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Décision n° 98-402 DC du 25 juin 1998 - Observations du gouvernement

Loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier
Non conformité partielle

Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier :
La loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, définitivement adoptée le 3 juin dernier, a été contestée devant le Conseil constitutionnel par plus de soixante députés, ainsi que par plus de soixante sénateurs.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I : Sur l'article 51
A : Cet article tend à développer l'actionnariat salarié de la Compagnie nationale Air France, laquelle devient la société Air France. Il dispose notamment que l'Etat est autorisé à céder gratuitement des actions de la société Air France aux salariés de cette société qui auront consenti à des réductions de leurs salaires.
La fixation du niveau et des modalités de ces réductions est renvoyée à un accord collectif de travail.
Pour contester cette disposition, les députés, auteurs de la première saisine, soutiennent que le législateur a, en procédant à ce renvoi, méconnu la compétence qui lui est reconnue par l'article 34 de la Constitution pour fixer les principes fondamentaux du droit du travail. Ils estiment qu'il appartenait au législateur de fixer un plafond maximum de réduction de salaire. A défaut, la loi admettrait ainsi la possibilité d'une disparition pure et simple du salaire comme contrepartie d'un travail fourni.
B : Cette argumentation n'est pas fondée.
1. La compétence reconnue au législateur par l'article 34, en matière de principes fondamentaux du droit du travail, doit en effet se combiner avec les dispositions du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, et plus particulièrement celles de son huitième alinéa, aux termes duquel « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Il en résulte que le législateur peut s'en remettre à la négociation entre employeurs et salariés pour la détermination des modalités concrètes des conditions de travail, ce qui inclut les salaires versés en contrepartie du travail fourni. Au demeurant, le Conseil constitutionnel a précisément rangé parmi les principes fondamentaux du droit du travail celui d'après lequel la fixation des rémunérations salariales ainsi que de leurs accessoires relève des contrats librement passés entre employeurs et salariés (décision n° 63-5 FNR du 11 juin 1963).
De même est-il constant que la limitation de la compétence du législateur en ces matières, par l'article 34 de la Constitution, à la notion de « principes fondamentaux » l'autorise à laisser au pouvoir réglementaire : en dehors des questions qui sont renvoyées à la négociation collective : une importante compétence normative (en ce sens, voir également la décision du 11 juin 1963 précitée).
De manière générale d'ailleurs, le Gouvernement entend souligner à nouveau que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.
Au regard de ces principes, le Gouvernement considère que s'il est de la compétence du législateur de fixer les principes de la distribution d'actions en contrepartie de baisses de rémunérations consentis par les salariés d'Air France, les modalités précises du dispositif relèvent en revanche de la négociation collective au sein de l'entreprise et du pouvoir réglementaire, dès lors que par ailleurs les intérêts patrimoniaux de l'Etat sont préservés par des dispositions spécifiques (plafonnement à 12 % du capital du volume d'actions pouvant être distribuées, évaluation de l'entreprise et des termes de l'échange par la Commission des participations et des transferts).
2. Au surplus, on soulignera que l'hypothèse d'une « disparition pure et simple du salaire » dans le cadre des dispositions de l'article 51 n'est pas sérieusement concevable.
En premier lieu, la procédure nécessite, avant toute chose, la conclusion d'un accord entre la direction de l'entreprise et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des personnels.
Sans même se référer à l'actualité immédiate, ce serait faire injure à celles-ci que d'imaginer qu'elles puissent souscrire à un dispositif supprimant tout salaire. A défaut d'accord, le dispositif ne peut en aucun cas être mis en uvre.
En second lieu, l'article 51 mentionne des « réductions » de salaires, de sorte que constituerait une dénaturation de la volonté du législateur pouvant être sanctionnée par les juridictions compétentes une application de cet article conduisant à la suppression totale des salaires.
Enfin, il convient de rappeler que le dispositif prévu par l'article 51 de la loi déférée tend à organiser un échange équilibré en termes financiers, du point de vue des salariés comme de celui de l'Etat. En conséquence, en plafonnant à 12 % du capital le volume des actions pouvant être distribuées en échange de réductions de salaires, le législateur a, de manière indirecte mais certaine, fixé une limite à celles-ci. Cette limite dépend évidemment de l'évaluation de l'entreprise à laquelle procédera, le moment venu, la Commission des participations et des transferts. On peut d'ores et déjà indiquer, toutefois, que les simulations effectuées permettent d'exclure que le dispositif puisse aboutir à des réductions de salaires qui mettraient le personnel d'Air France dans une situation très éloignée des niveaux de rémunérations constatés dans les grandes compagnies aériennes concurrentes.
II. : Sur l'article 61
A : L'article 61 de la loi déférée crée une taxe communale facultative sur les activités saisonnières à caractère commercial.
Cette taxe est assise sur la surface du local ou de l'emplacement où est exercée l'activité commerciale. Le texte prévoit en outre que la taxe peut être forfaitaire.
Les sénateurs, auteurs de la deuxième saisine, font grief au texte de ne pas encadrer suffisamment le pouvoir ainsi reconnu aux communes, en ne précisant ni le montant de ce forfait ni les cas où la taxe est forfaitaire. Cette imprécision pourrait ainsi contrarier le principe d'égalité devant l'impôt.
B : Le Gouvernement avait proposé, lors de l'examen de cet article par le Sénat, un amendement tendant à encadrer le régime de cette taxe en en plafonnant le montant, y compris lorsque celui-ci doit être déterminé forfaitairement.
Le Sénat ayant rejeté l'article, l'Assemblée nationale, qui entendait le rétablir, n'a pu, en dernière lecture, que le reprendre dans la rédaction qu'elle avait auparavant adoptée.
Il appartiendra au Conseil constitutionnel de préciser, à cette occasion, dans quelle mesure les principes qu'il a dégagés dans sa décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987, à propos de taxes perçues au profit d'un établissement public, sont transposables à des impositions bénéficiant à des collectivités territoriales régies par le principe de libre administration (cf notamment la décision n° 91-291 DC du 6 mai 1991, qui énonce que le législateur « n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux »).
III. : Sur l'article 63
A : Cet article définit des critères de localisation pour l'immatriculation de certaines catégories de véhicules.
A l'appui de leur critique de cet article, les députés requérants font valoir que les dispositions de l'article 72 de la Constitution relatives à la libre administration des collectivités locales ont été méconnues. Ils estiment que le critère retenu aura des effets, non seulement sur le produit des vignettes automobiles, mais également sur celui des cartes grises, ainsi que sur le montant de la taxe professionnelle payée sur les véhicules de location et versée aux collectivités locales.
Les saisissants voient en outre dans cet article une violation du principe de la libre circulation des biens et des services à l'intérieur de l'Union européenne. Enfin, ils considèrent que la disposition litigieuse sera en fait inapplicable, et invitent en conséquence le Conseil constitutionnel à censurer l'obligation, faite par la loi, d'accomplir une formalité selon eux impossible.
B : Pour sa part, le Gouvernement considère que cet article n'est pas contraire à la Constitution.
