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Décision n° 98-406 DC du 29 décembre 1998 - Observations du gouvernement

Loi de finances rectificative pour 1998
Conformité

Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 1998 :
Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante sénateurs, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 1998, adoptée le 22 décembre 1998. Les requérants contestent, d'une part, les articles 1er, 2 et 3, d'autre part, l'article 12, par des moyens qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I : Sur la conformité des articles 1er, 2 et 3
aux principes de l'annualité et de la sincérité budgétaires
A : Les sénateurs auteurs de la saisine affirment que la loi de finances rectificative pour 1998 « ouvre de nombreux crédits destinés à être reportés sur l'exercice 1999 ou sur des exercices ultérieurs », ce qui la rendrait « manifestement contraire tant au principe fondamental de l'annualité budgétaire qu'à l'obligation de sincérité dont le Conseil constitutionnel a déjà reconnu la nécessité impérieuse ».
B : Cette critique n'est pas pertinente.
1. S'agissant en premier lieu des principes invoqués par les saisissants, on soulignera que l'annualité budgétaire ne peut être mise sur le même plan que les autres principes énoncés par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Aux termes mêmes de l'ordonnance, cette règle connaît d'importants et nombreux aménagements ou atténuations, qui s'expliquent par les nécessités de l'action de l'Etat et de la gestion efficace des finances publiques : engagements par anticipation (art 11), autorisations de programme (art 12), reports de crédits (art 17), services votés (art 33).
La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne mentionne que très rarement l'annualité budgétaire, qui n'a, au demeurant, jamais été qualifiée de « règle fondamentale » à la différence de l'unité et de l'universalité budgétaires (n° 94-351 DC du 29 décembre 1994). C'est d'ailleurs assez logique, l'annualité ne pouvant, quant à elle, se réclamer des mêmes fondements, issus des articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789, qui consacrent le droit essentiel du Parlement de consentir aux contributions nécessaires à la couverture des charges publiques et d'autoriser les dépenses correspondantes.
Au surplus, la règle de l'annualité budgétaire n'a pas la portée que semblent lui prêter les saisissants. En effet, en matière de charges de l'Etat, l'annualité recouvre en réalité deux éléments :
: le vote annuel par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances initiale, modifiée le cas échéant par des lois de finances rectificatives, des crédits ouverts au titre du budget général, des comptes spéciaux du Trésor et des budgets annexes ;
: l'établissement pour chaque année civile d'un ensemble de comptes dénommé budget, sur lequel sont imputées toutes les dépenses pour lesquelles les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires au cours de l'année considérée (art 16 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959).
La règle d'annualité n'a en revanche pas pour objet, ni pour conséquence, d'imposer aux lois de finances initiales ou rectificatives de n'ouvrir que des crédits qui seront effectivement et en totalité dépensés au cours de l'exercice considéré.
On rappellera, au demeurant, qu'en matière de dépense, le vote des crédits par le Parlement a valeur d'autorisation, non de prévision comme en matière de recettes, et encore moins d'obligation (n° 76-73 DC du 28 décembre 1976) : l'autorisation parlementaire d'engager des dépenses ne saurait être comprise comme une obligation de dépenser et à fortiori de dépenser au cours de l'année même de l'autorisation.
Ceci est vrai aussi bien des lois de finances initiales que des lois de finances rectificatives et ne s'applique pas seulement aux autorisations de programme ouvertes pour les dépenses d'investissement.
Ainsi, si la majorité des crédits ouverts est dépensée en cours d'année, une partie peut être annulée en application des règles posées par l'article 13 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; une partie peut ne pas être dépensée sans être annulée (la moindre dépense étant constatée en loi de règlement) ; une partie, enfin, peut être reportée selon les règles prévues par l'ordonnance organique.
C'est ainsi que, chaque année, le niveau des reports constatés trouve son origine à la fois dans les crédits de la loi de finances initiale et de la loi de finances rectificative. Il représente moins de 4 % du total des crédits ouverts et reste relativement stable depuis le début des années 1990.
