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Décision n° 96-383 DC du 6 novembre 1996 - Observations du gouvernement

Loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective
Conformité

Observations du Gouvernement en réponse aux saisines du Conseil constitutionnel en date du 10 octobre 1996 et du 16 octobre 1996 par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs :
Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ». Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour mettre en uvre ce principe. Les dispositions du code du travail ont prévu l'existence, non seulement d'accords négociés à un niveau interprofessionnel et à celui d'une branche, mais aussi d'accords collectifs d'entreprise.
Cette dernière possibilité s'est en particulier développée à partir des lois du 11 février 1950 et du 13 juillet 1971. Elle a été consacrée par la loi du 13 novembre 1982 qui a posé, à l'article L 132-18 du code du travail, le principe d'un droit des salariés à la négociation dans l'entreprise.
Mais ce droit ne peut actuellement s'exercer que dans les conditions définies par l'article L 132-2 du même code, lequel ouvre aux seules organisations syndicales représentatives des salariés la possibilité de conclure des accords collectifs. S'agissant des accords d'entreprise, le législateur a ainsi été conduit à subordonner, à l'article L 132-20, leur négociation à l'existence de délégués syndicaux dans l'entreprise concernée.
Le développement de la négociation collective souffre de la faiblesse de la représentation syndicale, notamment dans les petites et moyennes entreprises. Les organisations de salariés rencontrent bien souvent des difficultés à y constituer des sections syndicales.
Ainsi, en 1993, seuls 49,3 p 100 des établissements d'au moins 50 salariés disposaient de délégués syndicaux, et à peine 34,9 p 100 des établissements de 50 à 99 salariés. Ces chiffres sont en diminution constante depuis des années, de même que le nombre global de délégués syndicaux.
La question de la représentation du personnel dans les PME se pose dans les mêmes termes : seuls 37,8 p 100 des établissements de plus de 10 salariés avaient en 1994 des délégués du personnel pouvant tenir lieu de délégué syndical (29,6 p 100 dans la tranche de 11 à 49 salariés et 63,4 p 100 dans la tranche de 50 à 99 salariés, contre 95,5 p 100 pour les entreprises de plus de 1 000 salariés).
Faute de l'une des parties à la négociation, celle-ci ne peut donc s'engager. Le droit ouvert aux salariés par le législateur de 1982, dans le prolongement du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule de 1946, se trouve ainsi, dans bien des cas, privé d'effectivité.
C'est précisément pour rendre ce droit plus effectif que les partenaires sociaux ont conclu, le 31 octobre 1995, un accord national interprofessionnel relatif aux négociations collectives. Cet accord n'entend pas modifier le champ actuellement ouvert par le code du travail à la négociation collective. Il vise essentiellement à relancer le dialogue social en prenant en compte la réalité de la représentation du personnel dans les entreprises. Il exprime une volonté de reconnaissance mutuelle des interlocuteurs patronaux et syndicaux en invitant les branches à lui donner une traduction concrète. Il cherche à combler les vides du dialogue social par des dispositions expérimentales tendant à adapter les règles de la représentation du personnel à la situation des petites et moyennes entreprises et à élargir, selon les conditions qu'il détermine lui-même, le registre des modalités de conclusion des accords collectifs de travail dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.
Si la plupart des énonciations de l'accord n'appelaient aucun prolongement législatif, il est en revanche apparu que la mise en uvre de certaines de ces dispositions nécessitait l'intervention du législateur. Les partenaires sociaux ont en effet souhaité la mise en place, par dérogation aux prescriptions des articles L 132-2, L 132-19 et L 132-20, de modalités expérimentales de conclusion des accords collectifs pour les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, dans des conditions qui devront être précisées par des accords de branche :
: soit à travers le mandatement d'un salarié de l'entreprise par une organisation syndicale représentative dans la branche ;
: soit par la négociation avec les représentants élus du personnel, mais sous réserve de validation par les partenaires sociaux de la branche au sein de commissions paritaires de branche.