1. En premier lieu, le principe de la libre administration des collectivités locales énoncé par l'article 72 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur intervienne pour modifier le régime applicable à une imposition établie en vue de pourvoir aux dépenses de ces collectivités, dès lors que les règles posées par la loi n'ont pas pour effet de restreindre leurs ressources fiscales au point d'entraver leur libre administration (n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 ; n° 91-291 DC du 6 mai 1991).
Cela étant, l'article critiqué n'a en réalité pas pour objet de modifier ou de restreindre les ressources fiscales des départements (vignette) et des régions (carte grise) : il tend à mettre fin à une situation anormale et à éviter des transferts de recettes qui ne sont pas fondés sur une réalité économique mais sur des pratiques contestables.
L'ensemble des parlementaires ont en effet considéré que la progression « fulgurante » (+ de 600 % entre 1994 et 1997) des immatriculations neuves annuelles dans le département de la Marne traduisait, comme l'a souligné le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, une utilisation abusive du tarif particulièrement bas de ce département par certaines sociétés, et tout particulièrement les sociétés de location, pour des véhicules qui ne circulent en réalité jamais dans ce département.
Le législateur a donc jugé nécessaire de fixer de nouvelles règles d'immatriculation des véhicules, en vue de mettre un terme aux pratiques abusives de certaines sociétés qui ont « délocalisé » des flottes de véhicules dans un département au détriment, non de l'Etat comme les auteurs du recours le laissent entendre, mais d'autres collectivités locales.
2. En deuxième lieu, il convient de souligner que le principe de la libre circulation des biens et des services à l'intérieur de l'Union européenne, dont se prévalent les requérants, n'a pas le caractère d'un principe constitutionnel. L'argumentation correspondante est donc inopérante.
En tout état de cause, la critique selon laquelle le nouveau dispositif ferait obstacle à la libre circulation en France de véhicules initialement immatriculés à l'étranger n'est pas pertinente : contrairement aux indications données, les véhicules qui auront été régulièrement immatriculés dans un autre Etat de l'Union européenne pourront circuler en France.
3. En troisième lieu, il est inexact de prétendre que le dispositif critiqué sera inapplicable.
Les requérants font état de difficultés que rencontreraient les entreprises de location pour faire immatriculer les véhicules neufs à la sortie d'usine avant la signature du premier contrat de location.
Cette critique n'est pas fondée.
On rappellera en effet que l'article R 111-1 du code de la route prévoit l'emploi de certificats d'immatriculation spéciaux « WW » pour permettre, à titre provisoire, la circulation de véhicules automobiles ou remorqués, que ceux-ci aient fait l'objet ou non de la délivrance d'une carte grise.
Il en résulte donc que des véhicules neufs, n'ayant pas encore eu d'immatriculation définitive, peuvent circuler avec des certificats et des numéros provisoires WW.
Les conditions de délivrance de ces certificats, leur durée de validité et les conditions de circulation sous WW provisoires ont été fixées par un arrêté du 5 novembre 1984 relatif à l'immatriculation des véhicules. L'article 50 de cet arrêté précise que les cartes WW sont délivrées par l'intermédiaire des constructeurs, importateurs, carrossiers ou commerçants de l'automobile et sous leur entière responsabilité afin de permettre, pendant la période de validité de ces cartes, la circulation des véhicules dans l'attente de la délivrance d'une carte grise définitive.
Ces dispositions réglementaires pourront être adaptées pour tenir compte des nouvelles dispositions législatives, et notamment des critères d'immatriculations retenus, s'agissant des véhicules de location, par le deuxième alinéa du I de l'article 63.
On observera au demeurant que les requérants peuvent soumettre au Conseil constitutionnel des questions touchant à la conformité à la Constitution d'une loi, mais qu'ils ne sont en revanche pas fondés à lui demander de se prononcer sur les modalités pratiques d'application de ladite loi, dont la détermination relève de l'exercice normal du pouvoir réglementaire. En d'autres termes, une loi qui renvoie, comme le fait le II du présent article, à un décret le soin d'en déterminer les conditions d'application : et dont, par définition, les dispositions ne se suffisent donc pas à elles-mêmes - ne saurait être utilement critiquée au motif qu'elle n'est pas directement applicable.
IV. : Sur l'article 69
A : L'article 69 de la loi adoptée, issu d'un amendement parlementaire, a entendu instituer une contribution des entreprises exploitant des engins de remontée mécanique à un « fonds neige », destiné à soutenir celles d'entre elles qui rencontrent des difficultés de financement liées aux fortes variations d'enneigement.
Les sénateurs saisissants soutiennent que cet article méconnaît l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances en procédant, sur initiative parlementaire et en dehors d'une loi de finances, à une affection de recettes de l'Etat.
B : Cet article ne précise pas la nature de la contribution et du fonds qu'il institue. Il convient, dans ces conditions, de se reporter aux travaux parlementaires qui ont conduit à son adoption.
Il apparaît à cet égard que les auteurs de l'amendement qui est devenu l'article 69 de la loi déférée n'ont pas eu pour intention de créer une recette de nature fiscale transitant par le budget de l'Etat, mais plutôt un système de solidarité de type mutualiste entre stations de sports d'hiver.
Or, l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 invoqué par les saisissants ne s'applique qu'aux recettes et dépenses du budget de l'Etat, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé à plusieurs reprises (cf, par exemple, décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982).
Il appartiendra au décret en Conseil d'Etat auquel cet article renvoie de préciser les conditions de gestion du fonds ainsi institué.
V : Sur l'article 72
A : Cet article tend à valider les conventions signées par l'Etablissement public pour l'aménagement de La Défense (EPAD) avec diverses sociétés, en tant que leur légalité serait contestée sur le fondement des articles L 332-6 et L 332-6-1 du code de l'urbanisme, c'est-à-dire des dispositions encadrant les contributions aux dépenses d'équipement public. Corrélativement, le même article valide les versements correspondants effectués au profit de l'EPAD.
1. L'intervention du législateur trouve sa source dans des litiges qui se présentent de la manière suivante :
a) Le litige opposant l'EPAD à la « SNC C ur Défense » a pour origine la vente à celle-ci, par la société ESSO, d'un terrain bâti situé au c ur du quartier d'affaires de La Défense, que cette dernière avait acquis antérieurement à l'aménagement du site.
La plus-value afférente à cette vente provenant essentiellement de la densification du site rendue possible par les aménagements réalisés par l'établissement public, ce dernier a passé un protocole avec ESSO, prévoyant que l'acquéreur du terrain verserait à l'EPAD une participation équivalente à 75 % du prix d'achat. Cette participation trouvait sa justification dans la réalisation, par l'aménageur public, non seulement des équipements généraux de La Défense, mais aussi des travaux d'infrastructure et d'aménagement nécessaires à l'ensemble immobilier envisagé.
Lors de la vente de ce terrain, en 1992, à la SNC C ur Défense, un protocole d'accord a été signé entre elle et l'EPAD, stipulant notamment le versement d'une participation de 1 339 MF. L'engagement ainsi souscrit a cependant été remis en cause en 1994 par la SNC, à la suite de l'évolution défavorable du marché immobilier. Elle a donc saisi le tribunal administratif de Paris en vue d'obtenir la restitution des participations versées en exécution de cet engagement.
