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Chronique de droit privé

Thomas PIAZZON

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 57 - octobre 2017

Décisions commentées :

  • Décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux
  • Décision n° 2017-641 QPC du 30 juin 2017, Société Horizon OI et autre
  • Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés
  • Décision n° 2017-630 QPC du 19 mai 2017, M. Olivier D.
  • Décision n° 2017-626 QPC du 28 avril 2017, Société La Noé père et fils
  • Décision n° 2017-634 QPC du 2 juin 2017, M. Jacques R. et autres
  • Décision n° 2017-637 QPC du 16 juin 2017, Association nationale des supporters

Une fois n’est pas coutume, ni le droit de propriété ni la liberté d’entreprendre ne seront à l’honneur de cette chronique printanière – également orpheline, du moins dans une large mesure, du droit du travail et des procédures collectives. De manière un peu inhabituelle, mais pas exceptionnelle, la jurisprudence du Conseil est en effet dominée, pour ce trimestre (avril-juin 2017), par des questions de procédure. La décision la plus remarquable de cette livraison en témoigne d’ailleurs, qui est relative à l’encadrement législatif de la fin de vie (selon la pudique expression consacrée), décision du Conseil qui trouve son centre de gravité dans le droit au recours effectif qui vient fonder une réserve d’interprétation. Il s’agit là d’un parfait symbole de la juridicisation de notre société, spécialement en ce qui concerne les questions éthiques, les juges ordinaires étant déjà ou bientôt appelés, en particulier, à dire qui pourra tenter d’avoir ou non un enfant, ou qui devra vivre ou mourir, ici avec les encouragements bienveillants du Conseil constitutionnel. Achevant de conférer un tour très procédural à cette chronique, la seule censure prononcée durant la même période est fondée quant à elle sur le principe d’égalité devant la justice. Pour le reste, en cette douce période de trêve parlementaire – gare à la reprise automnale ! –, seules quatre QPC tranchant en faveur de la conformité à la Constitution des dispositions contestées ainsi qu’une QPC prononçant un non-lieu à statuer seront analysées ou brièvement signalées.

Parmi toutes ses disparates innovations, dont beaucoup ont déjà été soumises au Conseil, la « loi Macron » du 6 août 2015 a réformé la justice prud’homale en consacrant la fonction de défenseur syndical. Celui-ci « exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale » (art. L. 1453-4 C. trav.). Bien que cette loi ait surtout déplu aux notaires (lesquels préfèrent, paraît-il, la dénommer « loi croissance » pour taire le nom de son inspirateur…), les avocats ont peu goûté cette nouveauté, surtout en ce qui concerne la procédure d’appel pour laquelle un décret du 20 mai 2016 a rendu la représentation obligatoire(1), celle-ci pouvant être assurée non seulement par un avocat, mais encore par un défenseur syndical, au profit de l’employeur comme du salarié. Comme à chaque fois qu’ils voient un marché leur passer sous le nez ou leur échapper pour partie, les avocats n’ont pas manqué de réagir, le Conseil national des barreaux (CNB) exerçant un recours pour excès de pouvoir contre le décret précité. Une QPC a été soulevée à cette occasion que le Conseil d’État a jugée suffisamment sérieuse pour la renvoyer aux sages (décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017, Conseil national des barreaux). L’angle d’attaque constitutionnel concerne l’article L. 1453-8 du code du travail dont le premier alinéa prévoit que « le défenseur syndical est tenu au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication ». Un deuxième alinéa ajoute, sur un mode semble-t-il mineur, qu’« il est tenu à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation ». Selon le CNB requérant, « ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la justice au motif que le défenseur syndical ne présente pas des garanties de confidentialité aussi protectrices pour le justiciable que celles auxquelles sont tenus les avocats », lesquels « sont soumis à une obligation de secret professionnel s’étendant à l’ensemble des échanges et des correspondances avec leur client » (§ 16). Du côté du défenseur syndical, le secret ne vaut en effet que pour les procédés de fabrication, toutes les autres informations ne relevant, selon l’expression du CNB, que d’« une simple obligation de discrétion ». L’égalité entre les justiciables serait ainsi rompue selon que les parties sont représentées par un avocat ou par un défenseur syndical. D’emblée, le vocabulaire utilisé par la « loi Macron » paraît étonnant : pourquoi distinguer, en effet, entre secret et discrétion ? En vérité, la raison saute aux yeux : alors que la loi intervient ici en matière procédurale (représentation en justice), elle ne suit pas une logique processuelle – comme l’on pourrait s’y attendre dans un monde juridique meilleur que le nôtre –, mais une logique travailliste. En droit social, la distinction entre secret professionnel et discrétion est usuelle et se niche, en particulier, dans de nombreuses dispositions du Livre III de la Deuxième partie du code du travail relatif aux institutions représentatives du personnel(2). Ainsi le législateur s’est-il tout simplement borné à transposer à la représentation en justice des termes travaillistes qui lui étaient probablement familiers… N’est-il pas vrai, après tout, que le défenseur syndical « est inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative sur proposition des organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, national et multiprofessionnel ou dans au moins une branche (…) » (art. L. 1453‑4, al. 2, C. trav.), preuve que son existence même relève des équilibres du droit social ? Dans la langue française, il n’en reste pas moins que les mots ont un sens et la consultation du premier dictionnaire venu enseigne que le secret et la discrétion sont deux choses bien différentes. Notre droit, par exemple, n’exige pas que les juges (fussent-ils constitutionnels) soient discrets au sujet des affaires qu’ils tranchent ; il leur impose le secret du délibéré, ce qui est bien plus net et efficace. De telle sorte que l’on serait volontiers tenté de donner raison au CNB dans cette affaire. Telle n’est toutefois pas la solution du Conseil constitutionnel qui, sans avancer de véritable justification, estime que « sont assurées aux parties, qu’elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l’équilibre des droits des parties » (§ 23). Pour parvenir à cette audacieuse conclusion, les sages se contentent de relever que le législateur a institué des sanctions en cas de violation par le défenseursyndical de ses obligations de secret et de discrétion (§ 22)(3), ce qui n’a aucun rapport avec la question de savoir comment la discrétion doit être appréciée par rapport au secret. Dans son commentaire, le service juridique du Conseil s’en remet de son côté aux travaux parlementaires – comme si ceux-ci avaient une quelconque valeur normative – au cours desquels il a pu être déclaré par un honorable parlementaire (par ailleurs avocat et ancien bâtonnier) que « la négociation [peut] se faire avec le défenseur syndical de la même façon qu’elle se ferait entre avocats, avec le même degré de confidentialité »(4)… Comme le relevait le CNB, on est pourtant loin du secret professionnel que l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971(5), complété par l’article 2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat, impose à ces derniers. Pour preuve, le Conseil relève que l’obligation de discrétion liant le défenseur syndical ne s’applique qu’« à l’égard des informations ayant un caractère confidentiel et présentées comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation » (§ 21). Le vocabulaire, là encore, est celui du droit du travail, matière au sein de laquelle ces restrictions peuvent se comprendre, puisqu’elles permettent de renforcer la liberté d’action des institutions de représentation du personnel. Mais dans les relations avec les parties qu’ils assistent ou représentent, les défenseurs syndicaux ne sont pas dans le même type de situation et ces restrictions sont logiquement étrangères au secret professionnel auquel les avocats sont tenus, secret qui participe, selon le Conseil lui-même, des droits de la défense(6)… Décidément, les sages ont dû faire preuve d’imagination pour juger « équivalentes » les garanties prévues par la « loi Macron ». Il faut ajouter que la décision n° 623 QPC fait par ailleurs une application assez originale du principe d’égalité devant la justice (déduit des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789) dont le Conseil reprend la formulation classique : « Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties » (§ 19). Dans la plupart des hypothèses, ce principe est convoqué, particulièrement en matière pénale(7), pour s’assurer qu’aucun avantage n’est attribué à l’une des parties par rapport à l’autre(8) ou n’est conféré à une partie que si elle est représentée par un avocat(9). On comprend cependant que l’égalité entre les parties pourrait être rompue si l’une d’elles hésitait à confier certaines informations à celui qui assure sa défense, de peur qu’elles ne s’ébruitent. Puisse donc le juge judiciaire pallier les pernicieuses insuffisances de la « loi Macron » et la laconique mansuétude du Conseil.