S'agissant enfin du principe de sincérité budgétaire, on observera qu'il a été jusqu'à présent invoqué par le Conseil constitutionnel en matière d'évaluations de recettes (n° 93-320 DC du 21 juin 1993, n° 94-351 DC du 29 décembre 1994) ou de débudgétisation ou omissions en matière de dépenses (n° 94-369 DC du 28 décembre 1995, n° 97-395 DC du 30 décembre 1997). Pour les raisons qui ont été indiquées, et qui tiennent à la portée même du vote du Parlement en matière d'ouverture de crédits, il paraît moins aisé de confronter à ce principe des crédits qui figurent dans la loi de finances.
2. Au regard des règles qui viennent d'être rappelées, la loi de finances rectificative pour 1998 ne comporte aucun élément qui pourrait en affecter la conformité aux principes constitutionnels et organiques.
a) Les crédits supplémentaires qui sont ouverts, pour un montant brut de 77,8 MdF, seront utilisés conformément aux règles de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
En particulier, aucun crédit voté dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1998 ne pourra donner lieu à des dépenses effectuées en 1999 en dehors des cas expressément prévus par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 (art 17). En effet, et afin de faciliter la continuité de l'action des pouvoirs publics, l'ordonnance a prévu les conditions dans lesquelles des dépenses dont l'autorisation a été donnée au titre d'une année pouvaient être exécutées ultérieurement :
: le report est de droit pour les dépenses en capital ;
: le report est possible pour les dépenses ordinaires engagées et non ordonnancées, sous réserve de s'appliquer à des crédits limitatifs et dans la limite de 10 % des dépenses autorisées sur les chapitres concernés ;
: le report est également possible dans l'hypothèse où les crédits ouverts sont inscrits sur des chapitres apparaissant à l'état H du projet de loi de finances de l'année.
L'articulation entre les exercices a ainsi été organisée par l'ordonnance afin de permettre que des autorisations de dépenses prévues notamment au titre de la loi de finances rectificative puissent donner lieu à une exécution l'année suivante.
Seront également respectées les règles fixées à l'article 16 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, selon lesquelles les dépenses sont rattachées à l'exercice au cours duquel les ordonnances ou mandats sont visés par les comptables assignataires. Aucun élément de fait ne permet de considérer que le Gouvernement manquera à l'observation de ce principe. Ainsi, celles des dépenses qui n'auront pu être visées le 10 janvier et payées le 7 février seront, conformément au décret n° 86-451 du 14 mars 1986 modifié, rattachées à l'exercice 1999.
Au demeurant, on soulignera que le rattachement des dépenses exécutées à une année donnée dépend des dates de clôture de l'exercice budgétaire, qui sont fixées par voie réglementaire, l'article 16 précité renvoyant sur ce point à un décret, ce qui marque bien la moindre portée du principe d'annualité.
b) S'agissant plus spécifiquement des dépenses mentionnées par les sénateurs saisissants, les précisions suivantes peuvent être apportées, étant indiqué, à titre liminaire, que l'examen des rapports des commissions et des débats montre que le Parlement a disposé de tous les éléments d'information nécessaire à l'exercice de ses prérogatives budgétaires :
: le financement des dépenses liées à l'organisation des festivités de l'an 2000 s'échelonne sur plusieurs exercices, en fonction de l'engagement des opérations décidées par le Gouvernement et les collectivités locales. Les crédits prévus par le décret d'avances du 21 août 1998 ne suffisent pas à financer les projets décidés en 1998 (exemple : la mise en chantier de la « méridienne verte » a débuté au cours de l'automne) et ont donc nécessité un complément en loi de finances rectificative ;
: ainsi en est-il également des crédits affectés à la SNCF au titre du déficit des services régionaux de transports. S'il est exact que l'objectif du Gouvernement est d'assurer globalement à la SNCF les moyens financiers lui permettant d'augmenter progressivement ses versements à Réseau ferré de France, comme il en est fait mention dans les rapports parlementaires, il n'en est pas moins vrai que le déficit de ces activités porte bien sur 1998. La dotation prévue en loi de finances rectificative devrait permettre d'abonder les crédits prévus en 1998 pour compenser ce déficit ;
