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Décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 - Saisine complémentaire par 60 députés

Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998
Conformité

SAISINE COMPLEMENTAIRE DEPUTES :
I : Sur la mise sous conditions de ressources
des allocations familiales
Les dispositions relatives au plafonnement des allocations familiales, telles que prévues par l'article 19, devenu l'article 23 dans le texte définitif de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, ne s'appliquent pas seulement aux allocations familiales régies par l'article L 521-1 nouveau du code de la sécurité sociale, mais encore aux allocations régies par l'article L 755-10 et par l'article L 755-11.
Bien plus, le principe même du plafonnement établi par le deuxième alinéa de l'article L 521-1 nouveau du code de la sécurité sociale est lié aux modalités de différenciation établies par le troisième alinéa.
Le rapport, annexé à la loi et approuvé par celle-ci, « sur les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier » illustre le dispositif nouveau : « les allocations familiales ne seront plus versées pour les familles qui disposent d'un revenu net supérieur à 25 000 F Ce plafond est majoré de 7 000 F pour les biactifs et les familles monoparentales et de 5 000 F par enfant, à partir du troisième. »
Ainsi pour un couple dont un membre travaille, ayant deux enfants à charge, le plafond sera de 25 000 F ; pour un couple dont les deux membres travaillent, ayant également deux enfants à charge, le plafond sera de 32 000 F ; de même, pour une personne seule ayant deux enfants à charge, le plafond sera de 32 000 F.
Les mêmes types de différence se retrouveront pour l'augmentation du plafond de ressources en raison du nombre d'enfants.
Ainsi, pour un couple dont un seul membre travaille, ayant trois enfants à charge, le plafond sera de 30 000 F ; pour un couple dont les deux membres travaillent ainsi que pour une personne seule ayant également trois enfants à charge, le plafond sera de 37 000 F et ainsi de suite.
Il va être démontré que ce dispositif est contraire au principe d'égalité (I) et que la violation de la Constitution ainsi commise atteint l'ensemble de l'article (II).
1 ° La violation du principe d'égalité

  1. Il n'est pas nécessaire de rappeler que le principe d'égalité a valeur constitutionnelle, tant cette valeur est évidente à la fois par l'affirmation du principe dans les textes constitutionnels (Déclaration de 1789, article 1er de la Constitution de 1958) que par son rappel constant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (v F Mélin-Soucramanien, Le Principe d'égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica, PU d'Aix-Marseille, 1997).
    Le principe d'égalité impose de traiter de la même manière toutes les personnes qui sont dans la même situation. Il n'interdit pas de traiter de manière différente des personnes qui sont dans des situations différentes, ni de déroger à l'égalité dans un but d'intérêt général, mais c'est à condition qu'il existe un rapport entre les différences ainsi réalisées et l'objet de la loi.
    Le Conseil constitutionnel a adopté dans sa décision n° 87-232 DC du 7 janvier 1988 portant sur la loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole (Rec. 17) un considérant de principe (n° 10) qui mérite d'être reproduit :
    « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit. »
    Ce considérant est constamment repris par le Conseil constitutionnel. Il a même été renforcé puisqu'il ne suffit plus que « la différence de traitement soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit », il faut qu'elle soit « en rapport direct » (CC n° 96-375 DC 9 avril 1996, Rec. 60, considérant n° 8 ; n° 96-380 DC 23 juillet 1996, considérant n° 9 ; n° 97-388 DC 20 mars 1997, JO, p 4661, spécialement p 4664).
    2. A plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel a déjà censuré des dispositions établissant des différences de traitement en fonction de différences de situations ou de buts d'intérêt général sans rapport avec l'objet de la loi.
    Par exemple, lors de la nationalisation des banques en 1982, « la dérogation portée au profit des banques dont la majorité du capital appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif, méconnaît le principe d'égalité ; en effet, elle ne se justifie ni par des caractères spécifiques à leur statut, ni par la nature de leur activité, ni par des difficultés éventuelles dans l'application de la loi propres à contrarier les buts d'intérêt général que le législateur a entendu poursuivre » (CC n° 81-132 DC 16 janvier 1982, Rec. 18, considérant n° 33).