Le principe d’égalité devant la justice est au coeur d’une deuxième décision rendue par le Conseil constitutionnel qui conduit, cette fois, à la censure des dispositions contestées (décision n° 2017-641 QPC du 30 juin 2017, Société Horizon OI et autre). L’affaire est pour le moins spécifique, qui concerne les conditions dans lesquelles il peut être fait appel des décisions rendues par le tribunal du travail de Mamoudzou, à Mayotte. Selon l’article 206 de la loi du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d’Outre-mer (texte modifié en 1982), l’appel doit être interjeté « dans les quinze jours du prononcé du jugement »(10). Or, en droit processuel commun, le délai d’appel est un principe d’un mois en matière contentieuse (art. 538 CPC et art. R. 1461-1 C. trav., en ce qui concerne les relations de travail). Selon les requérants, « en instaurant sans justification un délai d’appel spécifique à Mayotte différent de celui applicable dans le ressort de la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, dont relève pourtant ce territoire, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’égalité devant la justice » (§ 2)(11). Par rapport à la décision relative au défenseur syndical précédemment étudiée, c’est ainsi sous un second angle que sont convoqués les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789. Le principe d’égalité devant la justice n’a pas ici pour objet, en effet, de faire régner l’égalité entre les parties à une même procédure (équilibre des droits), mais, comme l’explique le commentaire de la décision n° 641 QPC, de protéger « l’égalité entre des justiciables relevant de procédures ou de juridictions différentes. Sur ce point, le Conseil constitutionnel considère que le principe d’égalité devant la justice consacre le droit des justiciables dans une situation identique à être jugés devant les mêmes formations de jugement ou selon les mêmes garanties de procédure et à ne pas voir celles-ci varier en fonction de critères qui ne seraient pas objectifs ou rationnels »(12). C’est à l’aune de cette exigence que devait être appréciée la disposition contestée. Encore fallait-il pour cela surmonter deux difficultés. La première, assez habituelle dans la jurisprudence du Conseil, tient aux « spécificités ultramarines »(13). La situation particulière de Mayotte ne pouvait-elle pas, en effet, justifier la différence de traitement procédural (comme il y a quelques mois en ce qui concerne la composition des jurys d’assises mahorais(14)) ? Tout en se référant à l’article 73 de la Constitution(15), le Conseil rejette résolument cette analyse : l’exclusion du délai de droit commun « ne trouve sa justification ni dans une différence de situation des justiciables dans ce territoire par rapport à ceux des autres territoires, ni dans l’organisation juridictionnelle, les caractéristiques ou les contraintes particulières propres au département de Mayotte » (§ 6) – contraintes éventuelles qui, au reste, auraient plutôt justifié un délai plus long. La seconde originalité de la décision, à notre connaissance inédite, résultait du fait que la différence de situation entre les justiciables ne procédait pas de règles ayant une valeur identique dans la hiérarchie des normes. Ainsi, tandis que le délai de quinze jours applicable à Mayotte est fixé par la loi de 1952 ici contestée, le délai d’un mois du droit commun est prévu par des dispositions réglementaires, conformément à la répartition des compétences résultant de l’article 34 de la Constitution. Alors que la procédure civile ne relève pas du domaine de la loi, la disposition contestée fixait une exception législative à un principe fort logiquement réglementaire. Si cette situation n’est pas en elle-même inconstitutionnelle, elle posait une difficulté pour la mise en oeuvre du principe d’égalité, car les termes de la comparaison ne s’accordaient pas. Habilement, le Conseil a esquivé cette difficulté en relevant que le délai de droit commun est « fixé d’ailleurs par le pouvoir réglementaire » (§ 6). Selon le commentaire de la décision, « introduite par “d’ailleurs”, (…) cette circonstance n’est pas déterminante », car, en vérité, « le Conseil constitutionnel n’a pas comparé deux situations, l’une fixée par la loi, l’autre par le règlement, mais il s’est attaché au fait que le législateur a décidé de légiférer uniquement pour certains justiciables et non pour d’autres » (p. 12). À bien y regarder, cette logique est artificielle et par conséquent peu convaincante. Pour le comprendre, il suffit d’imaginer que le délai de droit commun, fixé par le pouvoir réglementaire, ait été de quinze jours et non d’un mois : la loi de 1952 aurait-elle alors mérité la censure au motif qu’elle ne s’appliquait qu’à certains territoires ? Dans ce cas, toutefois, il est vrai que la présente QPC n’aurait probablement pas été posée. Quoi qu’il en soit, l’égalité suppose la comparaison et l’on ne compare pas une chose, quelle qu’elle soit, avec le vide ! On voit aussi, au passage, à quelles inattendues complications peut encore conduire, près de soixante ans après son avènement, la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution, ici aux prises avec la jungle juridique ultramarine. Il faut enfin signaler que le Conseil n’a pas jugé utile de reporter dans le temps les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité prononcée sur le fondement du principe d’égalité devant la justice. Comme ils le font parfois, les sages ont dès lors tenu à assurer le service après-vente de cette censure, en précisant qu’« à compter de la date de publication de la présente décision (…) le délai applicable pour l’appel des jugements mentionnés à l’article 206 de la loi du 15 décembre 1952 est celui de droit commun » (§ 9) – dont on ne peut décidément pas faire fi ! Bien que cette censure ait été prononcée au regard de la situation spécifique à Mayotte, elle concernera forcément, sans que ses justifications potentielles aient été analysées par le Conseil, tous les territoires auxquels s’appliquait l’article 206 de la loi du 15 décembre 1952.