Par un jugement du 6 mars 1997, le tribunal a considéré que l'EPAD n'était pas dans une situation juridique particulière au regard des règles du code de l'urbanisme relatives aux participations d'aménagement, ce qui l'a conduit à ordonner le reversement des participations litigieuses. Ce jugement a été contesté par l'EPAD devant la cour administrative d'appel de Paris ;
b) Quant aux deux autres contentieux, ils ont pour origine des faits analogues.
La société du Centre des nouvelles industries et technologies (CNIT) était propriétaire d'un terrain sur lequel une construction avait été réalisée avant la création de l'EPAD. Début 1987, cette société a souhaité réaménager l'intérieur du hall d'exposition et réaliser à proximité un immeuble de bureaux. Ces projets ont donné lieu à plusieurs conventions prévoyant notamment :
: la cession par l'EPAD des terrains et volumes complémentaires nécessaires à la réalisation de l'opération ;
: la réalisation par l'établissement public de travaux d'aménagement des abords ;
: le paiement par le CNIT, en contrepartie, d'une somme forfaitaire de 150 MF.
Enfin, le contentieux opposant l'EPAD à la SNC du 8, rue d'Alsace, a pour origine un projet de transformation de l'usine édifiée à cette adresse à Courbevoie, s'accompagnant de la création d'un immeuble de bureaux. Un accord a été conclu le 15 mai 1991, prévoyant la réalisation par l'EPAD d'un certain nombre de travaux d'aménagement et de diverses prestations techniques nécessaires à la réalisation de l'opération, en contrepartie du paiement par la SNC d'une participation forfaitaire de 65 MF.
A la suite du jugement rendu par le tribunal administratif au profit de la SNC C ur Défense, la société du CNIT et la SNC du 8, rue d'Alsace ont, à leur tour, remis en cause la légalité des participations et saisi en conséquence le tribunal administratif.
2. C'est dans ces conditions que le législateur est intervenu pour valider, par l'article 72 de la loi déférée, les versements opérés en exécution de ces conventions.
Cette disposition est contestée, tant par les députés, auteurs de la première saisine, que par les sénateurs, auteurs de la seconde, au motif qu'elle méconnaîtrait les exigences constitutionnelles. La saisine sénatoriale soutient, plus particulièrement, que cette validation porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, et n'est justifiée que par un intérêt financier ne correspondant pas à un intérêt général. Elle porterait en outre atteinte au droit de propriété des sociétés concernées, en les privant de toute action en répétition de l'indu.
B : Pour sa part, le Gouvernement considère que ces principes n'ont pas été méconnus.
1. En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, cette validation ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs, non plus qu'à l'indépendance des juridictions.
En effet, et bien que la loi ne le rappelle pas expressément, elle ne pourra s'appliquer, conformément à une jurisprudence constante, que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Or aucune décision ayant ce caractère, c'est-à-dire rendue en dernier ressort, ne s'est prononcée sur le mérite des contestations soulevées par les cocontractants de l'EPAD.
S'agissant du litige entre cet établissement public et la SNC C ur Défense, il a certes donné lieu, comme il a été souligné plus haut, à un jugement. Mais celui-ci a été frappé d'appel et, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour administrative d'appel de Paris ne s'est pas encore prononcée. En effet, la décision du 5 mai 1998, citée dans la saisine des sénateurs, n'a pas le caractère d'un arrêt statuant sur le litige. Il s'agit d'une ordonnance rendue par le président de la cour dans le cadre de la procédure relative à l'exécution du jugement du tribunal, et ayant seulement pour objet d'ouvrir la procédure juridictionnelle pouvant conduire au prononcé d'une astreinte à l'encontre de l'EPAD.
Quant aux deux autres sociétés, aucune décision juridictionnelle n'est intervenue à leur profit.
L'intervention rétroactive du législateur étant possible, en vertu d'une jurisprudence constante que le Conseil constitutionnel a encore rappelée tout récemment (cf, par exemple, n° 97-390 DC du 19 novembre 1997, n° 97-393 DC du 18 décembre 1997), tant qu'aucune décision passée en force de chose jugée n'est intervenue dans les instances qu'elle concerne, cette première condition de constitutionnalité de la validation est donc incontestablement remplie.
2. En deuxième lieu, on observera que la validation ne présente aucun caractère général et absolu. Elle ne vise que certaines stipulations des contrats en cause : celles qui ont donné lieu à une controverse sur l'application, au périmètre de La Défense, des dispositions du code de l'urbanisme régissant les participations financières pouvant être exigées des promoteurs immobiliers.
Il convient de souligner que l'EPAD a consenti d'importants efforts financiers afin d'équiper le secteur de La Défense. Les équipements publics ainsi réalisés ont largement contribué à faire de ce secteur un des sites majeurs de la région.
Lors de la création, en 1958, de cet établissement public, l'encadrement de la participation des constructeurs aux équipements publics, aujourd'hui défini par les articles L 332-6 et L 332-6-1 du code de l'urbanisme, n'existait pas. Les règles alors applicables relevaient d'un processus commercial et contractuel. L'EPAD a été mis en place dans une logique consistant, pour l'opérateur-aménageur public, à se rendre propriétaire des terrains, à prendre en charge le coût des équipements publics, puis à revendre des terrains aménagés et équipés.
La loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 créant la taxe locale d'équipement (TLE) a, corrélativement, limité la possibilité de mettre à la charge des constructeurs ou promoteurs des contributions au financement des équipements publics. Des dispositions transitoires avaient été prévues. C'est ainsi que l'article 328 D quater de l'annexe III au code général des impôts permet d'exclure du champ de la TLE les zones dont l'aménagement et l'équipement avaient été entrepris avant 1969 et dont la réalisation avait été confiée à un établissement public.
Le secteur de La Défense ayant été exclu de la TLE sur la base de ces dispositions, les opérations de l'EPAD ont été maintenues dans une logique où les travaux d'aménagement étaient totalement assumés par l'opérateur public, à charge pour lui d'en répercuter le montant au moment de la commercialisation des terrains aménagés.
C'est de l'inadaptation des textes au cas de La Défense, notamment après la réforme des participations d'urbanisme opérée par la loi du 18 juillet 1985, qu'est née la controverse relative à la possibilité d'opposer l'encadrement résultant des articles L 332-6 et L 332-6-1, lorsque la TLE ne peut être perçue. On peut, en effet, difficilement concevoir que le législateur ait entendu exclure la rémunération du foncier ouvrant droit à construire au prix normal auquel le plaçait, sur le marché, le niveau d'équipements exceptionnel du secteur.
La situation juridique du terrain que la SNC C ur Défense a acheté à la société ESSO est, à cet égard, tout à fait particulière. En effet, la société ESSO était restée propriétaire de son terrain, qui n'avait pas été exproprié par l'EPAD. Alors que ce terrain avait bénéficié, depuis la construction de l'immeuble ESSO au début des années 1960, d'une plus-value très importante en raison de l'aménagement du secteur, l'EPAD, qui avait très largement contribué à la réalisation de ces aménagements, s'est trouvé dans une situation de vide juridique.
