités d’application de la loi.

La troisième décision du 16 mars 2017(64) confirme la tendance ainsi dévoilée. Saisi d’une disposition du régime législatif de l’état d’urgence prévoyant qu’une assignation à résidence prononcée par l’autorité administrative peur être prolongée au-delà de douze mois, le Conseil constitutionnel livre un vade-mecum à l’attention du juge administratif. Le renouvellement de l’assignation à résidence par période de trois mois ne saurait ainsi être accordé que si trois conditions sont réunies : il faut que « le comportement de la personne en cause constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics », « que l’autorité administrative produise des éléments nouveaux ou complémentaires », et « enfin que soient prises en compte dans l’examen de la situation de l’intéressé la durée totale de son placement sous assignation à résidence, les conditions de celle-ci et les obligations complémentaires dont cette mesure a été assortie ». Ici encore, ces réserves étonnent par leur niveau de précision et par l’intensité des garanties qu’elles ajoutent au texte de loi(65).

Concrétisées, les réserves d’interprétation permettent de saisir précisément la loi telle qu’elle est déjà mise en oeuvre ou telle qu’elle pourrait l’être à l’avenir. Classiquement, la plupart des réserves étaient présentées sous la forme d’une garantie générale ou d’un renvoi imprécis à l’appréciation des autorités chargées de l’application de la loi. Désormais davantage soucieux de se rapprocher du fait, le Conseil constitutionnel s’écarte ponctuellement de la nature principalement abstraite de son office, ambitionne de renforcer l’effectivité des droits et libertés constitutionnels et tente de préserver l’attractivité de son office. À supposer qu’il se confirme, ce mouvement jurisprudentiel doit évidemment être mis en perspective avec la nouvelle concurrence offerte par le contrôle concret de conventionnalité exercé par la Cour de cassation et le Conseil d’État(66). Stimulé par cette nouvelle offre contentieuse, le Conseil constitutionnel n’a pas choisi l’immobilisme et la concrétisation des réserves d’interprétation semble faire partie de ce redéploiement jurisprudentiel.

Revue doctrinale

Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

11 décembre 2015

2015-508 QPC

M. Amir F. [Prolongation exceptionnelle de la garde à vue pour des faits de blanchiment, de recel et d’association de malfaiteurs en lien avec des faits d’escroquerie en bande organisée]

  • Catelan, Nicolas. « Contingence du contrôle a posteriori », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 703-707.

22 décembre 2015

2015-527 QPC

M. Cédric D. [Assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence]

  • Roux, André. « État d’urgence et Constitution », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 688-700.

7 janvier 2016

2015-510 QPC

Association Expert-comptable média association [Sanctions pécuniaires prononcées par l’Autorité de la concurrence]

  • Catelan, Nicolas. « Le rayonnement de Beccaria... en droit constitutionnel de la concurrence », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 713-714.

8 janvier 2016

2015-512 QPC

M. Vincent R. [Délit de contestation de l’existence de certains crimes contre l’humanité]

  • Perrier, Jean-Baptiste. « Le délit de négationnisme enfin examiné par le Conseil constitutionnel : tout ça pour ça ? », Revue française de droit constitutionnel, juilletseptembre 2016, n° 107, p. 700-703.

  • Picard, Kelly ; Philippe, Xavier. « [Note sous décision n° 2015-512 QPC] », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 669-679.

14 janvier 2016

2015-513/514/526 QPC

M. Alain D. et autres [Cumul des poursuites pénales pour délit d’initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l’AMF pour manquement d’initié – II]

  • Catelan, Nicolas. « In memoriam... ne bis in idem », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 714-717.

  • Peltier, Virginie. « Cumul des sanctions – Manquement d’initié », Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin 2016, n° 2, p. 450-453.

19 février 2016

2015-522 QPC

Mme Josette B-M. [Allocation de reconnaissance III]

  • Disant, Mathieu. « La constitutionnalité au prisme du risque (A propos du contentieux constitutionnel des validations législatives) [in Droit et risque n° 8] », Les Petites Affiches, 23 janvier 2017, n° 16, p. 6-8.