: certaines dépenses exceptionnelles et non reconductibles ne peuvent à priori se rattacher à un exercice précis, mais doivent trouver leur traduction dans une loi de finances. Les crédits inscrits au budget du ministère de la justice pour l'indemnisation des commissaires-priseurs doivent ainsi s'analyser comme une enveloppe prévisionnelle. Celle-ci étant inscrite à l'état H de la loi de finances, le Gouvernement pouvait donc décider, sans méconnaître le principe d'annualité de l'autorisation parlementaire, de mettre en place les crédits dans les meilleurs délais possibles après le dépôt du projet de loi d'indemnisation sur le bureau des assemblées en juillet 1998. On observera au demeurant, comme la remarque en a été faite lors des débats au Sénat, qu'une telle mesure rejoint l'objectif de bonne gestion qu'exprime le quatrième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, selon lequel « lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance », cette dernière n'impliquant aucune obligation particulière quant au choix entre la loi de finances rectificative d'une année n et la loi de finances de l'année n + 1 ;
: les dépenses relatives au recensement de la population ont un caractère à la fois exceptionnel et pluriannuel, compte tenu de la lourdeur et de la complexité des opérations en cause. Le décret lançant les opérations de recensement ayant été pris le 22 mai 1998, des dépenses étaient ainsi nécessaires dès 1998 (formation des enquêteurs). Le Gouvernement pouvait donc, pour en assurer le financement, utiliser légitimement les instruments prévus par l'ordonnance organique, comme il l'avait fait en loi de finances rectificative 1989 pour financer le recensement de 1990 ;
: dans le cas du plan d'urgence en faveur des lycées, le Gouvernement s'est efforcé de distinguer les dépenses relevant de l'exercice 1999 et celles pouvant être rattachées à l'exercice 1998.
Les crédits de ce plan d'urgence relatifs aux dépenses se rapportant à 1999 et ayant un caractère reconductible (rémunérations des surveillants et des assistants de langue, recrutement des emplois-jeunes, indemnités versées dans les zones d'éducation prioritaires) ont été inscrits dans la loi de finances pour 1999 (pour 431 MF).
En revanche, les crédits permettant à l'Etat de subventionner les régions au titre du coût des emprunts contractés pour la rénovation des établissements ont été inscrits en loi de finances rectificative pour 1998 (360 MF), le Gouvernement souhaitant pouvoir mettre la totalité des fonds correspondant aux opérations annoncées en 1998 à la disposition des régions avant la fin de la période complémentaire de l'exercice 1998. Dans l'hypothèse où cela ne pourrait être le cas, compte tenu de la date à laquelle les programmes d'emprunt auront été arrêtés, le Gouvernement a demandé au Parlement l'autorisation de pouvoir reporter les crédits en 1999 (inscription à l'état H par amendement au projet de loi de finances 1999).
3. Enfin, et à supposer même fondées les critiques invoquées par les requérants, il ne serait pas possible d'en tirer argument pour mettre en cause la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 1998.
Même en faisant l'hypothèse extrême selon laquelle l'ensemble des crédits mentionnés ne donnerait lieu à aucune dépense imputée sur l'exercice 1998, l'objectif de sincérité de la loi de finances et de son équilibre ne peut être considéré comme méconnu, compte tenu de l'impact limité que les opérations visées par les requérants pourraient avoir sur les autorisations données par le Parlement en 1998.
En effet, rapportées aux autorisations d'ouverture de crédits bruts de la loi de finances rectificative, les dépenses en cause ne représentent que 2,84 % des ouvertures de crédits supplémentaires autorisées (au titre de ses articles 3 à 9).
Rapportées aux données du tableau d'équilibre de la loi de finances rectificative qui intègrent les corrections apportées en cours d'année à la loi de finances initiale et dont il est demandé la ratification, les dépenses contestées représentent 6,7 % des dépenses à caractère définitif.
Plus globalement, les dépenses mentionnées représentent 0,14 % de la masse totale des dépenses de l'exercice 1998 (loi de finances initiale, loi de finances rectificative et décrets d'avance confondus). Elles ne peuvent donc fonder une contestation de la sincérité des comptes de 1998 et de l'équilibre qu'ils dégagent.