C'est ce qui a conduit la société ESSO à signer avec l'EPAD un protocole d'accord aux termes duquel l'appel d'offres lancé par ESSO devait stipuler le versement, au bénéfice de l'EPAD, d'une participation correspondant à 75 % du prix du terrain hors taxe. Et c'est ce qu'a admis la SNC C ur Défense en présentant une offre, puis en signant avec l'EPAD le protocole précisant le versement de la somme correspondante, avant de se rétracter.
Ce faisant, l'EPAD et le propriétaire du terrain lui-même se bornaient à appliquer les principes de financement qui ont permis la réalisation du quartier d'affaires.
C'est seulement à la controverse née de cette situation que l'article 72 de la loi déférée entend mettre fin, les autres éléments des protocoles, qui détaillent les obligations des différentes parties prenantes, n'étant nullement affectés par l'intervention du législateur.
3. En troisième lieu, il n'est certes pas douteux que le pouvoir reconnu au législateur de procéder à des validations d'actes unilatéraux ou contractuels est subordonné à la condition que cette intervention soit justifiée par des considérations d'intérêt général, celles-ci ne pouvant se ramener à un simple intérêt financier (n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 ; n° 96-375 DC du 9 avril 1996).
Mais il résulte de cette même jurisprudence que des motifs d'ordre financier sont précisément de nature à caractériser un intérêt général suffisant lorsque, en l'absence de validation, l'équilibre, voire l'existence même d'un service public, pourrait s'en trouver compromis.
a) Tel est bien le cas en l'espèce. Si l'EPAD devait être définitivement condamné c'est, compte tenu des intérêts échus venant s'ajouter au principal, une somme de 2,2 Mds F qu'il lui faudrait décaisser pour ces trois contentieux.
L'ampleur de la condamnation, égale à vingt-trois fois les recettes d'aménagement de l'EPAD, est telle qu'elle compromet l'existence de cet établissement public et, par là même, l'exécution des missions d'intérêt général qui lui sont confiées. L'EPAD est, en effet, dans l'incapacité de faire face à cette charge. Au 31 décembre 1997, il est endetté à hauteur de 1,2 Md F, pour un total de recettes d'aménagement qui n'a pas dépassé 100 MF par an ces dernières années. Son déficit annuel a été de 100 MF en 1997 et devrait atteindre 230 MF en 1998.
Un tel constat suffit à caractériser un intérêt général de nature à justifier l'intervention du législateur, dès lors qu'en vertu de la jurisprudence issue de la décision du Conseil constitutionnel précitée du 28 décembre 1995 celui-ci doit s'apprécier au regard de l'équilibre financier du service public en cause.
A cet égard, il importe de rappeler que, pour censurer, par cette décision, la validation de titres de perception émis au profit du budget annexe de l'aviation civile, le Conseil a considéré « qu'eu égard aux sommes concernées et aux conditions générales de l'équilibre financier du budget annexe de l'aviation civile qui n'étaient pas susceptibles d'être affectées en l'espèce la seule considération d'un intérêt financier lié à l'absence de remise en cause des titres de perception concernés ne constituait pas un motif d'intérêt général ». Il résulte ainsi des critères retenus par le Conseil constitutionnel que, a contrario, si les conditions générales de l'équilibre financier du budget annexe avaient été affectées, l'intérêt général de la validation aurait pu être admis, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la possibilité de transferts de ressources du budget général au budget annexe.
Dans ces conditions, et contrairement à ce qu'affirment les sénateurs auteurs de la saisine, le fait que l'Etat pourrait décider d'assurer lui-même les missions imparties à l'EPAD n'est pas de nature à priver de son caractère d'intérêt général une validation qui a pour objet d'empêcher que soit compromise l'existence d'un établissement public assumant une mission d'intérêt national.
b) En tout état de cause, il convient de souligner que cet organisme n'est pas purement et simplement assimilable à l'Etat.
C'est, au contraire, un établissement public industriel et commercial doté de la personnalité morale et d'une autonomie juridique et financière. A ce titre, il ne reçoit pas de subvention de l'Etat et fonctionne grâce à son activité commerciale, laquelle consiste en l'acquisition, l'aménagement et la revente de terrains dans son périmètre d'intervention. C'est donc bien sur l'EPAD que pèseraient directement, en l'absence de validation, les conséquences des jugements rendus ou à intervenir.
Pour pouvoir exécuter ces jugements, l'EPAD serait conduit à céder l'intégralité de son patrimoine, lequel est constitué essentiellement de terrains et de quelques immeubles bâtis. Une telle issue rendrait impossible la poursuite de l'activité de cet établissement public aménageur. La cession du patrimoine de l'EPAD pourrait, au surplus, avoir un effet déstabilisateur sur le marché immobilier de la région.
L'hypothèse de l'intervention de l'Etat, dans un tel contexte, ne peut évidemment être exclue, les établissements publics nationaux devant être considérés comme bénéficiant d'une garantie de l'Etat.
Mais cette garantie ne saurait être purement et simplement assimilée à celle qui découlerait d'un jugement prononçant la condamnation solidaire de l'établissement public et de l'Etat. Tel n'étant pas le cas en l'espèce, l'EPAD ne pourrait bénéficier que d'une garantie ultime de solvabilité.
On doit toutefois souligner que, dans cette hypothèse, les conséquences de cette prise en charge, qui ne pourrait au demeurant être immédiate, seraient elles-mêmes dommageables pour le fonctionnement des administrations de l'Etat : cette intervention supposerait, en effet, d'en dégager les moyens dans un décret d'avances et d'en gager le coût sur l'ensemble des autres dotations budgétaires qui financent le fonctionnement courant des services de l'Etat.
c) Il convient en outre d'ajouter que la remise en cause de l'activité de l'EPAD compromettrait la poursuite des missions d'intérêt général confiées à l'établissement, dont le décret institutif précise qu'il est chargé « de procéder à toutes opérations de nature à faciliter la réalisation du projet d'aménagement de la région dite de » La Défense " ", lui-même qualifié d'opération d'intérêt national, au sens du code de l'urbanisme par l'article R 490-5 de ce même code.
Parmi les missions d'intérêt général qui seraient ainsi compromises, on peut mentionner :
: l'achèvement du quartier d'affaires de La Défense, qui rassemble aujourd'hui 1 200 entreprises et 120 000 salariés dans 2 200 000 mètres carrés de bureaux sur un site de 160 hectares, et contribue de façon déterminante au rayonnement international de la capitale ;
: la gestion au quotidien de ce même quartier d'affaires, l'EPAD étant propriétaire et, avec l'aide financière des communes de Puteaux et de Courbevoie, gestionnaire de la plupart des espaces publics (volumes souterrains, parkings publics, jardins, parvis, passerelles, etc) ;
: la poursuite de l'opération d'aménagement à l'ouest de La Grande Arche, sur le territoire de la commune de Nanterre, dans le cadre de laquelle l'EPAD a pu, grâce au produit de la vente du terrain C ur Défense, réaliser l'enfouissement de l'autoroute A 14.