En ce qui concerne le droit privé, la troisième décision du trimestre qu’il convient de présenter est certainement la plus importante (décision n° 2017- 632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés)(16). Elle concerne encore la procédure et porte sur l’arrêt des traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, plus précisément sur la procédure collégiale préalable à une telle décision mise en place par la loi du 2 février 2016 qui entend, selon son intitulé, créer de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Selon le code de la santé publique, la décision d’arrêt des traitements, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, appartient au médecin – et à lui seul – qui doit avant tout rechercher la volonté présumée du patient. Faute de directives anticipées formulées par celui-ci (art. L. 1111-11 du CSP), le médecin doit recueillir l’avis de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, l’avis de sa famille ou de ses proches. Selon plusieurs dispositions du même code(17), la décision du médecin ne peut en outre être prise qu’« à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglementaire » (art. L. 1110-5-1 du CSP), procédure qui revêt elle-même un simple caractère consultatif. Comme le relève le Conseil dans sa décision, « cette procédure permet à l’équipe soignante en charge du patient de vérifier le respect des conditions légales et médicales d’arrêt des soins et de mise en oeuvre, dans ce cas, d’une sédation profonde et continue, associée à une analgésie » (§ 12) qui conduit au décès du patient. Les griefs soulevés par l’association requérante étaient précis et méritent d’être reproduits : « Ces dispositions méconnaîtraient l’article 34 de la Constitution en ce qu’elles priveraient de garanties légales, d’une part, le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine dont découlerait le droit à la vie et, d’autre part, la liberté personnelle, protégée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ces dispositions ne garantiraient pas le respect de la volonté du patient, lorsque ce dernier est hors d’état de l’exprimer, dans la mesure où, à l’issue d’une procédure collégiale dont la définition est renvoyée au pouvoir réglementaire, le médecin décide seul de l’arrêt des traitements sans être lié par le sens des avis recueillis. L’association requérante reproche aussi à ces mêmes dispositions de méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif, découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789, en l’absence de caractère suspensif des recours formés à l’encontre de la décision d’arrêter les soins de maintien en vie » (§ 4). Le Conseil constitutionnel a d’abord examiné la première série de griefs fondée sur la sauvegarde de la dignité de la personne humaine (qui n’a jamais fait grande recette dans sa jurisprudence et dont il refuse encore une fois de déduire un droit au respect de la vie) et sur la liberté personnelle qui, « dans son acception la plus large, (…) garantit que d’autres ne décident pas pour vous, sur les sujets qui vous concernent »(18). De ces principes, les sages ont déduit une règle suivant laquelle « il appartient (…) au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, notamment en matière médicale, de déterminer les conditions dans lesquelles une décision d’arrêt des traitements de maintien en vie peut être prise, dans le respect de la dignité de la personne » (§ 8). Examinant l’économie des textes issus de la loi de 2016 (ci-dessus brièvement présentée) et rappelant – comme il est d’usage en droit des personnes et de la famille – qu’il ne « dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (§ 11), le Conseil décide que le législateur « n’a pas porté d’atteinte inconstitutionnelle au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à la liberté personnelle. Les griefs tirés de leur méconnaissance et de celle de l’article 34 de la Constitution doivent donc être écartés » (§ 14). Cela signifie en particulier que la loi de 2016 pouvait renvoyer au décret le soin de préciser la procédure collégiale qu’elle a mise en place (art. R. 4127-37-2 CSP)(19). Dans leurs motifs, les sages avancent deux points qui retiennent particulièrement l’attention. En premier lieu, ils reprennent à leur compte la toute récente jurisprudence du Conseil d’État(20) (sans en faire expressément une réserve d’interprétation) selon laquelle « lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, le médecin ne peut (…) se fonder sur cette seule circonstance, dont il ne peut déduire aucune présomption, pour décider de l’arrêt des traitements » (§ 11). On relèvera, à la suite de M. Mathieu, que le Conseil ne renverse pas pour autant la perspective, puisqu’il « se refuse en fait à considérer que le principe de dignité impose une présomption en faveur du maintien de la vie en l’absence de volonté exprimée du patient »(21). En second lieu, les sages précisent que, contrairement aux souhaits exprimés par certains parlementaires lors des débats législatifs, « la décision du médecin et son appréciation de la volonté du patient sont soumises, le cas échéant, au contrôle du juge dans les conditions prévues aux paragraphes 16 et 17 » (§ 13). L’existence d’un recours contre la décision médicale d’arrêt des traitements participe donc du brevet de constitutionnalité délivré par le Conseil – dont la décision dépasse alors la seule question de la procédure collégiale à laquelle il a pourtant restreint le champ de cette QPC. La question de la contestation de la décision du médecin est évidemment très importante, puisque telle est la base, ensuite, de deux réserves d’interprétation fondées sur le droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif (art. 16 DDHC). Constatant qu’« en l’absence de dispositions particulières, le recours contre la décision du médecin relative à l’arrêt ou à la limitation des soins de maintien en vie d’unepersonne hors d’état d’exprimer sa volonté s’exerce dans les conditions du droit commun » (§ 16), le Conseil décide en effet que « s’agissant d’une décision d’arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile. Ce recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée. Sous ces réserves, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté » (§ 17). Timide sur le fond du droit (sauvegarde de la dignité humaine et liberté personnelle), le Conseil se rebiffe donc sur les exigences procédurales lorsqu’il s’agit, comme le dit pompeusement le commentaire de son service juridique, de définir « le cadre constitutionnel de la législation relative à la fin de vie »(22). Ainsi, face à ce sujet de société si sensible, les sages font une application somme toute classique des principes procéduraux les plus raisonnables et les mieux éprouvés. La première réserve énoncée est très concrète et pourra être mise en oeuvre sans grande difficulté(23) : avant de recevoir application, la décision médicale devra faire l’objet d’une notification auprès des personnes susceptibles de la contester(24). L’article R. 4127-37-2, IV, du CSP, qui prévoit que « la personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement », se voit ainsi conférer une portée constitutionnelle. Pour que le recours soit utile, encore faut-il qu’il puisse être jugé en temps utile et tel est l’objet de la seconde réserve (examen du recours « dans les meilleurs délais ») – réserve qui pourrait paraître superflue dans la mesure où, en droit positif, un tel recours peut être exercé en la forme des référés (art. 809 CPC, du côté du juge judiciaire, et art. L. 521-1 et s. du code de justice administrative). En réalité, la réserve n’estpas sans justification au regard de la valeur simplement règlementaire des règles de procédure civile. Comme le souligne le commentaire officiel de la décision, « le Conseil avait déjà formulé une réserve de ce type dans sa décision sur l’hospitalisation sans consentement(25). Une telle réserve permet que, quelles que soient les éventuelles évolutions législatives ou réglementaires, l’existence d’un tel recours soit assurée tant que les dispositions en cause seront en vigueur » (p. 26). Le Conseil aurait-il pu, aurait-il dû aller plus loin en exigeant que le recours formé contre la décision d’arrêt des traitements soit suspensif, comme le suggérait l’association requérante ? Alors qu’une décision semblait faire un pas en ce sens (sur une question de nature économique(26)), le Conseil refuse de se départir de sa jurisprudence classique dans la présente affaire – pourtant particulièrement propice à une telle innovation… – et préfère, en quelque sorte, une micro-constitutionnalisation discrète de la procédure de référé. Comme le note M. Vialla, les réserves du Conseil n’en résonnent pas moins « d’un écho particulier »(27) : lorsque le patient n’a pas exprimé sa volonté et ne peut pas ou ne peut plus le faire, la décision d’arrêt des traitements n’appartiendra, dans certains cas, ni à la personne de confiance, ni aux parents ou aux proches, ni même au médecin, simple maillon d’une chaîne conduisant au juge ordinaire. La vie l’emportera alors si celui-ci le décide.