Ainsi, le Gouvernement estime que la loi de finances rectificative pour 1998 ne méconnaît aucune règle de valeur constitutionnelle et que les choix effectués, en ce qui concerne les inscriptions de crédits contestées, répondent à des considérations de bonne gestion budgétaire et à des obligations pratiques et juridiques nées de l'activité des services de l'Etat.
II. : Sur la réforme du droit de bail (art 12)
A : L'article 12 de la loi déférée tend à remplacer le droit de bail par une contribution représentative de ce droit, assise sur les loyers effectivement encaissés au cours de l'année civile ou de l'exercice social. L'ancienne taxe additionnelle au droit de bail devient une contribution additionnelle.
Pour contester ce dispositif, les sénateurs, auteurs de la saisine, font d'abord valoir qu'il n'est pas conforme à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, dès lors que la nouvelle contribution conduirait à exiger deux fois l'impôt sur une fraction des loyers de 1998.
En outre, les requérants font valoir que cet article n'est pas conforme à la jurisprudence relative à la rétroactivité de la loi fiscale, faute d'un intérêt général suffisant.
Enfin, les sénateurs requérants considèrent que l'article 12 contrevient au principe d'égalité devant les charges publiques, dans la mesure où il institue un régime différent entre les bailleurs personnes physiques et les bailleurs personnes morales.
B : Le Gouvernement considère que ces critiques ne sont pas fondées.
A titre liminaire, il convient de souligner que cette réforme poursuit, avant tout, un objectif de simplification.
Elle n'a ni pour objet ni pour effet d'augmenter le taux ou d'élargir l'assiette de ce nouvel impôt par rapport à ceux de l'ancien droit de bail : la réforme s'opère à prélèvement constant.
Ainsi, la prévision de recettes inscrite à ce titre dans la loi de finances pour 1999 n'est-elle ajustée, par rapport aux chiffres de 1998, qu'en fonction de l'évolution globale des loyers. Il s'agit de supprimer les obligations déclaratives particulières au droit de bail, pour utiliser celles existantes en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés.
La formalité spécifique de la déclaration du droit de bail n'existera donc plus. Les particuliers concernés n'auront pas d'autres déclarations à déposer que celles auxquelles ils sont déjà soumis, à raison des locations correspondantes, pour les revenus fonciers inclus dans leur déclaration de revenus. Pour les entreprises, c'est à travers leurs déclarations de résultat que sera prise en compte la nouvelle contribution qui se substitue à l'ancienne.
A partir de 1999, les bailleurs mentionneront simplement sur leur déclaration de revenus ou de bénéfices le montant des loyers encaissés. Ainsi :
: pour les personnes physiques, le montant des contributions dues figurera sur l'avis d'imposition à l'impôt sur le revenu ;
: pour les personnes morales, les contributions dues seront recouvrées selon les mêmes règles que celles prévues en matière d'impôt sur les sociétés.
Grâce à cette simplification, plus de 5 millions de déclarations et autant de moyens de paiement seront supprimés.
Pour l'essentiel, rien n'est cependant changé, ni au montant de l'impôt ni aux principes qui régissent le système. Pour l'administration fiscale, le redevable demeure, dans tous les cas, le propriétaire, à qui il incombe, s'agissant de la contribution représentative du droit de bail, de répercuter les montants correspondants dans les charges locatives assumées par le locataire.
En effet, du point de vue des rapports entre propriétaire et locataire, la réforme ne remet pas en cause le principe suivant lequel le montant du droit de bail est, en pratique, supporté par le locataire.
Au regard de la réalité de ce dispositif, aucune des critiques qui lui sont adressées n'est de nature à en affecter la constitutionnalité.
1. En premier lieu, l'article 12 ne peut utilement se voir reprocher d'entraîner une double imposition.
D'une part, un tel moyen est, par lui-même, inopérant : de manière générale, une éventuelle double imposition ne se heurterait à aucun obstacle constitutionnel, sauf si elle devait aboutir, par l'ampleur de ses effets sur le patrimoine des contribuables, à dénaturer la portée du droit de propriété proclamé par l'article 17 de la Déclaration de 1789.