Sur les terrains de surface libérés par cet enfouissement, il est prévu que l'EPAD fasse construire environ 300 000 mètres carrés de logements et 200 000 mètres carrés de bureaux, autour d'une opération d'urbanisme d'envergure qui permettra de restructurer en profondeur le centre-ville de Nanterre et de mieux insérer l'université dans son environnement urbain et économique.
Par cet aménagement à venir sur la commune de Nanterre, l'EPAD devrait s'acquitter de la contrepartie en logements à laquelle il s'était engagé lors de la délivrance des agréments aux promoteurs des trois affaires considérées. A contrario, les contentieux en cours, s'ils devaient prospérer, empêcheraient l'EPAD de remplir ses engagements en matière de construction de logements. Ils seraient ainsi de nature à compromettre l'indispensable rééquilibrage, dans l'Ouest parisien, entre la construction de bureaux et celle de logements, qui constitue sans conteste un objectif d'intérêt général.
4. En quatrième lieu, le Conseil constitutionnel ne pourra pas davantage retenir le moyen tiré de ce que la validation contestée porterait atteinte au droit de propriété des sociétés concernées, en les privant de toute action en répétition de l'indu.
C'est, tout au contraire, l'absence de validation qui leur procurerait un véritable enrichissement sans cause.
Les participations versées à l'EPAD doivent en effet s'analyser, sur le plan économique, comme une partie du prix d'achat du terrain aux conditions du marché de l'époque. Loin de constituer une majoration indue, les versements effectués à l'EPAD représentaient bel et bien un partage de ce prix entre les vendeurs du terrain (ESSO dans le cas de C ur Défense) et l'établissement public.
C'est en parfaite connaissance de cause que les cocontractants de l'établissement public, qui sont des professionnels avertis, ont signé ces accords. Et il n'est pas indifférent de rappeler, pour éclairer pleinement le contexte de ces affaires, que les promoteurs s'étaient en outre engagés par écrit à ne jamais contester les participations versées. C'est ce qui ressort notamment d'une lettre adressée par la SNC C ur Défense à l'EPAD le 16 septembre 1992.
Dans le cas de cette société, il faut d'ailleurs observer que le prix acquitté par elle : la somme du montant versé à Esso et des participations versées à l'EPAD : constituait bien la contrepartie financière d'un terrain dont l'élément central de valorisation est qu'il se situe au centre du quartier d'affaires. Si l'EPAD s'était rendu propriétaire du terrain Esso avant de le revendre à la SNC C ur Défense, il n'y aurait eu aucune difficulté, pour l'aménageur, à encaisser la totalité de ce prix, pour un produit net exactement équivalent au montant des participations reçues par lui et aujourd'hui contestées.
Il serait donc inéquitable, au regard de l'intérêt général, que les contentieux en cours aboutissent à une sorte de privatisation de la rente foncière dégagée par l'activité passée de l'aménageur public, alors que les promoteurs ont conservé la possibilité d'aménager le terrain ainsi obtenu et de le vendre au prix du marché.
Si l'EPAD devait être définitivement condamné à restituer aux promoteurs concernés les sommes qu'ils lui ont versées en exécution d'engagements librement souscrits, c'est bien l'établissement public qui serait injustement appauvri et les sociétés concernées indûment enrichies, dans la mesure où elles seraient bénéficiaires, sans en avoir acquitté la contrepartie lors de l'acquisition du terrain, des nombreux investissements publics déjà réalisés ou en cours de réalisation dans le périmètre d'affaires de La Défense ainsi que des travaux d'aménagement effectués par l'EPAD pour chacune des trois opérations. Les promoteurs concernés bénéficieraient ainsi d'une distorsion de concurrence injustifiée par rapport aux autres acquéreurs de terrains sur le site de La Défense.
Dans de telles circonstances, l'intervention du législateur est donc parfaitement légitime. Loin de porter une atteinte excessive au droit de propriété de professionnels de l'immobilier qui ont cru pouvoir se délier des engagements qu'ils avaient sciemment pris, elle permet d'éviter qu'ils bénéficient d'un enrichissement sans cause au détriment des intérêts publics.
En d'autres termes, la mesure de validation contestée est d'autant plus justifiée qu'elle tend essentiellement à éviter l'effet d'aubaine que procurerait aux intéressés une issue défavorable à l'EPAD des contentieux en cours. A cet égard, il n'est pas indifférent de relever qu'une telle analyse est en harmonie avec celle qui prévaut pour l'application, en matière de validations législatives, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH 23 octobre 1997, National et Provincial Building Society c/Royaume-Uni ; CE, Ass. 5 décembre 1997, Mme Lambert ; CE Ass, 5 décembre 1997, ministre de l'éducation nationale c/OGEC de l'abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte).
VI. : Sur l'article 92
A : Cet article tend à revenir sur l'assujettissement aux cotisations sociales des gains réalisés sur options de souscription ou d'achat d'actions pour les options attribuées avant le 1er janvier 1997, dans le cadre de plans, par les sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans à la date d'attribution.
Les sénateurs, auteurs de la deuxième saisine, critiquent la restriction de ce dispositif aux sociétés de moins de quinze ans. Ils estiment qu'elle provoque une rupture injustifiée de l'égalité devant les charges publiques, tant entre les sociétés attribuant les options, qu'entre les salariés attributaires.
B : Pour sa part, le Gouvernement considère qu'en adoptant l'article 92, le Parlement n'a méconnu aucune exigence constitutionnelle.
1. En effet, le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur tiennent compte de situations particulières au regard de l'objet des mesures qu'il prend. De même est-il de jurisprudence constante que ce principe ne fait pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux ou sociaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques et financières. L'essentiel, dans l'un et l'autre cas, est que l'appréciation du législateur se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés.
C'est ainsi qu'en fonction de différences de situation ont été admis aussi bien des seuils d'exonération selon le chiffre d'affaires que des différences de taux ou des différences de régimes fiscaux entre les contribuables selon leur âge, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales.
Dans tous les cas, le législateur dispose naturellement d'une marge d'appréciation qui ne peut toutefois le conduire à instituer des discriminations manifestement excessives, susceptibles d'entraîner une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables.
2. En l'espèce, le Parlement s'est borné à faire usage du pouvoir d'appréciation qui lui appartient, sans méconnaître le principe d'égalité.
Il convient, à cet égard, de souligner que l'article 92 de la loi déférée tend à accorder un avantage à certaines entreprises. Mais le législateur n'a pas estimé pouvoir l'octroyer à l'ensemble de celles qui ont attribué de telles options à leurs salariés. Il a donc choisi de limiter la portée de cette mesure aux entreprises en phase de croissance et a retenu, à cette fin, un critère d'ancienneté de quinze ans. Ce choix permet, conformément à l'intention des auteurs de l'amendement devenu l'article 92 de la loi déférée, de ne pas pénaliser les petites et moyennes entreprises innovantes tournées vers les nouvelles technologies.
Certes, le critère d'âge peut, dans certains cas, prêter à discussion mais il est plus pertinent qu'un seuil de chiffre d'affaires, ce qui suffit à constater que le législateur n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation (cf en ce sens la décision n° 83-164 DC du 29 décembre 1983).