    Ou encore, en faisant bénéficier les donataires et héritiers de biens professionnels d'un abattement de 50 % sans exiger qu'ils exercent des fonctions dirigeantes au sein de l'entreprise et en étendant cet avantage aux transmissions par décès accidentels d'une personne âgée de moins de cinquante-cinq ans, « la loi a établi vis-à-vis des autres donataires et héritiers des différences de situation qui ne sont pas en relation directe avec l'objet d'intérêt général » consistant à assurer la pérennité des petites et moyennes entreprises (CC n° 95-369 DC 28 décembre 1995, Rec. 257, considérant n° 10).
    3. La décision n° 96-385 DC du 30 décembre 1996 (Rec. 145) a censuré une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, dans des conditions qui éclairent particulièrement le texte examiné (considérants 2 à 8).
    La loi de finances pour 1997 avait, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, limité le plafond de la réduction d'impôt accordée jusque-là uniformément aux contribuables veufs, célibataires et divorcés, à 13 000 F pour les seuls contribuables célibataires et divorcés, alors que les veufs bénéficiaient d'un plafond de 16 200 F ; elle avait étendu le plafonnement de 13 000 F aux contribuables célibataires et divorcés lorsqu'ils ont adopté un enfant ; le plafond de 13 000 F devait être abaissé à 10 000 F à compter de l'imposition des revenus de 1997.
    Les auteurs de la saisine ont allégué qu'à charge familiale strictement égale un contribuable célibataire ou divorcé serait traité plus défavorablement qu'un contribuable veuf ; que la différence de situation qui le distingue ne saurait être considérée comme comportant une justification au regard de l'objet du quotient familial ; qu'en conséquence les dispositions contestées étaient contraires au principe d'égalité.
    Le Conseil constitutionnel a considéré que ces dispositions s'inscrivaient dans le cadre d'une réforme de l'impôt sur le revenu que le législateur a entendu mettre en oeuvre à l'occasion de la loi de finances pour 1997, notamment en réexaminant certaines réductions d'impôt comportant des avantages qui ne lui paraissaient pas justifiés.
    Le Conseil a considéré « toutefois, qu'au regard de la demi-part supplémentaire qui leur est accordée, les contribuables veufs, divorcés ou célibataires ayant élevé un ou plusieurs enfants sont placés dans une situation identique ; qu'en effet l'octroi de cet avantage fiscal est lié pour l'ensemble d'entre eux à des considérations tirées à la fois de l'isolement de ces contribuables et de la reconnaissance de leurs charges antérieures de famille » ; « dès lors, qu'en limitant aux seuls divorcés et célibataires l'abaissement du plafond de la réduction d'impôts résultant de l'octroi de la demi-part supplémentaire accordée dans des conditions identiques aux veufs, divorcés et célibataires ayant élevé au moins un enfant, le législateur a méconnu le principe d'égalité devant l'impôt ».
    4. Ce précédent est directement transposable à la différenciation du plafond des revenus à partir duquel est supprimé le versement des allocations familiales.
    Il faut rappeler que les allocations familiales sont destinées à compenser les charges liées aux enfants.
    Déjà la mise sous conditions de ressources du versement des allocations familiales est contestable au regard du principe fondamental reconnu par les lois de la République, de l'universalité des allocations familiales et au regard du principe d'égalité lui-même, les enfants constituant une charge pour toute famille, quelle que soit la situation de celle-ci.
    A fortiori, la différenciation en fonction de l'origine des ressources, du plafond de ressources à partir duquel les allocations ne sont plus versées, viole le principe d'égalité.
    La charge des enfants est la même pour un couple ou une personne seule qui dispose d'un même montant de revenus. Elle ne change pas selon qu'elle est supportée par un couple dont un seul membre ou les deux exercent une activité professionnelle ou par une personne seule : dans les trois cas, à montant de revenu égal et à nombre d'enfants égal, la charge familiale est la même.
    Si le législateur entend limiter le versement des allocations familiales aux familles dont le revenu ne dépasse pas un certain plafond, il ne peut fixer un plafond différent en tenant compte de circonstances qui sont sans rapport direct avec la charge qu'entraîne la présence d'enfants.