Au demeurant, l'on ne saurait, à proprement parler, invoquer une double imposition en présence de deux impôts distincts, qui diffèrent, tant dans leur fait générateur que dans leur exigibilité :
: le fait générateur de la nouvelle taxe sera la perception des loyers, alors que l'actuelle taxe, qui est un droit d'enregistrement et d'acte, était assise sur les loyers courus ;
: l'exigibilité de la nouvelle taxe interviendra, pour les personnes physiques, au neuvième mois de l'année civile suivant la perception des loyers, alors que le droit de bail était exigible dès l'expiration de la période d'imposition.
D'autre part, et en tout état de cause, le moyen manque en fait, la réforme que contestent les auteurs de la saisine ne pouvant, en réalité, entraîner aucune double imposition.
Certes, le passage à une période d'imposition correspondant à l'année civile ou à l'exercice donnera lieu, sur un plan théorique, à une certaine superposition des périodes de référence, pour les loyers perçus entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1998.
Mais en aucun cas cette réforme ne pourra conduire à verser deux fois l'impôt au cours de la même année. Du point de vue des sommes décaissées à ce titre, et tant que la location se poursuit, la réforme n'aura de conséquence pratique ni pour le bailleur redevable de l'impôt ni pour le locataire qui en supporte la charge : en 1998, seul le droit de bail aura été réclamé et acquitté au moyen des loyers perçus au cours de cette année ; en 1999, seule la nouvelle contribution sera versée, avec les ressources tirées des loyers perçus la même année.
Néanmoins, le changement de régime, et son rattachement à celui des impôts directs, impliquent certaines modifications dans l'économie du dispositif : la nouvelle taxe sera perçue sur les loyers encaissés (au lieu des loyers courus) et sur la base de l'année civile (au lieu de la période allant du 1er octobre de l'année précédente au 30 septembre de l'année en cours).
Il peut donc en résulter un décalage, entre le moment où le locataire règle au bailleur les montants qu'il lui doit à ce titre et celui où le bailleur devient lui-même redevable de la nouvelle contribution. Ainsi :
: dans l'ancien système, un propriétaire mettant en location un logement le 1er janvier 1999 aurait été redevable, avant la fin de la même année, du droit de bail dont le montant lui aura été versé, à travers la part correspondante des charges acquittées par son locataire ;
: dans le nouveau, ce même propriétaire ne déclarera les éléments d'assiette qu'au début de l'année 2000, en même temps que son revenu de l'année 1999, et la contribution ne sera exigible qu'en septembre 2000, alors qu'il aura entre-temps encaissé les provisions correspondantes dans les mêmes conditions que dans l'ancien système.
Dans le cas où ce bailleur cesse ultérieurement de louer son bien, par exemple en 2001, il acquittera encore la contribution au titre de l'année 2000, à une date à laquelle il n'encaissera plus de loyers ni, par conséquent, de charges de son locataire. Mais il aura auparavant bénéficié de l'avantage du nouveau mécanisme, en terme de décalage entre le moment où le produit du bail est perçu, et celui où l'impôt correspondant est dû.
C'est parce qu'il peut en aller différemment pour une location commencée sous l'empire de l'ancien droit de bail, et poursuivie dans le cadre du nouveau, que le législateur a jugé opportun de prévoir des dispositions particulières en cas de cessation de la location, ou de l'interruption de celle-ci pour une durée d'au moins neuf mois consécutifs : le nouvel article 234 decies, introduit dans le code général des impôts par l'article 12 de la loi déférée, prévoit que le bailleur pourra, dans l'année qui suit, demander un dégrèvement d'un montant égal à celui dû à raison de cette location, au titre de la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1998.
L'inconvénient trouvant son origine, pour les propriétaires concernés, dans la superposition partielle des bases, au moment de la transition entre les deux régimes, se trouvera alors neutralisé.
Quant à l'argument selon lequel ce mécanisme de dégrèvement ne garantirait pas que les bailleurs pourront en faire usage, il se heurte, en tout état de cause, aux termes mêmes du nouvel article 234 decies : cet article définit sans ambiguïté les modalités de cette procédure, et précise, en particulier, que « les redevables peuvent demander un dégrèvement, cette demande doit être présentée après réception de l'avis d'imposition afférent à la contribution de l'année précédente ».