Le choix ainsi opéré procède du constat selon lequel, d'une manière générale, les petites et moyennes entreprises innovantes à fort potentiel de croissance ont besoin de dirigeants et de collaborateurs de haut niveau. Or, elles éprouvent souvent des difficultés à les recruter, dès lors qu'elles ne peuvent généralement offrir une rémunération correspondant à la valeur des intéressés sur le marché du travail ou au risque de carrière qu'ils acceptent de courir en rejoignant une petite structure.
Pour ces entreprises, il est fréquent, lorsque les phases de recherche et de développement sont relativement longues, que le « décollage » commercial n'intervienne qu'après une période comprise entre dix et quinze ans. C'est notamment le cas dans le domaine des biotechnologies. De ce fait, la valorisation des actions, fondée exclusivement sur les anticipations de résultat futur, est souvent sans commune mesure avec les moyens financiers effectifs de la société. Alors que le rapport entre la valeur des actions et le bénéfice est voisin de 20 pour une entreprise figurant à l'indice CAC 40, il est fréquemment supérieur à 100 pour une entreprise innovante en phase de croissance. Il est même courant qu'une telle entreprise, en situation de déficit et ayant un chiffre d'affaires faible, voit sa valorisation croître sensiblement, si le développement de nouveaux produits laisse entrevoir des perspectives prometteuses.
En outre, le volume des options de souscription d'actions attribuées représente fréquemment en pareil cas une part importante du capital, ce qui n'est pas vrai des entreprises de plus de quinze ans.
C'est dire que la situation des entreprises innovantes en phase de croissance est fondamentalement différente de celle des grandes entreprises, au regard des effets de l'article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
En assujettissant aux cotisations sociales la plus-value d'achat réalisée à l'occasion de la levée d'une option de souscription d'actions avant l'expiration du délai de cinq ans, cet article a pour effet d'entraîner des charges imprévisibles pour les entreprises ayant attribué ces options de souscription d'actions : en effet, l'acte générateur de ces charges étant la levée de l'option, qui est du seul ressort du bénéficiaire, les entreprises sont non seulement dans l'impossibilité de prévoir quel sera le montant de cette charge, mais aussi le moment où elle devra être payée.
En résumé, le montant des charges sociales qu'une entreprise en développement aurait à payer en cas de levée massive d'option de souscription d'actions attribuées avant le 1er janvier 1997 pourrait dépasser de beaucoup ses capacités financières et, dans certains cas, la conduire au dépôt de bilan. Tel n'est manifestement pas le cas pour une entreprise de plus de quinze ans, les plus-values réalisables étant nettement plus faibles lorsqu'elles sont rapportées à la masse salariale globale.
L'article 92 de la loi adoptée n'a donc pas méconnu le principe d'égalité en opérant une telle distinction entre les entreprises selon l'ancienneté de leur création.
On soulignera enfin que, contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, le critère d'ancienneté retenu par la loi ne saurait être remis en cause indépendamment du principe même de l'avantage qu'elle institue : pour des raisons relevant du pouvoir d'appréciation du législateur, celui-ci a estimé qu'il n'était pas souhaitable de revenir, de manière générale, sur l'assujettissement décidé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
VII. : Sur l'article 114
A : Cet article tend à conforter la base légale de certaines redevances perçues dans le domaine du transport aérien, qui se trouvent fragilisées par l'évolution récente de la jurisprudence.
Le 1 ° valide, à titre préventif, les décisions fixant le taux des redevances exigées des usagers des aéroports, en tant qu'elles pourraient être contestées au motif que leurs tarifs prendraient en compte des dépenses exposées par les gestionnaires d'aéroports, et relatives aux missions de sécurité-incendie-sauvetage des aéronefs ou de péril aviaire.
Le 2 ° du même article tend à valider un décret qui permet d'inclure, dans les redevances établies par les gestionnaires d'aéroports, le financement de certaines mesures de sûreté, correspondant essentiellement aux opérations de contrôle des passagers et des bagages avant embarquement.
Enfin, le 3 ° concerne les sommes réclamées au titre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, sur la base d'arrêtés qui ont été annulés par le Conseil d'Etat par une décision du 20 mai 1998.
Pour contester cet article, les requérants font valoir que les validations auxquelles il procède ne sont motivées que par un intérêt purement financier ne permettant pas de caractériser un intérêt général. Les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent en outre que la validation prévue par le 2 ° revient à instaurer une taxe dont le législateur ne définit ni l'assiette, ni le taux, en contravention avec l'article 34 de la Constitution. Enfin la validation des perceptions effectuées en application d'arrêtés annulés par le Conseil d'Etat reviendrait, selon eux, à contourner l'interdiction de valider une décision administrative déjà annulée par une décision de justice passée en force de chose jugée.
B : Le Gouvernement ne partage pas cette analyse. Pour bien apprécier les raisons qui justifient les mesures qui ont été adoptées, il convient de distinguer les redevances perçues au profit du budget annexe de l'aviation civile et celles que les usagers versent aux gestionnaires d'aéroport.
1. Les premières, et plus précisément les sommes réclamées au titre de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA), sont visées par le 3 ° de l'article 114 de la loi déférée.
a) On rappellera d'abord que le budget annexe de l'aviation civile est alimenté, pour l'essentiel, par deux redevances, la redevance de route (4,8 Mds F) et la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (1,1 Md F) et, pour le surplus, par une taxe, la taxe de sécurité et de sûreté (1,2 Md F). Chacune des redevances est établie sur la base d'une assiette, contrepartie exacte des coûts supportés pour assurer les services de navigation aérienne correspondants.
La redevance pour services terminaux de la circulation aérienne est perçue par le budget annexe de l'aviation civile comme contrepartie aux services fournis aux compagnies aériennes lors de l'approche et des man uvres d'atterrissage et de décollage.
Par une décision du 20 mai 1998, le Conseil d'Etat a annulé les dispositions des arrêtés du 21 février et du 16 avril 1996 fixant les taux de la RSTCA, respectivement pour les années 1991 à 1995, et pour l'année 1996. L'arrêté du 21 février avait été pris en application de l'article 97 de la loi de finances pour 1996, à la suite d'une première annulation contentieuse intervenue en 1995.
Pour l'essentiel, l'annulation prononcée le 20 mai 1998 vient de ce que le Conseil d'Etat a estimé que les services d'incendie et de secours sur les aérodromes et certains services de gendarmerie correspondent à des missions d'intérêt général dont les frais de fonctionnement ne peuvent être mis à la charge des usagers.
On observera que, dans son principe, la perception de la RSTCA n'a pas été remise en cause. La décision d'annulation ne censure l'inclusion, dans la base de la redevance, d'aucun des autres postes de dépenses qui servent à son calcul. En particulier, les deux autres points relevés par la décision (dépenses de balisage des pistes et de formation des contrôleurs) ne font l'objet d'aucune condamnation de principe : le Conseil d'Etat a seulement estimé qu'il n'avait pas disposé d'éléments suffisants pour vérifier le bien-fondé des montants retenus dans la base de calcul.
