Décision n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 - Observations du gouvernement
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adoptée le 2 décembre 1999, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Pour contester ce texte, les auteurs des saisines invoquent treize séries de griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes. I - Sur la procédure d'adoption de la loi. A) A l'appui de leurs conclusions tendant à faire déclarer l'ensemble de la loi contraire à la Constitution, les auteurs des saisines, soutiennent qu'elle a été votée selon une procédure contraire aux prescriptions de l'article 47-1 de la Constitution. Ils font valoir que le Sénat a été saisi le 2 novembre 1999, et que le texte n'a ensuite été transmis à l'Assemblée nationale que le 18 novembre, soit avec un jour de retard. Ils en déduisent que cette dernière n'a pu disposer du temps qui lui était nécessaire, compte tenu du délai global de cinquante jours, à l'expiration duquel le Gouvernement peut procéder par voie d'ordonnance. B) Contrairement à ce qu'ils soutiennent, la procédure d'adoption de la loi ne peut être considérée comme irrégulière. Il importe en effet de souligner que l'article 47-1 ne fixe aucune obligation quant à la date de transmission, à l'Assemblée nationale, du texte examiné par le Sénat en première lecture. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé à propos des dispositions, analogues, de l'article 47, il n'y aurait irrégularité de nature à vicier la procédure que si l'une ou l'autre des deux assemblées n'avait pas disposé du délai que lui garantit la Constitution pour statuer en première lecture (n° 86-209 DC du 3 juillet 1986). Or l'Assemblée nationale a été saisie le 6 octobre 1999. Elle a adopté le texte le 2 novembre 1999, à la suite de quoi le Sénat a été saisi le même jour et s'est prononcé le 18 novembre. Dès lors qu'en l'espèce l'Assemblée nationale et le Sénat ont pu disposer chacun, respectivement, des délais de vingt jours et de quinze jours prévus par le 2ème alinéa de l'article 47-1, le moyen ne peut qu'être écarté. II - Sur le rattachement de certaines dispositions au domaine des lois de financement de la sécurité sociale. A) Selon les auteurs des saisines, plusieurs articles de la loi adoptée y auraient été insérés en méconnaissance des dispositions régissant le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. Tel serait d'abord le cas des articles 5, 6 et 7 relatifs au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et à ses ressources. Il en irait de même pour l'article 23, qui tend à doter les centres de santé d'un dispositif conventionnel permettant d'en maîtriser les dépenses, et pour l'article 31 relatif à la mise sur le marché de spécialités génériques. A l'appui de leurs conclusions dirigées contre ces dispositions, les requérants font essentiellement valoir qu'elles ont été adoptées en méconnaissance des prescriptions de l'article 34 de la Constitution et de l'article L.O. 111-3, dont le III prévoit que la loi de financement ne peut contenir, outre celles prévues au I du même article, que des dispositions « affectant directement l'équilibre financier » des régimes ou « améliorant le contrôle du Parlement sur l'application » de ces lois. Ils considèrent également que les dispositions relatives au fonds auraient dû figurer en loi de finances, en application de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. B) Ces griefs ne peuvent être accueillis. 1) S'agissant du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et de ses ressources, le Gouvernement entend souligner, à titre liminaire, que son insertion dans la loi de financement de la sécurité sociale a pour fondement, outre les dispositions du III de l'article L.O. 111-3, celles du 2 ° du I du même article qui rangent au nombre des dispositions devant figurer dans un telle loi, celles qui prévoient les recettes, non seulement de l'ensemble des « régimes obligatoires de base », mais aussi « des organismes créés pour concourir à leur financement ». Il avait donc bien sa place dans la présente loi, et ne relevait pas du domaine exclusif des lois de finances. a) En premier lieu, en effet, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales est un organisme créé pour concourir au financement des régimes obligatoires de base. Il a pour objet de financer les allégements structurels de cotisations patronales de sécurité sociale en faveur des bas salaires, d'une part, des entreprises réduisant la durée du travail, d'autre part. A cet effet, il permet de substituer, à un financement traditionnel par cotisations, un financement par des ressources nouvelles, engageant ainsi une réforme de la structure des ressources. Les recettes seront affectées, à titre principal, au régime général de sécurité sociale et, à titre secondaire, aux autres régimes entrant dans le champ des allégements structurels de charges (régime agricole, notamment). b) En deuxième lieu, il convient d'observer que les dépenses que le fonds a pour mission de financer affectent sans conteste directement l'équilibre financier de ces régimes : les dépenses du fonds sont estimées à plus de 60 milliards en 2000, plus de 100 milliards à terme. A titre de comparaison, les dépenses du fonds de solidarité vieillesse, qui est aussi un organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base, s'élèvent à environ 75 milliards. A cet égard, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait que le fonds ait pour objet de financer des mesures associées à la politique de l'emploi est sans incidence sur la régularité de l'insertion des dispositions le concernant dans la loi de financement de la sécurité sociale. De telles dispositions y ont tout autant leur place que, par exemple, celles des articles 5 (relatif aux exonérations de cotisations patronales afférentes à l'emploi d'une aide à domicile) et 6 (relatif aux exonérations de cotisations patronales attachées à l'embauche d'un premier salarié) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. c) En troisième lieu, la circonstance que les dispositions concernant les ressources du fonds soient accompagnées de précisions relatives à la détermination de l'assiette et du taux, et même aux modalités de recouvrement des impositions affectées à cet établissement public, n'est pas de nature à rendre irrégulière leur insertion dans la loi de financement. On rappellera, en effet, qu'il est bien établi, depuis la décision n° 96-384 DC du 19 décembre 1996, que des dispositions qui, en elles-mêmes, seraient étrangères au domaine des lois de financement, y ont néanmoins leur place lorsqu'elles constituent, avec d'autres dispositions qui en relèvent, les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble. Tel est bien le cas des dispositions critiquées, dès lors qu'elle ne font que permettre - comme celles relatives au recouvrement de la CSG en cause dans la décision précitée de 1996 - que les recettes qui permettront de financer la réforme des cotisations patronales soient effectivement perçues. d) Enfin on ne voit pas à quel titre les recettes de ce fonds qui, comme il a été souligné plus haut, est un organisme créé pour concourir au financement de la sécurité sociale, auraient dû figurer dans la loi de finances. C'est en particulier à tort que les requérants se prévalent de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Sans doute les débats auxquels la question de la régularité de l'affectation de la TGAP en loi de financement de la sécurité sociale a donné lieu ont-ils conduit le Gouvernement, dans un souci d'apaisement, à faire voter un amendement de coordination dans le projet de loi de finances, sous la forme d'un article 27 bis. Mais sur le plan constitutionnel, le Gouvernement considère que la loi de financement de la sécurité sociale se suffit, sur ce point, à elle même. Il convient à cet égard de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter un impôt à un établissement public et que les prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne concernent que l'affectation de recettes de l'Etat à des dépenses de l'Etat. Il s'en déduit qu'une disposition affectant une recette fiscale à un établissement public ne doit pas nécessairement figurer dans une loi de finances. De très nombreuses décisions du Conseil constitutionnel vont en ce sens (n° 82-132 DC du 16 janvier 1982, n° 82-140 DC du 28 janvier 1982 ; (n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 ; n° 98-405 DC du 29 décembre 1998). Le Conseil constitutionnel a notamment eu l'occasion de valider l'affectation à la CNAM de contributions sur les tabacs et les alcools instituées par une loi portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale (n° 82-152 DC du 14 janvier 1983). Il n'apparaît pas que la décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, rendue à propos de la loi quinquennale relative à l'emploi et à la formation professionnelle, conduise à remettre en cause cette analyse. L'article censuré élargissait pour certaines personnes les possibilités de cumul emploi-retraite, et