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Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux au Conseil constitutionnel

Jacques CHIRAC, Président de la République

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 18 - juillet 2005

Discours prononcé le 3 janvier 2005 à l'Elysée


MONSIEUR LE PRESIDENT,

MESDAMES, MESSIEURS,

Je vous remercie, Monsieur le président, des voeux que vous venez de me présenter, en votre nom personnel ainsi qu'au nom des membres du Conseil constitutionnel.

À mon tour, je forme les voeux les plus sincères et les plus chaleureux pour chacune et chacun d'entre vous, pour vos collaborateurs et pour toutes celles et tous ceux qui vous sont chers.

Je vous remercie, cher Pierre Mazeaud, d'avoir accepté l'an dernier d'assumer la charge exigeante de présider le Conseil constitutionnel. Tout vous destinait à cette fonction : la connaissance que vous avez du travail législatif et de nos plus hautes institutions, à travers les responsabilités ministérielles que vous avez exercées et les fonctions prestigieuses que vous avez remplies au sein de l'Assemble nationale. Mais aussi votre passion du droit, une passion qui mêle toujours l'engagement humaniste et la compétence juridique, qui se nourrit de vos traditions familiales, de vos convictions et d'une expérience approfondie du fonctionnement de nos deux ordres de juridictions, judiciaire et administratif.

Permettez-moi aussi d'adresser un salut particulier aux nouveaux membres qui ont rejoint en février dernier le Conseil constitutionnel, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, M. Pierre Steinmetz et M. Jean-Louis Pezant.

Comme celle qui l'a précédée, cette année a été marquée par une très grande activité pour votre Conseil. Je remercie chacune et chacun d'entre vous pour l'engagement et l'efficacité avec lesquels votre collège s'est acquitté des missions que lui confie la Constitution.

Le rythme soutenu qui a été le vôtre l'an dernier tient d'abord à l'importance des lois votées par le Parlement, qui a nécessité une session extraordinaire en juillet. Vous venez d'y faire référence, Monsieur le président, avec toute l'indépendance qui sied au représentant de notre plus haute juridiction.

Cette activité accrue vient aussi de ce que les parlementaires vous saisissent davantage. Dans les limites que vous avez indiquées, ces saisines font partie de la vie d'une démocratie moderne. Elles donnent à l'opposition un moyen supplémentaire de faire entendre sa voix. Elles participent au renforcement de la sécurité juridique et à l'affirmation de l'État de droit : presque tous les grands textes qui entrent dans notre législation voient désormais leur constitutionnalité contrôlée.

Les décisions que vous avez rendues cette année témoignent des apports très concrets de ce contrôle de constitutionnalité à notre droit. J'en retiendrai plus particulièrement trois exemples.

Vous vous êtes prononcés sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, que je vous ai soumis dès sa signature à Rome, le 29 octobre dernier, conformément à l'article 54 de notre Constitution.

La décision que vous avez rendue compte parmi les plus importantes de ces dernières années. Elle indique avec clarté les modifications à apporter à notre loi fondamentale pour permettre à la France de s'engager dans cette nouvelle étape de la construction européenne. Elle servira aussi de référence aux juges suprêmes des autres États membres, puisque votre collège a été la première cour constitutionnelle à rendre une décision sur le nouveau traité. Et je sais la coopération exemplaire que le Conseil constitutionnel entretient avec ses homologues étrangers, notamment de langue française.

À l'occasion de cette décision, vous avez réaffirmé le principe de primauté du droit de l'Union, en précisant les obligations qui découlent du respect de notre ordre constitutionnel propre.

Le Parlement aura bientôt à se prononcer sur la révision de notre Constitution, qui ouvrira la voie au référendum que j'ai annoncé.

Vous avez aussi été amenés à préciser le sens et la portée de la nouvelle Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Vous avez confirmé que la liberté religieuse est parfaitement compatible avec la conception française de la laïcité - une laïcité que vous avez d'ailleurs définie très précisément comme l'interdiction de se prévaloir de ses croyances pour s'affranchir des règles communes gouvernant les relations entre collectivités publiques et particuliers.

Dans le domaine si essentiel de la protection des libertés fondamentales, vous avez été amenés à vous prononcer sur la loi portant adaptation de la justice à la grande criminalité. La décision importante que vous avez rendue fixe l'équilibre entre le respect des droits individuels et la nécessité pour la Justice de s'organiser pour lutter efficacement contre la criminalité. Elle a contribué à apaiser un débat parfois exagérément passionné.

Vous êtes aussi les gardiens de la qualité de notre législation. Vous avez ainsi rappelé cette année que la loi doit toujours avoir une portée normative, prolongeant la jurisprudence qui consacre la clarté de la loi comme un objectif de valeur constitutionnelle. C'est le signe de votre volonté de veiller fermement à la qualité de notre droit pour assurer la sécurité juridique de nos concitoyens, comme vous venez de le souligner, très justement, M. le président.

MONSIEUR LE PRESIDENT,

MESDAMES ET MESSIEURS,

L'importance grandissante de vos décisions démontre, s'il en était besoin, la place éminente qu'occupe votre Haute Juridiction pour le bon fonctionnement et l'équilibre de nos institutions. Tous les débats qui animent notre société trouvent un écho dans votre jurisprudence. Vous contribuez ainsi à la vie de notre démocratie, en même temps qu'à l'affermissement de l'État de droit.

À chacune et à chacun d'entre vous, je renouvelle mes voeux les plus chaleureux pour l'année 2005, en même temps que mes remerciements pour la mission que vous accomplissez au service de nos institutions.