    5. On peut transposer en l'espèce les considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1996.
    Le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il poursuit.
    Les dispositions contestées s'inscrivent dans le cadre d'une réforme de la protection sociale qu'il a entendu mettre en oeuvre à l'occasion du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ; il a décidé de réexaminer les conditions d'octroi des allocations familiales qui ne lui paraissent plus véritablement justifiées.
    Toutefois, au regard des allocations familiales accordées pour compenser les charges d'enfants, les personnes disposant d'un même montant de revenus et élevant le même nombre d'enfants sont placées dans une situation identique, qu'elles vivent en couple ou vivent seules ou que, vivant en couple, un seul membre ou les deux membres du couple exercent une activité professionnelle ; en effet, l'octroi des allocations familiales est lié pour l'ensemble d'entre eux à des considérations tirées de leurs charges de famille.
    Dès lors, en majorant le plafond à partir duquel les allocations familiales ne sont plus versées, lorsque chaque membre du couple dispose d'un revenu professionnel ou lorsque la charge des enfants est assumée par une personne seule, le législateur a méconnu le principe d'égalité (ainsi que l'a indiqué Mme Christine Boutin dans son exception d'irrecevabilité, Assemblée nationale, séance du 25 novembre 1997, p 6264).
    Par ailleurs, si le souci du Gouvernement est de faire des économies, encore faudrait-il que l'effort demandé aux différentes catégories de personnes appelées à faire un effort soit également réparti en tenant compte de leurs facultés, conformément à la décision n° 85-200 du 16 janvier 1986 du Conseil. Or, à revenu égal (par exemple 40 000 F mensuel), une famille de deux enfants ne fera un effort que de 671 F par mois alors que cet effort sera de 3 252 F par mois pour une famille élevant cinq enfants et ayant de ce fait une faculté contributive inférieure. La mise sous conditions de ressources des allocations familiales a, pour les familles, un effet confiscatoire d'autant plus fort que leur faculté contributive est diminuée par le nombre d'enfants qu'elles ont à charge. Elle est donc clairement contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
    L'alinéa 3 de l'article L 521-1 nouveau que l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale introduit dans le code de la sécurité sociale est donc contraire à la Constitution.
    Cette violation de la Constitution affecte l'article 23 tout entier.
    2 ° Les conséquences de la violation du principe d'égalité
  2. Le caractère anticonstitutionnel du nouvel alinéa 3 de l'article L 521-1 du code de la sécurité sociale ne conduit pas seulement à invalider cet alinéa.
    Il doit entraîner l'invalidation non seulement d'autres dispositions de l'article 23, mais de l'article 23 dans son ensemble.
    7. Sont d'abord contraires à la Constitution toutes les autres dispositions du même article qui y font expressément référence (en ce sens notamment CC n° 96-373 DC 9 avril 1996, Rec. 43, considérant 23).
    Dans son paragraphe II, l'article 23 complète l'article L 755-11 du code de la sécurité sociale par des alinéas, dont le dernier renvoie expressément aux troisième à sixième alinéas, du nouvel article L 521-1 pour en faire application aux allocations visées à l'article 755-12.
    Or, comme on vient de le voir, le troisième alinéa de l'article L 521-1 nouveau est contraire au principe d'égalité, donc à la Constitution.
    Le renvoi par le dernier alinéa de l'article L 755-11 nouveau au troisième alinéa de l'article L 521-1 nouveau est donc lui-même contraire à la Constitution.
    La même conséquence doit s'appliquer au paragraphe III de l'article 23, qui complète l'article L 755-10 du code de la sécurité sociale pour rendre applicables aux personnes mentionnées à cet article les dispositions de l'article L 521-1, parmi lesquelles le troisième alinéa, contraire à la Constitution.
    Par là même le paragraphe III de l'article 23 est contraire à la Constitution.
    8. Au-delà de chacun des alinéas qui viennent d'être passés en revue, c'est l'article 23 tout entier qui doit être déclaré contraire à la Constitution, car les alinéas en cause sont inséparables du reste de l'article.