Les quatre dernières QPC privatistes du printemps 2017 seront plus rapidement présentées. La première ne nous éloigne guère des questions procédurales, qui concerne le renvoi opéré par la loi au décret pour fixer les règles de déontologieet les sanctions disciplinaires applicables aux avocats. Était contesté, dans cette décision n° 2017-630 QPC du 19 mai 2017, M. Olivier D., le 2 ° de l’article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, disposition que le Conseil a déjà déclarée conforme à la Constitution dans une décision de 2011(28). L’argument développé par les requérants – et retenu par la Cour de cassation pour conclure au renvoi de cette QPC au Conseil(29) – était dès lors celui d’un changement de circonstances de droit (ord. n° 2009-1523 du 10 déc. 2009, art. 23-2) : « En effet, selon eux, dans [sa décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014], le Conseil constitutionnel aurait étendu le champ d’application du principe de légalité des peines à la matière disciplinaire, ce qui interdirait au pouvoir réglementaire de fixer les sanctions disciplinaires applicables aux avocats » (§ 3). Si le Conseil constitutionnel admet que les évolutions de sa jurisprudence puissent constituer un changement de circonstances(30), il rejette en l’espèce ce raisonnement au terme d’une motivation assez elliptique, mais heureusement éclairée par le commentaire de son service juridique. En résumé, l’analyse des requérants était trop sommaire. Certes, dans sa décision du 28 mars 2014, le Conseil a déclaré pour la première fois que « le principe de légalité des peines impose au législateur de fixer les sanctions disciplinaires en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » (cons. 6, reprit par le § 7 de la déc. n° 630 QPC), mais c’est simplement, selon le commentaire officiel de notre décision, parce qu’il « n’avait pas eu l’occasion avant 2014 de contrôler expressément une sanction disciplinaire au regard du principe de légalité des peines » ; ainsi « l’application de ce principe à de telles sanctions ne faisait pas de doute » (p. 12), même avant 2014 ou avant 2011. Les juristes – sinon les avocats ! – le savent bien : ce n’est pas parce qu’un principe fait l’objet d’une application nouvelle qu’il est nouveau. Comme le souligne encore le commentaire, « une ambiguïté a certes pu naître de l’utilisation du mot “législateur” au considérant 6 » de la décision du 28 mars 2014. Fallait-il en déduire que la compétence pour édicter des sanctions disciplinaires ne devait désormais appartenir qu’à la loi (comme c’était le cas dans l’affaire de 2014 qui concernait les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs), et non au pouvoir réglementaire (comme pour les avocats) ? Selon la décision n° 630 QPC, la réponse à cette interrogation est nettement négative : « Il ne résulte de [la décision n° 2014-385 QPC du 28 mars 2014] ni une modification de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, ni une modification de la portée du principe de légalité des peineslorsqu’il s’applique à une sanction disciplinaire ayant le caractère d’une punition. Dès lors, la décision du Conseil constitutionnel du 28 mars 2014 ne constitue pas un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées, dont le seul objet est le renvoi au pouvoir réglementaire de la compétence pour fixer les sanctions disciplinaires des avocats » (§ 8 ; non-lieu à statuer, § 9). Ainsi, conformément à la décision du 29 septembre 2011, ce renvoi n’est pas contraire à la Constitution, le législateur n’ayant pas méconnu l’étendue de sa compétence(31). Il appartiendra ainsi aux juges ordinaires de contrôler le respect par le pouvoir réglementaire du principe de légalité des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789.