prévoyait que les pertes entraînées par cette mesure pour les caisses d'assurance vieillesse seraient compensées par un relèvement des droits sur les tabacs. Le raisonnement du Conseil constitutionnel semble avoir été le suivant : - ces droits sont des recettes fiscales de l'Etat qui doivent figurer au budget dans leur intégralité ; - l'article en cause, tel qu'il est rédigé, n'a pas pour objet ni pour effet d'en modifier la nature ou la destination ; - en conséquence, il signifie que l'Etat doit verser une compensation aux caisses et que cette compensation est financée par un relèvement des droits sur les tabacs ; - une telle disposition constitue une affectation de recettes à des dépenses spécifiques au sein du budget de l'Etat, non conforme aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique de 1959 parce qu'elle n'est pas inscrite dans une loi de finances. Au regard de ce précédent, le Gouvernement entend souligner que les dispositions relatives à la TGAP qui figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne sont en rien comparables aux dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 1993. Leur objet explicite est en effet d'attribuer une recette fiscale à un organisme extérieur à l'Etat créé sous forme d'établissement public. Cette affectation n'est donc pas de celles que régit l'article 18 de l'ordonnance organique et elle ne se différencie pas des nombreuses affectations de recettes fiscales à des établissements publics validées par le Conseil constitutionnel. Le fait que la TGAP soit un impôt dont le produit était précédemment attribué à l'Etat ne modifie pas le raisonnement à cet égard. La TGAP, en réalité, ne doit plus être regardée comme une recette de l'Etat, dès lors qu'elle est entièrement affectée à une personne publique autre que l'Etat et qu'elle lui sera versée sans passage par le budget de l'Etat. Il n'était donc pas obligatoire de prévoir une mesure de « désaffectation » qui, par parallélisme avec la règle prévue à l'article 18 de l'ordonnance organique en matière d'affectation de recettes à des dépenses, relèverait du domaine exclusif des lois de finances. En effet, la TGAP ne faisait jusqu'à présent l'objet d'aucune affectation au sens de cet article 18, qui ne vise que les dispositifs dérogatoires au principe d'universalité applicable au budget de l'Etat : le produit de la TGAP était simplement versé dans la masse des recettes du budget général. On ajoutera qu'il y aurait quelque paradoxe à considérer que seule la loi de finances peut transférer une recette fiscale de l'Etat à une autre personne publique, alors que la compétence fiscale du législateur ordinaire est pleine et entière, comme le Conseil constitutionnel l'a maintes fois reconnu, notamment dans sa décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991 : les lois autres que les lois de finances peuvent, conformément à l'article 34 de la Constitution et à l'ordonnance organique de 1959, créer ou supprimer des impôts, qu'ils soient affectés ou non à l'Etat, et en modifier l'assiette, le taux et les règles de recouvrement, même si ces mesures ont un effet sur les conditions d'exécution du budget de l'exercice en cours. Enfin, le raisonnement vaut, a fortiori, pour l'affectation d'une partie du droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts, que les sénateurs requérants critiquent également sur le fondement de l'article 18 de l'ordonnance de 1959 : cette imposition étant auparavant affectée au fonds de solidarité vieillesse, la LFSS pour 2000 se borne à transférer une recette d'un établissement public à un autre, ce qui est encore plus manifestement étranger aux dispositions de l'article 18 relatives aux affectations auxquelles la loi de finances peut procéder au sein du budget de l'Etat. 2) Les dispositions de l'article 23 relatives au conventionnement des centres de santé relèvent tout autant du champ de la loi de financement de la sécurité sociale. Il a, en effet, été constaté que les dépenses d'assurance-maladie induites par l'activité de ce secteur (2,6 milliards de francs en 1998) étaient en progression très rapide depuis plusieurs années, à un rythme de 10 %, très supérieur à celui de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM). Or, l'état actuel du droit ne permettait pas d'assurer une régulation de ce secteur en l'absence de tout dispositif à caractère national, tandis qu'il n'était pas cohérent, au regard de l'objectif constitutionnel de maîtrise des dépenses sociales, de tenir les centres de santé à l'écart du dispositif de régulation des soins de ville prévu par cette loi. Tirant les conséquences de cette situation, l'article 23 contribue à un double titre à une meilleure maîtrise des dépenses de santé. a) En premier lieu, il crée un nouveau dispositif qui permet de rationaliser les dépenses des centres de santé. La loi donne ainsi aux partenaires un nouvel outil de régulation sous la forme d'un accord négocié entre les organismes d'assurance maladie et les organisations représentatives des centres de santé. Cet accord va permettre d'appliquer à ces structures certains outils de la maîtrise médicalisée déjà mis en oeuvre pour les professionnels libéraux, par exemple, les références médicales opposables. Il pourra également déterminer les mesures propres à favoriser l'accès aux soins des assurés sociaux et à garantir la qualité et la coordination des soins ainsi que des modes de rémunération autres que le paiement à l'acte. Ce dispositif est ainsi de nature à avoir une influence directe et significative sur leurs dépenses : en prenant pour hypothèse une croissance des dépenses ramenée de 10 à 5 %, l'économie serait de 130 MF. C'est ce que le Conseil constitutionnel avait souligné, lorsqu'il avait été saisi de dispositions analogues contenues, d'une part dans l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui ouvrait le champ de compétence des conventions médicales à la détermination de nouvelles conditions d'exercice propres à favoriser la coordination des soins, et de modes de rémunération autres que les paiement à l'acte, d'autre part dans l'article 34 de cette même loi relatif aux établissements pour personnes âgées dépendantes en tant qu'il ouvrait également la possibilité de définir des modes de rémunération autres que le paiement à l'acte. b) En second lieu, la vocation sociale des centres de santé amène à considérer que leur développement est susceptible d'avoir un impact sur la consommation de soins. Les populations soignées dans ces structures sont en effet celles qui ont souvent un recours tardif aux soins et sont contraintes de se diriger vers l'hôpital du fait de pathologies aggravées. On peut dès lors estimer que le développement des centres de santé pourrait avoir dans cette mesure une incidence sur les dépenses d'hospitalisation. Les dispositions introduites dans le code de la sécurité sociale par l'article 23 concourent ainsi à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie pour les centres de santé et donc de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance maladie. Elles sont dès lors au nombre des dispositions qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale. 3) Quant aux dispositions de l'article 31 relatives à la mise sur le marché de médicaments génériques, c'est également à tort que les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent qu'elles n'ont pas leur place dans la présente loi. Il est clair, en effet, que le développement de ce type de médicaments, dont le coût est moins élevé, est de nature à avoir un impact significatif sur les comptes de l'assurance maladie. En prévoyant que l'autorisation de mise sur le marché peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence concernée, tout en précisant que la commercialisation ne peut intervenir avant cette date, la nouvelle rédaction donnée par l'article 31 à l'article L. 601 du code de la santé publique vise à réduire les délais qui séparent actuellement le moment où le brevet tombe dans le domaine public et celui où une mise sur le marché peut être autorisée. Par là-même, cette disposition contribuera directement au développement des spécialités génériques, ce qui était également l'un des objectifs poursuivis par l'article 22 de la LFSS pour 1999 dont le Conseil constitutionnel a admis la conformité aux dispositions de l'article LO 111-3 par sa décision, déjà citée, du 18 décembre 1998. On remarquera enfin que si les sénateurs requérants critiquent également le dernier alinéa de l'article 31 qui précise que certaines études liées au développement de ces spécialités sont considérées comme des actes accomplis à titre expérimental, au sens de l'article L 613-5 du code de la propriété intellectuelle, ils se bornent à faire état d'une prétendue incompatibilité avec les engagements internationaux de la France. Or, il résulte d'une jurisprudence constante qu'une telle argumentation est étrangère au contrôle de constitutionnalité. Par ailleurs, ces dispositions permettront de mener ces études de manière plus précoce et contribueront aussi, de ce fait, au