2016-535 QPC

Ligue des droits de l’homme [Police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l’état d’urgence]

  • Roux, André. « État d’urgence et Constitution », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 688-700.

2016-536 QPC

Ligue des droits de l’homme [Perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l’état d’urgence]

  • Roux, André. « État d’urgence et Constitution », Revue française de droit constitutionnel, juillet-septembre 2016, n° 107, p. 688-700.

6 juillet 2016

2016-551 QPC

M. Éric B. [Conditions tenant à l’exercice de certaines fonctions ou activités en France pour l’accès à la profession d’avocat]

  • Belval, Bertrand de. « Conformité de la “passerelle” à la Constitution », La Gazette du Palais, 18 octobre 2016, n° 36, p. 20.

22 juillet 2016

2016-555 QPC

M. Karim B. [Subordination de la mise en mouvement de l’action publique en matière d’infractions fiscales à une plainte de l’administration]

  • « [Note 1000 sous décision n° 2016-555 QPC] », Revue de jurisprudence et des conclusions fiscales, novembre 2016, n° 11, p. 1313-1314.

  • Cassard-Valembois, Anne-Laure. « Le “verrou de Bercy” n’a pas sauté ! », Actualité juridique. Droit administratif, 17 octobre 2016, n° 34, p. 1925-1928.

  • Detraz, Stéphane. « Validation du régime des poursuites de la fraude fiscale », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, juillet-septembre 2016, n° 3, p. 529-533.

  • Robert, Jacques-Henri. « À force de faire du passé table rase, on aura bientôt plus de table du tout », Droit pénal, octobre 2016, n° 10, p. 29-31.

  • Villemot, Dominique. « La subordination de la mise en mouvement de l’action publique au dépôt d’une plainte de l’administration en cas d’infraction fiscale est constitutionnelle », Gestion et finances publiques, mars-avril 2017, n° 2, p. 97-100.

28 juillet 2016

2016-732 DC

Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature

  • Benetti, Julie. « Continuité jurisprudentielle ou (nouveau) revirement ? À propos de la censure de cavaliers organiques par la décision du Conseil constitutionnel », Constitutions, juillet-septembre 2016, n° 2016-3, p. 396-398.

4 août 2016

2016-735 DC

Loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité

  • Bergougnous, Georges. « Le contrôle des lois organiques prises en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution : liberté d’action du législateur organique et interprétation stricte des dérogations à un principe constitutionnel introduites par une révision », Constitutions, juillet-septembre 2016, n° 2016-3, p. 398-401.

2016-736 DC

Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

  • Fabre, Alexandre. « L’instance de dialogue social dans les réseaux de franchise », Constitutions, juillet-septembre 2016, n° 2016-3, p. 446-454.

  • Gahdoun, Pierre-Yves. « Jurisprudence sociale du Conseil constitutionnel [Note sous décision n° 2016-736 DC] », Le Droit ouvrier, décembre 2016, n° 821, p. 813-816.

2016-737 DC

Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

  • Foucher, Karine. « Le principe de non-régression devant le Conseil constitutionnel », Constitutions, juillet-septembre 2016, n° 2016-3, p. 487-493.

  • Makowiak, Jessica. « Il est temps à tout moment », Revue juridique de l’environnement, décembre 2016, n° 4-2016, p. 597-599.

9 septembre 2016

2016-561/562 QPC

M. Mukhtar A. [Écrou extraditionnel]

  • Brach-Thiel, Delphine. « Utiles précisions autour du placement sous écrou extraditionnel », Actualité juridique. Pénal, décembre 2016, n° 12, p. 596-597.

29 septembre 2016

2016-570 QPC

M. Pierre M. [Cumul des poursuites pénales pour banqueroute avec la procédure de liquidation judiciaire et cumul des mesures de faillite ou d’interdiction]

  • Matsopoulou, Haritini. « La fin du cumul des mesures de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer », Revue des sociétés, Journal des sociétés, décembre 2016, n° 12, p. 755-761.