La deuxième décision de ce lot final concerne l’application des procédures collective aux agriculteurs et présente finalement moins d’intérêt pour le droit privé que pour le contentieux constitutionnel (décision n° 2017-626 QPC du 28 avril 2017, Société La Noé père et fils). Selon l’article 351-8 du code rural et de la pêche maritime (dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du livre III (nouveau) du code rural), « le redressement et la liquidation judiciaires des exploitations agricoles sont régis par les dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises(32). Pour l’application des dispositions de la loi précitée, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l’article L. 311-1 ». La société dénonçait une rupture d’égalité entre les agriculteurs selon qu’ils sont des personnes morales ou des personnes physiques, dès lors que ce texte est combiné avec l’article L. 626-12 du code de commerce relatif à la durée du plan de sauvegarde, lequel ne peut en principe excéder dix ans, mais qui est portée à quinze ans lorsque « le débiteur est un agriculteur ». La réponse du Conseil sonnera brutalement aux oreilles du requérant : « La seconde phrase de l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime se borne à préciser dans quel sens doit être entendu le terme “agriculteur” pour l’application [du droit des procédures collectives]. Cette définition ne crée, en elle-même, aucune différence de traitement entre les agriculteurs personnes physiques et les agriculteurs personnes morales. La différence de traitement alléguée par la société requérante, à supposer qu’elle existe, ne pourrait résulter que de l’article L. 626-12 du code de commerce, qui n’a pas été soumis au Conseil constitutionnel. Dès lors, le grief dirigé contre la seconde phrase de l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime doit être écarté » (§ 6). Cette erreur d’aiguillage est éclairée par l’histoire législative et illustre très bien les dangers inhérents aux législations par renvoi, spécialement lorsque les dispositions en cause sont réparties dans des codes différents qui ne s’harmonisent pas toujourstrès bien. Tandis que les agriculteurs personnes morales se trouvaient soumis sans difficulté au droit des procédures collectives, c’est seulement par une loi du 30 décembre 1988 que le bénéfice de celles-ci a été étendu aux agriculteurs personnes physiques. Tel est précisément l’objet de l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime. Alors que la plupart des dispositions du droit desprocédures collectives, au sein du Livre VI du code de commerce, règlent ladifficulté implicitement ou explicitement, l’article L. 626-12 est pour sa part silencieux sur son application aux agriculteurs lorsqu’ils sont des personnes morales. Dans son arrêt de renvoi de la présente QPC, la Cour de cassation tranche expressément cette question, pour la première fois, dans un sens défavorable aux personnes morales, qui ne sauraient dès lors bénéficier de l’extension du plan de sauvegarde à quinze ans(33). La chambre commerciale s’est fondée sur l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime et c’est donc celui-ci qu’elle a renvoyé au Conseil constitutionnel en reprenant la QPC telle qu’elle était formulée par la société requérante. Cependant, pour des raisons tenant à son propre office (qu’expose le commentaire du service juridique(34)), le Conseil refuse, somme toute logiquement, de voir dans la disposition renvoyée – qui se borne, comme l’expliquent les sages, à poser une définition de l’agriculteur au sens du droit des procédures collectives – l’origine de la différence de traitement entre personnes physiques et personnes morales(35) – différence qui paraît, au reste, bien difficilement justifiable au regard de l’article 6 de la Déclaration de 1789… Ne pouvant se saisir de l’article L. 626-12 du code de commerce de sa propre initiative, le Conseil en est réduit à se prononcer en faveur de la conformité de l’article L. 351-8 à la Constitution.