développement des médicaments génériques. Elles sont donc également de nature à concourir à la maîtrise des dépenses médicales. III - Sur la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés A) le 1 °du I de l'article 6 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 235 ter ZC qui institue une imposition additionnelle à l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), et fixe les règles relatives à l'assiette et au taux de cette contribution. Les règles permettant d'en assurer le recouvrement sont définies par le nouvel article 1668 D créé par le 2 ° du I du même article 6. Cette imposition est l'une des ressources du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, créé par l'article 5. Pour contester ces dispositions, les députés requérants soutiennent qu'elles méconnaissent l'égalité des contribuables devant l'impôt et, de manière générale, les exigences déduites de l'article 13 de la Déclaration de 1789. Ils critiquent, en particulier, le seuil de 50 MF de chiffre d'affaires que la loi a retenu, et font grief à celle-ci de ne permettre aucune progressivité en deçà de ce seuil, qu'ils jugent arbitraire. Les auteurs de la saisine reprochent également à la loi de procéder à une discrimination entre les sociétés, selon qu'elles sont ou non constituées sous forme de groupe, permettant ainsi à une société holding dont aucune filiale ne dépasse le seuil d'échapper à l'impôt. B) Ces moyens ne peuvent être accueillis. 1) En premier lieu, le seuil retenu ne méconnaît pas le principe d'égalité. On rappellera, à cet égard, qu'il résulte d'une jurisprudence constante, d'une part qu'il est loisible au législateur de fixer l'assiette d'un impôt par référence à un autre impôt (n° 81-133 DC du 30 septembre 1981 ; et n° 86-223 DC du 29 décembre 1986), d'autre part, que rien ne s'oppose non plus à ce que la loi crée des catégories homogènes de contribuables, même très réduites, comme cela a, par exemple, été admis à propos du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, où seulement deux entreprises étaient concernées (n° 93-330 DC du 29 décembre 1993). En l'espèce, la définition du champ de la contribution reprend celle de l'article 235 ter ZB relatif à la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, issu de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier qui était en cause - il est vrai à un autre titre - dans la décision n° 97-391 DC du 7 novembre 1997. Tout comme l'article 235 ter ZB issu de cette loi, le nouvel article 235 ter ZC préserve, pour des raisons d'intérêt général, une catégorie particulière, les PME, c'est-à-dire une catégorie homogène d'entreprises qui sont placées dans une situation particulière, le choix du chiffre d'affaires de 50 MF étant pertinent et objectif au regard de la prise en compte des facultés contributives. En outre, c'est à tort que les requérants contestent ce dispositif sous l'angle de l' « effet de seuil », à leurs yeux excessif, qui en résulterait. En effet, l'institution d'un abattement de 5 MF sur l'impôt sur les sociétés servant de base à la contribution permet de ne pas en rendre redevables de façon automatique ni brutale les entreprises qui dépassent le montant de 50 MF de chiffre d'affaires, en procédant à un lissage analogue à celui dont la décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 a admis la validité en matière de cotisations sociales. 2) En second lieu, le régime de la CSB ne peut davantage être utilement contesté sur le terrain des différences pouvant résulter de la forme juridique des entreprises concernées et de leur appartenance éventuelle à un groupe de sociétés. En l'espèce, la loi prévoit, s'agissant des sociétés formant un groupe intégré au sens fiscal (art. 223 A du CGI), que le chiffre d'affaires à prendre en compte est la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe (troisième alinéa du I de l'art. 235 ter ZC nouveau). Les entreprises qui ne font pas partie d'un groupe au sens fiscal doivent être regardées comme des entités distinctes ; dans le cas où elles pourraient en faire partie mais ne l'ont pas décidé, elles sont responsables de leurs décisions de gestion. Le régime applicable à cette nouvelle contribution sera, à cet égard, le même que celui qui avait été prévu, non seulement par celle, déjà citée que définissait l'article 235 ter ZB, mais aussi par celle qui avait auparavant été créée par l'article 235 ter ZB issu de la loi du 3 août 1995. IV - Sur la taxe générale sur les activités polluantes A) L'article 7 de la loi insère plusieurs dispositions nouvelles dans le code des douanes et modifie l'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, afin de procéder à une extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui a été créée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999. Son produit sera désormais affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. A l'appui de leur recours, les requérants font valoir que l'affectation de cette imposition « est juridiquement sujette à caution ». Elle en inverserait la vocation en la transformant en impôt de rendement. Ce changement porterait ainsi, selon eux, « une atteinte sans nuance au principe du consentement à l'impôt » garanti par l'article 14 de la Déclaration et l'article 34 de la Constitution. Ce faisant, le législateur aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences, sur le TGAP, de sa nouvelle affectation. Les députés saisissants estiment en outre que l'article 7 est entaché d'incompétence négative, à un double titre : d'une part le 8 ° du D du I procéderait à un renvoi trop large au pouvoir réglementaire pour les règles d'assiette ; d'autre part, le nouvel article 266 terdecies du code des douanes, créé par le F du I de l'article 7, ne précise pas suffisamment les règles de recouvrement des éléments de la TGAP relevant des services chargés de l'inspection des installations classées. B) Pour sa part, le Gouvernement considère que l'article 7 est conforme à la Constitution. 1) En premier lieu, l'argumentation des requérants repose sur une confusion entre d'une part, le débat d'ordre politique qui a naturellement eu sa place au Parlement sur l'opportunité d'affecter à la sécurité sociale tel ou tel type de recette spécifique qui avait pu, à l'origine, être créée dans un autre contexte, et d'autre part, le débat juridique qui ne peut porter, dans le cadre de l'article 61 de la Constitution, que sur la conformité à celle-ci des choix que fait la représentation nationale. Au cas particulier, le Parlement a été parfaitement informé des raisons qui conduisaient le Gouvernement à lui proposer de choisir cette recette pour contribuer au financement de la réforme des cotisations patronales. On voit donc mal comment le consentement à l'impôt dont le principe est énoncé à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme pourrait s'en trouver affecté. De même est-ce à tort que les députés saisissants critiquent l'affectation de cette imposition, en se fondant sur son objet. Cet objet est certes spécifique, dans la mesure où il consiste à appréhender une matière imposable déterminée, en tenant compte de l'impact sur l'environnement des activités qui sont ainsi mises à contribution. Cette mise à contribution, parfois désignée sous la dénomination d' « écotaxe », s'inscrit d'ailleurs dans une démarche commune à l'ensemble des pays de la Communauté européenne. Elle ne peut être utilement contestée sur le plan constitutionnel dès lors, d'une part, que la détermination de l'assiette de cette taxe spécifique repose sur des critères objectifs et rationnels, d'autre part, qu'elle est destinée, comme tout impôt, à financer des dépenses d'intérêt général. Tout autre est la question de l'affectation : aucune norme constitutionnelle n'exige qu'une recette spécifique soit affectée au financement de dépenses particulières ayant un lien avec le prélèvement en cause. Le principe est plutôt, au contraire, celui de l'universalité, auquel le législateur peut toutefois déroger, sous la réserve que pose l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 : lorsqu'une affectation est prévue au sein du budget de l'Etat - ce qui comme on l'a souligné plus haut n'est pas le cas en l'espèce - elle ne peut procéder que de la loi de finances. Lorsqu'il décide de déroger au principe d'universalité pour affecter une recette fiscale à une dépense de l'Etat ou d'une autre personne publique, le législateur peut se déterminer en fonction de considérations purement financières : aucune exigence constitutionnelle, ni aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne lui imposent de rechercher une corrélation ou une adéquation entre l'objet du prélèvement, qu'il soit existant ou nouveau, et l'objet de la dépense. De nombreux exemples, dans le domaine des comptes d'affectation spéciale notamment, en témoignent : ainsi, le fonds national pour le développement des adductions d'eau est, de longue date, alimenté par un prélèvement sur le pari mutuel sur les hippodromes et le fonds national pour le développement du sport, de même que le fonds national pour le développement de la vie associative, est alimenté par un prélèvement sur les jeux de hasard ; le budget annexe des prestations sociales agricoles, quant à lui, bénéficie de l'affectation d'une fraction du produit de la TVA. Le Conseil constitutionnel, au demeurant, a eu l'occasion de valider des dispositifs prévoyant qu'une même recette serait pour partie affectée au budget général, c'est-à-dire non affectée, et pour partie affectée à un autre attributaire (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994). Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu'écarter comme inopérante l'argumentation tirée de ce que la TGAP et, auparavant, les impositions qui ont été regroupées sous cette dénomination avaient, à l'origine, été créées dans un autre but. 2) En second lieu, c'est également à tort que le recours des députés fait grief au législateur d'être demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution. En effet, la compétence que le législateur tient de cet article pour fixer les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature », n'implique nullement que le régime applicable à une imposition soit entièrement contenu dans des dispositions législatives (cf par exemple, en matière de taux, la décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987). La Constitution n'interdit donc pas le renvoi à des dispositions réglementaires pour préciser les modalités d'application de la loi fiscale (n° 80-126 DC du 30 décembre 1980). Elle permet, aussi, au législateur de se borner à poser le principe de l'application d'un régime fiscal spécifique dans des zones déterminées du terri-toire de la République et de laisser à un décret le soin de délimiter ces zones, sur la base des critères énoncés par la loi (n° 94-358 du 26 janvier 1995 ; n° 98-403 DC du 29 juillet 1998). Dans ces différentes hypothèses, le respect de l'article 34 de la Constitution est assuré dès lors que le renvoi au pouvoir réglementaire fait l'objet d'un encadrement suffisant. Tel est bien le cas en l'espèce. a) S'agissant du tarif applicable aux installation classées, on observera d'abord que le législateur s'est borné à reprendre les dispositions existantes de l'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Ce texte a été modifié en dernier lieu par l'article 119 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989) qui a porté de 6 à 10 le coefficient multiplicateur de la redevance annuelle. La délégation faite au pouvoir réglementaire est respectueuse des principes posés par l'art. 34 de la Constitution : sur une échelle finie (1 à 10), le pouvoir réglementaire doit choisir le coefficient multiplicateur adéquat à appliquer au tarif de base, en rangeant les activités en fonction de deux critères objectifs définis par la loi avec une précision suffisante : la nature et le volume de l'activité. En l'état actuel des textes, ce sont les décrets en Conseil d'Etat n° 83-929 du 21 octobre 1983, n° 93-1411 du 29 décembre 1993 et n° 98-1043 du 18 novembre 1998, pris après avis du conseil supérieur des installations classées, qui déterminent les coefficients applicables à chaque catégorie d'installation. A cet égard, on soulignera que les principes qui encadreront l'exercice, par le Gouvernement, de la compétence qui lui est ainsi déléguée sont clairement énoncés par la loi, à travers les nouvelles dispositions que le A du I de l'article 7 ajoute à l'article 266 sexies du code général des impôts, et plus précisément au b du 8 du I de cet article, qui prescrit au décret en Conseil d'Etat de tenir compte des risques particuliers que l'activité de l'établissement imposé fait courir à l'environnement par sa nature ou par son volume. La loi du 19 juillet 1976 contenait déjà une habilitation identique, qui est actuellement mise en oeuvre par le décret modifié du 21 octobre 1983. Conformément à la volonté du législateur de 1976, le décret a distingué, parmi les activités assujetties à cette imposition, plusieurs dizaines de rubriques correspondant à autant d'activités différentes par leur nature. Le cas échéant - c'est-à-dire dans la mesure où, pour chaque nature d'activité, le risque pour l'environnement dépend en outre de la capacité de l'établissement concerné - le tableau annexé au décret procède à la modulation que prescrit la loi en fonction de ce second critère. Les choix faits à cet égard par le pouvoir réglementaire n'ont rien de discrétionnaire : ils sont directement conditionnés par la grille d'analyse résultant de la loi. En pareil cas, la jurisprudence considère que le renvoi à l'autorité administrative n'entache pas la loi d'incompétence négative (cf par exemple, à propos des agréments fiscaux, la décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987). Ainsi, la délégation consentie par le législateur de 1976 était parfaitement conforme à l'article 34 de la Constitution et celle, identique, à laquelle procèdent les dispositions contestées de l'article 7 l'est donc tout autant. On ajoutera enfin qu'à partir du moment où cette formule était juridiquement possible, il était particulièrement opportun de la retenir, faute de quoi le législateur aurait dû consacrer de longs débats à se prononcer sur chacun des coefficients multiplicateurs permettant d'assigner, à chaque établissement, la taxe correspondant à l'objet de ce prélèvement en établissant des tableaux occupant de nombreuses pages du Journal officiel. C'est précisément pour éviter d'encombrer inutilement le Parlement avec de tels débats que la Constitution de 1958 a réparti le pouvoir normatif entre la loi et le règlement. b) Quant aux règles de recouvrement de cette imposition, elles sont fixées sans ambiguïté par l'article 266 ter decies, introduit dans le code général des impôts par le F du I de l'article 7 de la loi déférée. A cet égard, on saisit mal en quoi serait contraire à la Constitution le fait que la part de la TGAP frappant les installations classées soit établie par des services compétents à l'égard de ce type d'activité, tout comme l'imposition qu'avait définie l'article 17 de la loi de 1976, et à laquelle la nouvelle taxe succède. V - Sur la sincérité des prévisions A) Comme le prescrit le 1 ° du I de l'article L.O. 111-3, l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 présente, par catégorie, les ressources prévisionnelles des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement. Aux yeux des requérants, la sincérité de ces prévisions serait « douteuse », pour trois raisons. En premier lieu, les ressources du fonds créé par l'article 5 ne seraient pas comptées parmi celles de l'article 12. En deuxième lieu, ils relèvent une inadéquation entre certaines dépenses et les recettes qui leur sont affectées. Enfin, ils font état d'incohérences entre la loi de finances et la présente loi. B) Ces critiques ne sont pas fondées. 1) Les ressources du fonds de financement sont bien prises en compte dans les prévisions de recettes. Contrairement, en effet, à ce qui est soutenu, les ressources du fonds de financement figurent dans les agrégats suivants : - « impôts et taxes » (39,5 milliards au titre de la taxe tabac, 4,3 milliards au titre de la contribution sociale sur les bénéfices, 3,2 milliards au titre de la taxe générale sur les activités polluantes, 7 milliards au titre de la contribution sur les heures supplémentaires, 5,6 milliards au titre des droits de consommation sur les alcools) ; - et « contributions publiques » (4,3 milliards de dotation budgétaire de l'Etat). 2) La sincérité des prévisions retracées par l'article 12 n'est pas non plus affectée par une prétendue inadéquation entre les recettes du fonds de financement et ses dépenses. Si une partie des recettes du fonds de financement de la sécurité sociale, et notamment la contribution sur les heures supplémentaires, est effectivement amenée à décroître, cette observation n'affecte nullement la sincérité des prévisions. En effet, les recettes présentées au titre du fonds de financement sont celles de l'exercice 2000. Les agrégats de la loi de financement ne retraçant que les recettes de l'année, il appartiendra à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 de présenter les mesures nécessaires à l'équilibre financier du fonds pour l'exercice considéré. C'est en outre en vain que les députés requérants font état d'une « affectation contre nature », pour mettre en cause la sincérité des prévisions concernant la part des recettes du fonds correspondant à la contribution sur les heures supplémentaires, dès lors que, ainsi qu'il a été dit plus haut, il n'existe pas de liens juridiques entre l'objet d'un prélèvement fiscal et les dépenses qu'il permet de financer. 