Néanmoins, c'est une annulation totale des arrêtés fixant les tarifs qui a été prononcée, le contentieux de l'excès de pouvoir ne permettant pas au juge de prononcer une annulation partielle, dans un cas comme celui-ci où l'ensemble des éléments de calcul débouchent, dans le dispositif de l'arrêté déféré au juge, sur un tarif global unique.
C'est, par là même, toute la base juridique ayant servi à émettre les titres de perception de la RSTCA au titre des années 1991 à 1996 qui disparaît. Le budget annexe de l'aviation civile se trouve ainsi exposé au risque d'avoir à rembourser aux compagnies aériennes la totalité des sommes perçues en application de ces arrêtés, alors qu'il n'est pas contesté que, pour leur plus grande partie, les sommes qui ont été mises à leur charge pour couvrir les dépenses de ce budget correspondent à des prestations dont elles ont bénéficié.
b) Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la validation opérée par le 3 ° de l'article 114 ne méconnaît pas les principes constitutionnels.
Visant seulement à prévenir les contestations qui pourraient se développer au sujet des titres de perceptions individuels, elle n'a évidemment ni pour objet, ni pour effet de remettre en vigueur les arrêtés annulés. Elle ne porte donc aucune atteinte à la chose jugée par le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, la validation contestée ne répond pas à un simple intérêt financier, mais à un intérêt général suffisant, au regard de la jurisprudence constitutionnelle.
Au-delà des apparences, en effet, il importe de souligner que la situation est, en l'espèce, nettement différente de celle qui a donné lieu à une censure par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 95-369 du 28 décembre 1995. Comme il a été souligné plus haut à propos de l'article 72 de la loi déférée, cette décision, qui concernait déjà le budget annexe de l'aviation civile, admet nécessairement, eu égard à sa rédaction, que la validation de titres de perception émis en exécution d'arrêtés annulés n'est pas contraire à la Constitution, s'il s'avère, en fonction des sommes concernées, que les conditions générales de l'équilibre financier de ce budget sont susceptibles d'être affectées.
Tel est bien le cas en l'espèce. Alors que, dans le précédent de 1995, les perceptions auxquelles le législateur avait entendu conférer une base légale se montaient à 117 MF, les conséquences de l'annulation prononcée le 20 mai 1998 sont d'une tout autre ampleur : le budget annexe de l'aviation civile ne pourrait pas supporter l'impact d'un remboursement des redevances perçues sur la période considérée, le montant correspondant s'élevant à 5,154 Mds F.
Ce montant correspond pratiquement au niveau actuel des redevances annuelles de navigation aérienne (5,9 Mds F) et à 4 ans de l'intégralité des ressources régaliennes actuelles (taxe de sécurité et de sûreté et subvention) pour le budget annexe. Un tel coût est totalement hors de portée pour ce budget. A l'heure actuelle, celui-ci ne serait d'ailleurs vraisemblablement en mesure d'assumer qu'une charge de remboursement assez modeste :
: d'une part, et compte tenu des contraintes issues du régime juridique applicables aux budgets annexes : telles que le Conseil constitutionnel les a rappelées dans sa décision relative à la loi de finances pour 1998 : les ressources régaliennes ne peuvent être accrues dans les proportions requises pour financer ce remboursement ;
: d'autre part, le financement de ces remboursements par endettement ferait plus que doubler la dette actuelle du budget annexe et aboutirait, de fait, à financer sa section exploitation annexe par l'emprunt, ce qui renverrait aux mêmes difficultés.
Dans ces conditions, c'est bien l'intérêt général et non un simple intérêt financier qui justifie la validation des titres de perception de la RSTCA.
Au demeurant, il convient de souligner que le risque, auquel le budget annexe se trouve ainsi exposé, d'avoir à rembourser aux compagnies la totalité des sommes perçues en application des arrêtés annulés s'avère manifestement disproportionné, au regard de ce que représentent les seuls montants dont l'inclusion dans l'assiette est, sur le principe, censurée par le Conseil d'Etat : les dépenses de sécurité-incendie ne représentent en effet que 5 % environ du total couvert par la redevance en cause, tandis qu'il n'a jamais été contesté que, pour leur plus grande partie, les sommes qui ont été mises à la charge des compagnies correspondent effectivement à des prestations dont elles ont bénéficié.
On est donc bien dans le type de situation où seule l'intervention rétroactive du législateur est à même de corriger le déséquilibre qui résulte d'une annulation prononcée par le juge de l'excès de pouvoir se traduisant par un effet d'aubaine. Comme le soulignent, à propos de la question, analogue, de la compatibilité des validations avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les auteurs d'une chronique consacrée à la jurisprudence rendue pour l'application de cet article (TX Girardot et F Raynaud, chron. de jurisprudence administrative, AJDA 1998, p 101), il s'agit de « l'un des cas dans lesquels la validation législative répond à un intérêt général évident en réparant la relative brutalité du juge. En effet, le juge, et c'est particulièrement vrai pour le juge de l'excès de pouvoir, n'a pas le pouvoir de modifier ou de corriger les actes de l'administration. Il n'a bien souvent pas d'autre choix, lorsqu'il constate une illégalité, que de prononcer une annulation dont les effets vont bien au-delà de l'illégalité elle-même. Dans ce genre de cas, l'intervention du législateur n'a rien de choquant, car elle revient sur les effets indésirés de l'annulation sans faire revivre pour autant l'illégalité sanctionnée ». Il s'agit alors pour le législateur, comme le soulignent les mêmes auteurs, d'éviter que l'annulation prononcée par le juge ait « pour effet de procurer à certaines catégories de personnes un avantage auquel aucun texte ne leur donnait droit ».
2. S'agissant des sommes perçues par les exploitants des aéroports, qui sont visées par le 1 ° et le 2 ° de l'article 114, les dispositions critiquées par les saisissants tendent à prévenir les contestations qui pourraient naître, sur des questions analogues, de la décision rendue le 20 mai 1998 par le Conseil d'Etat.
On observera, à cet égard, que le tribunal administratif de Nice avait déjà retenu de semblables critiques dans un jugement rendu le 4 novembre 1997, et que plusieurs autres tribunaux sont saisis de contentieux analogues.
Il est clair, en effet, que la situation ainsi créée est susceptible d'avoir une incidence significative sur la situation des gestionnaires d'aéroports. Ce sont ainsi toutes les décisions de ces gestionnaires fixant le taux des redevances aéroportuaires qui pourraient, à brève échéance, se trouver fragilisées.
Les plates-formes aéroportuaires sont gérées par les chambres de commerce et d'industrie et leurs ressources sont essentiellement constituées, comme pour le budget annexe de l'aviation civile, de redevances. Or la part qui leur incombe des frais de fonctionnement du service de secours-incendie-sauvetage des aérodromes est, dans la plupart des cas, répercutée dans l'assiette des redevances aéroportuaires qu'elles perçoivent.
Les motifs retenus par le Conseil d'Etat risquent donc de l'être dans des contentieux portant sur ces redevances. Il est également à craindre que soit, de la même manière, contestée l'inclusion actuelle des dépenses de péril aviaire et des dépenses de sûreté dans l'assiette de ces redevances.