La décision suivante est relative au pouvoir de sanction dont l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dote l’Autorité des marchés financiers (décision n° 2017-634 QPC du 2 juin 2017, M. Jacques R. et autres). Tranchant en faveur de la conformité à la Constitution des sanctions administratives prévues par la loi, cette décision mérite surtout d’être remarquée parce que le Conseil y développe une analyse bienveillante des dispositions contestées au regard du principe de la légalité des délits et des peines, d’une part et, d’autre part, au regard du principe de nécessité et de proportionnalité des peines. Rappelant les exigences qui découlent de l’article 8 de la Déclaration de 1789, les sage reprennent une formulation désormais éprouvée du premier principe dans le champ administratif : « L’exigence d’une définition des manquements réprimés se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l’activité qu’ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l’institution dont ils relèvent ou de la qualité qu’ils revêtent » (§ 6)(36). En l’espèce, l’article L. 621-15 ne brille pourtant pas par sa précision : renvoyant à l’article L. 621-14, I, du même code (relatif au pouvoir d’injonction de l’AMF), il permet en effet de sanctionner tous les « manquements aux obligations résultant des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché ». C’est surtout la fin de cette définition qui prêtait le flanc à la critique, dans la mesure où, au gré d’une réforme législative opérée en 2005, le code monétaire et financier ne rattache plus expressément le « manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché » (sorte de « clause balai ») à des dispositions législatives et réglementaires, comme il le fait pour les premiers manquements visés. Qu’à cela ne tienne, les sages se portent au secours du législateur défaillant en estimant qu’« il ressort des travaux parlementaires qu’en sanctionnant [ces manquements], le législateur a entendu uniquement réprimer des manquements à des obligations définies par des dispositions législatives ou réglementaires ou par des règles professionnelles », sans qu’ils jugent nécessaire d’opérer une réserve d’interprétation (§ 8). Ils ajoutent que « les dispositions contestées sanctionnent les manquements aux obligations édictées afin de protéger les investisseurs sur les marchés financiers et afin d’assurer le bon fonctionnement de ceux-ci. Les personnes soumises à ces obligations le sont ainsi en raison de leur intervention sur ces marchés », ce qui ne faisait guère de doute (§ 9). Mieux encore, pour qui douterait de ses intentions salvatrices, le Conseil décide de contrôler l’absence de disproportion manifeste entre le manquement et la peine encourue (plafonnée, si l’on ose dire, à cent millions d’euros, contre 1,5 million avant 2008…) au regard de modifications postérieures du texte, issues d’une ordonnance du 3 décembre 2015 (§ 14(37)) – figure originale d’une justification constitutionnelle fondée sur une loi qui n’a réformé qu’ultérieurement les dispositions contestées(38). De manière très claire, le Conseil constitutionnel n’entend pas perturber l’ordre public économique qui, comme il le souligne, suppose que les sanctions édictées soient suffisamment dissuasives (§ 13)(39).

Enfin, dans sa décision n° 2017-637 QPC du 16 juin 2017, Association nationale des supporters, le Conseil a jugé, entre autres choses(40), que le droit au respect de la vie privée (art. 2 DDHC) des supporters de football ne s’opposait pas à ce que « l’article L. 332-1 du code du sport(41) [permette] aux organisateurs demanifestations sportives à but lucratif d’établir un traitement automatisé de données à caractère personnel recensant les personnes qui ont contrevenu ou contreviennent aux dispositions des conditions générales de vente ou du règlement intérieur relatives à la sécurité de ces manifestations » (§ 11), dans le but de leur refuser l’accès au stade. Faisant une application classique de leur jurisprudence relative aux fichiers informatiques, les sages ont estimé que « le traitement de données prévu par les dispositions contestées est mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à l’objectif d’intérêt général poursuivi » (§ 14), qui est d’assurer la sécurité des manifestations sportives, serait-ce par personnes privées interposées. Le fichier des hooligans est donc sauvé, là où celui des trusts a récemment péri au nom du respect de la vie privé(42). Pour achever cette chronique sur une note joyeuse, toujours au sujet des fichiers informatiques mais dans le domaine plus périlleux du droit pénal, on signalera que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée dans une affaire où le requérantavait refusé de subir un prélèvement biologique destiné à être enregistré dans lefichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)(43). Dans la décision QPC consacrée à celui-ci, en septembre 2010, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve selon laquelle les dispositions relatives à ce fichier étaient conformes à la Constitution à condition « de proportionner la durée de conservationde ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées » (cons. 18)(44). Or, la Cour de Strasbourg se fonde notamment sur l’absence de prise en compte de cette réserve d’interprétation (§ 43) pour conclure à la violation de l’article 8 de la Convention européenne. Pour peu que l’on cède à la religion des droits de l’homme, on en viendrait à croire que ceux-ci progressent lorsque dialoguent les juges.