3) Enfin la loi de financement prend bien en compte celles des dispositions votées en loi de finances qui peuvent avoir une incidence sur les prévisions qui lui incombent. Ainsi, l'affectation au régime des exploitants agricoles d'un milliard de contribution sociale de solidarité des sociétés a été prise en compte dans les agrégats de la loi de financement lors du vote du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. La baisse du taux de la surcompensation s'est traduite par : - une diminution de 0,8 milliard de l'agrégat « cotisations fictives » : la diminution du taux de la surcompensation réduit notamment les charges de l'Etat au titre du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires, ce qui permet à l'Etat de diminuer les cotisations fictives qu'il affecte à ce régime ; - une augmentation de 1,7 milliard des contributions publiques, résultant de l'augmentation des subventions de l'Etat au profit des régimes bénéficiant de la surcompensation (pour l'essentiel, les mines, les marins et la SNCF), cette augmentation des subventions venant compenser la diminution de la surcompensation. Quant aux incidences de l'augmentation de 0,5 point de la cotisation des employeurs au titre de la CNRACL, elles résultent de dispositions réglementaires qui ont été annoncées et non pas de la loi de finances, et elles ont en tout état de cause été prises en compte dans l'agrégat « cotisations effectives » pour un milliard lors du vote du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. VI - Sur la garantie de ressources de la branche famille A) L'article 9 de la loi déférée prévoit que la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) bénéficie d'une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002. S'il apparaît, au terme de la période considérée et après les ajustements prévus par la loi, que les ressources de la CNAF en 2002 sont inférieures aux ressources 1997 revalorisées, la CNAF bénéficie d'un versement de l'Etat dans les conditions prévues par la loi de finances et par la loi de financement de la sécurité sociale. Pour contester l'inclusion de cet article dans la présente loi, les députés requérants estiment que ce dispositif enfreint le principe de l'annualité budgétaire, dans la mesure où il porte sur une période cinq ans. B) Cette contestation appelle les deux séries d'observations suivantes. 1) En premier lieu, il ne résulte ni de la Constitution, ni des dispositions de l'article LO 111-3 issues de la loi organique du 22 juillet 1996 qu'il existerait un principe d'annualité pouvant se distinguer des règles que le législateur organique a adoptées pour définir le champ des lois de financement de la sécurité sociale. Sur le plan juridique, la question soulevée par le recours des députés ne peut donc s'analyser que comme un grief de « cavalier social » et il s'agit de déterminer si un tel dispositif peut avoir sa place en loi de financement. A cet égard, il est vrai que le I de l'article LO 111-3 prévoit l'intervention d'une telle loi « chaque année ». Mais il n'exclut nullement que les mesures qui peuvent y être insérées, et notamment toutes celles, prévues au III du même article, qui affectent l'équilibre financier des régimes obligatoires de base voient leurs effets se produire sur des années ultérieures. On soulignera, à cet égard, que les lois de financement de la sécurité sociale ont déjà comporté des dispositions ne se traduisant pas nécessairement par des flux financiers dans les comptes de l'exercice auquel se rapporte directement la loi. Il importe d'ailleurs de noter qu'une conception trop étroite du champ des lois de financement de la sécurité sociale, qui exigerait que l'impact sur l'équilibre des régimes obligatoires de base se traduise nécessairement et exclusivement au cours de l'exercice correspondant, soulèverait de sérieuses difficultés pour la définition des prélèvements assis sur des flux annuels qui contribuent au financement de la sécurité sociale : elle reviendrait en effet à exiger, pour s'assurer d'un recouvrement effectif au cours de l'exercice considéré, de prendre systématiquement en considération un fait générateur antérieur à cet exercice. En l'espèce, il convient de noter que la garantie de ressources affecte directement l'équilibre financier de la branche famille en 2000, puisqu'elle impose au Gouvernement de ne pas prendre des mesures telles qu'elles compromettraient le respect de la garantie en fin de période. 2) En second lieu, on soulignera que ce dispositif, qui répond à une forte demande de la part des associations familiales, fait suite à une garantie similaire qui avait été instaurée sur la période 1994-1998 par l'article 34 de la loi famille n° 94-649 du 25 juillet 1994. Au cas particulier, on peut noter que la durée d'application du nouveau dispositif n'a pas été contestée par le Sénat, qui a apporté deux modifications au texte présenté par le Gouvernement : décaler d'un an la garantie et préciser que l'Etat financerait cette garantie, seule la deuxième ayant toutefois été adoptée par l'Assemblée Nationale. Comme dans le cadre de la garantie précédente, l'article 9 spécifie bien que le versement de l'Etat interviendra « dans les conditions prévues par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale ». C'est donc le Parlement qui fixera ces conditions. On rappellera que l'article 34 de la loi famille du 25 juillet 1994 prévoyait de même un versement de l'Etat « selon des modalités prévues par la loi de finances ». VII - Sur la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au fonds de réserve pour les retraites A) Les dispositions du V de l'article 16 de la loi prévoient le versement, par la Caisse des dépôts et consignations, d'une somme de 3 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites mentionné au 2ème alinéa de l'article L 135-1 du code de la sécurité sociale. Pour contester cette mesure, les sénateurs auteurs du second recours soutiennent qu'elle a le caractère d'une affectation d'une recette du budget de l'Etat opérée en méconnaissance des prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. B) Cette critique repose sur une interprétation erronée, tant de la disposition contestée que de celles qui régissent les lois de financement de la sécurité sociale. En effet il n'existe aucun lien entre le montant figurant au budget général, dans le projet de loi de finances pour 2000, au titre des produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières, et le prélèvement visé par le V de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Ce dernier a simplement le caractère d'une recette prélevée sur un organisme déterminé - en l'espèce, la Caisse des dépôts et consignations - en vue de concourir au financement du fonds de réserve pour les retraites, qui a le caractère d'une ligne budgétaire au sein de l'établissement public qu'est le fonds de Solidarité vieillesse. Pour les raisons indiquées plus haut, l'article 18 de l'ordonnance organique est sans application aucune pour l'affectation d'une recette comme celle-ci à un établissement public. VIII - Sur les transferts de l'Etat vers l'assurance maladie A) Dans un souci de simplification, l'article 21 de la loi a transféré à compter du 1er janvier 2000, aux organismes d'assurance maladie, la part à la charge de l'Etat des dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et les centres de planification ou d'éducation familiale (CPEF). De son côté, l'article 22 organise la prise en charge par les régimes d'assurance maladie, à compter du 1er janvier 2000, des dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes réalisées avec hébergement dans les établissements de santé. Auparavant, la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 modifiée relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses avait prévu le financement, par l'Etat, de la prise en charge sanitaire de la personne toxicomane. Pour contester ces dispositions, les requérants vont valoir qu'elles sont contraires à la Constitution, dès lors que le financement des centres de dépistage anonyme et gratuit, et plus encore celui relatif aux cures de désintoxication, apparaissent, d'après eux, comme étant au nombre des dépenses qui relèvent par nature du budget de l'Etat et qu'elles n'entrent pas dans le champ des missions de l'assurance maladie. Elles constitueraient une débudgétisation non conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaire. B) Le Conseil constitutionnel ne pourra faire droit à cette argumentation, qui revient à confondre les charges qui incombent à l'Etat par nature et celles qu'il n'assume que par détermination de la loi. Dans ce dernier cas, il ressort de la décision n° 95-369 du 28 décembre 1995 qu'il est loisible au législateur de retrancher les dépenses correspondantes de celles dont le budget de l'Etat doit assumer la charge, dès lors que le transfert de la charge ne méconnaît aucune prescription constitutionnelle. S'agissant des charges visées par l'article 21, il convient de noter que les activités sont d'ores et déjà en partie assumées par l'assurance maladie, à hauteur de 85 % par les CDAG et de 70 % pour les CPEF. Par ailleurs, le dépistage du SIDA est financé à 100 % par l'assurance maladie lorsqu'il est réalisé dans le dispositif de droit commun du secteur des soins de ville. La prise en charge de ce type d'activités, qu'il s'agisse de prévention ou de soin relève donc bien du champ d'intervention de l'assurance maladie et n'a en