    Il faut rappeler à ce sujet que, pour apprécier l'inséparabilité d'une disposition, doivent être pris en considération le texte lui-même et les débats parlementaires (en ce sens notamment CC n° 63-21 DC, 12 mars 1963, Rec. 23, considérant 23 ; CC n° 87-232 DC, 7 janvier 1988, Rec. 17, considérant 43).
    Un précédent permet d'illustrer l'inséparabilité de dispositions figurant au sein d'un même article dans une espèce analogue à celle-ci :
    : CC n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, Rec. 25, considérant 4 : l'exclusion de certains contribuables, en fonction du montant de leur base d'imposition, de la possibilité de recours contre une taxation d'office, se présente comme une exception à la faculté d'écarter, au moyen de la preuve contraire, l'application d'une taxation d'office ; elle constitue donc un élément inséparable des autres dispositions de l'article de la loi.
    De la même manière, la disposition établissant un plafond de ressources différent pour le versement d'allocation familiales, plus élevé pour certaines personnes que pour d'autres, se présente comme une exception au système du plafonnement ; elle constitue donc un élément inséparable des autres dispositions de l'article de la loi.
    Tant dans les débats parlementaires que dans le rapport annexé à la loi, la différenciation du plafond apparaît comme un élément intrinsèquement lié au principe même du plafonnement. Le législateur n'aurait pas adopté de la même manière ce principe s'il avait vu qu'il ne pouvait différencier le plafond selon l'origine des revenus des personnes chargées de famille.
    En conséquence, la censure des dispositions établissant cette différenciation doit entraîner celle de tout l'article dans lequel elles se trouvent, qui constitue un tout indissociable.
    II. : Sur la taxe spécifique de 2,5 %
    sur les ventes directes de produits pharmaceutiques
    L'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 institue une taxe de 2,50 % sur les ventes directes de médicaments des laboratoires aux officines, au motif que les grossistes « jouent un véritable rôle de santé publique » et que la vente directe des laboratoires s'effectue au détriment des grossistes.
    En vertu de cette loi, les laboratoires et les grossistes, bien qu'étant placés dans la même situation, ne seraient donc pas soumis au même régime fiscal.
    Or, s'il appartient au législateur de déterminer l'assiette et le taux d'une imposition, il ne peut le faire que dans le respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle (n° 82-152 DC, 14 janvier 1983, Rec. p 13).
    9. 1 ° La taxe instituée contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
    Cette différence de traitement n'est justifiée ni par une différence de situation ni par l'intérêt général.
    10. En effet, les laboratoires et les grossistes sont placés dans une même situation (n° 86-209 DC, 3 juillet 1986, Rec. p 13).
    Il convient de rappeler que, depuis le 1er janvier 1993, la distribution en gros des médicaments est organisée sur la base d'une directive 92/25/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la distribution en gros des médicaments à usage humain.
    La directive subordonne l'exercice de la profession de grossistes en médicaments à la détention d'une autorisation administrative préalable (art 1er,
    2, art 3,
    1, de la directive). Or, en vertu du même texte, les laboratoires pharmaceutiques, fabricants, sont de plein droit titulaires de l'autorisation de distribuer en gros des médicaments (art 3,
    3, de la directive).
    Il en résulte que les laboratoires pharmaceutiques ont, de plein droit, la qualité de grossiste, au sens de la directive.
    En conséquence, les grossistes et les laboratoires fabricants sont placés dans la même situation.
    11. En outre, la directive les soumet aux mêmes obligations de service public.
    Ainsi, au titre des obligations de service public auxquelles sont soumis tant les grossistes que les fabricants et leurs dispositaires qui exercent une activité de distribution en gros, figurent :
    : l'obligation de garantir en permanence un assortiment de médicaments capables de répondre aux exigences d'un territoire géographiquement déterminé ;
    : l'obligation d'assurer la livraison des fournitures demandées dans de très brefs délais sur l'ensemble dudit territoire (art 1er,
    2, de la directive).