Revue Doctrinale

Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

2 mars 2016

2015-524 QPC

M. Abdel Manane M. K. [Gel administratif des avoirs]

  • Luppi, Philippe. « [Note sous décision n° 2015-524 QPC] ». Revue française de droit constitutionnel, janvier-mars 2017, n° 109, p. 209-216.

18 mai 2016

2016-542 QPC

Société ITM Alimentaire international SAS [Prononcé d'une amende civile à l'encontre d'une personne morale à laquelle une entreprise a été transmise]

  • Catelan, Nicolas. « Personnalité de la responsabilité en droit de la concurrence ». Revue française de droit constitutionnel, janvier-mars 2017, n° 109, p. 231-233.

4 août 2016

2016-736 DC

Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

  • Montis, Audrey de. « La validation aisée de la Loi travail par le Conseil constitutionnel ». Revue française de droit constitutionnel, janvier-mars 2017, n° 109, p. 197-209.

10 novembre 2016

2016-738 DC

Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias

  • Gaïa, Patrick. « Décision n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016, Loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ». Revue française de droit constitutionnel, juin 2017, n° 110, p. 465-472.

17 novembre 2016

2016-739 DC

Loi de modernisation de la justice XXIème siècle

  • Hauser, Jean. « Divorce par consentement mutuel : le droit de la Comtesse de Ségur ou les malheurs du sophisme ». RTDciv. : revue trimestrielle de droit civil, janvier-mars 2017, n° 1, p. 107-108.

2 juin 2017

2017-632 QPC

Union nationale des associations de familles traumtisés crâniens et de cérébro-lésés [Procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d'arrêt des traitements d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté]

  • Letteron, Rosalie. « La fin de vie devant le Conseil constitutionnel ». Liberté, Libertés chéries, 5 juin 2017, 4 p.

Articles thématiques

Droit civil

  • Ader, Basile. « Le droit des associations après la loi Égalité et citoyenneté ». Légipresse, avril 2017, n° 348, p. 192-193.

Droit social

  • Barthélémy, Jacques. « Les finalités de la protection sociale complémentaire ne peuvent être sacrifiées aux intérêts du marché de l’assurance ». Droit social, avril 2017, n° 4, p. 372-374.
  • Favennec-Héry, Françoise. « L’ordre public légal ». La Semaine juridique. Social, 25 avril 2017, n° 16, p. 6-11.
  • Gamet, Laurent. « Inspection du travail et répression ». Droit social, mai 2017, n° 5, p. 439-444.
  • Moizard, Nicolas. « Enjeux et perspectives offerts par l’application des normes constitutionnelles et internationales, au regard de la loi “Travail”. Contrer et construire ». Le Droit ouvrier, avril 2017, n° 825, p. 209-213.

Droit de propriété

  • Dross, William. « Où en est-on de la sanction de l’empiètement ? Démolition, astreinte, proportionnalité et constitutionnalité… [Cass. 3e civ., 15 déc. 2016, n° 16-40240, non lieu à renvoi au Cons. constit.] ». La Gazette du Palais, 16 mai 2017, n° 19, p. 63-67.

(1) Décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail (art. R. 1461-1 C. trav.). Devant le conseil de prud'hommes, en première instance, les parties conservent au contraire la possibilité de se défendre elles mêmes (art. R. 1453-1 C. trav.).

(2) Art. L. 2313-13 C. trav. (délégués du personnel), art. L. 2325-5 C. trav. (membres du comité d’entreprise).

(3) Radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative (art. L. 1453-8, al. 3, C. trav.) et sanction pénale (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende ; art. 226- 13 C. pén.).

(4) Site Internet du Conseil constitutionnel, p. 5.

(5) « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». Selon l’article 2 du RIN, ce secret « est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps ».

(6) Voir commentaire préc., p. 11, se fondant sur la décision DC relative… à la « loi Macron » (Cons. const., déc. n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, cons. 63) !

(7) Pour une récente illustration, en matière civile (art. L. 1451-1 C. trav., au sujet de la demande de qualification de la rupture du contrat de travail du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur), voir Cass. soc., 1er juin 2017, n° 17-40.032 (différence de situation, non-lieu à renvoi).

(8) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A., à propos de l’appel qui peut être formé contre les ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention (réserve d’interprétation).

(9) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2016-566 QPC du 16 septembre 2016, Mme Marie-Lou B., au sujet de la communication des réquisitions du ministère public devant la chambre de l’instruction.

(10) Cette règle (désormais censurée) était applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans les îles Wallis et Futuna et, pour quelque temps encore, à Mayotte (voir L. n° 2016-1088 du 8 août 2016 qui prévoit que le code du travail métropolitain sera applicable dans ce département à compter du 1er janvier 2018).

(11) À Mayotte, l’appel est formé devant la chambre d’appel de Mamoudzou, chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion.

(12) Site Internet du Conseil, p. 7.

(13) Commentaire préc., p. 9.

(14) Voir Cons. const., déc. n° 2016-544 QPC du 3 juin 2016, M. Mohamadi C. (censure partielle).

(15) « Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. »

(16) D., 2017, p. 1194, obs. F. Vialla ; JCP G, 2017, 801, note B. Mathieu.

(17) Art. L. 1110-5-1, L. 1110-5-2 et L. 1111-4 du CSP, contestés par l’association requérante.

(18) Commentaire de la décision n° 632 QPC, site Internet du Conseil, p. 18.