Adapter les règles de la représentation du personnel dans les PME et aménager les modalités de la négociation collective dans les mêmes entreprises, sans modifier le champ matériel de celle-ci, tel est l'objet de l'article 6 de la loi relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire ainsi qu'au développement de la négociation collective, adoptée par le Parlement le 10 octobre dernier.
Ce texte fait l'objet de deux recours présentés respectivement par plus de soixante députés et de soixante sénateurs qui invoquent, à l'appui de leurs saisines, quatre types de griefs. Ceux-ci appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I : Sur le champ d'application de l'article 6
Les requérants estiment que le champ d'application des dispositions qu'ils contestent n'a pas été délimité avec suffisamment de précision. Le législateur serait, selon eux, resté en deçà de sa compétence en n'assignant pas de bornes au pouvoir de dérogation ainsi reconnu aux partenaires sociaux et en ne prenant pas parti sur les seuils d'effectifs à l'intérieur desquels les nouvelles dispositions trouveront à s'appliquer.
Cette argumentation ne peut être accueillie.
A : En premier lieu, et contrairement à ce que soutiennent les auteurs des saisines, la loi adoptée n'apporte que des dérogations limitées aux règles qui régissent actuellement la négociation collective.
Les dispositions critiquées n'ont, en effet, pas pour objet d'étendre le champ des matières pouvant donner lieu à des accords d'entreprise. Elles n'affectent en rien la règle énoncée à l'article L 132-24 du code du travail, suivant laquelle les conventions ou accords collectifs ne peuvent en principe contenir des dispositions moins favorables pour les salariés que celles prévues par les lois et règlements. L'article 6 de la loi reste, de la même manière, sans effet sur le champ d'application des dispositions législatives qui, depuis notamment la loi du 13 novembre 1982, permettent aux parties de déroger dans certaines hypothèses aux lois et règlements ainsi qu'aux normes conventionnelles édictées à un niveau professionnel ou interprofessionnel.
La loi déférée se borne à aménager la procédure de négociation, en permettant à la négociation collective de se développer dans les entreprises dépourvues de délégué syndical dans les branches qui auront, au préalable, négocié les conditions de leur mise en uvre.
Elle n'avait pas à prendre parti sur le fond, si ce n'est en spécifiant, comme le fait le deuxième alinéa du II de l'article 6, que les accords de branche devront fixer les thèmes ainsi ouverts à la négociation, ces thèmes ne pouvant être que ceux que le code du travail ouvre actuellement à la négociation d'entreprise.
Il importe en outre d'insister sur le fait que les modalités spécifiques de négociation et de conclusion des accords issues des paragraphes II et III de l'article 6 n'ont vocation à être utilisées que pour autant que les conditions, en droit ou en fait, de la désignation d'un délégué syndical dans l'entreprise ne sont pas réunies. Il ne s'agit donc en aucun cas de substituer un mode de négociation collective à un autre, mais bien de combler les carences récurrentes des modes actuels de représentation syndicale, en complétant le cadre juridique dans lequel s'exerce le droit de la négociation collective.
B : En second lieu, il ne peut être fait grief au législateur de ne pas avoir déterminé lui-même les seuils d'effectifs en deçà desquels s'appliqueront les nouvelles modalités de négociation.
1. De manière générale, il convient de souligner qu'il est de la nature même du droit du travail, placé sous les auspices du « principe de participation » découlant du Préambule de 1946, de conjuguer l'intervention du législateur, à qui incombe la détermination des principes fondamentaux, avec une ample marge d'initiative confiée à l'activité conventionnelle des partenaires sociaux.
Cette particularité trouve notamment un écho dans la décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 (considérant n° 11). Elle s'exprime de longue date dans de nombreux pans du droit du travail. Ce rôle majeur reconnu à l'activité conventionnelle dans la formation des divers régimes juridiques constituant le code du travail contribue à son adaptation à l'évolution des données économiques, technologiques et sociales comme à l'extrême diversité des situations au sein du monde du travail.