    Il ressort donc très clairement des dispositions en cause que les fabricants, d'une part, et les grossistes, d'autre part, sont soumis aux mêmes obligations de service public, puisque les uns et les autres exercent une activité de distribution en gros de médicaments et que, dès lors, tous sont soumis, dans des conditions identiques, aux obligations prévues par la directive.
    12. Dès lors, le critère de différenciation adopté par le législateur, fondé sur le rôle de protection de la santé publique joué par les grossistes et sur les obligations de service public auxquelles ils sont assujettis, est dépourvu de pertinence et est contraire aux textes de base qui organisent la profession.
    Les obligations de service public ne peuvent, en l'espèce, justifier une quelconque différence de traitement entre grossistes et laboratoires, dans la mesure où ces deux catégories d'opérateurs sont soumis aux mêmes obligations.
    Il s'ensuit que le fait d'assujettir les ventes directes effectuées par les laboratoires au versement d'une taxe que les grossistes ne subissent pas revient à ne pas les soumettre à la même charge fiscale, ce qui contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.
    En effet :
    : d'une part, aucune différenciation ne peut être opérée entre les ventes réalisées par l'intermédiaire d'un grossiste et les ventes réalisées directement par les laboratoires, dès lors que ces deux catégories d'opérateurs ont la qualité de grossistes et que, par suite, la différenciation en cause ne repose sur aucun élément objectif ;
    : d'autre part, la différenciation opérée ne peut être justifiée par des considérations d'intérêt général, dès lors que les deux grandes catégories d'opérateurs en cause (à savoir les grossistes et les laboratoires pharmaceutiques) sont soumises aux mêmes obligations de service public.
    De plus, le taux de 2,50 % : qui représente quelque 25 % de la marge : excède la faculté contributive des laboratoires assujettis et est, lui aussi, constitutif d'une violation du principe d'égalité devant les charges publiques.
    III. : Sur les prélèvements sociaux effectués sur les produits
    du patrimoine et les produits du capital
    L'article 9 substitue aux deux prélèvements de 1 % effectués sur les revenus de placements à revenu fixe soumis à prélèvement libératoire un prélèvement de 2 %.
    S'agissant des revenus de capitaux mobiliers imposables par voie de rôle et des plus-values de cession mobilière, le prélèvement de 1 % au profit de la CNAVTS est maintenu et un nouveau prélèvement complémentaire de 1 % destiné à la CNAF, nonobstant le maintien du prélèvement initial de 1 % resté autonome ou intégré au taux de l'impôt, est créé.
    Ainsi, les produits en cause se trouvent soumis à trois points de prélèvements complémentaires.
    13. L'article 6 introduit une discrimination entre les revenus des capitaux mobiliers, sans aucune justification.
    Les parlementaires n'ont pas été informés, tout au long de la discussion du projet de loi, du fait que certains revenus de capitaux mobiliers seraient soumis à trois points de prélèvement et d'autres à deux points.
    Dès lors, les parlementaires n'ont pu prendre conscience de la rupture de l'égalité instituée par l'article 9.
    Ce défaut d'information a empêché le législateur de remplir correctement sa mission.
    14. Cette inégalité de traitement a d'ailleurs été constatée par le Gouvernement lui-même qui, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 actuellement en cours, a proposé de supprimer un point de prélèvement sur les revenus de capitaux mobiliers imposés par voie de rôle, dividendes pour l'essentiel (Débats, Assemblée nationale, 3e séance du 17 novembre 1997, p 6007).
    Toutefois cette réparation n'est que partielle :
    Elle ne concerne pas les plus-values de cession de valeurs mobilières, qui restent frappées d'un prélèvement de trois points, alors que la différence économique et financière entre dividendes et plus-values est des plus ténues ;
    Elle ne concerne pas l'année 1997 au titre de laquelle les dividendes comme les plus-values seront frappés de trois points de prélèvements.
    15. Le Parlement n'a pas été en mesure d'apprécier de manière objective et rationnelle les conséquences de la rupture d'égalité de traitement des revenus de capitaux mobiliers, à laquelle conduit l'article 9 : les produits à risque (actions), supportant un point supplémentaire de prélèvement, par rapport aux produits de taux moins risqués (essentiellement les obligations et les titres de créances).