rien le caractère d'une dépense qui devrait, par nature, incomber à l'Etat. Quant au choix opéré par l'article 22 pour le financement des dépenses liées aux cures de désintoxication réalisées dans les établissements de santé, il se heurte d'autant moins aux objections soulevées par les requérants que, eu égard au caractère médicalisé de la cure, ces dépenses sont au nombre de celles qu'il est légitime de faire supporter par l'assurance maladie. C'est un soin à part entière, qu'il soit réalisé sur injonction du procureur de la République ou sur présentation spontanée de la personne toxicomane. Il ne paraît pas justifié de distinguer la prise en charge de ce type de personnes d'autres types de soins de même nature tels que, par exemple, les cures de sevrage alcoolique qui sont prises en charge par l'assurance maladie. IX - Sur le dispositif de régulation des soins de ville A) La maîtrise des dépenses des professions de santé exerçant en ville est actuellement assurée par des dispositifs différents suivant les professions, fondés sur la combinaison d'un objectif de dépenses collectif, qui pour les médecins porte à la fois sur les honoraires et les prescriptions, et de mécanismes de contrôle individuels (références médicales obligatoires, plafonds d'activité pour certains paramédicaux). Les objectifs de dépenses sont négociés entre les parties conventionnelles dans le cadre d'une annexe annuelle à la convention qui détermine également les tarifs des actes. La CNAMTS négocie ces objectifs dans le cadre de l'objectif des dépenses de soins de ville qui est déterminé chaque année dans l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAMTS, en fonction de l'ONDAM voté par le Parlement. Le degré de contrainte résultant des objectifs pour les professionnels est différent suivant les professions et cette situation ne garantit pas le respect global des objectifs de dépenses : - pour les paramédicaux, le non respect de l'objectif interdit en général la revalorisation des tarifs l'année suivante (mais cette règle est de niveau conventionnel et ne figure pas dans la loi). Le dispositif en place n'assure donc pas le respect des objectifs fixés ; - pour les biologistes, le non respect de l'objectif conduit au reversement par la profession du « trop perçu », une économie par rapport à l'objectif se traduisant à l'inverse par une dette de l'assurance maladie à l'égard de la profession. La pratique a montré les limites du dispositif mis en place ; - pour les médecins, la situation juridique actuelle n'est pas satisfaisante. Le dépassement de l'objectif devait entraîner dans le dispositif initial introduit en 1996 le reversement pur et simple par les médecins d'une partie du trop perçu en cas de dépassement de l'objectif (comprenant honoraires et prescriptions). La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait instauré un double mécanisme de gestion infra-annuelle de l'objectif et de prélèvement d'une contribution conventionnelle en cas de dépassement. Les dispositions relatives à la contribution conventionnelle ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 décembre 1998. 1) Tirant les conséquences de cette situation, l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale 2000 met en place un nouveau dispositif de régulation des soins de ville, fondée sur une responsabilité accrue de l'assurance maladie et des professionnels de santé. L'article étend tout d'abord à l'ensemble des professionnels, notamment aux paramédicaux, les dispositions ouvertes aux conventions médicales dans la loi de financement 1999 pour favoriser la coordination des soins et le développement des réseaux de soins. La loi met en place une procédure de délégation à l'assurance maladie qui s'appuie sur la définition, au sein de l'objectif des dépenses de soins de ville, d'un objectif de dépenses déléguées regroupant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé exerçant en ville. Les parties conventionnelles disposeront d'une large palette d'actions sur les pratiques professionnelles. En l'absence d'accord ou de convention, les caisses nationales pourront arrêter les mesures qu'elles estiment nécessaires dans ces domaines, après consultation des syndicats représentatifs. En cas de carence des partenaires, l'Etat pourra exercer des prérogatives de substitution. Ceci sera effectué trois fois dans l'année : en début d'année pour la fixation des objectifs, puis à l'occasion de l'examen des quatre et huit premiers mois de dépenses. Enfin, le XIII de l'article 24 insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 162-15-4 qui prévoit qu'à défaut de convention ou d'annexe annuelle applicable aux médecins spécialistes, ou à défaut d'accord en cours d'année entre ces médecins et ces caisses pour déterminer les mesures de nature à garantir en cours d'année le respect de l'objectif de dépenses, la CNAM et au moins une autre caisse nationale d'assurance maladie peuvent conclure, avec au moins une organisation syndicale nationale de médecins d'une spécialité ou d'un groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes, deux types d'accords : - un protocole relatif aux éléments de l'annexe mentionnée au I de l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale par spécialité ou groupe de spécialités, qui portera sur les tarifs des honoraires et les références professionnelles opposables ; - un protocole relatif aux mesures de nature à garantir, en cas d'évolution trop rapide des dépenses en cours d'année, le respect de l'objectif de dépenses déléguées comportant, le cas échéant, des ajustements de tarifs. Il appartiendra ensuite aux caisses d'inclure ou non en fonction de la nature des mesures, celles qui pourront entrer dans l'exercice de leur pouvoir de substitution. Tel est le nouveau dispositif défini par la loi déférée. 2) Pour contester ces mesures, les députés requérants font valoir qu'elles imposent une méthode unique de régulation, celle des « lettres-clés flottantes », qui revient à instaurer un système de sanctions collectives pénalisant les praticiens les plus vertueux. Ce mécanisme méconnaîtrait l'égalité devant la loi, pour les mêmes raisons que celles que le Conseil constitutionnel a retenues pour censurer le mécanisme qu'instaurait la loi de financement pour 1999. Par ailleurs, le dispositif instauré par l'article 24 méconnaîtrait les principes de proportionnalité et de personnalité des sanctions et des peines ainsi que la présomption d'innocence. Enfin, les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, contestent le mécanisme prévu par le XIII de l'article 24 en qualifiant les protocoles mentionnés par cette disposition d' « accords conventionnels de substitution ». Ils soutiennent qu'à la différence des accords conventionnels, ces protocoles ne sont soumis à aucune approbation ministérielle. Ils font en outre valoir que la conclusion de tels accords avec des organisations syndicales de médecins de certaines spécialités, qui ne sont pas reconnues représentatives, est contraire à la Constitution. B) Ces griefs reposent sur une interprétation erronée du dispositif contesté. 1) En premier lieu, il ne repose nullement sur un système automatique de « lettre-clé flottante ». La loi a en effet prévu une large palette d'actions dont les tarifs ne sont qu'une composante. Les parties conventionnelles peuvent agir sur les pratiques professionnelles : information, évaluation, promotion de référentiels de bonne pratique. Des ajustement des cotations de la nomenclature sont également possibles, qui permettent des actions ciblées sur certains professionnels ou certaines catégories d'actes. Par ailleurs, la variation de la valeur des lettres clés est un outil dont l'utilisation peut être fine et ajustée en fonction des objectifs déterminés. De plus, la loi ne prévoit aucun ajustement automatique des lettres clés en cas de dérapage et se borne à offrir cette faculté. Ce mécanisme d'ajustement n'a, de même, aucun caractère systématique, puisqu'il ne concerne pas nécessairement toute les lettres clés, mais peut ne porter que sur certaine d'entre elles. Dans le domaine des prescriptions, le rôle des parties aux conventions médicales est accru : des accords peuvent être conclus pour la mise en oeuvre d'actions thématiques spécifiques dont les fruits pourront être partagés avec les médecins, les professionnels pourront adhérer individuellement à des contrats de bonne pratique sur des engagements précis. La possibilité d'ajuster la valeur des lettres clés s'insère donc dans un mécanisme d'ensemble dont l'objectif global est la régulation des dépenses. Il n'a donc en rien le caractère d'un mécanisme de sanctions collectives. 2) En deuxième lieu, il est tout aussi inexact de prétendre que la CNAMTS aurait le pouvoir de décider seule de la valeur des lettres clés et des cotations. L'intervention unilatérale de la CNAMTS n'a été prévue, en ultime recours, que lorsque les possibilités de négociation ont été épuisées. De plus, le pouvoir de la CNAMTS est un pouvoir de substitution strictement encadré et soumis à l'approbation des ministres. Il est par ailleurs cohérent avec la délégation à la CNAMTS, au sein de l'objectif soins de ville, d'un objectif de dépenses déléguées regroupant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé exerçant en ville. 