Il en résulte que l'étendue des obligations du législateur en matière de détermination des principes fondamentaux doit nécessairement s'apprécier en tenant compte de cette caractéristique propre du droit du travail.
Il n'est, au demeurant, pas sans précédent que l'application d'un dispositif légal puisse dépendre de seuils fixés par voie conventionnelle. Tel est, par exemple, le cas de l'exercice du droit, ouvert depuis 1968 aux syndicats représentatifs, de désigner des délégués syndicaux dans les entreprises qui emploient au moins cinquante salariés. Le droit conventionnel peut fixer des seuils inférieurs, avec toutes les conséquences qui en découlent, notamment quant à l'application de la protection légale aux délégués ainsi désignés. Admise par la jurisprudence (CE Assemblée 31 octobre 1980, ministre du travail c/consortium viticole et vinicole de Bourgogne) cette possibilité a été consacrée par la loi du 28 octobre 1982 qui, s'agissant des délégués syndicaux, a inséré à cette fin un alinéa à l'article L 412-18 du code du travail.
2. En l'espèce, la loi retient un critère d'application résidant dans l'absence, en fait ou en droit, de délégués syndicaux. Elle n'a pas fixé a priori de critère numérique uniforme. La détermination de ces seuils est renvoyée, en vertu du IV de l'article 6, aux accords de branche auxquels le législateur a confié le soin de préciser et de compléter le nouveau dispositif. Les partenaires sociaux pourront ainsi prendre en considération les spécificités, propres à chaque branche, de la présence syndicale dans les entreprises.
Il sera, en particulier, tenu compte de la différence de situation entre les branches quant à la présence de délégués syndicaux ou de délégués du personnel en tenant lieu, quant à la taille moyenne des entreprises et, partant, quant à la nécessité de mettre en uvre les nouvelles modalités de négociation. Au regard de l'objectif poursuivi par les signataires de l'accord du 31 octobre 1995 et par le législateur, cette nécessité ne présente pas la même force dans tous les secteurs : par exemple, dans celui de l'énergie, 70 p 100 des établissements couverts par l'enquête réalisée en 1993 ont au moins un délégué syndical, tandis que dans ceux du commerce ou du bâtiment ce taux n'est que de 35 p 100. Au regard de l'objectif poursuivi par la loi, une telle modulation est plus conforme au principe d'égalité qu'un seuil uniforme.
II. : Sur le respect du huitième alinéa du Préambule
de la Constitution du 27 octobre 1946
Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu'il appartient au législateur de déterminer les conditions et garanties de mise en uvre du principe de la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. Le huitième alinéa du Préambule ne prescrit pas de forme particulière pour cette mise en uvre. Il implique seulement qu'elle fasse l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives (n° 89-257 DC du 25 juillet 1989 ; n° 93-328 DC du 16 décembre 1993).
La jurisprudence réserve ainsi un large pouvoir d'appréciation au législateur. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le Parlement s'est borné, en l'espèce, à faire usage de ce pouvoir, sans méconnaître les exigences issues du huitième alinéa du Préambule et sans introduire aucune « régression » dans le droit du travail.
A : C'est à tort, en premier lieu, qu'il est fait grief à la loi déférée de permettre la conclusion d'accords qui ne seraient pas entourés de garanties suffisantes.
Le législateur a au contraire entendu, ajoutant même aux stipulations de l'accord interprofessionnel, assortir la mise en uvre de ces dispositifs expérimentaux de conditions et de garanties de nature à permettre, aux différents stades de la négociation, un contrôle effectif par les organisations syndicales représentatives, sachant que les conditions de mise en uvre du droit d'opposition organisé par l'article L 132-26 seront difficilement réunies dans ces entreprises.