2016-573 QPC

M. Lakhdar Y. [Cumul des poursuites pénales pour banqueroute avec la procédure de liquidation judiciaire et cumul des mesures de faillite ou d’interdiction]

  • Matsopoulou, Haritini. « La fin du cumul des mesures de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer », Revue des sociétés, Journal des sociétés, décembre 2016, n° 12, p. 755-761.

30 septembre 2016

2016-572 QPC

M. Gilles M. et autre [Cumul des poursuites pénales pour le délit de diffusion de fausses informations avec des poursuites devant la commission des sanctions de l’AMF pour manquement à la bonne information du public]

  • « [Note sous décision 2016-572 QPC] », Revue de jurisprudence et des conclusions fiscales, janvier 2017, n° 1, p. 57-58.

  • Lasserre Capdeville, Jérôme. « Constitutionnalité du cumul des poursuites pénales et devant l’AMF en matière de diffusion d’informations fausses ou trompeuses », Actualité juridique. Pénal, décembre 2016, n° 12, p. 588-590.

  • Matsopoulou, Haritini. « L’interdiction du cumul des poursuites pour le délit et le manquement de diffusion de fausses informations », Revue des sociétés, Journal des sociétés, février 2017, n° 2, p. 99-103.

  • Robert, Jacques-Henri. « Le Conseil constitutionnel rend une nouvelle décision de règlement à propos du cumul de poursuites contre les abus de marché », La Semaine juridique. Édition générale, 5 décembre 2016, n° 49, p. 2276-2280.

21 octobre 2016

2016-590 QPC

La Quadrature Du Net et autres [Surveillance et contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne]

  • Le Bot, Olivier. « L’‘‘oubli’’ d’intégrer les communications hertziennes dans le droit commun du renseignement », Constitutions, octobre-décembre 2016, n° 2016-4, p. 653-655.

  • Robert, Jacques-Henri. « Ce n’est pas dans les plus vieux pots législatifs qu’on fait les meilleures lois », Droit pénal, décembre 2016, n° 12, p. 34-35.

10 novembre 2016

2016-738 DC

Loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias

  • Bellescize, Diane de. « La loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dite loi Bloche : progrès et déceptions », Constitutions, octobre-décembre 2016, n° 2016-4, p. 662-670.

  • Derieux, Emmanuel. « Non-conformité à la Constitution des dispositions visant à renforcer la protection des sources d’information des journalistes », La Semaine juridique. Édition générale, 21 novembre 2016, n° 47, p. 2124-2125.

17 novembre 2016

2016-739 DC

Loi de modernisation de la justice du xxie siècle

  • Bachschmidt, Philippe. « Nouvelles interrogations sur la “règle de l’entonnoir” devant le Conseil constitutionnel », Constitutions, octobre-décembre 2016, n° 2016-4, p. 591-593.

  • Bergougnous, Georges. « Les enseignements de la décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016 sur le droit d’amendement en première lecture », Constitutions, octobre-décembre 2016, n° 2016-4, p. 589-591.

  • Moron-Puech, Benjamin. « L’homme enceint et le Conseil constitutionnel : une rencontre manquée », Revue des droits et libertés fondamentaux, 1er décembre 2016, Chron. n° 28, 5 p.

8 décembre 2016

2016-741 DC

Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

24 janvier 2017

2016-606/607 QPC

M. Ahmed M. et autre [Contrôles d’identité sur réquisitions du procureur de la République]

  • Ferré, Nathalie. « Le Conseil constitutionnel rejette les QPC sur les contrôles au faciès », Lexbase. La Lettre juridique, 2 février 2017, n° 686, 4 p.

  • Turpin, Dominique. « L’étau se resserre sur les contrôles au faciès ! [Actualités] », La Semaine juridique. Édition générale, 6 février 2017, n° 6, p. 270.