(19) M. Vialla rappelle que « lors des débats parlementaires, une opposition entre l’Assemblée nationale et le Sénat était apparue. Si le Sénat souhaitait que la procédure collégiale soit définie et encadrée par la loi, les députés s’en remettaient au pouvoir réglementaire. En commission mixte paritaire les discussions furent denses et âpres mais le Palais Bourbon imposa son choix » (obs. préc.). Pour le Conseil constitutionnel, la loi a encadré cette procédure avec une précision suffisante (voir commentaire du service juridique, site Internet du Conseil, p. 22).

(20) CE, ord., 8 mars 2017, n° 408146, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Voir déjà, dans l’affaire Vincent Lambert, CE, Ass., 24 juin 2014, nos 375081, 375090 et 375091.

(21) B. Mathieu, obs. préc.

(22) Site Internet du Conseil, p. 20. Comme l’écrit encore M. Mathieu, « le Conseil s’inscrit dans une logique qui se borne à veiller à l’existence de garanties procédurales à des principes que, s’agissant notamment du principe de dignité, il ne définit pas substantiellement, laissant alors au législateur une totale liberté dans la définition de leur portée » (obs. préc.).

(23) Comp. A. Batteur, « Avis de mort imminente d’un proche par lettre recommandée… », D., 2017, p. 1307.

(24) Le service juridique du Conseil établit à cet égard un parallèle avec la décision n° 2012-268 QPC du 27 juillet 2012, Mme Annie M., relative au recours qui peut être formé contre un arrêté d’admission en qualité de pupille de l’État (commentaire préc., p. 24).

(25) Cons. const., déc. n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S., cons. 39.

(26) Cons. const., déc. n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, Société Foot Locker France SAS, à propos de la contestation et de la prise en charge des frais d’une expertise décidée par le CHSCT. Voir cette chronique in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2016, n° 51, p. 142.

(27) Obs. préc.

(28) Cons. const., déc. n° 2011-171/178 QPC du 29 septembre 2011, M. Michael C. et autre.

(29) Cass. 1re civ., 1er mars 2017, n° 16-40.278.

(30) Voir, pour un exemple récent relevant du champ de notre chronique, Cons. const., déc. n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016, Société Goodyear Dunlop Tires France SA, § 4, au sujet de l’indemnité à la charge de l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

(31) Selon la décision de 2011, « la détermination des règles de déontologie, de la procédure et des sanctions disciplinaires applicables à une profession ne relève ni du droit pénal ni de la procédure pénale au sens de l’article 34 de la Constitution ; qu’il résulte des articles 34 et 37, alinéa 1er, de la Constitution, qu’elle relève de la compétence réglementaire dès lors que ne sont mis en cause aucune des règles ni aucun des principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi » (cons. 5).

(32) L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives a actualisé cette référence, en visant désormais les « dispositions du livre VI du code de commerce relatives aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire ».

(33) Cass. com., 2 février 2017, n° 16-21.032.

(34) Deux arguments sont avancés qui tiennent aux répercussions qu’aurait l’exercice de son contrôle. D’une part, « dans le cas d’une censure de la définition de l’agriculteur, le champ d’application de toutes les dispositions législatives qui y font appel s’en trouverait amputé. Dans le cas d’une simple réserve d’interprétation, qui étendrait la définition, le champ d’application des autres dispositions s’en trouverait lui aussi étendu ». D’autre part, « voir dans la définition posée à l’article L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime l’origine de la différence de traitement contestée par la société requérante aurait imposé au Conseil, pour l’exercice de son contrôle, non seulement d’examiner cette différence de traitement, mais aussi toutes celles, potentielles, susceptibles d’être soulevées sur le fondement de cette seule définition » (p. 9).

(35) Alors même, comme le rappelle le commentaire précité, que le Conseil fait preuve de bienveillance lorsqu’il se prononce sur les conditions de mise en oeuvre du principe d’égalité, acceptant de contrôler l’une ou l’autre des dispositions lorsque chacune d’elles crée une règle particulière et acceptant aussi, lorsque la différence de traitement résulte de la confrontation entre une règle générale et une exception, d’être saisi de l’une ou de l’autre (p. 8).
(36) Rappr. par exemple Cons. const., déc. n° 2012-266 QPC du 20 juillet 2012, M. Georges R., cons. 6.

(37) Dans ce paragraphe, le Conseil reprend en effet les critères de détermination du montant de la sanction posés par le paragraphe III ter nouveau de l’article L. 621-15 (ord. 3 déc. 2015) : « Le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard de la nature desmanquements réprimés, des risques de perturbation des marchés financiers, de l’importance des gains pouvant en être retirés et des pertes pouvant être subies par les investisseurs. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité doit être écarté ».

(38) Ici, en théorie, dans leur rédaction résultant de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010.

(39) Rappr., au sujet des sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par l’Autorité de la concurrence, Cons. const., déc. n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015, Société Grands Moulins de Strasbourg SA et autre, cons. 14 ; déc. n° 2015-510 QPC du 7 janvier 2016, Association Expert-comptable média association, cons. 6.

(40) Cette décision juge en particulier, pour la première fois, que l’article 12 de la Déclaration de 1789, selon lequel « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée », est directement invocable en matière de QPC.

(41) Issu de la loi du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters [sic] et la lutte contre le hooliganisme.

(42) Cons. const., déc. n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016, Mme Helen S. Voir cette chronique, in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2017, n° 55-56, p. 195.

(43) CEDH, 22 juin 2017, n° 8806/12, Aycaguer c/ France.

(44) Cons. const., déc. n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C.