C'est ainsi qu'a été prévu, au VI de l'article 6, un mécanisme s'apparentant au dispositif en vigueur aujourd'hui pour certaines catégories d'accords et pour certaines hypothèses de révision des conventions et accords. La validité d'un accord de branche conclu en application de l'accord interprofessionnel sera subordonnée à l'absence d'opposition de la majorité des organisations syndicales représentatives de la branche, seules les organisations qui ne l'ont pas signé pouvant faire opposition.
S'agissant des accords d'entreprises eux-mêmes, la procédure définie au III ne nécessitait pas de conditions spécifiques d'entrée en vigueur, dès lors que l'accord est, dans cette hypothèse, conclu au nom de syndicats représentatifs.
On soulignera en outre que, dans le cas où un salarié est mandaté pour négocier, l'organisation syndicale mandante conserve tout au long de la négociation le pouvoir de contrôle de l'accord à conclure et, en particulier, celui de modifier ou de retirer le mandat de négociation qu'elle avait donné.
En revanche, les accords négociés, en application du II, avec les représentants du personnel ne seront applicables que dans la mesure où ils auront été validés par une commission paritaire de branche comprenant toutes les organisations représentatives et déposés auprès de l'autorité administrative, dans les conditions prévues à l'article L 132-10 du code du travail.
Il apparaît donc que le texte de loi déféré ne dessaisit en aucun cas les organisations syndicales de la maîtrise du processus de négociation. Même dans le cadre de ce dispositif expérimental, elles conservent une très large faculté d'intervention dans la mise en uvre des dispositions prévues par la loi.
B : En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel ne pourra pas davantage accueillir l'argumentation tirée de ce que la loi adoptée priverait de garanties légales le « principe de représentativité ».
Ainsi que l'a admis le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, les « délégués » visés par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ne sont pas uniquement les délégués syndicaux mentionnés à l'article L 412-11 du code du travail. La représentation du personnel englobe également les diverses formes de représentation élue, instituées de longue date par le législateur et d'ailleurs très antérieures à l'apparition des délégués syndicaux, qui n'existaient pas en tant que tels en 1946.
Ainsi, l'assertion selon laquelle le principe de participation s'incarnerait dans la seule représentation syndicale, telle qu'organisée par l'article L 412-11, ne trouve pas d'ancrage dans les lois de la République, et ne trouve pas non plus d'écho dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Ce dernier a, au demeurant, considéré dans sa décision n° 94-348 DC du 3 août 1994 que la participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail peut prendre des formes diversifiées, au titre desquelles peut être admis, à côté de la négociation avec des délégués syndicaux, le recueil direct ou indirect de l'assentiment des salariés, par la voie de la consultation de leurs représentants élus ou celle d'un référendum.
Tel n'a pas été le choix effectué en l'espèce.
La coexistence de modes de représentation distincts, par la désignation ou l'élection, qui est ancrée de longue date dans notre législation, concrétise de façon diversifiée le principe posé par le Préambule de la Constitution de 1946.
Elle est au surplus conforme à nos engagements internationaux, contrairement à ce que suggère la saisine qui est, à cet égard, à la fois inopérante au regard d'une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (voir la décision n° 77-83 DC du 20 juillet 1977 à propos justement d'une convention de l'OIT) et mal fondée.
Elle respecte en particulier la convention n° 98 de l'Organisation internationale du travail, relative à l'application des principes du droit d'organisation et de négociation collective, qui prévoit, en son article 4, que « des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation la plus large de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi ».
Il ressort des termes mêmes de cette clause que la convention n'a pas entendu définir, en lieu et place des Etats signataires, les moyens qui doivent être mobilisés pour assurer le développement de la négociation collective. Il n'est pas indifférent de relever que les modalités de représentation en général, et la capacité de négocier des accords collectifs d'entreprise en particulier, prennent des formes très diverses selon les traditions sociales nationales, l'Allemagne ayant par exemple organisé la négociation d'entreprise autour d'une représentation élue et non désignée : le conseil d'entreprise.
C : En troisième lieu, on ne saurait non plus reprocher utilement au texte déféré de méconnaître le « principe de faveur » énoncé à l'article L 132-24 du code du travail.