26 janvier 2017

2016-745 DC

Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté

  • Hochmann, Thomas. « Pas de lunettes sous les oeillères : le Conseil constitutionnel et le négationnisme », Revue des droits et libertés fondamentaux, 2 février 2017, chron n° 06, 6 p. Disponible sur : http://www.revuedlf.com/droitconstitutionnel/pas-de-lunettes-sous-les-oeilleres-le-conseil-constitutionnel-etle-negationnisme/.

  • Leray, Elisa ; Monsalve, Elda. « Un crime de féminicide en France ? À propos de l’article 171 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté », Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 10 février 2017, 9 p.

  • Letteron, Roseline. « Négation du génocide arménien : retour subreptice devant le Conseil constitutionnel », Liberté, Libertés chéries, 6 février 2017, 3 p.

  • Safi, Farah. « À la recherche d’un fondement à l’incrimination du négationnisme », Recueil Dalloz, 23 mars 2017, n° 12, p. 686-691.

Articles thématiques

Droits fondamentaux / Libertés publiques

  • Bonnet, Julien. « Les juges constitutionnels et l’état d’urgence », Droit administratif, décembre 2016, n° 12, p. 16-22.

  • Canivet, Guy. « État de droit, libertés en France. Perspectives historiques. L’inachevé du droit », in Les libertés en France et au Royaume-Uni : état de droit, rule of law. À propos de l’anniversaire de la Grande Charte de 1215. Actes du colloque en hommage à Roger Errera, Paris, Société de législation comparée, 2016, p. 47-62.

  • Canivet, Guy. « Pathologie de la garantie de la liberté individuelle : le syndrome de confusion. Examen de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’interprétation de l’article 66 de la Constitution », in Humanisme et justice : mélanges en l’honneur de Geneviève Giudicelli-Delage, Paris, Dalloz, 2016, p. 323-347.

  • Drago, Guillaume. « L’ordre public et la Constitution », in L’ordre public, Paris, Dalloz, 2015, p. 199-214.

  • Éveillard, Gweltaz. « Précisions sur le régime juridique des perquisitions administratives [CE, ass., avis, 6 juillet 2016, n° 398234 et n° 399135] », Droit administratif, novembre 2016, n° 11, p. 25-31.

  • Grossholz, Caroline. « Exploitation des données de connexion : le cadre constitutionnel et l’horizon européen », La Semaine juridique. Administrations et collectivités territoriales, 28 novembre 2016, n° 47, p. 21-26.

  • Tukov, Christophe. « L’avènement d’une rule of law “à la française” : le juge administratif et le contentieux lié à l’état d’urgence », Pouvoirs, novembre 2016, n° 159, p. 125-136.

  • Türk, Pauline. « État d’urgence : les perquisitions administratives sous contrôle [CE, avis, 6 juillet 2016, n° 398234 et n° 399135] », La Semaine juridique. Édition générale, 10 octobre 2016, n° 41, p. 1871-1874.

Droit de propriété

  • Giacuzzo, Jean-François. « Brèves remarques sur la nationalisation », Constitutions, octobre-décembre 2016, n° 2016-4, p. 635-369.