3) En troisième lieu, l'utilisation de la lettre clé n'est pas davantage contraire au principe d'égalité devant la loi. La loi aménage le dispositif existant. Il faut à cet égard noter qu'il est de la nature même d'un régime d'encadrement des tarifs comme celui des lettres clés de déterminer un prix moyen qui vaut pour tout médecin. Par construction, un tel mécanisme tarifaire s'applique de manière objective sans avoir à prendre en considération la personne ou l'activité. Le comportement individuel des médecins n'intervient pas dans la détermination de la valeur de la lettre clé qui dépend de données macro économiques liées notamment aux volumes des actes. Ceci vaut tant pour une hausse que pour une baisse des tarifs. L'évolution des tarifs étant liée au volume constaté des actes, elle s'applique à des personnes situées dans des conditions objectives au regard du conventionnement : il n'y a donc pas rupture de l'égalité devant la loi. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, répondant à un grief analogue à propos du règlement conventionnel minimal du 11 août 1998, dans sa décision Fédération nationale des médecins radiologues et autres du 7 mai 1999, a reconnu qu'eu égard à l'augmentation sensible du nombre d'actes de radiologie constaté, les ministres avaient pu, sans méconnaître le principe d'égalité, se borner à réduire la valeur monétaire de la lettre clé Z1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les conditions de la contribution mise à la charge des médecins par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et de l'utilisation des lettres clés ne sont pas comparables. Il ne s'agit ici en aucune façon de reversement mais de déterminer un tarif qui garantit le respect des équilibres financiers de la sécurité sociale, dont on rappellera qu'il constitue une exigence constitutionnelle (décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997). La possibilité offerte aux parties conventionnelles de modifier la valeur des lettres clés se justifie ainsi par l'objet même de la loi qui est de maintenir l'évolution des dépenses dans un cadre cohérent avec la fixation de l'ONDAM et de l'objectif des soins de ville. 4) Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de divers principes régissant le droit répressif, ils sont inopérants dès lors que, comme il a été démontré plus haut, l'utilisation par les parties conventionnelles de la valeur des tarifs et des lettres clés ne peut en aucune manière être assimilée à une sanction. 5) Enfin l'argumentation des sénateurs dirigée contre le XIII de l'article 24 ne peut davantage être accueillie. En effet, il convient de préciser tout d'abord que, contrairement à ce qui est soutenu, les protocoles institués par l'article L. 162-15-4 ne sont pas des « accords conventionnels », et ne sont pas destinés à s'y substituer. Il s'agit d'actes concertés conclus avec les médecins de certaines spécialités, lorsqu'aucun accord conventionnel n'a pu être conclu. Ces protocoles n'ont pas vocation à remettre en cause les stipulations de la convention, lorsqu'elle existe, ni les mesures prises, à défaut de convention ou d'annexe, par la CNAM et au moins une autre caisse nationale, sur le fondement du dernier alinéa du I ou du quatrième alinéa du II de l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale : ces actes permettent seulement, dans le cadre défini par la convention ou les mesures unilatérales prises par la CNAM, de formaliser les résultats d'une concertation avec les spécialistes qui le souhaitent, portant sur l'ensemble des mécanismes de régulation les concernant. Le moyen tiré de ce que les protocoles devraient être approuvés par le ministre est donc, sans portée dès lors que ces protocoles ne sont pas opposables. Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit quant à l'absence d'opposabilité de ces protocoles, le débat sur la représentativité des organisations syndicales qui les signeront est, en tout état de cause, sans incidence sur la constitutionnalité de la loi. X - Sur la motivation des arrêts de travail et des prescriptions de transport A) Le I de l'article 25 crée un article L. 162-4-1 dans le code de la sécurité sociale rendant obligatoire la motivation médicale de la prescription, tout en permettant une meilleure identification du prescripteur. Il est, en effet, apparu que la bonne utilisation des ressources publiques commande que l'assurance maladie prenne en charge les prescriptions de transport et d'arrêt de travail médicalement justifiées. Selon les députés requérants, ces dispositions de l'article 25 sont contraires à la Constitution en ce qu'elles portent atteinte au secret médical et au respect de la vie privée. B) Ces critiques ne sont pas fondées 1) Il convient d'abord de rappeler que l'assurance maladie a vocation à prendre en charge les seules prestations qui, de l'avis du service du contrôle médical, apparaissent médicalement justifiées. Ceci résulte expressément des dispositions combinées des articles L. 315-1 et L. 315-2 du code de la sécurité sociale. L'obligation faite aux médecins d'indiquer sur la feuille de soins les éléments d'ordre médical justifiant leurs prescriptions d'arrêts de travail et de transports, deux domaines correspondants à des postes de dépense en forte croissance, vise précisément à permettre au service du contrôle médical, dont l'avis s'impose à l'organisme payeur, de se prononcer en toute objectivité et connaissance de cause quant au caractère médicalement justifié de la prestation en cause. En ce qui concerne les indemnités journalières de maladie, il convient de préciser que des dispositions analogues existent d'ores et déjà dans le régime des professions indépendantes. L'article 25 étend simplement ces dispositions à l'ensemble des régimes obligatoires. S'agissant des remboursements de frais de transport, la disposition contestée tend à responsabiliser les prescripteurs tant libéraux qu'hospitaliers, en leur demandant d'attester, sous leur responsabilité propre, que l'état du malade nécessite le recours à une telle prestation. 2) Ces exigences raisonnables ne se traduisent par aucune atteinte au secret médical ou au respect de la vie privée. En effet, les exigences du secret médical sont intégralement applicables aux organismes d'assurance maladie. Les caisses, tout comme les services médicaux qui leurs sont rattachés, sont tenues en toutes circonstances de garantir la stricte confidentialité des informations nominatives d'ordre médical nécessaires à l'accès aux prestations. Ce principe s'applique aux relations entre les caisses et les prestataires de soins (médecins, établissements de santé, institutions médico-sociales) ainsi qu'aux relations internes entre les services administratifs et les services médicaux des caisses. Les relations entre ces derniers s'exercent dans un cadre particulier, caractérisé par une obligation explicite de secret professionnel à laquelle sont astreints les agents des caisses, le non respect de cette obligation étant passible de sanctions pénales. On précisera en outre que, sur un plan pratique, la disposition attaquée n'a pas pour objet de demander au médecin de mentionner explicitement un diagnostic médical - lequel n'est d'ailleurs pas nécessairement connu avec certitude lors de la prescription - mais de préciser, à l'intention du seul service du contrôle médical, les éléments pertinents d'ordre clinique rendant nécessaire l'interruption de travail ou entraînant l'impossibilité de se déplacer. Ces informations ne sont destinées qu'aux médecins conseils des caisses, à l'exclusion de tout autre destinataire. A cette fin, leur contenu sera occulté et, de ce fait, rendu inaccessible aux destinataires autres que les médecins conseils (service administratif de la caisse, employeur...) comme pour toute information d'ordre médical figurant sur les imprimés utilisés pour l'accès aux prestations servies par l'assurance maladie (par exemple, les demandes d'entente préalable). XI - Sur l'ajustement de la clause de sauvegarde sur le médicament A) L'article 29 substitue un taux de 2 % au taux K mentionné dans le tableau figurant au deuxième alinéa de l'article L 138-10 du code de la sécurité sociale, pour la contribution due en application de cet article, au titre de l'année 2000. Ce taux K, qui détermine le déclenchement de cette contribution, est défini par cet article comme le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cet objectif pour l'année 2000 étant défini par rapport aux dépenses attendues pour 1999, il a donc paru nécessaire, pour la détermination de la contribution qui sera due au titre de l'exercice 2000, de définir un taux K spécifique. A l'appui de leur recours, les députés saisissants prétendent que cet article 29 définit un objectif national spécifique de dépenses pharmaceutiques qui serait, comme