D'une part, en effet, il ne s'agit pas d'une norme de valeur constitutionnelle, mais d'un principe fondamental du droit du travail, au sens de l'article 34 de la Constitution (n° 89-257 DC du 25 juillet 1989). Il appartient donc au législateur d'en définir, et le cas échéant d'en limiter, la portée.
D'autre part, et en tout état de cause, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'y porter atteinte.
Comme il a été dit plus haut, ces dispositions n'ouvrent aucun domaine de négociation nouveau par rapport aux dispositions du code du travail. On rappellera à cet égard que le législateur, qui détermine les conditions dans lesquelles des thèmes peuvent être ouverts à la négociation, a consacré, à partir de la loi du 13 novembre 1982, un certain nombre de dérogations, essentiellement en matière d'aménagement du temps de travail et de salaires.
Pour chacune des dérogations ouvertes par le législateur, d'abord à la seule branche jusqu'en 1987, le droit positif actuel ouvre aux accords collectifs la faculté de déroger à certaines des dispositions du code du travail. De tels accords, pas davantage que les accords de droit commun, ne peuvent s'écarter des dispositions impératives constitutives de l'ordre public social absolu, visé dans la deuxième phrase de l'article L 132-4 du code du travail.
Mais s'il est exact que les accords intervenant dans le champ de la négociation (matériellement) dérogatoire peuvent comporter des stipulations qui, prises isolément, ne sont pas nécessairement plus favorables à chaque salarié, il n'en résulte pas que leur « bilan » soit défavorable aux intérêts ni de la collectivité de travail, ni de chaque salarié.
Ainsi, les accords passés, visant par exemple à aménager le cadre de l'horaire collectif de travail en contrepartie d'une réduction du temps de travail et d'embauches, peuvent avoir des effets globaux, individuels et collectifs, très positifs, du fait de l'octroi, au niveau de l'entreprise, de contreparties pour les salariés qui n'auraient pu être obtenues au niveau de l'ensemble d'une branche, et en raison de l'effet de tels accords sur la compétitivité et sur l'emploi.
III. : Sur le régime de protection des salariés mandatés
pour une négociation
Le III de l'article 6 prévoit que les salariés expressément mandatés, pour une négociation déterminée, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, bénéficient d'une protection contre le licenciement.
Cette protection pourra revêtir la forme de l'autorisation administrative préalable, le législateur ayant habilité les accords de branche à renvoyer au régime de protection des délégués syndicaux défini à l'article L 412-18 du code du travail.
Il pourra aussi s'agir d'une protection spécifique, de nature conventionnelle, prévue par l'accord de branche.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs des saisines, le choix ainsi ouvert par la loi n'est pas contraire à la Constitution.
Dans sa décision n° 90-284 DC du 16 janvier 1991 relative à l'institution du conseiller du salarié pour la procédure de licenciement, en l'absence d'institutions représentatives du personnel, le Conseil constitutionnel a estimé qu'« il est loisible au législateur d'investir des personnes de fonctions particulières dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs et de doter ces personnes d'un statut destiné a leur permettre un exercice normal de leurs fonctions ; que les règles que le législateur édicte à cette fin peuvent soumettre à certaines limites les droits et libertés des employeurs dès lors qu'il n'est pas porté atteinte à leur substance ».
L'exigence d'une protection de toute institution à caractère représentatif laisse en toute hypothèse au législateur une marge d'appréciation pour en circonscrire l'étendue en tenant compte de la nature particulière de la fonction de représentation en cause et des nécessités de son exercice normal.
En l'espèce, le législateur a posé le principe d'une protection, tout en renvoyant ses modalités aux accords de branche. Mais il a expressément prévu que les négociateurs pourront opter, par accord de branche, pour la protection légale des salariés mandatés, c'est-à-dire pour le recours à l'autorisation administrative de licenciement. Cette habilitation s'impose au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat, de laquelle il ressort que les partenaires sociaux ne peuvent disposer librement de l'autorité administrative, le législateur étant seul compétent pour les autoriser à prévoir l'intervention de l'administration, pour une nouvelle catégorie de représentants (CE, 31 octobre 1980 précité).