2. En deuxième lieu, c'est en vain que les requérants mettent en cause le caractère « rétroactif » de l'article 12. Celui-ci se borne, en effet, à définir la nouvelle contribution par application des règles traditionnelles régissant l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés auxquels elles vient se rattacher : la loi de l'année n s'applique aux impôts qui seront acquittés au cours de l'année n + 1, en fonction des revenus de l'année n.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les auteurs du recours, il est clair que l'Etat ne pouvait, sous prétexte d'éviter d'emblée le phénomène de superposition évoqué plus haut, envisager sérieusement de renoncer, au moment de la mise en place de la réforme, aux rentrées fiscales correspondantes : le coût d'un tel choix aurait correspondu aux neuf douzièmes du produit annuel de la taxe, soit environ 7 MdF.
3. En troisième lieu, les dispositions de l'article 12 instituant des règles différentes pour les personnes physiques et les personnes morales ne sont pas contraires au principe d'égalité.
Il est en effet constant que le législateur peut instituer des régimes distincts pour des contribuables différents. A ce titre, les revenus perçus par les personnes physiques sont soumis à l'impôt sur le revenu, suivant des règles qui ne sont pas les mêmes que celles qui régissent l'assujettissement, à l'impôt sur les sociétés, des revenus des personnes morales.
En fonction de l'objectif de simplification qu'il s'est fixé, et qui l'a conduit à substituer une nouvelle contribution à une autre, le législateur n'a pu, au cas particulier, que tenir compte des règles spécifiques d'imposition des bailleurs au regard de l'impôt sur le revenu.
Il est donc logique que les modalités d'imposition des bailleurs personnes physiques soient différentes de celles des bailleurs personnes morales, une telle différence de traitement étant inhérente aux principes régissant l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés.
C'est ainsi que pour un revenu perçu ou un bénéfice réalisé au cours de l'année n :
: les acomptes (tiers provisionnels) et le solde de l'impôt sur ce revenu sont tous acquittés l'année n + 1 ;
: à l'inverse, les acomptes au titre de l'impôt sur les sociétés sont acquittés au cours de l'année de perception des revenus, c'est-à-dire dès l'année n, et seule la régularisation est effectuée l'année n + 1.
Logiquement, le législateur a, en l'espèce, tenu compte de ces règles de liquidation différentes entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés :
: pour les personnes morales, le législateur a pu s'appuyer sur le dispositif d'acompte qui existe dans le cadre de l'impôt sur les sociétés. Les sociétés devront donc déclarer en 1999 les trois mois de loyers encaissés au cours du dernier trimestre 1998 et acquitter un acompte égal au droit de bail payé en 1998 sur la période 1997-1998. Autrement dit, à loyers constants, les bailleurs personnes morales devront acquitter quinze douzièmes du droit de bail acquitté en 1998 ;
: pour les personnes physiques, faute de dispositif d'acompte intégré au mécanisme de liquidation de l'impôt sur le revenu, le législateur a dû se caler sur la technique de l'impôt sur le revenu.
C'est ainsi qu'en 1999, les bailleurs personnes physiques acquitteront le droit de bail en prenant pour référence les loyers encaissés en 1998. Les bailleurs personnes physiques, à loyers constants, acquitteront donc, en 1999, la même somme que celle qu'ils avaient payée en 1998.
Le dispositif ainsi retenu n'aurait toutefois pas été pleinement satisfaisant pour les bailleurs personnes physiques en cas de cessation de l'activité de loueur, en raison précisément des modalités pratiques retenues pour le changement de régime.
C'est la raison pour laquelle le législateur a prévu, pour les seules personnes susceptibles de se trouver dans cette situation, le mécanisme de dégrèvement mentionné plus haut.
Cette précision permet ainsi à l'article 12 de concilier l'équité avec l'objectif de simplification poursuivi par la réforme. Les modalités techniques retenues par l'article 12 sont donc pleinement en rapport avec la finalité de simplification des formalités déclaratives que poursuit le dispositif contesté.
En définitive, aucun des moyens avancés par les requérants n'est de nature à affecter la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 1998. C'est pourquoi le Gouvernement estime que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter le recours dont il est saisi.