(1) Paragraphe 5.
(2) Paragraphe 2.
(3) Décret n° 2015‑1185 du 28 septembre 2015 portant désignation des services spécialisés de renseignement ; décret n° 2015‑1211 du 1er octobre 2015 relatif au contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’État ; décret n° 2015‑1639 du 11 décembre 2015 relatif à la désignation des services autres que les services spécialisés de renseignement, autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, pris en application de l’article L. 811‑4 du code de la sécurité intérieure ; décret n° 2016‑67 du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement.
(4) Req. n° 384353.
(5) CE, 22 juillet 2016, n° 394922
(6) Cons. const., n° 2011‑192 QPC, 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres (Secret défense), cons. 20 et 22.
(7) Voir également décision n° 2015‑722 DC du 26 novembre 2015, Loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales. Voir ensuite décision n° 2016‑738 DC du 10 novembre 2016, Loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
(8) Considérant 82 de la décision.
(9) Considérant 86 de la décision.
(10) Cons. const., n° 2016‑738 DC, 10 novembre 2016, Loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, paragraphe 32.
(11) Commentaire de la décision, in www.conseil-constitutionnel.fr
(12) Cass. 3e civ., 8 octobre 2015, nº 13‑25532.
(13) Cass. 3e civ., 20 mars 2002, n° 00‑16015.
(14) V. W. Dross, « Propriété », JurisClasseur Notarial, Fasc. 95, janvier 2017.
(15) V. en ce sens Cass. 3e civ., 7 novembre 1990, n° 88‑18601.
(16) Cass. 3e civ., 11 févr. 2016, n° 15‑21949.
(17) Cass. 2e civ., 2 avril 2015, n° 14‑24941.
(18) Cass. 2e civ., 10 avril 2014, n° 13‑24746.
(19) Cass. soc., 13 juin 2014, nos 13‑26353 et autres.
(20) B. Sturlèse, « Une suspicion sérieuse d’inconstitutionnalité à l’égard de la jurisprudence relative au droit absolu à supprimer tout empiétement », JCP, G, n° 13, 28 mars 2016, 363.
(21) Ibid.
(22) Cass. 3e civ., 10 novembre 2016, nº 15‑19561 ; Cass. 3e civ., 10 novembre 2016, nº 15‑21949 ; Cass. 3e civ., 10 novembre 2016, nº 15‑25113.
(23) Sur le raisonnement tenu par la Cour d’appel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, nº 15‑19561 : « Attendu que, pour rejeter la demande en démolition des consorts X..., l’arrêt retient que le toit du bâtiment des consorts Y... empiète de vingt centimètres sur la propriété X... mais que ce débord n’est à l’origine d’aucun désordre ni sinistre et que sa rectification, alors qu’il englobe le conduit de la cheminée des consorts X..., pourrait modifier un équilibre et engendrer des infiltrations dans le mur mitoyen, ce qui serait préjudiciable aux deux parties, et que la démolition des éléments de la toiture est disproportionnée, en l’absence de préjudice, et inadaptée, compte tenu de la configuration des lieux ». La troisième chambre civile répond : « Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que les consorts X... étaient en droit d’obtenir la démolition de la partie du toit empiétant sur leur propriété, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
(54) Cons. const., n° 2013‑682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Pour un précédent isolé, cf. Cons. const., n° 89‑258 DC du 8 juillet 1989.
(55) Sur l’ensemble de cette question cf. cette chronique, n° 51, 2016, p. 98.
(56) Cons. const., n° 98- 403 DC du 29 juillet 1998.
(57) Cons. const., n° 2012‑662 DC du 29 décembre 2012.
(58) CE, 16 janvier 2015, Société Métropole Télévision, n° 386031.
(59) En dehors du contentieux QPC, le Conseil d’État juge d’ores et déjà que « les réserves d’interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d’une disposition législative sont revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée et lient le juge administratif pour l’application et l’interprétation de cette disposition ; qu’il appartient à celui-ci d’en faire application, le cas échéant, d’office » : CE, 15 mai 2013, Cne de Gurmençon, n° 340554. (60) Cons. const., n° 2014‑417 QPC du 19 septembre 2014, Société Red Bull on Premise et autre.
(61) Cons. const. n° 2016‑606/607 QPC, 24 janvier 2017, M. Ahmed M. et autre.
(62) Cass. 1re civ., 9 nov. 2016, n° 15‑25210 et autres.
(63) Cons. const. n° 2017‑747 DC, 16 mars 2017, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
(64) Cons. const. n° 2017‑624 QPC, 16 mars 2017, M. Sofiyan I.
(65) V. cependant la mise en oeuvre de ces réserves par CE, 25 avril 2017, n° 409677, n° 409725.
(66) Cass. 1re civ., 4 décembre 2013, n° 12‑26066 ; CE, 31 mai 2016, Gomez, n° 396848 ; Cass. 1re civ., 9 novembre 2016, n° 15‑25068.