Le texte laisse ouverte, à côté du choix de la protection administrative, la possibilité d'opter pour une protection spécifique à définir par l'accord de branche lui-même. S'agissant d'une fonction de représentation d'un type nouveau, présentant un caractère expérimental, ayant vocation à s'exercer à titre transitoire, il n'est pas apparu au Gouvernement et au Parlement qu'il y avait lieu d'imposer aux négociateurs de branche un mode de protection unique, calqué sur celui des délégué syndicaux.
Cependant, au cours des débats parlementaires (Assemblée nationale, JO du 5 juin 1996, page 3841, Sénat, JO du 3 octobre 1996, page 4471), le ministre a clairement indiqué que cette protection conventionnelle devait présenter des garanties équivalentes à la garantie légale. C'est sur la base de ces indications que le dispositif contesté a été adopté. Ce faisant, le législateur n'a pas entendu laisser le contenu de la protection à la discrétion des accords de branche, mais prévoir, dans le cas où l'accord de branche ne renverrait pas à l'article L 412-18, que les salariés mandatés devraient bénéficier d'une protection analogue.
C'est ainsi que le recours à la protection conventionnelle pourra se traduire par la mise en place d'une commission paritaire chargée d'autoriser le licenciement des salariés mandatés, en cours d'exercice de leurs fonctions ou, dans le délai fixé par l'accord de branche, après la fin de leur mandat.
Il y a lieu de relever que l'accord de branche devra également fixer le délai pendant lequel la protection continue à courir après l'expiration du mandat. On rappellera à cet égard que, s'agissant des délégués syndicaux visés par le code du travail, la protection consécutive à l'expiration du mandat représentatif ne concerne que ceux qui ont exercé leur mandat durant au moins un an.
Ainsi, l'intervention du législateur, qui permet aux partenaires sociaux de mobiliser la protection légale des délégués syndicaux pour une nouvelle catégorie de représentants des salariés investis d'une fonction temporaire, tout en réservant la possibilité d'une protection alternative d'origine conventionnelle, améliore notablement la situation des salariés mandatés par une organisation syndicale, qui ne bénéficient actuellement, dans le cadre de l'application de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, d'aucune protection, ni légale, ni conventionnelle (Soc. 25 janvier 1995, Dame Charre contre Comité français contre la faim, pourvoi n° 93-41-103).
On rappellera en outre que les salariés mandatés pourront bénéficier des dispositions protectrices, de portée plus générale, prévues par l'article L 122-45 du code du travail, voire de celles de l'article L 412-2, dans la mesure où l'exercice temporaire de leur mandat de négociation pour le compte d'une organisation syndicale représentative serait assimilé à une « activité syndicale » au sens de ces dispositions.
IV. : Sur le renvoi à des dispositions législatives ultérieures
Selon la saisine des sénateurs, le législateur aurait, en méconnaissance de la Constitution, institué une compétence liée du Parlement en énonçant, au second alinéa du V de l'article 6, qu'« afin de permettre l'examen des dispositions législatives nécessaires à l'entrée en vigueur des clauses dérogatoires des accords de branche mentionnés à l'alinéa précédent », le Parlement sera saisi. Il s'agit ici de l'amélioration de la représentation élue du personnel dans les PME.
Contrairement à ce qui est soutenu, le Parlement ne s'est nullement lié pour l'avenir. Le texte se borne à rappeler que les accords en cause ne pourront emporter, par eux-mêmes, dérogation aux dispositions impératives du code du travail, et que les dérogations qu'ils pourraient prévoir ne pourront entrer en vigueur sans l'intervention du législateur.
En définitive, il apparaît qu'aucun des griefs invoqués à l'encontre du texte déféré n'est de nature à justifier sa censure.
C'est pourquoi le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de bien vouloir rejeter les recours dont il est saisi.