tel, contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; Les sénateurs, auteurs du second recours, font en outre valoir que l'absence d'abrogation du 1er alinéa de l'article L 138-10 a pour effet de modifier l'ONDAM 1999 voté dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale. B) Ce faisant, les requérants se méprennent sur la portée de la disposition contestée. En effet, l'article 29 se borne à modifier, pour la contribution due au titre de 2000, le mode d'établissement du taux K figurant à l'article L 138-10 du code de la sécurité sociale. Ce taux permettant de déclencher l'application de la clause de sauvegarde prévue par l'article L 138-10, et de fixer les tranches de la contribution, il s'agit uniquement d'une modulation d'un dispositif déjà existant, et non de la création d'un objectif spécifique pour le médicament. L'article 29, qui ne fait qu'adapter aux réalités observées un dispositif déjà existant, n'est en tout état de cause ni contraire aux dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, ni de nature à porter atteinte à la compétence du législateur organique, à supposer même que la création d'un objectif spécifique soit de son ressort exclusif. Enfin il résulte du mécanisme qui vient d'être décrit qu'il n'affecte pas l'ONDAM 1999 mais se borne à modifier, pour l'année suivante, les mécanismes de déclenchement et de calcul de la contribution. Comme le montre bien l'exposé des motifs, la loi se borne ainsi à modifier temporairement des éléments techniques qu'elle avait auparavant fixés. XII - Sur la contribution exceptionnelle des entreprises pharmaceutiques A) L'article 30 entend tirer les conséquences de l'annulation attendue, pour contrariété au droit communautaire, du III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 instituant, à la charge de l'industrie pharmaceutique, un prélèvement dont l'assiette était constituée du chiffre d'affaires au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des collectivités, déduction faite des dépenses de recherche exposées en France. Cette annulation conduisant à la restitution aux laboratoires pharmaceutiques des sommes recouvrées à ce titre en 1996, soit environ 1,2 milliard de francs, il a été jugé nécessaire d'en compenser l'impact négatif sur les comptes de l'assurance maladie. C'est pourquoi l'article 30 crée une contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques, destinée au financement de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Cette contribution est assise sur le chiffre d'affaire des laboratoires pharmaceutiques réalisé en 1999 au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des collectivités. Elle est exigible le 1er septembre 2000. Son produit global sera strictement équivalent aux sommes remboursées du fait de l'annulation. Selon les requérants, ce dispositif aurait le caractère d'une validation législative déguisée, destinée à neutraliser les effets d'une décision de justice. L'article 30 porterait ainsi atteinte à la sécurité juridique et à la confiance légitime. B) Cette argumentation est dépourvue de portée. En effet, la taxe instituée par l'article 30 ne saurait être qualifiée de validation, dès lors qu'elle ne remet en cause en aucune façon l'annulation par le Conseil d'Etat de la taxe mise en oeuvre par l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996. Cette nouvelle taxe porte sur les chiffres d'affaires réalisés en 1999 et non pas en 1995. Elle ne concerne pas les mêmes assujettis, ne retient pas la même assiette et ne prévoit pas les mêmes exonérations. De plus, l'article 30 ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée et la portée de la décision du Conseil d'Etat, puisque les entreprises qui se sont acquittées de la précédente taxe seront intégralement remboursées des sommes qu'elles ont versées à l'ACOSS au titre de la contribution annulée. S'agissant d'une taxe nouvelle répondant à des critères objectifs qui lui sont intrinsèques, l'argument tiré d'une comparaison avec le dispositif défini par l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 est inopérant. Celui que retient l'article 30 de la loi déférée n'introduit aucune rupture d'égalité dans l'établissement de cette contribution, puisque son assiette est constituée par les chiffres d'affaires de toutes les entreprises pharmaceutiques exploitant des spécialités pharmaceutiques en France ayant réalisé un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de francs en 1999. On observera enfin que le dispositif fixé par l'article 30 ne fait que tirer les conséquences de la décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux conséquences financières d'une annulation. XIII - Sur la validation des actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999. A) Le IX de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 valide les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'illégalité de cet arrêté. L'intervention de cet arrêté a pour origine l'échec des négociations entre l'Etat, l'assurance maladie et les représentants des cliniques privées sur l'objectif pour 1999, cet échec étant dû à l'ampleur du dépassement en 1998 (2,05 %), le Gouvernement a été conduit à prendre un arrêté pour la fixation des tarifs annuels. Selon la procédure prévue à l'article L. 162-22-2 du code la sécurité sociale, cet arrêté fixe le montant de l'objectif quantifié national des cliniques privées pour 1999 et le taux d'évolution des tarifs des cliniques pour cette même année (soit -1,95 % compte tenu du dépassement constaté en 1998). Il maintient, par ailleurs, le fonds régionalisé de 133 MF instauré en 1998 par l'accord annuel du 31 mars 1998 et destiné au financement des contrats d'objectifs et de moyens. Enfin, cet arrêté fixe également le montant de l'objectif quantifié national (OQN) des établissements anciennement à tarification préfectorale ayant opté pour le régime de l'article L. 710-16-2 du code de la santé publique ainsi que le taux d'évolution de leurs tarifs en 1999 (-2,05 % compte tenu du dépassement constaté en 1998). L'arrêté du 28 avril 1999 a été contesté devant le Conseil d'Etat au motif, notamment, de l'absence de validité du constat des dépenses entrant dans le champ de l'OQN, en raison de l'absence de montants régionaux ainsi que de l'absence d'un dispositif de régulation au niveau régional. Dans l'hypothèse d'une annulation de l'arrêté du 28 avril 1999, la validation a pour objet de donner une base légale aux avenants tarifaires aux contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements. Ces avenants fixent les tarifs des prestations. Elle permet également de disposer d'un objectif pour l'année 1999 indispensable à la régulation du secteur au titre de l'année considérée. Pour contester cette validation, les sénateurs, auteurs du second recours, font valoir qu'elle ne repose pas sur un intérêt général suffisant au sens de la jurisprudence constitutionnelle. B) pour sa part, le Gouvernement considère que l'article 33 est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, cette validation est préventive dans la mesure où elle intervient alors que le Conseil d'Etat ne s'est pas encore prononcé sur la légalité de l'arrêté du 28 avril 1999. Or le caractère préventif d'une intervention rétroactive du législateur n'est pas de nature à en affecter la conformité à la Constitution (n° 94-357 DC du 25 janvier 1995 ; n° 95-364 DC du 8 février 1995). En pareil cas, en effet, ce caractère est précisément de nature à éviter l'écueil d'une atteinte aux droits qui pourraient avoir été reconnus par une décision de justice. Par ailleurs, la mesure de validation ne porte pas sur l'acte susceptible d'être annulé par le Conseil d'Etat mais sur ses effets. Elle n'affecte donc en rien l'autorité de la chose jugée. Il importe surtout de souligner que, contrairement à ce qui est soutenu, elle répond à un motif d'intérêt général suffisant, celui que constitue l'équilibre financier des régimes d'assurance maladie. En effet, l'absence de validation affecterait l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie pour un montant de 1,336 milliard de francs. Or, la conformité d'une telle validation aux normes constitutionnelles doit s'apprécier au regard de la loi constitutionnelle du 22 février 1996. Cette réforme témoigne, en effet, de la volonté du constituant de faire désormais de l'équilibre financier de la sécurité sociale un objectif constitutionnel. De ce fait, le législateur ne saurait ignorer, lorsqu'il apprécie la nécessité d'une mesure de validation, les conséquences préjudiciables pour les comptes sociaux du développement de certains contentieux (n° 97-393 DC du 18 décembre 1997). Tel est bien le cas en l'espèce. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conséquences financières qu'impliquerait l'annulation de l'arrêté par le Conseil d'Etat aggraveraient notablement les charges de l'assurance maladie et seraient susceptibles de compromettre le respect de l'objectif pour 2000, de manière substantielle. En définitive, aucun des nombreux griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.