Il s'agit donc de sécuriser les redevances aéroportuaires perçues jusqu'ici, par une mesure de validation qui paraît seule à même de garantir la continuité des services publics aéroportuaires, ce qui correspond, sans aucun doute, à un intérêt général.
a) A cet égard, on soulignera, en premier lieu, que la remise en cause des redevances perçues au titre de la sûreté constitue une source de dysfonctionnement et d'insécurité pour le secteur, alors que la perception de redevances pour de telles missions est conforme aux recommandations émises dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, la validation prévue par le 2 °, s'agissant de la redevance relative aux visites de sûreté, ne revient nullement à instaurer une taxe en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution. Elle se borne à conforter la légalité de l'article R 282-9, inséré par un décret du 30 mai 1997 dans le code de l'aviation civile, conformément à un avis du Conseil d'Etat, alors que ce décret fait l'objet d'un recours et peut également être contesté par voie d'exception à l'occasion de la perception des redevances en cause.
Il convient de préciser que les missions de sûreté dont il s'agit sont celles qui, en application de la loi du 26 février 1996, consistent à faire assurer par les gestionnaires d'aérodrome, le contrôle des passagers et des bagages, au moyen d'agents privés, en complément de l'action des forces de police, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, et sans préjudice de leurs prérogatives. Pour admettre la possibilité de percevoir des redevances pour couvrir les frais correspondants, le Conseil d'Etat a notamment relevé, dans son avis du 19 novembre 1996, que « ces dépenses s'inscrivent, en réalité, dans le cadre d'une mission de surveillance spécifique, rendue nécessaire par les risques particuliers inhérents aux conditions du transport aérien et appelée à s'exercer uniquement dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes et de leurs dépendances. De plus, les gains de temps réalisés dans les opérations d'embarquement ou de transit, grâce à la mise en uvre de moyens de contrôle spécifiques, peuvent être regardés en eux-mêmes comme un service rendu aux usagers par une amélioration de la qualité du service ».
On soulignera, à cet égard, que le Conseil constitutionnel retient des critères semblables lorsqu'il est conduit à se prononcer sur des dispositions législatives relatives à des redevances (cf, par exemple, n° 83-166 DC du 29 décembre 1983).
Dès lors qu'il s'agit bien d'une redevance, et non d'une taxe, le moyen tiré de ce que le législateur aurait dû en définir l'assiette et le taux est inopérant. Il est certes exact que la validation de l'article R 282-9 revient à en ériger le régime au niveau de la loi.
Mais l'intervention du législateur, même si elle n'est pas indispensable pour instituer une redevance, est néanmoins justifiée, dans la mesure où elle permet d'éviter que se développent des controverses préjudiciables aux gestionnaires d'aéroport.
b) En deuxième lieu, le remboursement des redevances perçues poserait un délicat problème de compétence entre l'Etat, les chambres de commerce et les départements, notamment au regard des services d'incendie et de secours.
Actuellement, et dans l'attente de l'entrée en vigueur d'un nouveau cahier des charges type des concessions aéroportuaires, la situation juridique des gestionnaires de plates-formes aéroportuaires est d'une extrême complexité, marquée notamment par une incertitude quant aux fondements de l'inclusion des services d'incendie et de secours parmi les missions confiées aux concessionnaires. Dans certains cas d'ailleurs, ce service est pris en charge par les services départementaux d'incendie et de secours, les dépenses afférentes étant remboursées par le gestionnaire d'aérodrome.
Si les redevances perçues par les gestionnaires d'aérodromes devaient être remboursées, les chambres de commerce et d'industrie pourraient être conduites à renoncer à assurer ce service. Il en résulterait un risque de paralysie du transport aérien, faute de moyens de secours adéquats en cas d'accident.
Parallèlement, la question de savoir de qui relèverait dans ce cas la charge du remboursement risque de soulever des difficultés de compétence entre le département et l'Etat, l'absence de possibilité de facturer ces services dans les redevances renvoyant à la question de la compétence régalienne à ce titre, tant pour le BAAC que pour les plates-formes aéroportuaires.
Dans ces conditions, il existe un très fort risque de voir compromise la continuité de certains services actuellement financés sur redevances, en l'absence de mesure législative stabilisant les redevances perçues dans le passé.
c) En troisième lieu, et de manière plus générale, il convient de souligner que c'est le système des concessions aéroportuaires qui se trouverait totalement déstabilisé, si les redevances perçues étaient remises en cause.
Au delà des questions de compétence relatives à certains services particuliers, il apparaît clairement que le système de concession, en cours de refonte, ne résisterait pas à la remise en cause de ces redevances sur la base de contestations tirant parti des incertitudes existant, quant à la portée des principes retenus par la décision récemment rendue par le Conseil d'Etat. Les dépenses susceptibles d'être ainsi exclues de l'assiette des redevances (environ 250 MF par an pour les services d'incendie et de secours et 230 MF par an de dépenses de sûreté) peuvent représenter des engagements financiers allant, pour certains aéroports, jusqu'à près de 30 % du total des redevances. Cumulées dans le temps sous forme de remboursement, les sommes en jeu sont considérables au regard de l'équilibre des concessions.
De plus, si les décisions fixant les tarifs de ces redevances étaient annulées dans leur ensemble comme l'a été la RSTCA, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nice, les montants en cause s'élèveraient à plusieurs milliards de francs (en 1996, les redevances perçues par les aéroports se sont élevées à 3,811 Mds F).
Dans ces conditions, les gestionnaires d'aéroports seraient dans l'incapacité de faire face aux charges de remboursement. A titre d'illustration de leur situation financière, la quasi-totalité des aéroports de moins d'un million de passagers n'équilibrent pas leur exploitation courante et dégagent une marge nette d'autofinancement négative. Si la dizaine d'aéroports de plus d'un million de passagers connaissent une meilleure situation financière, la charge de remboursement pour les aéroports de Lyon et de Toulouse, pour le seul service d'incendie et de secours, serait égale à la totalité de leur capacité d'autofinancement, pendant respectivement 6 et 4 ans.
C'est donc le système de concession aéroportuaire qui pourrait, dans certains cas, être remis en cause affectant, notamment pour les villes les plus petites et les plus sensibles à l'impact du changement de mode de financement, la continuité du service public aéroportuaire.
On soulignera enfin que dans l'hypothèse où la totalité des sommes perçues devrait être remboursée, il en résulterait une disproportion, analogue à celle notée pour la RSTCA entre le montant du remboursement et celui des seuls éléments censurés, aboutissant ainsi à une sorte d'enrichissement sans cause des compagnies aériennes.
En conclusion, le Gouvernement estime qu'il est indispensable de stabiliser la situation acquise. L'absence de validation mettrait en péril le service public de l'aviation civile, tant au niveau du budget annexe que des plates-formes aéroportuaires. En outre, il serait vraisemblablement impossible de tirer, sur le plan pratique, toutes les conséquences de l'arrêt du Conseil d'Etat et de recréer, pour le passé, une facturation conforme aux principes qu'il a édictés.
Mais il entend souligner que son objectif principal, une fois stabilisée la situation financière héritée du passé, est de préparer l'avenir en mettant en place un nouveau cadre juridique solide et conforme aux règles de droit.